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17/04/2008 | FRANCE | N°07/00700

France | France, Cour d'appel de Pau, 17 avril 2008, 07/00700


KM


N


DOSSIER N 07 / 00700
ARRÊT DU 17 avril 2008








COUR D'APPEL DE PAU


CHAMBRE CORRECTIONNELLE




Arrêt prononcé publiquement le 17 avril 2008, par Monsieur le Président SAINT-MACARY,


assisté de Monsieur LASBIATES, greffier,
en présence du Ministère Public,


Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE MONT DE MARSAN du 03 AVRIL 2007.






PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :





XX... Isabelle épouse Y...

née le 1

3 Avril 1956 à TUNIS (TUNISIE)
Fille de XX...
Z...et de A...Louisette
De nationalité française, mariée
Exploitant agricole
Demeurant ...ET LAHARIE


Prévenue, comparante, libre
non appelan...

KM

N

DOSSIER N 07 / 00700
ARRÊT DU 17 avril 2008

COUR D'APPEL DE PAU

CHAMBRE CORRECTIONNELLE

Arrêt prononcé publiquement le 17 avril 2008, par Monsieur le Président SAINT-MACARY,

assisté de Monsieur LASBIATES, greffier,
en présence du Ministère Public,

Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE MONT DE MARSAN du 03 AVRIL 2007.

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

XX... Isabelle épouse Y...

née le 13 Avril 1956 à TUNIS (TUNISIE)
Fille de XX...
Z...et de A...Louisette
De nationalité française, mariée
Exploitant agricole
Demeurant ...ET LAHARIE

Prévenue, comparante, libre
non appelante

Assistée de Maître DE BRISIS Martine, avocat au barreau de MONT DE MARSAN.

XX...
B...

né le 18 Novembre 1957 à ZAGHOUAN (TUNISIE)
Fils de XX...
Z...et de A...Louisette
De nationalité française, marié
Exploitant agricole
Demeurant Route de Lestjaou-40110 ONESSE ET LAHARIE

Prévenu, comparant, libre
non appelant,

Assisté de Maître DE BRISIS Martine, avocat au barreau de MONT DE MARSAN.

LE MINISTÈRE PUBLIC :
appelant,

C...Grzegorz D...

ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelant,
non comparant,

Représenté par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

C...Henryk
ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelant,
non comparant,

Représenté par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

C...Iwona Krystyna
ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelante,
non comparante,

Représentée par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

C...Klaudia Maria
ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Représentée par sa mère Anna Malgorzata E...

Partie civile, appelante,
non comparante,

Représentée par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

E...Anna Malgorzata
ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelante,
non comparante,

Représentée par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

C...Karol F...

ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelant, non comparant,

Représenté par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

G...Janina
ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelante, non comparante,

Représentée par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

G...Stanislawa
ayant élu domicile au cabinet de Maître LIS, ...EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Partie civile, appelante, non comparante,

Représentée par Maître LIS Wladyslaw, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

Vu l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PAU en date du 21 décembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur SAINT-MACARY,

Conseillers : Monsieur GRANGER,
Monsieur DE H....

La Greffière, lors des débats : Madame I...

MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Monsieur J..., Substitut Général

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Le TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE MONT DE MARSAN a été saisi par deux convocations par officier de police judiciaire en vertu de l'article 390-1 du Code de Procédure Pénale.

Il est fait grief à XX... Isabelle épouse Y...

-d'avoir à ONESSE ET LAHARIE, dans la nuit du 28 au 29 mai 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en hébergeant leurs employés saisonniers dans des caravanes dotées de systèmes de raccordement électriques non conformes aux normes de sécurité, involontairement causé la mort de Mariusz C...;

Faits prévus par l'article 221-6 al. 1 du Code Pénal et réprimés par les articles 221-6 al. 1, 221-8, 221-10 du Code Pénal.

- d'avoir à ONESSE ET LAHARIE, dans la nuit du 28 au 29 mai 2004, modifié l'état des lieux d'un délit en effaçant des traces et indices et en déplaçant ou supprimant des objets quelconques en l'espèce des prises, rallonges et équipements électriques ;

Faits prévus par l'article 434-4 al. 1 1o du Code Pénal et réprimés par les articles 434-4 al. 1, 434-44 al. 1 du Code Pénal.

