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13/11/2007 | FRANCE | N°4208

France | France, Cour d'appel de Pau, Ct0249, 13 novembre 2007, 4208


JLP/CD

Numéro 4038/06

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 25/09/2006

Dossier : 04/01223

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

S.A.R.L. CAZENAVE ETABLISSEMENTS J.et B.

C/

S.A. KPMG LA FIDUCIAIRE DE FRANCE,

Consorts Y...,

SERVICE DES DOMAINES, Bernard CAZENAVE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur PARANT, Président,

en vertu de l

'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,

assisté de Madame PEYRON, Greffier,

à l'audience publique du 25 septembre 2006

date indiquée à l'issue des débat...

JLP/CD

Numéro 4038/06

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 25/09/2006

Dossier : 04/01223

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

S.A.R.L. CAZENAVE ETABLISSEMENTS J.et B.

C/

S.A. KPMG LA FIDUCIAIRE DE FRANCE,

Consorts Y...,

SERVICE DES DOMAINES, Bernard CAZENAVE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur PARANT, Président,

en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,

assisté de Madame PEYRON, Greffier,

à l'audience publique du 25 septembre 2006

date indiquée à l'issue des débats.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Juin 2006, devant :

Monsieur PARANT, Président

Madame RACHOU, Conseiller

Madame PERRIER, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du nouveau Code de procédure civile,

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. CAZENAVE ETABLISSEMENTS J.et B.

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

...

64000 PAU

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de la SCP ETESSE, avocats au barreau de PAU

INTIMES :

S.A. KPMG LA FIDUCIAIRE DE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Les Hauts de Villiers

...

92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX

représentée par la SCP LONGIN, avoués à la Cour

assistée de Me Georges DE Z... - LEXENS, avocat au barreau de PARIS

Madame Annie A... veuve Y...

agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administratrice légale de son fils mineur Yann Y... né le 29 juin 1993

Résidence les Charlottes - Entrée 6 - ...

64140 BILLERE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/003225 du 01/10/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Nicolas Y...

...

64000 PAU

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/003222 du 01/10/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Grégory Y...

...

Bâtiment C - Le Domaine d'Armagnac

31770 COLOMIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/003223 du 01/10/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Jérémie Y...

3 allées de Corrèze

31770 COLOMIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/003224 du 01/10/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Eric Y...

...

64140 LONS

représentés par Me VERGEZ, avoué à la Cour

assisté de Me B..., avocat au barreau de PAU

Monsieur Bernard CAZENAVE

...

Résidence le Quadrille

64000 PAU

représentés par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistés de Me C..., avocat au barreau de PAU

SERVICE DES DOMAINES

représenté par le Directeur des Services Fiscaux de la Gironde

ès qualités de curateur à la succession vacante de Monsieur Marcel Y...

8 place du Champ de Mars

33000 BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 30 MARS 2004

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

Monsieur Marcel Y... est décédé le 29 août 1999 ; il occupait de son vivant un emploi de comptable auprès de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE et à partir de 1994 il avait détourné d'importantes sommes d'argent, estimées à 2.000.000 francs, pour assouvir sa passion du jeu.

Démasqué par son employeur à l'occasion d'un arrêt de maladie, il avait été licencié et fait parallèlement l'objet d'une enquête pénale et d'une action civile introduite le 13 juillet 1998 par la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE qui avait obtenu le 07 août 1998 l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble dépendant de la communauté des biens existant entre les époux Y... et acquis en 1994.

Les 22 et 27 décembre 1999, la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE a attrait devant le tribunal de grande instance de PAU sa veuve Madame Annie Y... née A... et ses cinq enfants Messieurs Nicolas, Grégory, Jérémie et Eric et Yann Y... aux fins de les voir condamner, la première sur le fondement de l'article 1421 du Code civil et les seconds sur le fondement des articles 870 et suivants du même Code, à réparer son préjudice.

En cours d'instance, les héritiers du défunt ont renoncé à sa succession et le SERVICE DES DOMAINES a été désigné par jugement du 03 octobre 2000 curateur à la succession vacante.

