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22/05/2008 | FRANCE | N°2271

France | France, Cour d'appel de Pau, Ct0035, 22 mai 2008, 2271


PB / AM

Numéro 2271 / 08

COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1

ARRET DU 22 mai 2008

Dossier : 07 / 01042

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par un produit ou une prestation de services défectueux

Affaire :

Ousseynou AA...
Fatou Y...épouse AA...

C /

L'OFFICE PUBLIC D'HLM DE PAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 22 mai 2008, les parties en a

yant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

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APRES DÉBAT...

PB / AM

Numéro 2271 / 08

COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1

ARRET DU 22 mai 2008

Dossier : 07 / 01042

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par un produit ou une prestation de services défectueux

Affaire :

Ousseynou AA...
Fatou Y...épouse AA...

C /

L'OFFICE PUBLIC D'HLM DE PAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 22 mai 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 25 Mars 2008, devant :

Monsieur BERTRAND, Président chargé du rapport

Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller

Monsieur FOUASSE, Conseiller

assistés de Madame MARI, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur Ousseynou AA...
né le 04 Juin 1950 à RUFISQUE (Sénégal)
...
64110 GELOS

Madame Fatou Y...épouse Z...
née le 06 Avril 1958 à RUFISQUE (Sénégal)
...
64110 GELOS

représentés par la SCP J. Y. RODON, avoués à la Cour
assistés de Maître DUCRUC NIOX, avocat au barreau de PAU

INTIME :

L'OFFICE PUBLIC D'HLM DE PAU
18 Avenue Fouchet
B. P. 37550
64075 PAU Cédex
agissant poursuites et diligences en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de Maître MALTERRE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision
en date du 10 JANVIER 2007
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

Objet succinct du litige-Prétentions et arguments des parties

Vu l'appel interjeté par Monsieur et Madame Z... le 20 mars 2007 d'un jugement du tribunal de grande instance de Pau du 10 janvier 2007,

Vu les conclusions de Monsieur et Madame Z... du 20 juillet 2007,

Vu les conclusions de l'OFFICE PUBLIC D'HLM de Pau, dit OPHLM, du 16 octobre 2007,

Vu l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2007 pour l'affaire fixée au 4 mars 2008, puis renvoyée sur demandes des parties au 25 mars 2008.

----------------

Monsieur et Madame Z... étaient locataires de l'OPHLM de Pau suivant bail du 1er juin 1992 d'un appartement de type F 5 situé ..., au septième étage.

Leur enfant N'Diémé, alors âgé de huit ans, atteinte de cécité totale et de troubles associés de type psychotique, est décédée le 6 septembre 1995 suite à une chute après avoir enjambé une fenêtre de l'appartement.

Soutenant que l'OPHLM de Pau avait commis une faute en ne tenant pas compte de leurs démarches en vue de l'attribution d'un appartement adapté au handicap de leur fille, Monsieur et Madame Z... l'ont fait assigner par acte du 21 septembre 2005 en réparation de leur préjudice moral ; sur l'incident de prescription de l'action formé par l'OPHLM de Pau devant le juge de la mise en état, ils ont précisé que leur action était fondée sur la responsabilité contractuelle tenant à l'obligation de service public de l'OPHLM de Pau, consistant à attribuer un logement adapté à la situation du locataire, notamment en raison du handicap d'un membre de la famille.

Le premier juge, considérant d'une part que l'obligation de moyens mis à la charge du bailleur social avait été respectée puisque son parc locatif ne lui permettait manifestement pas de répondre aux exigences spécifiques de Monsieur et Madame Z..., d'autre part que l'obligation de répondre prioritairement aux situations de handicap ne saurait exonérer les parents de leur obligation générale de surveillance, les a débouté de leur demande.

Monsieur et Madame Z... demandent, au visa des articles 1147 du code civil, L 441-1 et R 441-1 du code de la construction et de l'habitation, de réformer le jugement et de condamner l'OPHLM de Pau à leur payer la somme de 100. 000 € à titre de dommages et intérêts.

Ils soutiennent que leur enfant a fait l'objet d'un suivi constant par les instances tant médicales qu'administratives, que les documents médicaux ont été portés à la connaissance de l'OPHLM de Pau pour l'instruction du dossier de la demande de relogement, qu'aucune proposition ne leur a été faite alors que deux appartements avaient été libérés en 1993 et 1994, que dès lors le bailleur social n'a pas respecté son obligation de moyens.

Ils contestent le motif par lequel le premier juge a retenu leur obligation générale de surveillance, puisque le danger était manifeste et constant, du fait de la position de l'appartement au septième étage.

L'OPHLM de Pau demande de dire irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel de Monsieur et Madame Z... et de les débouter de leurs demandes.