Il est fait grief à XX...
B...:

- d'avoir à ONESSE ET LAHARIE, dans la nuit du 28 au 29 mai 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en hébergeant leurs employés saisonniers dans des caravanes dotées de systèmes de raccordement électriques non conformes aux normes de sécurité, involontairement causé la mort de Mariusz C...;

Faits prévus par l'article 221-6 al. 1 du Code Pénal et réprimés par les articles 221-6 al. 1, 221-8, 221-10 du Code Pénal.

LE JUGEMENT :

Le TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE MONT-DE-MARSAN par jugement contradictoire, en date du 03 AVRIL 2007,

- a renvoyé Madame XX... épouse Y...et Monsieur
K...
des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des dispositions de l'article 470 du Code de Procédure Pénale.

Et sur l'action civile :

- a reçu C...Grzegorz D..., C...Henryk, C...Iwona Krystyna, E...Anna Malgorzata, E...Anna Malgorzata représentant sa fille Mademoiselle Klaudia Maria C..., C...
F...Karol, G...Janina, G...Stanislawa en leurs constitutions de partie civile ;

- a constaté que les parties civiles n'ont pas demandé l'application de l'article 470-1 du Code de Procédure Pénale ;

- a débouté les parties civiles de leurs demandes du fait de la relaxe intervenue ;

- a déclaré n'y avoir lieu à faire droit à la demande des parties civiles faites au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 06 Avril 2007 contre Madame XX... Isabelle, Monsieur XX...
B...;

Maître L...loco Maître LIS, au nom des consorts C...Anna M..., le 11 avril 2007, son appel étant limité aux dispositions civiles.

XX... Isabelle épouse Y..., prévenue, a été assignée à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 1er octobre 2007 à Mairie (AR signé le 4 octobre 2007), d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

XX...
B..., prévenu, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 10 septembre 2007 à sa personne, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

C...Grzegorz, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

C...Henryk, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

C...Iwona Krystyna, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

C...Klaudia Maria, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

E...Anna Malgorzata, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

KAROL F..., partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

G...Janina, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

G...Stanislawa, partie civile, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 14 septembre 2007 au domicile élu de Maître N..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

O...Jean-Claude, expert, a été convoqué à la requête de Monsieur le Procureur Général, par courrier recommandé en date du 4 septembre 2007 (AR signé le 11 septembre 2007), d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

P...Jean, expert, a été convoqué à la requête de Monsieur le Procureur Général, par courrier recommandé en date du 4 septembre 2007 (AR signé le 10 septembre 2007), d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 31 Janvier 2008 ;

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 31 Janvier 2008, Monsieur le Président a constaté l'identité des prévenus.

Ont été entendus :

Monsieur le Président SAINT-MACARY en son rapport ;

XX... Isabelle épouse Y...en ses interrogatoire et moyens de défense ;

XX...
B...en ses interrogatoire et moyens de défense ;

P...Jean, Expert, a été entendu après avoir prêté serment " d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience " ;

O...Jean Claude, Expert, a été entendu après avoir prêté serment " d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience " ;

Maître LIS, avocat des parties civiles, en sa plaidoirie et qui dépose son dossier et ses conclusions lesquelles ont été visées par le Président et le Greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d'audience et jointes au dossier ;

Monsieur J..., Substitut Général, en ses réquisitions ;

Maître DE BRISIS, avocat des prévenus en sa plaidoirie et qui dépose son dossier et ses conclusions lesquelles ont été visées par le Président et le Greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d'audience et jointes au dossier ;

XX... Isabelle épouse Y...et XX...
B...ont eu la parole en dernier.

Puis la Cour a mis l'affaire en délibéré et le Président a déclaré que l'arrêt serait prononcé le 10 avril 2008.

Advenu ce jour, le 10 avril 2008, le délibéré a été prorogé au 17 avril 2008.