L'immeuble dépendant de la succession et de la communauté a été vendu le 31 août 2001 et son prix de 167.693,92 euros consigné entre les mains de Maître E..., notaire.

Par une ordonnance en date du 20 janvier 2003, le juge de la mise en état a alloué à la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE une provision de 48.479 euros à prélever sur le prix de vente de l'immeuble

Antérieurement et par exploits délivrés les 25 janvier 2001 et 14 mars 2002, la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE a appelé en la cause Monsieur le directeur des Services Fiscaux en sa qualité de représentant du SERVICE DES DOMAINES, puis la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE prise en sa qualité d'expert-comptable de l'entreprise aux fins de voir retenir sa responsabilité contractuelle pour un manque de sérieux dans le suivi de la comptabilité.

Le 10 octobre 2002, la société KPMG a elle-même appelé en garantie Monsieur Bernard CAZENAVE.

Par un jugement en date du 30 mars 2004, le tribunal de grande instance de PAU :

1) statuant sur l'imputation de la créance de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE sur la part d'actif de communauté revenant à Madame veuve Y... en une qualité de co-obligée à une dette commune, a retenu que le train de vie de celle-ci avait été en rapport avec les gains normaux et avouables de son conjoint, qu'elle n'avait pas eu connaissance des agissements de ce dernier et de l'origine frauduleuse de l'apport en espèces, en vue de l'achat de l'immeuble commun, d'une somme de 400.000 francs qu'elle a de bonne foi cru provenir de gains de jeux et lui a donc dit inopposable, par application de l'article 1421 du Code civil, la dette contractée en fraude à ses droits ;

2) statuant sur la créance de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE, a écarté l'existence d'un lien de causalité entre les détournements de son salarié et un redressement fiscal qui lui a été notifié après leur découverte en retenant notamment que ceux-ci auraient pu être évités si elle avait elle-même veillé à la bonne tenue de la comptabilité, que les sommes dues à l'administration fiscale au titre de ses résultats d'exploitation n'ont pas un caractère dommageable et que, si le montant du redressement a été réglé à l'aide d'un prêt, ce concours financier n'a pas eu cette seule finalité ;

3) statuant sur la responsabilité de la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE, a retenu qu'elle n'avait pas commis de faute dans l'exécution de sa mission d'examen des comptes annuels sur la foi des pièces comptables remises par l'entreprise et dit n'y avoir lieu a statuer sur le recours de la société KPMG contre Monsieur CAZENAVE bien que ce dernier ait commis des fautes de négligence dans sa gestion, en particulier en remettant à son comptable qui n'avait pas de délégation de signature des chèques en blanc signés et en n'exerçant aucun contrôle ;

Et il a par conséquent :

- prononcé la mise hors de cause des consorts Y... ayant renoncé à la succession de Monsieur Marcel Y..., y compris de sa veuve ;

- a fixé la créance de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE à la somme de 369.314,15 euros augmentée des intérêts au taux légal capitalisables annuellement à compter de la date de l'assignation délivrée à Monsieur Marcel Y... et a dit cette créance opposable au SERVICE DES DOMAINES ès qualités de curateur à la succession vacante ;

- a ordonné la liquidation-partage de la communauté ayant existé entre les époux Y... et a commis pour y procéder Maître E..., notaire, lequel a été autorisé à lever le séquestre sur le reliquat du prix de vente de l'immeuble de communauté au profit de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE après avoir apuré le passif de communauté ;

- a dit que la part de communauté revenant à la succession vacante supportera les dépens, en ce compris le coût des inscriptions hypothécaires engagé par la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE et l'indemnité allouée à celle-ci pour un montant de 3.000 euros ;

- a condamné la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE à payer à la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- a rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration en date du 16 avril 2004, la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE a relevé appel de cette décision à l'égard de toutes parties à l'exception de Monsieur Bernard CAZENAVE contre lequel la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE a formé un appel provoqué par assignation du 26 janvier 2005 (l'acte porte par erreur la date du 26 janvier 2004).

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2006.

Le jour même de la clôture, les consorts Y... ont communiqué aux parties adverses de nouvelles conclusions et pièces et ils ont sollicité le rabat de l'ordonnance du 16 mai 2006 et la fixation d'une nouvelle clôture à une date plus proche des débats.

En l'absence d'accord des parties sur cette demande, il convient par application des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile d'écarter des débats les pièces et conclusions tardivement communiquées par les consorts Y....

*

* *

Par ses dernières conclusions en date du 29 novembre 2005 et signifiées au SERVICE DES DOMAINES le 09 décembre 2005, la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE fait valoir que :

1) sur l'opposabilité à Madame veuve Y... des actes accomplis par son mari :

- les époux Y... étaient titulaires de quatorze comptes bancaires ; à partir de 1994, des mouvements importants de fonds ont été enregistrés sur ces comptes, le ménage va mener un train de vie sans commune proportion avec ses revenus licites de l'ordre de 1830 euros par mois, et alors qu'il ne disposait pas d'une fortune personnelle, l'immeuble de communauté acquis en 1994 a été payé pour partie comptant à hauteur de 68.602,06 euros ; Madame veuve Y... ne peut prétendre avec sérieux avoir pu tout ignorer de l'apport de ces fonds importants (7.500 euros par mois en moyenne) et sur l'origine desquels elle a nécessairement été amenée à s'interroger ;

2) sur la non-renonciation de Madame veuve Y... à la succession de son mari :

- si cette dernière a formalisé un acte de renonciation à succession au greffe du tribunal de grande instance de PAU le 04 janvier 2000, elle a par conclusions postérieures du 07 juillet 2000 demandé qu'une créance salariale de son défunt mari soit prise en compte dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ; cette démarche s'analyse en un acte irrévocable de renonciation à se prévaloir de l'acte précité du 04 janvier 2000 ;

3) sur la responsabilité de la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE, attraite en justice après mise en jeu d'une clause conventionnelle d'arbitrage :

- un contrat de collaboration avait été conclu avec cette société le 11 février 1994 ;

- sa responsabilité peut être recherchée pour les fautes commises dans le cadre de sa mission qui a notamment porté sur un examen des comptes annuels ;

- les détournements ont été mis à jour par une simple salariée recrutée à titre temporaire pour remplacer Monsieur Y... pendant un arrêt de maladie et ce qui lui a été aisément révélé aurait dû l'être au plus fort à la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE, expert-comptable, si celle-ci avait respecté ses obligations en la matière selon le programme de travail standard et indicatif qui figure dans le référentiel de l'ordre des experts-comptables ; en particulier, les détournements étaient décelables par un contrôle de l'état de rapprochement des situations bancaires ou encore par un examen par sondage des plus gros soldes des comptes fournisseurs ;

- la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE se refuse à fournir les programmes de travail à partir desquels elle a fonctionné, et, en cas de doute sur ses manquements et sur le lien de causalité entre sa faute et le dommage subi, seul un collège d'experts pourra dire si elle a ou non correctement répondu à sa mission d'examen des comptes annuels et se prononcer sur le préjudice en relation avec sa faute ;

4) sur sa propre responsabilité :

- Monsieur Y..., en qui elle avait placé toute sa confiance au regard de son ancienneté, avait mis en oeuvre des procédures de détournements astucieuses qu'elle n'était pas elle-même en mesure d'identifier ; c'est donc à tort qu'il lui est reproché un laxisme qui a favorisé la réalisation de son dommage ;

5) sur l'appel provoqué contre Monsieur Bernard CAZENAVE :

- son gérant n'a commis aucune faute personne dans l'exécution de son mandat ;

6) sur le montant du préjudice :

- au montant des détournements non discuté à hauteur de 295.737,22 euros, il convient d'ajouter le coût du préjudice fiscal notifié pour 67.460,37 euros et correspondant à la TVA et la somme de 6.116,56 euros correspondant aux intérêts de l'emprunt qu'elle a dû contracter pour honorer la dette fiscale.

