JF/AM
Numéro 2149/08
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 19 mai 2008
Dossier : 07/03767
Nature affaire :
Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat
Affaire :
S.A.S. GRENADE DISTRIBUTION
C/
S.A.S. PRODIM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 mai 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Mars 2008, devant :
Monsieur LARQUE, Président
Monsieur FOUASSE, Conseiller chargé du rapport
Monsieur DARRACQ, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 21 décembre 2007
assistés de Madame MARI, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. GRENADE DISTRIBUTION
Route de Mont de Marsan
40270 GRENADE SUR L ADOUR
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Maître PARLEANI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. PRODIM
Zone Industrielle
Route de Paris
14120 MONDEVILLE
représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Maître LEBOND, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 13 NOVEMBRE 2007
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONT DE MARSAN
FAITS et PROCEDURE :
Un contrat de franchise a été conclu le 9 février 1996 entre la SNC PRODIM et la SA GRENADE DISTRIBUTION, contrat contenant un pacte de préférence en cas de mutation du fonds ou dans le capital de la société exploitant le fonds.
Suite à la dénonciation du contrat le 31 mars 2005 par la SAS GRENADE DISTRIBUTION, la société PRODIM a demandé la communication des documents permettant l'application du pacte de préférence. La Cour d'appel de PAU par arrêt du 26 avril 2007 a ordonné à la SAS GRENADE DISTRIBUTION la production sous astreinte d'un certain nombre de documents.
Par jugement du 13 novembre 2007, le Juge de l'exécution de MONT de MARSAN, en référence à cet arrêt, a fait droit aux demandes de la Société PRODIM et condamné la SAS GRENADE DISTRIBUTION au paiement d'une somme de 105 000 euros à titre de liquidation de l'astreinte pour la période du 3 juillet au 11 septembre 2007 et fixé une nouvelle astreinte de 3 000 euros par jour de retard pour la production des pièces ordonnées par l'arrêt de la Cour d'appel de PAU du 26 avril 2007 au plus tard huit jours suivant la signification du présent jugement, et condamné la SAS GRENADE DISTRIBUTION au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par déclaration déposée au greffe le 19 novembre 2007 la SAS GRENADE DISTRIBUTION a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La SAS GRENADE DISTRIBUTION expose dans ses dernières conclusions du 17 mars 2008, que la communication de pièces qu'elle a effectuée le 28 juin 2007 est satisfactoire au regard d'une cession intervenue après l'expiration du contrat de franchise, la non communication d'un acte qui n'a pas d'importance pour la solution du litige qui doit servir de finalité à la communication des pièces requises ne pouvant justifier une liquidation d'astreinte.
La SAS GRENADE DISTRIBUTION fait également valoir qu'elle ne peut répondre que de son fait personnel et ne peut donc être tenue de produire des documents détenus par des tiers.
La SAS GRENADE DISTRIBUTION demande à la Cour de :
Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Dire n'y avoir lieu à liquidation d'astreinte et au prononcé d'une astreinte majorée,
Ordonner à la SAS PRODIM de restituer à la SAS GRENADE DISTRIBUTION la somme de 106.424 € payée le 12 décembre 2007 en exécution du jugement dont appel,
Dire que les intérêts de droit sur cette somme courront à compter de l'arrêt à intervenir,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS PRODIM de sa demande de dommages et intérêts,
Condamner la SAS PRODIM au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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La société PRODIM, dans ses dernières conclusions déposées le 17 mars 2008, s'oppose à ces demandes et soutient que la seule question posée à la Cour est celle de savoir si les actes dont la production a été ordonnée ont été ou non communiqués à la date où le juge de l'exécution a statué pour la première fois, soit le 13 novembre 2007: or à cette date, seul la copie du Registre des mouvements de Titres, et un acte dénommé "Convention de cession de titres" formalisant la cession ont été communiqués ce qui ne répond pas à l'injonction de la Cour et justifie la confirmation du jugement entrepris.
Enfin la société PRODIM sollicite la communication sous astreinte de nouveaux documents à savoir les conventions de garantie et les documents sociaux.
La société PRODIM demande à la Cour de :
Confirmer partiellement la décision déférée en ce qu'elle a condamnée la société GRENADE DISTRIBUTION à payer à la société PRODIM la somme de 105.000 € à titre de liquidation d'astreinte provisoire et ordonner la production des pièces visées par l'arrêt de la Cour d'appel de PAU du 26 avril 2007 sous astreinte de 3.000 € par jour de retard.
