NR/CD
Numéro 345/08
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRET DU 24/01/2008
Dossier : 06/02348
Nature affaire :
Demande d'indemnités ou de salaires liée ou non à la rupture du contrat de travail, présentée après l'ouverture d'une procédure collective
Affaire :
Pierre X...
C/
S.A. TEXERA,
Maître LALANNE Y...,
C.G.E.A. - A.G.S. DE TOULOUSE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffière,
à l'audience publique du 24 janvier 2008
date indiquée à l'issue des débats.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Novembre 2007, devant :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Madame MEALLONNIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Pierre X...
...
31820 PIBRAC
Rep/assistant : Maître A..., avocat au barreau de PAU
INTIMES :
S.A. TEXERA
ZI de Lascouanes
Route de Tarbes
65700 MAUBOURGUET
Non comparante, non assistée
Maître LALANNE Y...,
commissaire à l'exécution du plan
...
65000 TARBES
Non comparant, non assisté
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE - ASSOCIATION POUR LA GESTION DU REGIME DE GARANTIE DES CREANCES DES SALARIES DE TOULOUSE (C.G.E.A.-AGS DE TOULOUSE)
...
B.P. 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
Rep/assistant : Maître B..., avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 02 JUIN 2006
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TARBES
Par contrat à durée indéterminée du 15 février 1994, Monsieur Pierre X... a été engagé par la société TEXERA SA en qualité de Directeur Commercial.
Après convocation à un entretien préalable, Monsieur Pierre X... a été licencié pour faute grave par lettre du 26 juin 2002.
Contestant son licenciement, Monsieur Pierre X... a saisi le conseil de prud'hommes de TARBES
Par jugement en date du 5 septembre 2003, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de Monsieur Pierre X... est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et a condamné la société TEXERA à lui payer diverses sommes au titre de la rupture.
Monsieur Pierre X... a interjeté appel de la décision.
Par jugement en date du 16 février 2004, le tribunal de commerce de TARBES a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA TEXERA.
Par jugement du 6 septembre 2004, le tribunal de commerce de TARBES a prononcé la cession de la société TEXERA avec prise de possession au 1er octobre 2004 et a désigné Maître LALANNE Y... en qualité de Commissaire à l'exécution du plan.
Par arrêt en date du 20 janvier 2005, la Cour d'appel de Pau :
- a confirmé le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Tarbes, section encadrement, le 5 septembre 2003 en ce qu'il a écarté la faute grave,
- a réformé pour le surplus le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tarbes, section encadrement,
Statuant à nouveau,
- a dit que le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, a fixé la créance de Monsieur X... à l'encontre de la société TEXERA et de Maître LALANNE Y..., ès qualités aux sommes suivantes :
- 26.206,89 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 2.620,68 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 22.925,25 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 65.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4.367,81 € au titre de l'indemnité de congés payés du 15 au 30 mai 2002,
- a ordonné l'inscription sur l'état des créances,
- a dit qu'en cas de défaut de paiement, le CGEA devra sa garantie dans les limites légales et réglementaires définies par les articles L. 143-11-1 et suivants de Code du Travail,
- a dit que les sommes à caractère de salaire ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
- a ordonné la rectification du certificat de travail, attestation ASSEDIC et bulletin de salaire,
- a débouté Monsieur X... du surplus de sa demande relative aux congés payés,
- a débouté Monsieur X... de sa demande relative aux jours de RTT,
- a débouté Monsieur X... du surplus de ses demandes,
- a débouté la société TEXERA et Maître LALANNE Y..., ès qualités de leurs demandes,
- a dit que les dépens seront pris en frais privilégiés.
En exécution de l'arrêt, l'AGS, par l'intermédiaire de Maître LALANNE Y... a fait parvenir à Monsieur Pierre X... les règlements suivants :
- le 30 mars 2005 : 11.889,38 € correspondant au préavis et congés payés nets suivant plafond des créances super privilégiées,
- le 27 avril 2005 : 42.839,89 € correspondant aux préavis et congés payés dans la totalité et le règlement partiel des dommages et intérêts ainsi que les indemnités de licenciement.
Le mandataire judiciaire précise que le solde ne sera pas avancé par le CGEA au motif du dépassement du plafond 6.
Après refus du CGEA d'appliquer le plafond 13, Monsieur Pierre X... a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes par requête en date du 8 octobre 2005.
Par jugement en date du 2 juin 2006, le conseil de prud'hommes de Tarbes a débouté Monsieur Pierre X... de ses demandes.
Monsieur Pierre X... a régulièrement interjeté appel par déclaration au greffe le 29 juin 2006 du jugement qui lui a été notifié le 8 juin 2006.
L'appelant conclut à :
- dire que le CGEA-AGS doit apporter sa garantie aux créances de Monsieur Pierre X... dans la limite du plafond 13 et non du plafond 6,
- condamner en conséquence le CGEA-AGS à faire l'avance entre les mains de Maître C... pris ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SA TEXERA d'une somme de 69.587,31 € représentant le solde des créances de Monsieur Pierre X..., telles que celles-ci ont été fixées par l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 20 janvier 2005,
- condamner le CGEA AGS de Toulouse aux dépens, ainsi qu'au paiement à Monsieur Pierre X... d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par application de l'article L. 511-1 du Code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur les litiges qui opposent les salariés aux organismes qui se substituent habituellement aux obligations légales de l'employeur ce qui est le cas du CGEA.