Et la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause des enfants du défunt et en ce qu'il a fixé sa créance à la somme de 369.314,15 euros augmentée des intérêts au taux légal capitalisables par année à compter du 13 juillet 1998 ; de la fixer à tout le moins à la somme de 301.853,78 euros sous déduction de la TVA ;

- de le réformer pour le surplus,

- de dire que de janvier 1994 à février 1998, Monsieur Marcel Y... s'est rendu coupable de détournements ayant entraîné un préjudice indemnisable de 369.314,15 euros, ou à tout le moins de 301.853,78 euros ;

- vu les articles 1413, 1421, 1202, 778 et 790 du Code civil,

- de dire que les agissements de feu Monsieur Marcel Y... sont opposables à son épouse Madame Annie A..., laquelle a en outre renoncé à se prévaloir de l'acte de renonciation à succession formalisé le 04 janvier 2000 ; par suite, de dire que cette dernière est tenue solidairement avec l'indivision successorale Y... représentée par SERVICE DES DOMAINES au paiement des sommes mises à son crédit ;

- de dire qu'elle est habile à poursuivre le montant de sa créance sur l'intégralité de l'actif de communauté Y... - PLANSON, qu'il n'y a lieu à liquidation et partage de ladite communauté et que le montant total des sommes séquestrées entre les mains de Maître E... viendra en déduction de sa créance ;

- vu les articles 1147 et suivants du Code civil,

- de dire que la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE a engagé sa responsabilité et de la condamner en conséquence solidairement avec l'indivision successorale Y... d'une part et avec Madame veuve Y... d'autre part à lui payer la somme de 369.314,15 euros avec intérêts au taux légal capitalisables annuellement à compter du 13 juillet 1998 ;

- subsidiairement, d'ordonner une mesure d'expertise confiée à un collège de trois experts aux fins de rechercher si la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE a commis une faute dans l'exécution de sa mission ;

- de condamner in solidum la succession Y... représentée par le SERVICE DES DOMAINES, Madame veuve Y... et la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE à supporter les entiers dépens qui comprendront les frais de sûreté judiciaire et à lui payer la somme de 15.244,90 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

*

* *

Par leurs dernières écritures déposées le 24 janvier 2005, les consorts Y... répondent que :

- ils ont tous renoncé à la succession de Monsieur Marcel Y... et la renonciation de la veuve a été irrévocable ; ceci n'a pas fait obstacle à son droit de demander qu'une créance salariale tombée en communauté avant le décès de son mari y soit réintégrée ;

- la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE ne serait admise à intervenir dans la liquidation de la communauté après décès qu'en vue de faire allotir la partie sur laquelle elle disposerait d'un gage dans les biens de la succession, ce qui n'a plus lieu d'être puisque l'immeuble commun a été vendu ; elle ne peut donc que demander la fixation de sa créance à l'égard du SERVICE DES DOMAINES, curateur à la succession vacante ;

- l'enquête pénale a démontré que Madame veuve Y... n'a jamais été informée des agissements frauduleux de son mari, qu'elle n'a jamais eu en mains les relevés des comptes bancaires du ménage retenus par son mari, que le niveau de vie de la famille était conforme au salaire perçu et n'avait rien d'excessif ; il ne peut donc être dit qu'elle a adhéré au moins tacitement aux fautes de son mari dont elle n'a eu connaissance qu'en 1998 ;

- l'apport personnel d'un somme de 68.602,06 euros en vue de l'acquisition de l'immeuble commun a été fait par le biais d'un plan d'épargne logement constitué au cours des vingt années de vie commune et d'une aide de ses propres parents de 80.000 francs, dont la communauté lui est aujourd'hui redevable en application de l'article 1418 du Code civil.