Confirmer également la condamnation de la société GRENADE DISTRIBUTION aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de communication supplémentaire (bien que le débouté sur cette demande ne figure pas dans le dispositif de la décision).
L'affaire a été fixée à l'audience du 17 mars 2008 pour y être plaidée, avec clôture de l'instruction ce même jour.
Vu les conclusions déposées à la clôture.
MOTIFS de la DECISION :
Il convient d'abord de rappeler l'historique des relations entre les parties :
La S.N.C. PRODIM GRAND SUD, franchiseur et la SA GRENADE DISTRIBUTION franchisé, ont signé le 9 février 1996 un contrat de franchise SHOPI pour sept années pleines et entières avec ensuite renouvellement par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties six mois avant, mais par avenant du même jour les parties convenaient de ramener la durée du contrat à cinq années pleines et entières.
Le contrat contenait un "pacte de préférence" en cas de vente ou mise en location-gérance du fonds de commerce, de cession des actions ou parts détenues dans la société exploitant le fonds, d'apport partiel d'actif, d'augmentation de capital et plus généralement de toute opération mettant en cause le caractère personnel du contrat.
Le 31 mars 2005 la S.A.S. GRENADE DISTRIBUTION dénonçait le contrat à effet au 8 février 2006 et renouvelait sa démarche auprès de la société PRODIM le 13 mai.
Les parties s'opposaient sur la nature et la durée du contrat : à durée indéterminée pour la SAS GRENADE DISTRIBUTION ; arrivant à terme en février 2007 pour la société PRODIM, devenue la S.A.S. PRODIM.
Le 2 décembre 2005 la S.A.S. PRODIM demandait la communication des documents permettant l'application du pacte de préférence et le 9 février 2006 elle faisait constater par huissier que le magasin était fermé pour travaux et que les enseignes SHOPI étaient démontées ou en cours de démontage.
Par ordonnance de référé du 15 juin 2006 le Président du Tribunal de commerce de MONT DE MARSAN, au visa de l'article 145 du nouveau code de procédure civile décidait que la demande de la S.A.S. PRODIM n'aura d'intérêt que si son action sur la résiliation du contrat de franchise est couronnée de succès, de sorte que la communication de pièces est prématurée et injustifiée en l'état.
Suite à l'appel de cette ordonnance par la SAS PRODIM, la Cour d'appel de PAU, par arrêt du 26 avril 2007 a infirmé pour partie cette ordonnance et déclarée l'action intentée par la SAS PRODIM recevable à l'égard de la SAS GRENADE DISTRIBUTION, et ordonné la production par cette dernière dans les 20 jours de la signification de l'arrêt et, passé ce délai sous astreinte provisoire de 1 500 euros par jour de retard, des documents suivants :
- l'acte de cession du fonds ou des actions ainsi que de tout pacte d'actionnaires,
- toute offre communiquée à ou par la S.A.S. GRENADE DISTRIBUTION ou ses actionnaires dans le cadre du projet de cession,
- tous échanges de correspondance et tous documents intervenus dans le cadre des négociations relatives à la vente,
- de façon générale toutes les informations prévues par les dispositions de l'article 4-2 du contrat de franchise destinées à permettre au franchiseur d'exercer son pacte de préférence et notamment l'état civil et la qualité des cessionnaires, le prix et le délai de paiement,
et donné acte à la S.A.S. GRENADE DISTRIBUTION de ce qu'il n'existe pas de projet de cession.
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La question posée est donc celle de savoir si au 13 novembre 2007, la société GRENADE DISTRIBUTION a respecté l'injonction formulée par la Cour dans son arrêt du 26 avril 2007 et si elle a communiqué les documents visés.
Pour cela, il convient d'abord de rappeler les dispositions prévues à l'article 4 du contrat de franchise :
" ARTICLE 4 - MUTATION DE PROPRIÉTÉ OU DE JOUISSANCE
Le franchisé reconnaît au franchiseur ou à tout autre personne physique ou morale qu'il lui plaira de se substituer, un droit de préférence à prix et conditions égales dans les cas suivants :
- vente ou mise en location-gérance du fonds de commerce objet des présentes,
- cession des actions ou parts détenues dans la société exploitant ledit fonds,
- apport partiel d'actif,
- augmentation de capital,
- et plus généralement toute opération mettant en cause le caractère personnel du présent contrat.