DÉCISION :

FAITS ET PROCEDURE :

Le 29 mai 2004, vers quatre heures du matin, les gendarmes de MORCENX (40), sont appelés sur les lieux d'un incendie de caravanes au lieu-dit la ferme de Bonan, commune de ONESSE et LAHARIE : à leur arrivée, malgré le secours des pompiers et l'intervention du personnel de l'exploitation, ils ne peuvent que constater l'incendie de la caravane où dormait un employé polonais, Mariusz C..., qui a péri dans l'incendie.

Mariusz C...qui venait de terminer son dernier jour de travail la veille, avait retiré son salaire à la banque, avant de se rendre en compagnie de collègues de travail, à la fête annuelle du village voisin.

Il revenait dans la nuit pour regagner sa caravane, se couchait, lorsque peu après trois heures, un de ses camarades, alerté par des crépitements, constatant l'embrasement de la caravane, donnait l'alerte et tentait vainement d'éteindre l'incendie.

Les gendarmes constatent que les caravanes, dont celle qui a brûlé, ne sont pas alimentées en électricité.

L'audition des responsables de l'exploitation agricole, et du personnel, en grande partie d'origine polonaise comme la victime, fait apparaître, que les employés étaient logés pour la plupart en caravane, soit au siège de l'entreprise, soit au camping municipal, logement qui était assuré par l'employeur, le GAEC du Bonan, géré par Mme Isabelle Y...et son frère Philippe
K...
.

La cause de l'incendie n'apparaissait pas immédiatement, toutefois, Mme Y...avait fait retirer les câbles électriques, qui assuraient l'alimentation des caravanes, deux enrouleurs successifs, raccordés à une prise sur un tableau électrique situé dans un local d'habitation d'autres saisonniers, lui-même raccordé à un tableau divisionnaire une dizaine de mètres plus loin.

Par ailleurs, les employés logés dans ces caravanes, disposaient d'un petit appareil de chauffage, la victime s'étant par ailleurs faite prêter quelques temps auparavant, un ventilateur chauffage qui se trouvait à l'intérieur.

Dès après l'incendie, les enquêteurs requéraient un expert, M. LARRIGALOT, qui procédait à des premières constatations et photographies de la caravane et les matières incendiées.

Il relève, comme élément du sinistre :

« la caravane est alimentée en 12 volts pour l'éclairage et le système d'alimentation d'eau. Cependant il y a la possibilité d'utiliser le courant de 120-250 volts pour le chauffage à condition que la section du câble soit suffisante. Une section de 2, 5 mm ² est recommandée, ici la section est de 1, 5 mm ².

- le radiateur soufflant d'une puissance maxi de 2000 W était branché sous tension.

- l'employé s'est couché tardivement vers deux heures du matin, le chauffage fonctionnait sans risque.

- vers trois heures, l'incendie s'est déclaré, hélas généralisé.

- la victime a-t-elle déposé ses vêtements sur ou près du chauffage ? Hypothèse que nous ne rejetons point. »

Et envisage les causes de suivantes :

« cause volontaire : compte tenu des circonstances dans lesquelles le sinistre s'est déroulé, nous écartons cette hypothèse.

- causes accidentelle : c'est la cause que nous retiendrons par imprudence. Des vêtements ou literie ayant été placés trop près ou sur l'appareil de chauffage électrique. L'origine est d'ordre électrique (résistances chauffantes). »

Il conclut :

« suite à l'incendie ayant entraîné le décès de M. Mariusz C...nous avons :

- recueilli des renseignements techniques,
- visité les lieux sinistrés,
- procédé à des travaux de fouilles, de recherches et de prélèvements.

Nous pouvons établir que l'origine des désordres survenus sont d'origine accidentelle, imprudence : appareil de chauffage sous tension placé trop près d'une matière combustible. »

Ce rapport est déposé le 16 août 2004.

L'autopsie conclut que la personne est décédée par intoxication oxycarbonée aiguë, et que le décès est en rapport avec l'inhalation en milieu enfumé d'air surchauffé.
L'analyse toxicologique constate l'absence de produits stupéfiants, mais révèle un taux d'alcoolémie de 2, 53 g par litre d'alcool dans le sang.

De fait, il s'avère que dans la soirée et les heures précédant l'incendie, la victime et ses camarades s'étaient livrés à de fortes libations.

L'installation électrique sur l'exploitation agricole, et ses dépendances, avait été faite et surveillée par un artisan de métier. Elle remonte à 1985.

Les inspecteurs du travail de l'emploi en agriculture, étaient venus contrôler les conditions de travail et l'hébergement des travailleurs saisonniers le 27 avril et le 11 mai 2004, ils n'avaient rien relevé à ce propos, ne formulant des remarques qu'à propos du dysfonctionnement d'une fendeuse à bûches.

Fin janvier 2005, le parquet de MONT-DE-MARSAN ordonne une nouvelle expertise, M. Jean-Claude O..., expert près la cour d'appel de PAU.

Dans un pré-rapport déposé en mars 2005, ce technicien aborde deux hypothèses :

1. L'origine accidentelle.

« Elle a été retenue par l'expert M. P...selon lui, cela s'explique par la proximité entre un appareil de chauffage sous tension et des matières combustibles telles que des vêtements.

Ces appareils sont équipés de systèmes de sécurité qui lorsqu'ils fonctionnent, coupent l'alimentation en énergie électrique.

À partir de l'expertise des scellés numéros trois et quatre d'une part, des débris encore présents dans la caravane d'autre part, il faudra déterminer si l'appareil était sous tension et contrôler l'état du système de sécurité.

2. Un court-circuit d'origine électrique.

« L'examen visuel de la fiche et de la multiprise des scellés numéros 1 et 2 montre qu'il y a eu surintensité dans les circuits électriques amont.

Le disjoncteur de protection C32N / 20A était en position « off » à l'arrivée des gendarmes. Cela est incompatible avec les traces de surintensité constatées sur la multiprise.

Il y aura donc lieu de chercher la présence d'une surcharge ou d'un court-circuit électrique dans la caravane.

Ainsi, on peut déjà affirmer que l'absence de protection à proximité de la caravane n'a pas permis de limiter la surintensité.

En conséquence, la présence d'un court-circuit sur les circuits électriques de la caravane a pu favoriser le développement de l'incendie. »

Dans son rapport déposé le 10 juin 2005, cet expert conclut :

« sur l'installation électrique du parc de caravanes, l'expertise a mis en évidence des non-conformités eu égard à la norme C 15-100 notamment :

* la présence de câbles d'une longueur voisine de 100 mètres et de sections 1, 5 mm ² servant à alimenter la caravane de M. CHMURA. La distance maximum du point de raccordement au point de connexion de la caravane n'aurait pas dû dépasser 20 mètres avec un câble de section de 2, 5 mm ².

* l'absence de protection différentielle 30 mA placée à proximité de l'emplacement des caravanes, c'est-à-dire à une distance de 20 mètres maximum de celle-ci. La seule protection contre les contacts indirects était assurée par un disjoncteur de sensibilité 300 milli-ampères placé en tête d'installation.

La présence d'un bloc multiprise au dimensionnement insuffisant à l'intérieur de la caravane.

Sur l'origine de l'incendie, l'expertise a mis en évidence que le départ du feu se situait sur l'une des bornes femelles du bloc multiprise, celui-ci étant inadapté pour le branchement d'équipements électriques d'une puissance de quatre kilo watts.

Sur le lien de causalité pouvant exister entre l'incendie et les non-conformités :

* il existe un lien direct entre le départ du feu et le dimensionnement insuffisant du bloc multiprise.

* il existe un lien direct entre les autres non-conformités et la propagation de l'incendie.

Sur l'application du décret de 2003 a-937, il n'a pas été identifié de non-conformités vis-à-vis des normes de sécurité exposés dans ce texte. "

Les deux dirigeants du Gaëc sont de nouveau entendus.

Philippe
K...
reconnaît que c'est lui qui a procédé au raccordement électrique des caravanes, modifiant la carrosserie pour laisser passer l'alimentation électrique reliée aux enrouleurs disposés depuis une prise sous un hangar à environ 20 mètres de long. Il ignorait les normes et distances à respecter. Un électricien professionnel avait réalisé les parties fixes de l'installation, sous le hangar, et ligne tirée jusqu'au tableau comportant le disjoncteur.

Du reste les factures sont-elles annexées au dossier.

Mme Y...reconnaît qu'au premier moment de l'incendie, apercevant les fils électriques sous une caravane voisine, dans la panique, avec un autre employé, elle a dissimulé l'ensemble du branchement électrique et débranché la prise sous le hangar ; entendu par les gendarmes le lendemain, elle s'est enfermée dans son mensonge. Elle précise qu'elle pensait qu'ils étaient en tort à cause des fils qui se trouvaient sur le sol.

Cités devant le tribunal correctionnel de MONT-DE-MARSAN, des chefs d'homicide involontaire, également pour Mme Y...du chef de modification de l'état des lieux d'un crime ou d'un délit, B...
XX... et Isabelle Y..., ont bénéficié d'une décision de relaxe par jugement du trois avril 2007.

Suivant déclarations des 6 et 11 avril 2007, le ministère public, puis Mme Anna C...et consorts, parties civiles, ont interjeté appel de la décision.

Renseignements :

Le casier judiciaire des prévenus ne mentionne aucune condamnation.

SUR QUOI LA COUR :

les appels sont recevables et réguliers en la forme.

Au fond,

Sur l'action publique :

Le décès de M. Mariusz C...a été causé par l'incendie de la caravane à l'intérieur de laquelle il dormait dans la nuit du 28 au 29 mai 2004, caravane mise à disposition par son employeur, le GAEC du Bonan, codirigé par les prévenus Mme Y...et M. Philippe
K...
.

La responsabilité pénale de ces deux personnes, qui n'ont pas causé directement la mort de la victime, mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n'ont pas mis les mesures permettant de l'éviter, ne peut être recherchée qu'au regard des dispositions du troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal.

La cour constate, au vu des rapports dressés par les deux experts intervenus, qu'elle a pris soin d'entendre de nouveau à son audience, que la cause de l'incendie est encore différemment appréciée par ces techniciens : le premier, M. P..., estime à partir de ses constatations, que le sinistre est survenu à partir de la combustion de vêtements ou matières textiles, laissés trop près d'un petit appareil de chauffage ; le second, M. O..., maintient que l'incendie provient d'une surtension sur une installation électrique non conforme notamment en raison du calibre des fiches installées dans la caravane, du diamètre insuffisant des fils accordant à l'installation électrique et fixe, de la longueur de ce raccordement, pour lesquels l'installation de disjoncteur moins éloigné était opportune sinon obligatoire.

La cour ne trouve pas dans les pièces du dossier, malgré les recherches détaillées des experts, développées de manière exhaustive, les éléments permettant d'établir de manière certaine une conviction sur l'exacte origine de l'incendie ayant entraîné la mort de la victime.

Au-delà de cette incertitude sur la cause même de l'incendie, laquelle suffit à dédouaner les prévenus, la cour relève les opinions divergentes des deux experts, réexprimées à l'audience, aux limites de la polémique, de même que celle d'un expert consulté par la défense, dont le rapport officieux est versé au dossier, sur la norme applicable à l'installation électrique desservant des caravanes, notamment quant à la longueur et au diamètre des fils de raccordement, à l'ampérage des disjoncteurs et installations de sécurité, en sorte que quelle que soit l'origine exacte de l'incendie, il n'y a pas non plus de certitude sur la non-conformité du dispositif que les prévenus avaient installé ou laissé installer pour desservir en électricité les caravanes occupées par leurs employés, et spécialement celle qu'occupait la victime. Et ce, même si cette non conformité a pu constituer, non pas la cause même de l'incendie, mais un facteur de sa propagation.

En l'absence de certitude, au regard des profondes divergences affichées par les techniciens, et tandis que l'Inspection du Travail en Agriculture, venue visiter le site quelques jours auparavant, n'avait relevé aucune anomalie, les notions de violations de façon manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, non plus que celle de faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, ne peuvent être retenues à l'encontre des prévenus.

C'est donc à bon droit, que le premier juge, pour ces motifs, a prononcé une décision de relaxe sur la prévention d'atteintes involontaires à la vie.

La décision sera donc confirmée de ce chef.

Sur l'infraction de modification de l'état des lieux d'un crime ou d'un délit :

Il est constant, au vu des constatations initiales de la gendarmerie d'une part, des déclarations de Mme Y...en fin d'enquête d'autre part, que dès avant l'arrivée des gendarmes, sinon des secours sur les lieux de l'incendie, elle avait enlevé ou fait enlever les fils électriques permettant, au moyen d'une installation assez rudimentaire, d'alimenter en électricité les caravanes où logeaient certains de ses employés, notamment celle où périt la victime.

Il ne peut être estimé, qu'en raison de la décision de relaxe sur le délit principal d'homicide involontaire, cette infraction n'est pas constituée.

En effet, si l'infraction réprimée par l'article 434-4 al. 1 du code pénal suppose qu'un délit ait été au préalable commis, il s'agit d'un délit éventuel, et non d'une infraction constatée par un jugement définitif, sans quoi ce texte n'aurait plus ni portée ni sa raison d'être qui est celle de protéger l'enquête judiciaire de tout comportement de nature à nuire à son bon déroulement.

En l'espèce, il est tout à fait admis par la prévenue qu'elle craignait que cette installation électrique soit mise en cause.

Certes elle est relaxée, au bénéfice des dispositions de l'article 121-3 du code pénal, ce qui ne signifie pas qu'il n'y avait pas délit, lequel eut d'ailleurs été probablement imputable au GAEC, personne morale, qui n'a pas été poursuivi, mais dont une simple faute d'imprudence ou de négligence eût été de nature à entraîner sa condamnation.

La Cour infirmera donc le jugement du tribunal correctionnel sur ce chef de la poursuite et prononcera à l'encontre de Mme Y...une peine d'amende de 3. 000 euros.

Sur l'action civile :

La constitution de partie civile de Mme Anna E...veuve C...tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, des époux Q..., parents de la victime, Messieurs Grzegorz et Lukasz C..., Mlle Iwona C..., ses frères et soeur, ainsi que celle de Mme Janina G...sa grand-mère, sont recevables et régulières en la forme.

Au fond, compte tenu de la décision de relaxe ci-dessus arbitrée, et tandis qu'il n'est pas conclu au titre de l'article 470-1 du code de procédure pénale, les demandes des parties civiles ne peuvent être qu'écartées.

La Cour ne trouve pas par ailleurs dans le dossier, ni dans les explications et conclusions des parties civiles, d'éléments de nature à justifier, dans le cadre d'un supplément d'information, une troisième expertise technique.

Les intérêts des parties civiles ne sont par ailleurs pas directement lésés par l'infraction de modification de l'état des lieux d'un crime ou d'un délit, dont la finalité est de protéger les possibilités d'enquête pénale.

Les parties civiles seront donc déboutées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Reçoit les appels comme réguliers en la forme.

Au fond,

Sur l'action publique

Confirme le jugement dont appel du tribunal correctionnel de MONT DE MARSAN du 03 avril 2007 en ce qu'il a relaxé Mr Philippe
K...
et Mme Isabelle Y...du chef d'atteinte involontaire à la vie de Mariusz C...,

L'infirme en ce qu'il a relaxé Mme Y...du chef de modification de l'état des lieux d'un crime ou d'un délit

Condamne Mme Y...de ce chef à une amende de 3. 000 euros.

Constate que le Président n'a pu aviser la prévenue des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale que si elle s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 euros et que le paiement de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Sur l'action civile

Déclare recevables les constitutions de parties civiles de Mme Anna E...veuve C...tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, des époux Q..., parents de la victime, Messieurs Grzegorz et Lukasz C..., Mlle Iwona C..., ses frères et soeur, ainsi que celle de Mme Janina G...sa grand-mère,

Au fond, les déboute de leurs demandes.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 € dont est redevable Mme Isabelle Y....

Le tout par application du titre XI de la Loi du 4 janvier 1993, les articles 131-3, 434-4 al. 1 1o, 434-4 al. 1, 434-44 al. 1 du Code Pénal, 470 du code de procédure pénale.

Le présent arrêt a été rendu en application de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale et signé par Monsieur le Président SAINT-MACARY et par Monsieur LASBIATES, greffier, présents lors du prononcé.

Le Greffier,

E. LASBIATESLE PRÉSIDENT,

Y. SAINT-MACARY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 07/00700
Date de la décision : 17/04/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-17;07.00700 ?
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