De plus la compétence du conseil des prud'hommes résulte de l'article L. 621-127 du Code du commerce dans l'hypothèse d'un refus par l'AGS de régler une créance.
Conformément à l'article D. 143-2 alinéa 2 du Code du travail, le montant maximum de la garantie de l'AGS s'apprécie à la date à laquelle est due la créance du salarié et au plus tard à la date du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire.
Conformément aux arrêts rendus par la Cour de cassation, la date à laquelle a pris naissance la créance du salarié, licencié avant l'ouverture de la procédure collective, est la date du licenciement et non la date d'ouverture de la procédure collective ou celle de la décision de justice fixant ladite créance.
Elle soutient que, son licenciement étant intervenu avant l'ouverture de la procédure collective et antérieurement au décret du 24 juillet 2003 qui a modifié les plafonds de garantie de l'AGS, elle doit se voir appliquer le plafond 13 et non le plafond 6.
En exécution de l'arrêt de la Cour d'appel et en considération du calcul des intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la demande (le 4 juillet 2002) jusqu'au jugement d'ouverture du redressement judiciaire (le 16 février 2004) il lui est due la somme totale de 82.798,45 € dont à déduire la somme de 56.126,53 € d'ores et déjà versée soit un total dû de 26.671,92 € qui doit être avancé par l'AGS.
La résistance abusive de le CGEA AGS de Toulouse justifie une indemnisation des frais irrépétibles.
Le CGEA AGS de Toulouse conclut à :
- confirmer la décision du conseil des prud'hommes de Tarbes en date du 2 juin 2006 en ce qu'elle a débouté la demanderesse de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la demanderesse au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, le CGEA AGS de Toulouse soutient que la détermination de la date de naissance des créances pour l'application de l'article D. 143-2 2ème alinéa ne peut être recherchée que par référence aux articles L. 143-11-1, L. 143-11-2 et L. 143-11-3 du Code du travail ; or l'article L. 143-11-1 1er vise les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture en l'espèce le 16 février 2004 soit postérieurement au décret applicable au 29 juillet 2003.
Il soutient que les décisions rendues par la Cour de cassation ne sont pas applicables au cas d'espèce dans la mesure où la Cour d'appel de Douai a jugé que les licenciements ne reposaient pas sur une cause réelle et sérieuse par un arrêt rendu le 25 juin 2003 soit avant la date d'application du décret.
En l'espèce la Cour d'appel de Pau a statué le 20 janvier 2005, lequel arrêt est constitutif de droits nouveaux au bénéfice de Monsieur Pierre X... ; en conséquence la naissance de la créance est postérieure au 29 juillet 2003.
SUR QUOI
Conformément aux dispositions de l'article D. 143-2 alinéa 2 (non modifié par le décret du 24 juillet 2003) du Code du travail, le montant maximum de la garantie prévue à l'article L. 143-11-8 du Code du travail s'apprécie à la date à laquelle est due la créance du salarié et au plus tard à la date du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire.
Par décret nº 2003-684 du 24 juillet 2003, les montants de la garantie dûs par l'AGS qui s'échelonnaient de 4 à 13 ont été modifiés et fixés à 4, 5 ou 6 fois le plafond mensuel, selon l'ancienneté du salarié.
En l'espèce, Monsieur Pierre X... a été licencié le 26 juin 2002, sous le régime de l'ancien plafonnement mais la procédure de redressement judiciaire a été ouverte postérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau décret.
Le CGEA AGS de Toulouse soutient que le nouveau plafonnement est seul applicable en raison du jugement d'ouverture en date du 16 février 2004 et de la date à laquelle la Cour d'appel a statué, postérieurement au 29 juillet 2003, l'arrêt étant constitutif de droits nouveaux au bénéfice de Monsieur Pierre X....
Cependant en matière d'indemnités résultant de la rupture du contrat de travail, la créance du salarié est acquise au jour de cette rupture et ne naît pas de la décision de justice fixant le montant des indemnités.
Les effets d'ores et déjà acquis d'une situation juridique ne sont pas remis en cause par la loi nouvelle.
En l'espèce, Monsieur Pierre X... a été licencié avant l'ouverture de la procédure collective et sa créance a pris naissance à la date du licenciement ; il s'en déduit que la garantie de l'AGS est due dans la limite des montants maximums applicables à cette date soit le plafond 13.
Sur la demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... l'intégralité des frais engagés, il convient de lui allouer une indemnité de 700 €.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Reçoit l'appel interjeté le 29 juin 2006 par Monsieur Pierre X... ;
Infirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Tarbes le 2 juin 2006 ;
Dit que les créances de Monsieur Pierre X... doivent être garanties par l'AGS dans la limite du plafond 13 ;
Condamne le CGEA AGS de Toulouse à payer à Monsieur Pierre X... une indemnité de 700 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne le CGEA AGS de Toulouse aux dépens d'instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,
Sylvie HAUGUELPhilippe PUJO-SAUSSET