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17/12/2007 | FRANCE | N°06/01406

France | France, Cour d'appel de Pau, 17 décembre 2007, 06/01406


FZ / NG


Numéro 4776 / 07




COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale






ARRET DU 17 / 12 / 2007






Dossier : 06 / 01406




Nature affaire :


Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable














Affaire :



X...
AA...



Thierry Y...



Loïc Y...



C /


S. A. ETABLISSEMENTS AA... FRERES


S. A. FINANCIERE AA...



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES




































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS










A R R E T


prononcé par Monsieur ZAN...

FZ / NG

Numéro 4776 / 07

COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale

ARRET DU 17 / 12 / 2007

Dossier : 06 / 01406

Nature affaire :

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

Affaire :

X...
AA...

Thierry Y...

Loïc Y...

C /

S. A. ETABLISSEMENTS AA... FRERES

S. A. FINANCIERE AA...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur ZANGHELLINI, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,

assisté de Madame Z..., Greffière,

à l'audience publique du 17 DECEMBRE 2007
date à laquelle le délibéré a été prorogé.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Octobre 2007, devant :

Monsieur ZANGHELLINI, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame MEALLONNIER, Conseiller

assistés de Madame A..., Greffière, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame X...
AA...

...

Le Plumet
40990 SAINT PAUL LES DAX

Monsieur Thierry Y...

agissant en son nom personnel et celui de sa fille mineure
Mademoiselle Maëva Y...née le 14. 9. 1990 à Dax

...

40990 SAINT VINCENT DE PAUL

Monsieur Loïc Y...

...

40990 SAINT VINCENT DE PAUL

Rep / assistant : la SCP MICHEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

S. A. ETABLISSEMENTS AA... FRERES
Lotissement commercial et artisanal de la Pince

...

40990 SAINT PAUL LES DAX

Rep / assistant : Maître D'B..., avocat au barreau de PARIS

S. A. FINANCIERE AA...

Lotissement commercial et artisanal de la Pince

...

40990 SAINT PAUL LES DAX

Rep / assistant : la SCPA DEFOS DU RAU-CAMBRIEL-REMBLIERE, avocats au barreau de DAX

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

...

40013 MONT DE MARSAN CEDEX

Rep / assistant : Monsieur C...

sur appel de la décision
en date du 10 MARS 2006
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONT DE MARSAN

Suivant jugement en date du 10 mars 2006-à la lecture duquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure-le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des LANDES :

-a rejeté le moyen tiré de la prescription,

-a débouté les consorts
D...
de l'ensemble de leurs demandes,

-les a condamné à verser :

-500 € à la Société des Etablissements AA... Frères sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-1 500 € à la Société Financière AA... sur le même fondement légal,

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 avril 2006,

-Madame X...
AA...,
-Monsieur Thierry Y..., tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur judiciaire de sa fille mineure Maëva Y...,
-Monsieur Loïc Y...,

ont régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 20 mars 2006.

Ils expliquent que Monsieur Jean E...
AA... a travaillé pour le compte de la Société FINANCIERE AA... du 1er février 1960 au 10 novembre 1993 en qualité de peintre et faisait une déclaration de maladie professionnelle le 02 janvier 2002 pour un cancer broncho-pulmonaire.

La CRAM ademettait le caractère professionnel de la maladie et lui attribuait un taux d'IPP de 67 % le 03 janvier 2002 porté à 85 % avant son décès le 15 mars 2003.

Les appelants observent que la première constatation médicale de la maladie a été effectuée le 02 janvier 2002 et que la faute inexcusable de l'employeur a été invoquée le 16 mai 2003 soit dans le délai de la prescription biennale.

Sur le fond, ils soulignent que la relation de causalité entre le cancer broncho-pulmonaire et l'exposition à l'amiante ne peut être contesté en raison de la position adoptée par la CPAM.

Ils ajoutent que la Société FINANCIERE AA... aurait respecté son obligation générale envers la victime si elle avait mis en place des mesures découlant de l'arrêté du 17 août 1977 concernant la prévention des maladies professionnelles ;

Les appelants rappellent en effet que Monsieur Jean E...
AA... avait été détaché par la Société FINANCIERE AA... anciennement dénommée Etablissements AA... Frères " sur le site de la Société DASSE à CASTETS où il effectuait la majorité de ses chantiers dans un local attenant à l'atelier de collage et de montage des panneaux en fibrociment " ;

A partir de la fin de l'année 1985, il était affecté à une machine à rideaux en bout de chaîne de séchage pour contrôler le bon empilement de panneaux en fibrociment qu'il ponçait en effectuant du flocage ;

Ainsi il était exposé à l'inhalation de poussières d'amiante lors du ponçage, du découpage des plaques et du flocage, ce que confirment les procès-verbaux du CHSCT de la Société DASSE.

