JF/AM
Numéro 4182/07
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 12 novembre 2007
Dossier : 06/02517
Nature affaire :
Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente
Affaire :
S.A.R.L. PRO-IMO
C/
Eléna X... épouse Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 novembre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 01 Octobre 2007, devant :
Monsieur LARQUE, Président
Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller
Monsieur FOUASSE, Conseiller chargé du rapport
assistés de Madame HAUGUEL, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. PRO-IMO
...
40150 HOSSEGOR
représentée par la SCP P. MARBOT / S. CREPIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Z..., avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
Madame Eléna X... épouse Y...
née le 17 Octobre 1949 à SOTISERRANO (Espagne)
...
65690 BARBAZAN DEBAT
représentée par la SCP LONGIN C. ET P., avoués à la Cour
assistée de Maître A..., avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 22 JUIN 2006
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
FAITS et PROCEDURE :
La société PRO-IMO a acquis le 28 décembre 1994, sous le régime de "marchand de biens", un appartement et un garage formant les lots 130 et 31 du règlement de copropriété de la Résidence LE MARCADAU à CAUTERETS, avec obligation de le revendre dans un délai de quatre ans sous peine de redressement de droits d'enregistrement.
Le 25 mai 1996, elle a donné mandat non exclusif de vendre ces lots, moyennant le prix de 530 000 francs, à la SARL AGENCE PYRÉNÉES VACANCES ;
Par acte sous-seing privé du 8 août 1998, la SARL PRO-IMO a vendu à Madame X... Eléna veuve Y... l'appartement en duplex (lot 130), le parking double en sous-sol (no 31) et les meubles et objets meublants, moyennant le prix de 450 000 francs (68 602,06 €).
Par acte sous-seing privé du 21 août 1998, elle a vendu à Monsieur et Madame C... l'appartement no 130 moyennant le prix de 450 000 francs, sous réserve de la caducité du sous-seing privé du 8 août 1998 entre PRO-IMO et Madame Y... Jean Jacques le 28.08.98.
La SARL PRO-IMO n'a pas régularisé l'acte authentique de vente avec Madame Y..., en référence aux dispositions de l'article 1596 du Code civil.
Par acte du 15 janvier 1999, Madame Y... a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES la SARL PRO-IMO pour que soit jugée parfaite la vente de l'immeuble ;
Par jugement du 6 avril 2000, le Tribunal de Grande Instance de TARBES a :
- constaté la nullité de l'acte sous-seing privé conclu le 8 août 1998 entre la SARL PRO-IMO et Madame Y..., en application de l'article 1596 du Code Civil, Madame Y... ayant été jugée comme s'étant interposée au profit de l'Agence PyrénéesVacances,
- débouté Madame Y... de l'intégralité de ses demandes,
Madame Y... a interjeté appel de cette décision le 16 mai 2000 ; l'affaire a été radiée le 28 septembre 2000 sur le fondement de l'article 915 du Nouveau Code de Procédure Civile et réinscrite à la demande de la SARL PRO-IMO ;
Par arrêt du 10 décembre 2001, la Cour d'appel de PAU a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions ;
La SARL PRO-IMO a finalement vendu l'appartement (sans le garage) et les meubles à Madame D... le 6 mars 2002 au prix global de 69 364,30 euros ;
Le 27 avril 2005, la SARL PRO-IMO a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES Madame Y... pour la voir condamner à lui payer, en application de l'article 1383 du Code Civil, une indemnité principale de 49 376,61 € outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation en application de l'article 1153 §3 du Code Civil, et une somme de 4 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens.
Par jugement du 22 juin 2006 le Tribunal de grande instance de Tarbes a débouté la société PRO-IMO de toutes ses demandes.
