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19/02/2008 | FRANCE | N°55/2008

France | France, Cour d'appel de Pau, 19 février 2008, 55/2008


No 55 / 2008




ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2008



X...
Y...Pedro












COUR D'APPEL DE PAU


Chambre de l'Instruction








Arrêt prononcé en audience publique le 19 FÉVRIER 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.






PARTIES EN CAUSE :






- LE MINISTÈRE PUBLIC




D'UNE PART






-X...
Y...Pedro, né le 15 Août 194

2 à HERNANI (Espagne), de nationalité espagnole, domicilié ...





COMPARANT-assisté de Madame Z...
Z..., interprète en langue espagnole inscrite sur la liste des experts de A...d'Appel de PAU










D'AUTRE PART




COMPOSITION DE LA COUR l...

No 55 / 2008

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2008

X...
Y...Pedro

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre de l'Instruction

Arrêt prononcé en audience publique le 19 FÉVRIER 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC

D'UNE PART

-X...
Y...Pedro, né le 15 Août 1942 à HERNANI (Espagne), de nationalité espagnole, domicilié ...

COMPARANT-assisté de Madame Z...
Z..., interprète en langue espagnole inscrite sur la liste des experts de A...d'Appel de PAU

D'AUTRE PART

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats en audience publique le 5 FÉVRIER 2008 et du délibéré :

Monsieur TREILLES, Président

Madame PONS, Conseiller

Monsieur BILLAUD, Conseiller

* tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale.

Madame B..., Greffière lors des débats,

Madame C..., faisant fonction de Greffière lors du prononcé de l'arrêt,

Monsieur D..., Substitut Général lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

* * * *

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Vu le mandat d'arrêt européen émis le 16 Octobre 2007 par les autorités judiciaires espagnoles,

Vu les articles 695-29 à 695-36 du Code de Procédure Pénale,

Vu l'arrêt de la Chambre de l'instruction du 15 Janvier 2008 ordonnant un supplément d'information et renvoyant l'affaire à l'audience du 5 Février 2008,

Vu la signification de cet arrêt le 18 Janvier 2008 à Pedro X...
Y...et la notification à son conseil le 15 Janvier 2008 valant convocation pour l'audience du 5 Février 2008,

Vu les réquisitions écrites et signées le 29 Janvier 2008 par Monsieur D..., Substitut Général,

Un mémoire récapitulatif a été déposé par Maître E..., conseil de Pedro X...
Y..., le 4 Février 2008 à 11 heures 45, au greffe de la Chambre de l'Instruction, visé par le greffier.

* * * *

A l'audience publique du 5 Février 2008 ont été entendus :

Monsieur le Président TREILLES en son rapport.

Pedro X...
Y...en ses déclarations par l'intermédiaire de Madame Z...
Z..., interprète.

Monsieur D..., Substitut Général, en ses réquisitions,

Maître E..., Avocat à BAYONNE, en sa plaidoirie pour Pedro X...
Y....

Pedro X...
Y...a eu la parole en dernier par l'intermédiaire de Madame Z...
Z..., interprète.

* * * *

AU FOND

La procédure :

Suivant deux arrêts avant dire droit des 18 décembre 2007 et 15 janvier 2008- auxquels il convient de se référer en ce qui concerne la procédure et les demandes des parties-la Chambre de l'instruction a ordonné deux suppléments d'information afin d'inviter les autorités judiciaires espagnoles à préciser les lieux et dates de commission des infractions reprochées à Pedro X...
Y...et à produire l'ordonnance de mise en accusation du 5 décembre 1996.

Le 24 janvier 2008 les autorités judiciaires espagnoles adressaient au Parquet Général de la Cour d'Appel de PAU l'ordonnance susvisée accompagnée d'une note adressée au Substitut Général de ladite Cour par Monsieur F...
G....

Suivant des réquisitions du 29 janvier 2008 Monsieur le Procureur Général a requis qu'il plaise à la Cour de :

- constater la régularité en la forme de la procédure ;

- rejeter au fond le moyen tiré de la prescription de l'action publique en Espagne ;

- constater que Pedro X...
Y...ne consent pas à être remis aux autorités judiciaires espagnoles ;

- ordonner sa remise aux autorités judiciaires espagnoles en exécution du mandat d'arrêt européen délivré à son encontre le 16 octobre 2007 ;

- lui donner acte qu'il ne s'oppose pas à l'instauration d'une mesure d'expertise médicale afin de préciser la date et les conditions sanitaires dans lesquelles le transfert de Pedro X...
Y...pourrait être organisé au vu de son état de santé.

Aux termes d'un mémoire récapitulatif déposé le 4 février 2008, Pedro X...
Y...fait valoir que les contradictions qui résultent des différents documents produits par les autorités judiciaires espagnoles ne permettent pas de déterminer la date exacte des faits reprochés, dont il nie, par ailleurs, être l'auteur. Il sollicite donc le refus de sa remise sur le fondement de l'article 693-13 du code de procédure pénale. Il invoque par ailleurs les dispositions de l'article 695-24 du code de procédure pénale selon lesquelles l'exécution du mandat d'arrêt est refusée lorsque les faits peuvent être jugés en France et que la prescription de l'action publique est acquise.

Pedro X...
Y...rappelle que le Tribunal Administratif de PAU a annulé un arrêté préfectoral du 19 septembre 2001 lui refusant un titre de séjour. Il relève l'inaction des autorités judiciaires espagnoles mais également françaises entre 1996 et 2007.

Très subsidiairement il soutient la prescription de l'action publique au regard de la loi espagnole et l'impossibilité subséquente de valider le mandat d'arrêt européen.

En dernier lieu, Pedro X...
Y...fait valoir que son état de santé interdit son transfèrement en Espagne et demande l'autorisation d'une expertise médicale.

Les motifs :

Attendu qu'en application des principes de reconnaissance mutuelle et de confiance réciproque qui prévalent dans la procédure du mandat d'arrêt européen, il n'appartient pas à la Chambre de l'instruction d'apprécier la réalité et la valeur des charges retenues contre la personne recherchée dans la procédure judiciaire en cours dans l'Etat requérant ; qu'il incombe toutefois à cette Chambre de vérifier, sur le fondement de l'article 695-13 du code de procédure pénale, la date, le lieu et les circonstances dans lesquels l'infraction a été commise et le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée puis d'en tirer toutes les conséquences judiciaires ;

Attendu qu'il résulte des deux suppléments d'information ordonnés et des pièces complémentaires produites par l'Etat requérant-en particulier des mentions de l'ordonnance de mise en accusation du 5 décembre 1996-, que, contrairement aux indications initialement fournies, les faits reprochés à Pedro X...
Y..., caractérisés par la rédaction et la remise par le biais d'un messager d'une note au fossoyeur du cimetière d'HERNANIdonnant des instructions pour cacher des armes et des munitions, se sont produits entre le mois de juillet et le mois de septembre 1995 ; que, par ailleurs, Pedro X...
Y...étant réfugié en France ladite note a été rédigée par l'intéressé dans ce pays ; qu'à la suite de ces indications deux membres d'un commando de l'ETA ont remis au fossoyeur des armes et des explosifs qui ont été cachés dans un panthéon du cimetière ; que ces armes ont ensuite été utilisées lors d'actions terroristes ;

Attendu que l'ensemble de ces informations tirées du mandat d'arrêt européen et des documents fournis par les autorités judiciaires requérantes sur supplément d'information permet de déterminer la date, le lieu, les circonstances de l'infraction et le degré de participation de la personne recherchée ; que le mandat d'arrêt européen est donc régulier au regard des prescriptions de l'article 695-13 du code de procédure pénale ;

Attendu que les faits ainsi visés-participation à une organisation criminelle, terrorisme et trafic illicite d'armes, de munitions et d'explosifs-entrent dans plusieurs des 32 catégories d'incrimination énumérées à l'article 695-23 alinéa 2 du code de procédure pénale ; qu'il n'y a donc pas lieu de procéder au contrôle de la double incrimination ;