Les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement, de rejeter les exceptions et fins de non recevoir invoquées par la Société FINANCIRE AA..., de dire que la maladie professionnelle qui causait la mort de Monsieur
D...
est due à la faute inexcusable de l'employeur, d'ordonner la majoration de la rente au taux maximun et de le condamner au paiement des sommes suivantes (outre intérêts) ;

-préjudice du défunt,

souffrances endurées 80 000 €
souffrances morales endurées 100 000 €
Préjudice d'agrément 80 000 €

-préjudice moral

de Mme Veuve
D...
76 225 €
de Mr Thierry Y...

(fils du défunt) 45 735 €
de Mr Loïc Y...

(Petit fils du défunt) 15 245 €
de MelleMaëva BERTRAND
petite fille du défunt) 15 245 €

outre 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
La S. A. FINANCIERE AA... soulève l'irrecevabilité de l'action sur le fondement de l'article L 431-2 du Code de la Sécurité Sociale au motif que la première constatation médicale et la maladie remontait au 21 novembre 2001 ou au plus tard au 02 janvier 2002-entraînant la prescription de leur action ;

L'employeur observe en effet " que si la date de saisine du 16 mai 2003 est opposable à la Société des Etablissements AA... Frères, elle ne lui est pas opposable " ;

Sur le fond, il conclut à la confirmation du jugement en relevant " que de la date de cessation de son contrat du travail le 10 novembre 1993, à la date de son décès, le 15 mars 2003, Monsieur
D...
n'a jamais évoqué un lien entre son activité professionnelle passée et son état de santé " ;

L'employeur ajoute " que le rapport entre la maladie et l'exposition à l'amiante n'est évoqué par le praticien que de façon purement hypothétique " ;

Au demeurant, Monsieur
D...
ne travaillait sur le site DASSE que de 1975 à 1982 sans procéder à un quelconque travail de découpe ou de ponçage de matériaux contenant de l'amiante " ;

A titre infiniment subsidiaire, il sollicite l'institution d'une mesure d'expertise afin de déterminer les causes exactes de la maladie fatale de Monsieur G...
AA... ;

L'employeur souligne enfin " que les requérants se bornent à procéder par voie d'affirmation sans rapporter le moindre élément concernant le caractère pathogène ou non de produits fabriqués ou utilisés par lui ; qu'ainsi il serait faux d'affirmer que le salarié travaillait dans les locaux de la Société DASSE dans un milieu surchargé en poussière de fibrociment ;

Il demandent à la Cour de réformer le jugement en déclarant irrecevable l'action introduite par les héritiers de Monsieur Jean H...
AA... ;

A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement et à titre infiniment subsidiaire, l'institution d'une mesure d'expertise ;

Il sollicite enfin l'allocation de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

MOTIVATION DE L'ARRET

Sur la recevabilité de la demande présentée par les héritiers de Monsieur Jean E...
AA...

Le délai de prescription de l'action des ayants droit du défunt aux fins de condamnation de l'employeur pour faute inexcusable prend naissance à compter du jour de la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection ;

Or, sur la demande formulée par Monsieur Jean-CharlesAA..., atteint d'un cancer bronchco-pulmonaire à compter du 21 novembre 2001, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie le reconnaissait atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau No 30 bis en raison d'un tumeur maligne de la plèvre par décision du 02 janvier 2002 ;

Le Tribunal du Contentieux de l'Incapacité de BORDEAUX dans son jugement du 18 novembre 2003 visait en effet " la maladie professionnelle en date du 02 janvier 2002 dont il était atteint " (page 2) ;

Or, dans le délai de 2 ans, les demandeurs saisissaient le Tribunal d'une demande en reconnaissance de faute inexcusable dirigée contre la Société des Etablissements AA... Frères (demande inscrite le 20 mai 2003) ;

La demande en intervention forcée de la Société FINANCIERE AA... le 23 juillet 2003, sont à l'intérieur du délai de la prescription biennale valait assignation après convocation par le Greffe dans le cadre de la procédure orale ;

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la demande introduite par les ayants droit de Monsieur
D...
était recevable ;

Sur le caractère de faute inexcusable invoquée par les ayants droits de Monsieur
D...
à l'encontre de la SA FINANCIERE AA..., employeur de Monsieur Jean E...
AA...

La reconnaissance de la maladie professionnelle inscrite au tableau (30 bis)-cancer broncho pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante trouvait son origine selon le rapport rédigé par l'agent enquêteur de la CPAM le 08 mars 2002 dans des travaux de peinture et de ponçage de plaques imprimées fibrociment (éverites ETERNIT) sur des chantiers à LACQ et à JUSSIEU ainsi qu'à l'étranger ;

Le contrôleur du travail dans son rapport du 18 février 2002 relevait que l'établissement AA... frères de SAINT PAUL LES DAX intervenait dans le secteur du bâtiment, peinture, vitrerie, papiers peints et revêtements mural " ;

Pour sa part, la Société FINANCIERE AA... dans son courrier adressé à l'agent enquêteur de la CPAM le 18 février 2002 admettait :
" que Jean AA... a travaillé en qualité de peintre sur les différents chantiers, en majorité des préfabriqués DASSE du 1er février 1960 à environ fin 1982 puis pour la période 1983 à mars 1988, d'après le responsable de cette période il a travaillé en usine DASSE, occupé :

-à la peinture du chassis au pinceau avec lasure xylochimie,
-à la peinture de panneaux DASSE au pistolet avec l'acrylique CORONA,
-à la peinture des cloisons au pistolet avec la primaire CORONA,

-dans les années environ 1985 il a été posté à une machine à rideaux en bout de chaîne de séchage afin de contrôler le bon empilement des panneaux ;

Or le rapport annuel sur l'activité du CHSCT de la Société des Constructions DASSE pour l'année 1988 rappelait que la Société construisait :

-des classes et ateliers pour l'Education Nationale,
-des chalets de vacances,
-des bâtiments spéciaux (classes...)

et que les travaux de délignage des plaques amiante, avaient, en raison des concentrations de fibres d'amiantes à différents postes de travail (rapport de l'APAVE du 16 mai 1984) imposé-avant la campagne 1985-de réaliser une amélioration des dispositifs de captation et d'aspiration des poussières de manière à atteindre les objectifs réglementaires (2 fibres au maximun / cm3)

Le rapport de l'ingénieur conseil mandaté par le CHSCT, après un prélèvement d'atmosphère du 27 juillet 1992 constatait " que les améliorations apportées ont permis de réduire sensiblement les concentrations atmosphériques en amiante mais les résultats obtenus sont encore nettement insuffisants " ;

La preuve est ainsi administrée que dès le rapport de l'APAVE, du 16 mai 1984, l'employeur ne pouvait qu'avoir conscience du danger auquel il exposait les salariés de son entreprise, danger auquel il n'était pas apporté de solutions satisfaisantes ni en 1988 et à fortiori auparavant, ni encore en 1993 ;

Or les attestations produites aux débats par les appelants confirment que Monsieur
D...
était directement exposé aux poussières d'amiante ;

Il suit que la SA FINANCIERE AA..., par la conscience qu'elle ne pouvait qu'avoir du danger auquel elle exposait son salarié manquait à son obligation de sécurité de résultat ;

Le jugement sera donc réformé sur ce point ;

La réparation du préjudice causé au défunt que ses ayants droits trouvent dans sa succession et le préjudice personnel des ayants droit

-1 La réparation du préjudice personnel causé au défunt et entrant dans sa succession

Monsieur
D...
-né le 09 janvier 1943 était atteint d'une toux chronique depuis novembre 2001,

Son cancer était diagnostiqué le 21 novembre 2001 ; aucune intervention chirurgicale n'était pratiquée mais il devait subir une chimiothérapie une fois par semaine depuis novembre 2001 ;

Le 27 mai 2002 il bénéficiait d'un état de rémission mais conservait pâleur, asthénie, amaigrissement, une légère dyspnée d'effort et une toux occasionnelle ;

Il devait décéder le 15 mars 2003 ;

Ces éléments d'anlyse permettent de fixer le coût des souffrances endurées-y compris celles morales-après le diagnostic et une maladie à l'issue fatale à la somme de 50 000 €

Le préjudice d'agrément nécessairement causé à un homme encore dans la force de l'âge à la date de la première manifestation de la maladie, sera réparé par l'allocation de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

-2 La réparation des préjudices moraux causés aux ayants droits du défunt

-2. 1 Le préjudice causé à Madame Veuve
D...

Compte tenu de l'âge de la victime décédé à l'âge où il devait prendre sa retraite le préjudice de sa veuve sera arbitré à la somme de 25 000 € tandis que le taux de la rente sera majoré au taux maximum ;

-2. 2 Le préjudice de son fils adoptif Thierry né le 24 janvier sera arbitré à 12 000 € Et celui de ses deux petits enfants à 7 500 € chacun ;

L'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Enfin l'équité et la situation respective des parties commandent d'admettre les ayants droit de la victime au bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Il leur sera alloué 1 500 € de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de Sécurité Sociale et en dernier ressort ;

Reçoit l'appel interjeté par les ayants droits de Monsieur Jean E...
AA... le 05 avril 2006 ;

Confirme le jugement rendu le 10 mars 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Landes mais seulement en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action ;

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que la maladie professionnelle qui causait la mort de Monsieur Jean E...
AA... le 15 mars 2003 était due à la faute inexcusable de la SA FINANCIERE AA... ;

En conséquence,

Majore au maximum la rente attribuée à Madame Veuve
D...
,

Fixe comme suit la réparation du préjudice personnel de Monsieur Jean E...
AA... à régler à sa succession,

-souffrances endurées : 50. 000 €
-préjudice d'agrément : 20. 000 €

Fixe comme suit les préjudices personnels de :

-Madame Veuve
D...
: 25 000 €
-de son fils adoptif Monsieur Thierry Y...: 12 000 €
-de Loïc Y...: 7 500 €
-de Maëva Y...: 7 500 €

avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Condamne la Société FINANCIERE AA... au paiement de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

Sylvie Z...François ZANGHELLINI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 06/01406
Date de la décision : 17/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont-de-Marsan


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-17;06.01406 ?
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