Et ils demandent à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser qu'il y a lieu de déduire de la créance de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE la somme de 48.479 euros perçue à titre de provision en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 janvier 2003 ;

- de condamner la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

*

* *

Par son mémoire déposé le 16 janvier 2006, le SERVICE DES DOMAINES représenté par le Directeur des Services Fiscaux de la Gironde, ès qualités de curateur à la succession vacante de Monsieur Y..., s'en remet à justice en ce qui concerne l'établissement des responsabilités et il demande à la Cour de fixer la créance de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE à la somme de 301.853,78 euros, de dire qu'il ne pourra être tenu que dans les limites de l'actif recueilli et, le ministère d'avocat ou d'avoué n'étant pas obligatoire dans les instances où le SERVICE DES DOMAINES est partie, de dire n'y avoir lieu à application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

*

* *

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 24 janvier 2006, la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE répond que :

1) sur sa responsabilité :

- elle n'a été tenue que d'une obligation de moyens et n'a pas à répondre de fautes commises dans l'accomplissement de diligences qui ne lui appartenaient pas ;

- or la mission de contrôle des comptes annuels consiste seulement en l'établissement du bilan, des comptes de résultat et des déclarations fiscales au vu des informations et des documents comptables enregistrés sous la seule responsabilité de l'entreprise et qui lui sont transmis en fin d'année ; cette mission n'a pas pour objet de vérifier sur pièces la bonne tenue de la comptabilité et exclut la vérification des existants en espèces ou en valeurs ; l'expert-comptable ne peut qu'attester de la vraisemblance et de la cohérence des comptes présentés ;

- Monsieur Y... qui a agi en utilisant des chèques qui lui étaient remis signés en blanc, en procédant à des virements de fonds depuis le compte CCP de la société vers son propre compte à la Société Générale et en détournant des espèces, a veillé à assurer, par le biais d'écritures fictives, cette cohérence et cette vraisemblance et, elle-même n'ayant aucune possibilité de vérifier le fonctionnement interne des relations antre la société et ses fournisseurs, il lui était impossible de déceler les agissements frauduleux ; seul un contrôle par confirmation auprès de tiers aurait permis de les démasquer ;

- en outre les détournements opérés par Monsieur Y... n'ont représenté que 1,3 % du chiffre d'affaires de la société et les mécanismes de fraude mis en place ne pouvaient être découverts par sondages, sauf de manière fortuite ;

2) sur le préjudice :

- il n'existe pas de lien de causalité entre ses prétendues fautes et le dommage invoqué qui a exclusivement pour origine les négligences et la légèreté du gérant qui confiait des chèques en blanc à son salarié et n'exerçait aucune surveillance, ni aucun contrôle ;

- en tout état de cause, le seul préjudice susceptible d'être allégué consisterait en la perte d'une chance de découvrir les détournements et cette chance était infime ;

- le paiement de la TVA ne constitue pas un préjudice indemnisable et le préjudice allégué consiste seulement ;

- enfin, sa lettre de mission a stipulé une clause limitative de responsabilité à hauteur de 152.449 euros ;

3) sur la recevabilité des demandes formées contre Monsieur Bernard CAZENAVE :

- si son action en responsabilité contre le gérant formée sur le fondement de l'article L. 223-22 du Code de commerce se prescrit dans un délai de trois ans, ce délai ne court qu'à compter du jour où elle a été en mesure d'agir, soit à compter de l'assignation en responsabilité qui lui a délivrée par la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE le 14 mars 2002 puisque, avant cette date, elle n'avait subi aucun préjudice et n'avait aucun intérêt à agir à l'encontre de Monsieur Bernard CAZENAVE ;

- s'agissant d'une action en garantie, le fait dommageable se situe au jour où la demande est formée à l'encontre de la partie qui forme l'appel en garantie ;

- en toute hypothèse, il est admis que la responsabilité du gérant puisse être mise en cause sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en raison des négligences commises dans le contrôle hiérarchique de son salarié et elle est recevable à agir sur ce dernier fondement ;

4) sur sa qualité à agir contre Monsieur Bernard CAZENAVE :

- son action contre Monsieur Bernard CAZENAVE n'est pas de nature récursoire et elle réclame la réparation d'un préjudice qui lui est propre ;

5) sur la faute de la victime :

- en toute hypothèse, les éventuelles fautes qui pourraient lui être reprochées dans le cadre de sa mission de présentation des comptes annuels sont absorbées par la faute commise par la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE et qui doit conduire au plus fort à son débouté.