La société PRO-IMO a interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société PRO-IMO expose qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée revêtant la décision de confirmation rendue le 10 décembre 2001 par la Cour d'appel de PAU, Mme Eléna X... veuve Y... a tenté de se voir reconnaître attributaire du bien litigieux en vertu d'un acte entaché d'une nullité relative. Or sa faute est la cause exclusive du préjudice subi par la société PRO-IMO puisque le deuxième compromis de vente signé le 21 août 1998 avec les époux C... précisait expressément que cet acte sous seing privé valait vente sous condition de la caducité de l'acte signé le 21 août 1998 par l'intermédiaire de l'Agence PYRÉNÉES VACANCES et que donc aucune faute de ce chef ne peut être retenue à l'encontre de la société PRO-IMO.
La société PRO-IMO estime que son préjudice est constitué de quatre postes :
- redressement des droits de mutation des biens ayant été achetés sous le régime marchands de biens le 28 décembre 1994,
- perte à la revente,
- intérêts bancaires,
- diverses taxes et charges d'août 1998 à mars 2002.
La société PRO-IMO demande à la Cour de la déclarer recevable en son appel,
Y faisant droit,
Réformer le jugement déféré,
En application de l'article 1383 du Code Civil et vu le jugement du 6 avril 2000 et l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 10 décembre 2001,
Condamner Madame Eléna X... veuve Y... à lui payer la somme de 49 376,61 euros en réparation de ses divers préjudices,
Dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 avril 2005 en application de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil,
Condamner Madame Eléna X... veuve Y... à payer une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au titre de ses débours en première instance et devant la Cour,
La condamner aux entiers dépens d'appel et d'instance, et autoriser la SCP MARBOT - CREPIN à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.,
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Mme X... - Y... s'oppose à ces demandes et fait valoir que la situation dans laquelle la société PRO-IMO s'est trouvée a résulté du fait qu'elle avait signé à quelques jours d'intervalle deux sous seing privés pour la vente d'un bien identique et que, au lieu de le révéler spontanément, elle a préféré se lancer dans un contentieux d'abord pénal puis civil afin de se débarrasser de la première convention : sa décision de s'engager deux fois sur un même bien constitue à soi seul un fait fautif faisant obstacle à ce que prospère une action fondée sur l'article 1383 du code civil.
Mme X... - Y... indique, à titre subsidiaire concernant le préjudice allégué, que les différents arguments développés ne peuvent être retenus :
- le redressement des droits de mutation ne peut être imputé à Mme SANCHEZ Y... puisqu'elle avait fait sommation, avant la date limite, de passer acte,
- l'immeuble a été vendu en définitive à un prix supérieur à celui prévu entre les parties : il n y a donc pas de préjudice de ce chef,
- les intérêts bancaires auraient été évités en grande partie si la société PRO-IMO avait passé l'acte avec Mme SANCHEZ Y...,
- les charges et taxes doivent être mises en rapport avec les produits provenant de la location saisonnière de l'appartement, non justifiés par la société PRO-IMO.
Mme X... - Y... demande à la Cour de débouter la société PRO-IMO de toutes ses demandes et la condamner à lui payer une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens et autoriser la SCP LONGIN à recouvrir ces derniers selon les formes de l'article 699 du NCPC.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 avril 2007 et l ‘affaire fixée à l'audience du 1er octobre 2007 pour y être plaidée.
Vu les conclusions déposées à la clôture.
MOTIFS de la DECISION :
Selon l'arrêt de la Cour du 10 décembre 2001, il est jugé que Madame Eléna X... veuve Y... a tenté de se voir reconnaître attributaire du bien litigieux en vertu d'un acte entaché d'une nullité relative.
Le fait que la société PRO-IMO, ayant découvert cette manoeuvre, ait, par le concours d'un autre mandataire, signé le 21 août 1998 un compromis avec Monsieur et Madame Pierre C... pour la vente du seul appartement moyennant le prix de 68 602,06 euros.ne peut lui être reproché puisqu'il est expressément indiqué dans l'acte sous seing privé que celui-ci valait vente sous condition de la caducité de l'acte signé le 8 août 1998 par l'intermédiaire de la société AGENCE PYRÉNÉES VACANCES.