Le franchisé devra alors informer le franchiseur par lettre recommandée avec accusé de réception du projet de la vente du fonds ou de parts sociales ou de la mise en location gérance ou d'apport partiel d'actif ou tout autre changement de nature à remettre en cause le caractère personnel du présent contrat.
"Cette notification devra comporter l'état civil et la qualité du successeur, les conditions dans lesquelles cette vente, la mise en location, la cession des actions ou parts, l'apport partiel d'actif ou l'augmentation du capital, doit intervenir (prix, délai de paiement et généralement tout acte matérialisant le projet du client)".
La SAS GRENADE DISTRIBUTION ne conteste pas n'avoir communiqué au 13 novembre 2007 qu'une convention de cession de titres et le registre des mouvements de titres de la société, et que les autres documents demandés par la Cour d'appel de Pau n'ont fait l'objet d'aucune production : pour justifier cette absence de communication de pièces, la SAS GRENADE DISTRIBUTION soutient en premier lieu qu'elle ne serait pas en leur possession : cependant elle dispose de la possibilité de faire ordonner la communication de ces pièces, quand bien même elles seraient détenues par des tiers mais ne justifie pas avoir engagé une procédure en ce sens et ne peut donc se retrancher derrière cette prétendue impossibilité pour refuser de les produire.
En second lieu, la SAS GRENADE DISTRIBUTION prétend qu'aucun projet de cession n'a été établi avec la Société SODILANDES.
Cependant il convient de rappeler que cette cession a été convenue pour un prix très important, dont le montant est de 2 millions d'euros selon le demandeur, ou de 1,4 million selon le défendeur et qu'il est donc, comme souligné par l'arrêt de la Cour, hautement invraisemblable d'imaginer qu'aucun acte n'aurait été établi ni aucun écrit dans le cadre de pourparlers.
La vraisemblance de la violation du contrat est encore renforcée par le fait de la dépose de l'enseigne dès le lendemain du terme mis au contrat par la SAS GRENADE DISTRIBUTION et il n'est pas vraisemblable que la dépose de l'enseigne ait été faite sans être précédée de pourparlers d'une certaine durée.
La SAS PRODIM est donc bien fondée à obtenir communication, à défaut du projet, outre de l'acte de cession du fonds ou des actions et de tous les pactes d'actionnaires, de toute offre communiquée à ou par la société ou ses actionnaires, de tous échanges de correspondance et de tous documents intervenus dans le cadre des négociations sur l'état civil et la qualité des cessionnaires, le prix et le délai de paiement.
La SAS GRENADE DISTRIBUTION ne justifie d'aucune cause étrangère (force majeure, fait d'un tiers, faute du demandeur) l'ayant empêchée d'exécuter la décision.
L'arrêt a été signifié le 12 juin 2007 à la personne de son Directeur et le délai imparti pour la production de ces pièces a donc expiré vingt jours plus tard. soit le 2 juillet 2007 ; il convient en conséquence de liquider l'astreinte provisoire pour la période du 3 juillet au 11 septembre 2007, soit sur 70 jours sur la base fixée par la Cour.
La SAS GRENADE DISTRIBUTION sera donc condamnée à payer à la SAS PRODIM la somme de 70 x 1 500 €, soit 105 000 €, en confirmation du jugement entrepris.
La décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a fixé, compte tenu de la mauvaise volonté évidente dont fait preuve la SAS GRENADE DISTRIBUTION pour exécuter l'arrêt du 26 avril 2007, une nouvelle astreinte provisoire de 3.000 € par jour de retard.
La SAS PRODIM ne justifie pas d'un préjudice particulier pouvant justifier sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de communication supplémentaire :
L'argumentation développée par la société PRODIM est un peu contradictoire puisque qu'elle sollicite la condamnation de la société GRENADE DISTRIBUTION à produire des pièces complémentaires, tout en indiquant que ces documents (contrats de garantie et documents sociaux) sont inclus dans la décision de la Cour d'appel qui a mentionné :
" - tous échanges de correspondance et tous documents intervenus dans le cadre des négociations relatives à la vente".
En tout état de cause, le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée mais il n'a pas à ajouter à la décision servant de fondement à la procédure d'exécution ; la demande sera donc rejetée.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour la défense de ses droits dans le cadre de la présente instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Déclare la société GRENADE DISTRIBUTION mal fondée en son appel,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société GRENADE DISTRIBUTION au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société GRENADE DISTRIBUTION aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, à recouvrer ceux d'appel en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Signé par Monsieur Jean-Michel LARQUE, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT