BP/BLL
Numéro 08/1212
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 2
ARRET DU 17 mars 2008
Dossier : 05/03230
Nature affaire :
Demande en partage, ou contestations relatives au partage
Affaire :
Ludovic X... agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'héritier réservataire de sa mère, Mme Jocelyne Y... née X... et qu'ès qualités d'administrateur légal de ses enfants mineurs :
Simon et Denis X...,
C/
Bernard Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur PIERRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame LASSERRE, greffier,
à l'audience publique du 17 mars 2008
date à laquelle le délibéré a été prorogé
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 octobre 2007, devant :
Monsieur PIERRE, Président chargé du rapport
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame MACKOWIAK, Conseiller
assistés de Madame LASSERRE, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Ludovic X...
né le 16 Février 1967 à POISSY (78300)
de nationalité Française
...
64320 IDRON
agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'héritier réservataire de sa mère, Mme Jocelyne Y... née X... et qu'ès qualités d'administrateur légal de ses enfants mineurs :
Simon X... né le 15.2.1992 à Pau
Denis X... né le 26.5.1994 à Pau
représenté par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assisté de Me Z..., avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur Bernard Y...
né le 12 mars 1955
...
64350 LEMBEYE
représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de Me Martine A..., avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 06 JUILLET 2005
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
Exposé du litige
Faits et procédure
Suivant jugement rendu le 6 juillet 2005 et auquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le tribunal de grande instance de Pau, statuant à la demande de M. Ludovic X... dans le cadre des difficultés nées au cours des opérations de liquidation et de partage de la communauté ayant existé entre M. Bernard Y... et Mme Jocelyne X... et de la succession de cette dernière, a notamment
- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux Bernard Y... et Jocelyne X... et de la succession de cette dernière,
- commis pour y procéder Me FOURSANS B..., notaire à Pau,
- dit que les sommes versées à M. Bernard Y... en exécution du contrat d'assurance-vie souscrit par l'employeur de la de cujus ne sont pas soumises à rapport,
- débouté en conséquence M. Ludovic X... de sa demande de ce chef,
- débouté M. Bernard Y... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. Ludovic X... à payer à M. Bernard Y... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Ludovic X... aux entiers dépens.
Suivant déclaration reçue au greffe de cette Cour le 23 août 2005, M. Ludovic X... a interjeté appel de cette décision.
Suivant ordonnance rendue le 19 juin 2007 et communiquée aux avoués, la clôture de l'instruction de l'affaire a été déclarée.
Prétentions des parties
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 27 mars 2007, M. Ludovic X... demande à la Cour
- de déclarer son appel recevable et bien-fondé,
- dire et juger que le jugement du tribunal de grande instance de Pau doit être réformé en toutes ses dispositions,
- de condamner M. Bernard Y... à rapporter à la succession de Mme Jocelyne X... la quote-part du capital qu'il a reçu dans le cadre du contrat d'assurance-vie et excédant la quotité disponible,
- de le condamner à rapporter à cette succession toutes les autres libéralités qu'il a reçues, dont il a profité et qui excèdent la quotité disponible de la succession précitée,
- de rejeter les demandes en paiement de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées par M. Bernard Y... dans le cadre de son appel incident,
- de débouter Monsieur Bernard Y... de l'ensemble de ses réclamations,
- de le condamner au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire en réparation de son préjudice matériel et moral personnel et de celui subi par ses enfants mineurs,
- de le condamner au paiement de la somme de 7 000 € hors taxes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP LONGIN qui sera autorisée à en poursuivre le recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Ludovic X... soutient que ce contrat d'assurance décès est un contrat de capitalisation auquel ne s'appliquent pas les dispositions des articles L 132-12 et L 132-13 du Code des assurances mais un contrat de placement dépourvu de tout aléa et constituant le vecteur d'une donation déguisée et/ou indirecte relevant des dispositions des articles 911, 913 et suivants ainsi que 931 du Code civil. Il justifie sa demande en paiement de dommages-intérêts au profit des petits-enfants de la défunte par la privation dont ceux-ci auraient été victimes par l'effet de la désignation du fils de M. Y... comme bénéficiaire de ce capital décès par remploi par ce dernier de la somme perçue à ce titre.
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 31 mai 2007, M. Bernard Y... demande à la Cour
- de déclarer l'appel de M. X... mal fondé,
- de déclarer son appel incident recevable et bien-fondé,
- de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- de débouter M. X... de l'ensemble de ses prétentions,
- de le condamner au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,
- de le condamner au paiement de la somme de 4 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP GINESTET ET DUALE LIGNEY qui sera autorisée à en poursuivre le recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
En réplique, M. Y... soutient que le contrat ayant été souscrit par l'employeur de la défunte, l'aléa relatif à l'état de santé de celle-ci ne peut être retenu. Il rappelle
- que le groupe Prévoyance Malakoff avait précisé lors de son versement que le capital ne faisait pas partie de la succession de la défunte, qu'il n'était pas soumis à déclaration et qu'il échappait ainsi à tous droits de mutation pour cause de décès,
- qu'il a remployé la somme perçue (170 274,40 €) à concurrence de 160 000 € au bénéfice de son fils Guillaume Y... mais aussi au profit des deux fils de M. Ludovic X..., Simon et Denis.
Il fait valoir, comme le premier juge, que le montant de la prime (2,60 F par mois) était modique au regard du salaire mensuel de la défunte (9 897 F par mois).
Compte tenu du harcèlement dont il a été l'objet, il estime bien-fondé sa demande de paiement de dommages et intérêts.
Discussion
Sur l'ouverture des opérations de compte et liquidation partage
Il ressort de la lecture croisée des dernières conclusions échangées par les parties que les dispositions du jugement déféré relatives à l'ouverture des opérations de compte et liquidation partage tant de la communauté ayant existé entre M. Bernard Y... et Mme Jocelyne X... que de la succession de cette dernière ne sont pas contestées. Le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef.
Sur le contrat souscrit par Total Fina Elf au profit de ses salariés
Il n'est pas discutable que Mme Jocelyne X...
Y... a été affiliée à l'URRPIMMEC par son employeur, agissant en qualité de seul souscripteur, au titre d'un contrat de groupe couvrant les risques de décès invalidité absolue et définitive ou incapacité invalidité à caractère obligatoire avec effet au 1er avril 2002 pour chacun de ses salariés et que la défunte n'a pas désigné un ou des bénéficiaires particuliers du capital décès résultant de cette affiliation, ce qui a conduit le versement du capital à son conjoint conformément à la clause bénéficiaire type dite option 1 à caractère obligatoire par défaut.
Par l'effet de cette affiliation obligatoire qui a été imposée à ses salariés, dont Mme Jocelyne X..., sans que la preuve ne soit rapportée d'une quelconque distinction réalisée entre eux en raison de leur état de santé par l'entreprise Total Fina Elf, le contrat ainsi souscrit ne peut être qualifié de contrat de placement utilisé comme vecteur d'une donation déguisée et/ou indirecte dépourvu de tout aléa qu'il conviendrait de soumettre aux règles régissant les donations.
Il convient d'observer d'autre part que ce contrat à effet au 1er avril 2002 ne constituait qu'un avenant à un précédent contrat souscrit également par l'employeur précité au profit de ses salariés dans les mêmes conditions et dont l'exécution a également permis la constitution du capital finalement versé lors du décès. Enfin, le montant des primes, par ailleurs extrêmement modiques, était prélevé d'office par l'employeur à compter de la souscription de l'avenant dans le cadre de ce contrat d'adhésion. Ces éléments n'autorisent pas davantage la disqualification du contrat d'assurance-vie en contrat de placement qui relèverait à ce titre de la succession de la défunte.
Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. X.... La décision déférée sera dès lors confirmée de ce chef.
Sur les dommages et intérêts
La poursuite de la procédure par M. X... est d'autant plus abusive que la somme perçue par M. Y... au titre du contrat objet du litige a été remployée par ce dernier à la fois au bénéfice du fils de celui-ci mais aussi des fils du premier, petit-fils de la défunte.
En conséquence, il n'y a pas lieu d'allouer de quelconques dommages et intérêts à M. X....
En revanche, en réparation du préjudice subi par M. Y... à titre personnel, la preuve d'un préjudice particulier subi par ses fils n'étant pas rapportée, il y a lieu de condamner M. X... à payer à M. Y... la somme de 1000 €.
La décision déférée sera dès lors infirmée de ce chef.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il est inéquitable de laisser à l'intimé la totalité de ses frais irrépétibles. Il y a lieu de lui allouer de ce chef la somme de 1500 € supplémentaires par application des dispositions de l'article précité.
Sur les dépens
M. X... succombant supportera la totalité des dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs
La Cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort
Déclare recevable l'appel interjeté par M. Ludovic X... à titre personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants ;
Déclare recevable l'appel incident formé par M. Bernard Y... ;
Infirme partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pau le 6 juillet 2005 ;
Statuant à nouveau
Condamne M. Ludovic X... à payer à M. Bernard Y... la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne M. Ludovic X... à payer à M. Bernard Y... la somme de 1 500 € supplémentaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties pour le surplus,
Condamne M. Ludovic X... aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers au profit de SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY qui est autorisée à en poursuivre le recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Michèle LASSERREBernard PIERRE