Attendu que le mandat d'arrêt européen est émis pour l'exercice de poursuites pénales concernant des faits punissables en Espagne d'une peine supérieure à une année d'emprisonnement, en l'espèce 20 ans ; que dès lors l'action publique ne peut être prescrite au regard de la législation de l'Etat d'émission du mandat ; qu'au surplus cette prescription ne constitue pas l'un des cas de refus obligatoire ou facultatif énoncés par les articles 695-22, 695-23 alinéa 1 et 695-24 du code de procédure pénale ; que dès lors le moyen de droit tiré de la prescription de l'action publique au regard de la loi espagnole sera écarté ;

Attendu par ailleurs que les déclarations de Pedro X...
Y..., selon lesquelles il ne peut être l'auteur des faits reprochés, sont inopérantes dès lors que l'examen des charges pesant sur lui relève de la seule compétence de l'autorité judiciaire espagnole requérante ;

Attendu qu'il apparaît donc que Pedro X...
Y...a remis sa note à un membre de l'ETA alors qu'il se trouvait en France où il s'était réfugié ; qu'en application des dispositions de l'article 113-2 du code pénal français, la loi pénale de ce pays est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République et aux infractions dont un des faits constitutifs y a été perpétré ;

Attendu que l'article 695-22 4o du code de procédure pénale prévoit que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée à la double condition que les faits par lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l'action publique ou de la peine se trouve acquise ;

Attendu qu'aux termes de l'ordonnance du 5 décembre 1995 Pedro X...
Y...est mis en accusation devant l'audience nationale pour appartenance à une organisation terroriste, dépôt d'armes de guerre et détention d'explosifs ; que compte tenu de la description des faits telle qu'elle résulte de l'acte d'accusation ces incriminations correspondent en droit français au délit de complicité d'infractions en matière d'armes et de produits explosifs en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, faits prévus et réprimés par les articles 121-7 et 421-1 alinéa 1 et 4 du code pénal, 31, 32, 38 du décret-loi du 18 avril 1939, en vigueur au moment des faits devenus depuis les articles L 1333-9, L 2339-2, L 2339-5, L 2339-8, L 2339-9, L 2341-1, L 2341-4, L 2342-57 à L 2342-62, L 2353-4, L 2353-5, L 2353-13 du code de la défense ;

Que, par contre, l'infraction de participation à un groupement formé en vue de la préparation d'actes de terrorisme prévue à l'article 421-2-1 du code pénal caractérisée par l'acte d'accusation ne peut être retenue puisque cette incrimination n'a été introduite en droit français que postérieurement aux faits reprochés à Pedro X...
Y...par la loi du 22 juillet 1996 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 706-16 et de l'article 706-25-1 du code de procédure pénale issu de la loi no 95-125 du 8 février 1995, l'action publique relative aux délits en matière de terrorisme se prescrit par 20 ans ;

Attendu que les faits reprochés à Pedro X...
Y...ayant été commis de courant juillet à septembre 1995, soit il y a moins de 20 ans, l'action publique relative aux infractions visées dans le mandat d'arrêt européen ne saurait être prescrite ;

Attendu en conséquence que le cas de refus obligatoire d'exécution du mandat d'arrêt européen visé à l'article 695-22 4o du code de procédure pénale n'est pas constitué ;

Attendu cependant que deux cas de refus facultatifs sont prévus par les articles 695-24 1o et 695-24 3o du code de procédure pénale : que le premier article cité vise la situation d'une personne recherchée qui pouvait être poursuivie en France pour les faits visés au mandat et ceci même si les autorités judiciaires françaises ont décidé de ne pas engager des poursuites ; que le second article vise des faits qui ont été en tout ou partie commis en France ;

Que la Chambre de l'instruction dispose ici d'un pouvoir souverain d'appréciation ;

Que le critère déterminant sur ce point réside dans la gravité des faits reprochés à Pedro X...
Y...à qui il est fait grief non seulement son appartenance à l'ETA mais également l'aide par lui apportée à un commando de cette organisation projetant de perpétrer des assassinats et attentats ;

Que depuis 30 ans les actions terroristes de l'ETA ont causé la mort violente de plus de 800 personnes ;

Que les assassinats, les enlèvements suivis de séquestrations et parfois de tortures, les attentats et le racket de simples citoyens ont pour objet de semer la terreur au sein d'un Etat démocratique ;

Que l'un des objectifs ayant présidé à l'instauration et à la mise en œ uvre du mandat d'arrêt européen est de développer entre les Etats démocratiques signataires une entraide afin de lutter efficacement contre les organisations terroristes qui menacent leur
équilibre mais aussi leur existence ;

Qu'il est notoire que les actions criminelles perpétrées en Espagne trouvent leur appui sur des structures logistiques installées en France et bénéficient de l'actif soutien de complices y vivant ;

Que les infractions reprochées à Pedro X...
Y...qui peuvent se résumer en des actes de complicité d'activités terroristes sont, à ce titre, répréhensibles ; que l'objet même de la procédure du mandat d'arrêt européen est d'interdire de tels agissements particulièrement lourds de conséquences ;

Attendu dès lors qu'il convient d'ordonner la remise de Pedro X...
Y...aux autorités judiciaires requérantes ;

Attendu que Pedro X...
Y...-âgé de 65 ans-a été victime le 14 mars 1996 d'un hématome intracérébral spontané ayant entraîné des séquelles à type d'hémiplégie, lesquelles nécessitent une surveillance médicale et un traitement quotidien ;

Qu'il convient donc de s'assurer de la compatibilité de cet état de santé avec le transfèrement de l'intéressé à MADRID et éventuellement de préciser les conditions médicales dans lesquelles il pourrait être réalisé ;

Qu'à ces fins une expertise médicale doit être ordonnée ;

Qu'il convient donc de différer la remise effective de Pedro X...
Y...aux autorités judiciaires espagnoles.

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE PAU,

Vu les articles 695-11 et suivants du code de procédure pénale,

En la forme :

Déclare la procédure régulière.

Au fond :

Rejette les moyens de droit présentés par Pedro X...
Y....

Constate que Pedro X...
Y...n'a pas consenti à sa remise aux autorités judiciaires espagnoles et n'a pas renoncé à la règle de la spécialité.

Ordonne sa remise aux autorités judiciaires espagnoles en exécution du mandat d'arrêt européen délivré le 16 octobre 2007 par Monsieur F...
G..., magistrat-juge au tribunal central d'instruction no5 de l'audience nationale à MADRID (Espagne), pour l'exercice de poursuites pénales relatives à des faits de participation à une organisation criminelle et délits de détention d'armes et d'explosifs commis à HERNANI (Espagne) courant juillet et septembre 1995.

Diffère cette remise dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise médicale.

Ordonne une mesure d'expertise médicale.

Commet pour y procéder le docteur François H..., neurologue, ...(tel. 05. 59. 52. 10. 01)

avec pour mission :

- de procéder à l'examen de Pedro X...
Y..., décrire son état de santé ;

- dire si cet état est compatible avec son transfèrement à MADRID ; si oui préciser, le cas échéant, les modalités sanitaires dans lesquelles ce transfert pourra intervenir et la date de celui-ci ;

- faire toutes constatations médicales utiles.

Dit que le rapport d'expertise devra être déposé au greffe de la Chambre de l'instruction avant le 18 AVRIL 2008.

Désigne pour contrôler les opérations d'expertise, Monsieur TREILLES, Président de la Chambre de l'instruction, et dit qu'en cas d'empêchement de ce magistrat il sera procédé à son remplacement par ordonnance de Monsieur le Président de la Chambre de l'instruction sur requête de Monsieur le Procureur Général.

Ordonne que le présent arrêt soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

M. DEU M. TREILLES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 55/2008
Date de la décision : 19/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-19;55.2008 ?
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