Il soutient que Monsieur et Madame AA..., qui avaient accepté le logement situé au septième étage sans signaler un problème à ce titre, ne peuvent invoquer les prescriptions des articles L 441-1 et R 441-1 du code de la construction et de l'habitation qui concernent manifestement l'attribution initiale du logement, qu'au surplus les personnes visées à l'article R 441-4 sont manifestement les preneurs à bail, et non leurs enfants mineurs.

Il précise que sur leur dossier de demande de mutation déposé le 13 juillet 1993 Monsieur et Madame AA... avaient souhaité un logement de type F 6 situé au 2ème étage de la résidence Barincou, qu'aucun logement de ce type n'a été libéré dans cette résidence et ce quartier, qu'il n'a donc pas violé ses obligations contractuelles de moyen et ne peut être tenu responsable de la chute de l'enfant.

Sur ce

L'OPHLM de Pau invoque l'irrecevabilité de l'appel, sans préciser sur quel fondement ou sur quel moyen ; l'appel, formé dans les délais et conditions légales, est parfaitement recevable en la forme.

Sur l'obligation de moyens du bailleur social

Monsieur et Madame AA... fondent leur demande sur l'obligation de moyens du bailleur social d'adapter l'attribution d'un logement aux demandes dont il est saisi par les locataires, au visa de l'article 1147 du code civil et des articles L 441-1 et R441-1 et suivants du CCH.

L'OPHLM de Pau, qui avait opposé pour l'essentiel devant le premier juge qu'il avait rempli son obligation de moyens compte tenu du parc disponible et des exigences spécifiques de Monsieur et Madame Z..., soutient en cause d'appel que les prescriptions du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables, dès lors qu'elles ne concernent que l'attribution initiale d'un logement, et non les demandes de mutation, que les personnes visées à l'article R 441-4 sont les preneurs à bail, et non leurs enfants.

Ces prescriptions, qui résultent des missions dévolues aux organismes d'habitation à loyer modéré par l'Etat, sont applicables tant aux demandes d'attribution de logements qu'aux demandes de mutation, aucune disposition spécifique n'étant prévue pour les demandes de mutation qui doivent donc être comprises et examinées comme les demandes d'attributions, selon les mêmes critères généraux de priorité, notamment au profit des personnes mal logées ou défavorisées (article L 441-1 du CCH), sauf à ce que les priorités et les délais dans la prise en considération de la demande soient appréciés en fonction de chaque situation particulière.

Si les articles R 441-1 et suivants du CCH visent des personnes comme bénéficiaires des logements et notamment l'attribution en priorité aux personnes ayant des difficultés spécifiques de logement, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes handicapées (R 441-4), ces critères ne sont pas réservés ou affectés aux preneurs à bail, mais à l'ensemble des personnes composant le foyer, le ménage ou la famille, toutes appellations qui sont utilisées à plusieurs reprises dans les textes applicables.

Par conséquent l'OPHLM de Pau n'est pas fondé à s'opposer à l'application en son principe de son obligation de moyens.

Sur l'obligation de moyens du bailleur social en l'espèce

Il est constant que Monsieur et Madame Z... avaient formulé le 13 juillet 1993 une demande de logement plus adapté au handicap de leur enfant, ce que reconnaît l'OPHLM de Pau dans ses écritures.

Cette demande de mutation, formée un an après l'attribution initiale d'un logement de type F5 situé Boulevard de la Paix, résidence Barincou, 7ème étage, était formulée selon les critères suivants :

- type de logement F6- étage maximum 2ème,

- quartier Barincou, éventuellement Lyautey, les Chênes.

La demande était motivée à partir de la situation de handicap de l'enfant N'Diémé, sur la base d'un certificat médical du docteur C..., médecin-chef de l'intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile de Pau et responsable de l'IME les Clématites, où l'enfant était accueillie, qui certifie le 22 mars 1995 que :
l'enfant AA... E...présente un état d'insuffisance intellectuelle moyenne, des troubles de la communication et une cécité complète...,
La famille est très présente et s'occupe très bien de cet enfant,
Il est cependant nécessaire qu'elle puisse disposer d'un logement suffisamment spacieux et situé en rez-de-chaussée afin de mieux répondre aux besoins de l'enfant.

Contrairement au constat du premier juge qui indiquait ignorer si ce certificat avait été porté au dossier d'instruction, il résulte des deux attestations de Madame F..., assistante sociale, que celle-ci avait porté le certificat médical en mars 1995 à l'administration de l'OPHLM de Pau, que bien plus elle précise avoir fait les démarches nécessaires afin que la famille Z... obtienne un appartement en rez-de-chaussée en relation avec le handicap de leur fille N'Diémé ; par conséquent l'OPHLM de Pau était parfaitement et exactement informé des motifs de la demande de mutation de logement de Monsieur et Madame Z....

Contrairement à l'appréciation du premier juge et à l'argumentation opposée par l'OPHLM de Pau, la demande de Monsieur et Madame Z... n'était pas expressément formulée ou conditionnée sur un appartement situé en rez-de-chaussée, dans la même résidence ou le même quartier, puisqu'ils acceptaient un appartement jusqu'au 2ème étage, situé éventuellement dans deux autres quartiers de la ville de Pau ; leur demande était clairement de pouvoir disposer d'un appartement situé à un étage inférieur et au maximum au 2ème étage, compte tenu du handicap de leur enfant.

Il résulte du listing produit par l'OPHLM de Pau que, contrairement à ce qui est soutenu, deux appartements correspondant à ces critères se sont libérés dans la période de juillet 1993 à septembre 1995, un type 5 situé résidence Barincou au premier étage en février 1995, et un type 6 situé résidence les Chênes en juillet 1994.

L'OPHLM de Pau, qui n'a pas proposé à Monsieur et Madame Z... l'attribution de l'un ou de l'autre de ces logements, n'explique pas sur quels critères ces attributions ont été effectuées au bénéfice d'autres personnes, et ne démontre pas, en tout état de cause, avoir examiné leur demande de mutation avec l'attention que requérait leur situation particulière, au regard de l'handicap de leur enfant, sauf l'enregistrement purement administratif de cette demande.

Par conséquent l'OPHLM de Pau n'a pas respecté son obligation de moyens consistant en l'examen attentif de cette demande de mutation, au regard des critères et priorités qui lui sont imposés par les prescriptions légales précitées, alors qu'il pouvait y répondre par des solutions appropriées.

Sur la relation avec le préjudice subi et la réparation

Le premier juge a considéré qu'en tout état de cause, l'obligation de répondre prioritairement aux situations de handicap ne saurait exonérer les parents de leur obligation générale de surveillance de leurs enfants, que le drame aurait pu être évité indépendamment de la situation de l'appartement.

Les circonstances de l'accident sont uniquement rapportées dans une correspondance du Centre hospitalier de Pau du 7 septembre 1995 : Madame Z..., alors qu'elle faisait la cuisine, a ouvert la fenêtre pour dégager la fumée d'un plat qui brûlait, c'est dans ces conditions que l'enfant a enjambé cette fenêtre et a fait une chute du 8ème étage.

Si la chute de l'enfant, dont il faut nécessairement se rappeler quant à l'obligation de surveillance des parents du handicap, atteinte de cécité totale et de troubles associés de nature psychotique, provient de ce que la fenêtre était ouverte, les conséquences dommageables de cette chute, à savoir son décès, ne sont pas imputables exclusivement à cette circonstance, mais aussi à la hauteur de la chute du 7ème étage.

Il en résulte une perte de chance pour les parents de survie de leur enfant, l'OPHLM de Pau ayant manqué à son obligation de moyens consistant en l'examen attentif de leur demande d'attribution d'un nouveau logement situé à un étage inférieur ou égal à deux étages, comme cela était parfaitement justifié au regard du handicap de l'enfant, et alors que le bailleur social disposait manifestement de solutions adaptées à cette situation.

Par conséquent l'OPHLM de Pau sera tenu de réparer ce préjudice moral ; compte tenu des bases d'évaluation communément admises pour l'indemnisation des parents de la perte de leur enfant, de l'ancienneté de ce préjudice, la douleur devant s'atténuer au fil des années, la Cour allouera la somme de 7. 500 € en réparation du préjudice moral de Monsieur et Madame Z....

Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris, d'allouer en outre la somme de 1. 500 € à Monsieur et Madame Z... par application de l'article 700 du code de procédure civile.

------------------

Par ces motifs

La Cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Dit l'appel recevable en la forme,

- Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Pau du 10 janvier 2007,

- Dit et juge que l'OFFICE PUBLIC D'HLM de Pau a manqué à son obligation de moyens,

- Le condamne à payer à Monsieur et Madame Z... la somme de 7. 500 € à titre de réparation de leur préjudice moral, consistant en la perte d'une chance de survie de leur enfant,

- Le condamne à leur payer la somme de 1. 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, autorise la distraction au profit de la SCP RODON, avoué, conformément à l'article 699 du même code.

Signé par Monsieur Philippe BERTRAND, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 2271
Date de la décision : 22/05/2008

Références :

ARRET du 30 septembre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 septembre 2009, 08-18.820, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pau, 10 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2008-05-22;2271 ?
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