Et la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE demande à la Cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement déféré ;

- à titre subsidiaire,

- de condamner Monsieur Bernard CAZENAVE à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE ;

- de dire que la faute de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE absorbe celle qui peut lui être reprochée dans le cadre de sa mission de présentation annuelle des comptes ;

- a titre encore plus subsidiaire, de faire application de la clause limitative de responsabilité contenue à la lettre de mission à hauteur de 150.000 euros ;

En toute hypothèse, de condamner la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE et Monsieur Bernard CAZENAVE à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

*

* *

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 14 février 2006, Monsieur Bernard CAZENAVE fait valoir en réplique à l'action dirigée contre lui par la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE que :

- la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE est irrecevable à agir ; en effet son action en garantie est le fruit d'une subrogation dont elle bénéficierait dans les droits et actions de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE et pour l'exercice de laquelle elle ne dispose pas de plus de droit que cette société ; cette action se fonde sur l'article L. 223-22 alinéa 1 du Code de commerce et, par application de l'article L. 223-23 du même Code, elle se prescrit par trois années à compter du fait dommageable ; elle est donc irrecevable en la forme comme ayant été introduite en octobre 2002 pour des faits révélés courant 1998 ;

- la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE est dépourvue de qualité pour agir ; s'agissant de la réparation du préjudice subi par la société, la responsabilité du gérant ne peut être recherchée que par la personne morale elle-même ou par les associés et non par les tiers, fût-ce par subrogation ;

- en toute hypothèse, un tiers ne peut rechercher la responsabilité d'un gérant à titre personnel lorsque la faute alléguée ne consiste qu'en une exécution fautive du mandat social, non détachable de la fonction ;

- enfin, les carences alléguées par la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE (la remise au comptable d'espèces ou de formules de chèques vierges et préalablement signées, l'absence de contrôle hiérarchique) sont inexistantes ou sans lien de causalité avec le dommage et ne sauraient la faire échapper à sa propre responsabilité ;

Et il demande par suite à la Cour de dire la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE irrecevable et en tout cas mal fondée en son action en garantie et de la condamner à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Attendu qu'aux termes de l'article R. 162 du Code du domaine de l'Etat, applicable à l'espèce, l'instruction de toute instance à laquelle le service des domaines est partie en application des articles R. 158, R. 158-1 et R. 159 se fait par simples mémoires et que, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, le ministère d'avoué n'est pas obligatoire, les parties ayant le droit de présenter des explications orales par elles-mêmes ou par le ministère d'un avocat inscrit au barreau ;

Qu'il résulte de ces dispositions que c'est la procédure sans représentation obligatoire qui doit être suivie tant en première instance qu'en appel ;

Qu'or et par application de l'article 932 du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2005, en matière de procédure sans représentation obligatoire, l'appel devait être formé par déclaration faite au secrétariat de la juridiction qui avait rendu la décision ;

Que le non-respect de cette condition de forme constitue une fin de non-recevoir du droit de relever appel, laquelle a un caractère d'ordre public et doit être soulevée d'office par le juge ;

Attendu qu'il convient donc d'inviter les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité de l'appel principal de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE formé par déclaration faite au greffe de la Cour le 16 avril 2004 et, par suite, de l'appel provoqué de la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE formé par assignation du 26 janvier 2005 ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et avant dire droit ;

Vu l'article R. 162 du Code du domaine de l'Etat,

Invite les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité de l'appel principal de la S.A.R.L. des Établissements CAZENAVE formé par déclaration faite au greffe de la Cour le 16 avril 2004 et, par suite, de l'appel provoqué de la société KPMG FIDUCIAIRE DE FRANCE formé par assignation du 26 janvier 2005 ;

Ordonne le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 28 novembre 2006 ;

Réserve les dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Mireille PEYRON André PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Ct0249
Numéro d'arrêt : 4208
Date de la décision : 13/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pau, 30 mars 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2007-11-13;4208 ?
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