Sur le préjudice :
Il est certain que si Madame Eléna X... - Y... avait fait savoir dès le mois de novembre 1998 qu'elle ne pouvait pas acheter ces biens immobiliers, la société PRO-IMO aurait pu passer l'acte authentique avec les époux C... avant 1e 28 décembre 1998 et elle n'aurait pas subi de préjudice.
Le préjudice allégué se compose de quatre éléments qu'il convient d'examiner :
- 9 722,74 € au titre d'un redressement des droits de mutation (pièce no 23).
La société PRO-IMO avait acheté ces biens sous 1e régime "marchand de biens" le 28 décembre 1994 et avait bénéficié de l'exonération des droits de mutation conformément à l'article 1115 du Code Général des Impôts moyennant l'engagement de les revendre dans le délai de quatre ans : or la signature de l'acte sous seing privé de vente C... du 21 août 1998 lui permettait de tenir cet engagement comme le démontre le courrier du mandataire au notaire de la société PRO-IMO du 6 novembre 1998 (pièce no 12),
L'acte extrajudiciaire que Mme SANCHEZ Y... a fait signifier à la société PRO-IMO en novembre 1998 a mis objectivement cette dernière dans l'impossibilité de respecter son engagement de revendre dans le délai de quatre ans.
- 9 909,19 € de pertes à la revente des biens (pièces. no 9 ; 22 et 24) :
L'appartement et le garage ont été vendus suivant acte authentique reçu par Me Jacques E..., notaire à Bayonne, le 6 mars 2002 moyennant le prix de 66 315,32 euros
La société PRO-IMO a donc perdu sur cette vente la somme de 9 909,19 € correspondant au compte suivant :
- différence prix C... pour le seul appartement et prix de réalisation : 2 286,74 €,
- valeur du garage seul en août 1998 selon attestation de l'agent Immobilier : 7 622,45 €,
- 25 408,81 € d'intérêts bancaires (pièces no 25, 26 et 31) :
La société PRO-IMO avait financé l'achat de ces biens en 1994 par un crédit "marchand de biens" de 57 930,63 € qui lui avait été consenti par la BANQUE COURTOIS durant la période du mois d'août 1998 au mois de mars 2002, la société PRO-IMO a supporté à titre d'intérêts sur ce prêt la somme de 25 408,81 € comme le démontre le compte desdits intérêts établis par la BANQUE COURTOIS.
- 4 335,87 € au titre de diverses taxes et charges :
Dans la période d'août 1998 à mars 2002, la société PRO-IMO a été contrainte de supporter divers frais pour conserver ou entretenir son bien ainsi que diverses taxes,
Les justificatifs suivants sont versés régulièrement aux débats :
- les charges de copropriété : 2 294,98 € selon attestation du syndic de la copropriété pour la période du 21 août 1998 au 30 mai 2001,
- les primes d'assurance : 385.75 € selon attestation de la société AZUR pour la période du 1er septembre 1998 au 31 janvier 2001,
- les rôles de taxes foncières de 1998 à 2000 d'un montant total de 970,34 €,
- les rôles de taxes d habitation de 1999 et 2000 d'un montant total de 684,80 € : sur ce dernier point Mme Y... soutient que la société PRO-IMO a loué l'appartement durant cette période : cependant aucun élément, aucune attestation n'est produite à l'appui de cette affirmation.
L'ensemble de ces préjudices seront donc retenus et Mme SANCHEZ Y... condamnée à payer la somme de 49 376,61 € à la société PRO-IMO avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 avril 2005 en application de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil,
Sur l'article 700 du NCPC :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles engagés pour la défense de ses intérêts.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Déclare la SARL PRO-IMO recevable et bien fondée en son appel,
Infirme le jugement dont appel,
Condamne Madame Eléna X... veuve Y... à payer à la société PRO-IMO la somme de 49 376,61 € en réparation de ses divers préjudices,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 avril 2005 en application de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil,
Condamne Madame Eléna X... veuve Y... à payer une indemnité de 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles de première instance et devant la Cour ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel et autorise la SCP MARBOT - CREPIN à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.,
Signé par Monsieur Jean-Michel LARQUE, Président, et par Madame Brigitte MARI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT