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05/11/2007 | FRANCE | N°4063

France | France, Cour d'appel de Pau, Ct0035, 05 novembre 2007, 4063


PhD/BLL

Numéro /07

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 5 novembre 2007

Dossier : 07/00210

Nature affaire :

Action en contestation de congé et/ou demande de renouvellement de bail

Affaire :

Laâtra YAHIAOUI veuve X...

C/

S.A.R.L. BISCA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 5 novembre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions p

révues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de Procédure Civile

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APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 septembre 2...

PhD/BLL

Numéro /07

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 5 novembre 2007

Dossier : 07/00210

Nature affaire :

Action en contestation de congé et/ou demande de renouvellement de bail

Affaire :

Laâtra YAHIAOUI veuve X...

C/

S.A.R.L. BISCA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 5 novembre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de Procédure Civile

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 septembre 2007, devant :

Monsieur LARQUE, Président

Monsieur FOUASSE, Conseiller

Monsieur DARRACQ, Conseiller Vice-Président placé chargé du rapport, désigné par ordonnance du 3 septembre 2007

assistés de Madame HAUGUEL, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame Laâtra Y... veuve X...

née le 02 Décembre 1938 à CORNEILLE (ALGERIE)

2 allées des Chênes

40600 BISCARROSSE

représentée par la SCP F.PIAULT / M.LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistée de Me Z..., avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.R.L. BISCA

dont le siège social est

Monsieur A...

Vaatweg 444

21000 DEURNE (BELGIQUE)

représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP P. MARBOT / S. CREPIN, avoués à la Cour

assistée de Me B..., avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 23 NOVEMBRE 2006

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte authentique du 08 juin 1988, à effet au 1er juin 1988, et pour une durée de 9 ans, M. C... a donné à bail à Mme Laâtra Y..., épouse X..., des locaux à usage de bar et vente de sandwichs, sis à Biscarosse moyennant un loyer révisable de 51.000 francs.

Par le même acte les parties se sont réciproquement reconnues un droit de préférence en cas de vente des locaux ou du fonds de commerce.

Par acte notarié du 19 juillet 1993, M. C... a vendu l'immeuble comprenant les locaux à la SCI ARDAL, après que Mme Laâtra X... avait renoncé à exercer son droit de préférence.

Par acte d'huissier du 13 juin 1997, Mme Laâtra X... a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er juin 1998.

Par jugement du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan du 27 novembre 1998, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SCI ARDAL ainsi qu'à l'encontre d'une autre société propriétaire d'un fonds de commerce.

Par un courrier du 30 septembre 1999, la SCI ARDAL a accepté le renouvellement du bail sollicité par Mme Laâtra X... .

Par jugement du 14 janvier 2000, le tribunal de commerce a arrêté la cession des deux sociétés au profit de la société HÔTELIÈRE DE L'OUEST ET DU MIDI (SHOM).

Par convention du 31 janvier 2000, l'administrateur judiciaire a confié au repreneur la gestion des deux entités cédées jusqu'à l'établissement des actes de cession et le paiement du prix.

Par acte d'huissier du 03 décembre 2002, la société SHOM a notifié à Mme Laâtra X... un refus de renouvellement du bail avec offre d'indemnité d'éviction.

Par acte notarié du 04 novembre 2003, l'administrateur judiciaire a régularisé les actes de cession au profit de la société SHOM en exécution du plan de cession.

Par acte notarié du même jour, la société SHOM a vendu à la société BISCA l'immeuble et le fonds de commerce.

Par ordonnance du 07 janvier 2004, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. D... aux fins de rechercher les éléments nécessaire à la détermination du montant d'une indemnité d'occupation pouvant être due à Mme Laâtra X... .

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 16 mars 2005.

Suivant exploit du 18 février 2004, la société SHOM, aux droits de laquelle est ultérieurement venue la société BISCA, a fait assigner Mme Laâtra X... par devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan en validité de son refus de renouvellement et fixation de l'indemnité d'éviction.

Par acte d'huissier du 08 décembre 2005, délivré sous réserve du litige l'opposant à sa locataire, la société BISCA a donné congé avec refus de renouvellement en offrant une indemnité d'éviction, pour différentes dates envisagées selon les termes du litige restant en suspens.

Par acte d'huissier en date du 21 décembre 2005, visant la clause résolutoire, la société BISCA a fait délivrer un commandement de payer la somme de 12.448,64 euros au titre du solde de loyers impayés, intérêts de retard et pénalités.

Par jugement en date du 23 novembre 2006, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a :

- rejeté la demande de nullité de la demande de renouvellement du bail du 13 juin 1997,

- débouté la société BISCA de sa demande de constatation de la résiliation du bail et de sa demande en résiliation du bail,

- condamné Mme Laâtra X... à payer à la société BISCA la somme de 128,38 euros,

- constaté que le renouvellement de bail sollicité par Mme Laâtra X...,

- constaté que le renouvellement du bail sollicité par Mme Laâtra X... le 13 juin 1997 a valablement produit ses effets,

- dit que le bail en cours se terminera le 31 mai 2007,

- débouté la société BISCA de sa demande d'expulsion,

- débouté la société BISCA de sa demande tendant à voir fixer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation,

- fixé le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 170.000 euros,

- débouté Mme Laâtra X... de sa demande de condamnation de la société BISCA au paiement de dommages-intérêts pour violation du pacte de préférence,

- dit n'y avoir lieu a exécution provisoire,

- condamné la société BISCA à payer à Mme Laâtra X... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et les dépens.

Mme Laâtra X... relevé appel limité de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 17 janvier 2007 , dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la Cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.

Vu les conclusions déposées le 05 septembre 2007 par Mme Laâtra X... aux fins de voir confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de nullité de la demande de renouvellement du bail,

- dit que le congé délivré le 03 décembre 2002 est sans effet,

- débouté la société BISCA de sa demande en constatation de résiliation du bail et de prononcé de la résiliation du bail,

- condamné Mme Laâtra X... à payer à la société BISCA la somme de 128,38 euros,

- constaté que la demande de renouvellement du bail a produit tous ses effets,

- débouté la société BISCA de sa demande d'expulsion,

- débouté la société BISCA de sa demande d'indemnité d'occupation,

- débouté la société BISCA de sa demande de dommages-intérêts,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la société BISCA au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Vu le corps de ces mêmes conclusions par lesquelles Mme Laâtra X... a demandé :

- un sursis à statuer jusqu'à ce que des décisions définitives interviennent dans les instances pendantes, d'une part devant le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan en résolution du plan de cession, et d'autre part, devant la cour d'appel de céans sur la fixation d'une créance envers le CEPME,

- la condamnation de la société BISCA à lui payer la somme de 121.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice,

- la fixation de l'indemnité d'éviction à la somme de 242.000 euros.

Vu les conclusions déposées le 07 août 2007, par la société BISCA aux fins de voir :

A TITRE PRINCIPAL :

- déclarer irrecevable et mal fondée la demande de sursis à statuer,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas constaté la résiliation du bail ou, à tout le moins, prononcé sa résiliation,

pour défaut de paiement de loyers,

- constater la résiliation du bail en vertu du commandement de payer,

- à tout le moins, prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de Mme Laâtra X...,

- en conséquence, condamner Mme Laâtra X... au paiement de la somme de 12.448,64 euros en principal, selon décompte arrêté au 20 octobre 2005, sauf à parfaire

- ordonner l'expulsion de Mme Laâtra X..., sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

- condamner Mme Laâtra X... au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1.000 euros en cas de maintien dans les lieux

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme Laâtra X... de sa demande de dommages-intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de constater que la demande de dommages-intérêts formulée par Mme Laâtra X... a dégénéré en abus du droit d'agir en justice,

- condamner Mme Laâtra X... au paiement d'une somme de 5.000 euros pour demande abusive

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le bailleur a fait signifier le 08 décembre 2005, un congé avec offre d'indemnité d'éviction avec effet au 31 mai 2007 qui a vocation à produire tous ses effets,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation,

- statuant à nouveau, ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de Mme Laâtra X... sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

- condamner Mme Laâtra X... au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation de 1.000 euros à compter du 1er juin 2007,

- infirmer le jugement sur le montant de l'indemnité d'occupation,

- statuant à nouveau, fixer cette indemnité à la somme de 126.500 euros

PLUS SUBSIDIAIREMENT :

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé cette indemnité à la somme de 170.000 euros au titre de la valeur de remplacement du fonds et a dit n'y avoir lieu à ajouter une quelconque indemnité au titre de la valeur des frais et droits de mutation ou du trouble commercial et de la cessation d'exploitation

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- condamner Mme Laâtra X... à payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et aux dépens d'appel et de première instance.

Vu la clôture de l'instruction de l'affaire par ordonnance du 18 septembre 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En liminaire, il résulte de la déclaration d'appel, limitée à certaines dispositions du jugement entrepris, et de l'appel incident formé par la société BISCA que les points du litige dévolus à la connaissance de la Cour ne portent plus que sur :

- l'action aux fins de constat du jeu de la clause résolutoire, ou de prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, intérêts et frais

- subsidiairement, la fixation de l'indemnité d'occupation due à Mme Laâtra X... à la suite du congé avec refus de renouvellement avec offre d'indemnité signifié le 08 décembre 2005 à effet au 31 mai 2007,

- la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour violation du pacte de préférence

- les dépens et les frais irrépétibles.

En outre, Mme Laâtra X... a saisi la Cour d'une demande de sursis à statuer sur l'entier litige ;

Enfin, il faut spécialement relever que la disposition du jugement jugeant qu'à la suite de la demande de renouvellement du bail formée le 13 juin 1997 par Mme Laâtra X... , le bail initial a été renouvelé à compter du 1er juin 1998 pour une durée de 9 ans, expirant le 31 mai 2007 à 24 heures, est devenue définitive ;

SUR LA DEMANDE DE SURSIS À STATUER

Il résulte de la combinaison des articles 73, 377,378, 910 et 771 du Nouveau Code de procédure civile que Mme Laâtra X... n'est plus recevable à demander un sursis à statuer fondé sur des faits connus avant le dessaisissement du magistrat de la mise en état, lequel était seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation de la Cour, pour en connaître ;

La demande de sursis sera donc déclarée irrecevable et les pièces produites au soutien de la demande ne caractérisant aucunement l'existence d'une instance dirigée contre la validité de la vente intervenue entre le cessionnaire et la société BISCA, laquelle ne peut résulter de plein droit d'une résolution du plan de cession, il n'y a pas lieu d'envisager d'office un sursis pour bonne administration de la justice ;

SUR LA RÉSILIATION DU BAIL

Aux termes de l'acte de vente en date du 04 novembre 2003, intervenu entre la société SHOM et la société BISCA, la question des loyers dus par le preneur et celle de l'instance en cours pour refus de renouvellement du bail notifié par la société SHOM, ont fait l'objet de clauses particulières ;

Sur le premier point, les parties ont expressément déclaré "faire leur affaire personnelle de tout prorata de loyer couru, au jour du transfert de propriété" et sur le second point, il a été convenu que "le vendeur subroge l'acquéreur dans tous droits et actions à l'encontre du locataire ; le paiement de l'indemnité d'éviction sera à la charge de l'acquéreur ; l'acquéreur pourra exercer le droit de repentir ; l'indemnité d'occupation, durant l'exercice du droit au maintien dans les lieux, sera due à l'acquéreur" ;

En outre, l'acte ( page 3) précise que le transfert de propriété de l'immeuble a lieu ce jour, soit le 04 novembre 2003 ;

Il résulte des termes clairs de ces stipulations que la subrogation conventionnelle ne porte que sur les droits et actions relatifs à la procédure de refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction et, s'agissant du loyer, payable d'avance en une seule fois le trente septembre de chaque année, que les parties doivent régler entre elles la répartition au prorata temporis de l'échéance du 30 septembre 2003 jusqu'au 04 novembre 2003, la société SHOM étant seule créancière de cette échéance à l'égard de la locataire ;

Il est constant qu'est insérée dans le bail une clause résolutoire stipulant qu'à défaut par le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du bail, qui sont toutes de rigueur, de payer exactement à son échéance un seul terme de loyer ou de rembourser les accessoires du loyer, les frais de sommation, de commandement et autres frais de poursuite, le présent bail sera, si bon semble au bailleur, résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire un mois après une simple mise en demeure ou un seul commandement de payer ... contenant déclaration par ledit bailleur de son intention d'user du bénéfice de la clause et demeuré sans effet pendant ce délai ;

Il ressort du commandement de payer délivré le 21 décembre 2005 que la société BISCA a mis en demeure Mme Laâtra X... de payer une somme de 12.448,64 euros au titre de loyers, intérêts et frais, en visant expressément la clause résolutoire conformément au bail ;

Or, cette créance comprend l'échéance de septembre 2003 pour le paiement de laquelle la société BISCA n'a ni qualité ni titre ;

En outre l'échéance de septembre 2004 a été réglée le 16 mai 2005 et l'échéance de septembre 2005 à sa date d'exigibilité ;

Les autres sommes sont fondées sur le jeu de la clause pénale, prévoyant une majoration des échéances impayées par les intérêts au taux légal et une indemnité forfaitaire sur les sommes dues ;

En l'état des paiements intervenus à la date du commandement, la société BISCA ne peut réclamer que les intérêts au taux légal courus sur l'échéance de septembre 2004 jusqu'au 16 mai 2005, sans que cette créance, de nature indemnitaire puisse être se voir appliquer la pénalité supplémentaire de 10 % ( ce que conteste pas la société BISCA au travers de son décompte), soit une somme de :

226 jours à 2,27 % sur la somme de 9.146,94 euros = 128,56 euros

Si cette créance n'est pas contestable, il faut relever, au delà de la modicité de la somme, qu'elle ne fait pas partie des causes pour lesquelles le bailleur peut mettre en jeu la clause résolutoire ;

Par ailleurs, le retard ponctuel constaté en septembre 2004, ne revêt aucun caractère de gravité suffisant de nature à justifier la résiliation du bail ;

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société BISCA de sa demande de constat du jeu de la clause résolutoire et de prononcé de la résiliation du bail et infirmé sur le montant de la condamnation puisque Mme Laâtra X... sera condamnée au paiement de la somme de 128,56 euros ;

SUR L'INDEMNITÉ D'ÉVICTION

La validité du congé au 31 mai 2007, avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction n'est pas contestée ;

Aux termes de l'article L 145-14 du Code de commerce, l'indemnité d'éviction est égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement et comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait preuve que le préjudice est moindre ;

Préalablement, la société BISCA reproche à l'expert judiciairement commis de n'avoir pas déposé, comme il s'y était engagé, un pré-rapport, et sollicite, au nom du principe du contradictoire, la prise en compte du rapport dressé, à sa demande, par M. E... ;

Il convient ici de rappeler que le juge n'est pas lié par les conclusions d'un rapport d'expertise qui peut être critiqué par une partie, notamment au moyen d'avis pris auprès d'autres techniciens et régulièrement produits aux débat ;

S'agissant des locaux commerciaux, sis au no ..., à usage de bar, vente sur place de sandwiches, hot dogs, crêpes, croque-monsieur, sans utilisation de couverts à table, ils se présentent en une salle de bar avec comptoir, deux réserves et wc et à l'extérieur une terrasse au nord ouest ;

Les clichés photographiques versés aux débats confirment le style années 20 de l'immeuble avec sa façade en rotonde et son emplacement privilégié avec vue sur l'océan, surplombant la plage et accès direct à la plage ;

Les parties s'accordent sur la superficie des locaux intérieurs (133,57 m²) mais divergent sur la superficie de la terrasse estimée à 180 m² avant pondération par la société BISCA sans que cette dernière ne justifie de la pertinence de cette valeur par rapport à celle déclarée dans le bail, 232 m² et retenue par l'expert ;

Aussi, il convient de retenir les superficies déclarées dans le bail et après application des coefficients de pondération habituels, non contestés, de constater que la surface pondérée est de 189,16 m² ;

S'agissant de l'indemnité principale, il est constant qu'elle doit correspondre à la valeur de remplacement laquelle, compte tenu de la moindre valeur du fonds, doit être déterminée sur la base de la valeur du droit au bail ;

Pour y parvenir les parties avancent plusieurs méthodes ;

L'expert judiciaire propose de prendre la moyenne des deux valeurs obtenues par la méthode par comparaison avec une autre cession de droit au bail et par la méthode de la valeur locative affublée d'un coefficient multiplicateur, soit une indemnité de 215.000 euros ;

La société BISCA propose de prendre la moyenne des deux valeurs obtenues par la méthode de comparaison avec un terme de comparaison identique mais dont elle analyse différemment les paramètres matériels, économiques et juridiques et par la méthode dite du différentiel de loyer, soit une indemnité de 126.500 euros ;

En ce qui concerne la méthode comparative, elle s'appuie sur une cession d'un droit au bail du 21 avril 2001, portant sur un restaurant situé en contrebas des locaux loués par Mme Laâtra X... et jouissant d'une situation exceptionnelle par sa proximité avec la plage et l'océan ;

Cependant, il est manifeste que ce terme de comparaison ne saurait présenter une pertinence suffisante alors qu'il s'agit d'un fonds de commerce à usage de restaurant, jouissant d'une situation exceptionnelle et qu'il existe d'importantes conjectures sur le sort des constructions édifiées par le preneur sur le terrain donné à bail par la commune et leur incidence sur la valeur du droit au bail ;

Aucun usage dans la profession exercée par Mme Laâtra X... n'étant invoqué par les parties, la seule méthode d'évaluation pertinente est celle du différentiel de loyer à l'exclusion de la méthode de la valeur locative assortie d'un coefficient multiplicateur égale à la durée du bail, méthode déconnecté de toute réalité économique ;

La méthode du différentiel de loyer consiste à rechercher la différence entre la valeur locative du marché et le loyer réellement dû par le locataire évincé et à multiplier le montant ainsi obtenu par un coefficient tenant compte des spécificités du local ;

En l'espèce, l'expert estime la valeur locative à 25.000 euros ( à partir des locations saisonnières et de l'existence d'un bail) et la société BISCA à 27.770 euros mais sur la base de 160 euros le m² appliqués à une surface pondérée de 173,56 m² ;

Il n'est pas contesté que le loyer réactualisé dû par Mme Laâtra X... peut être évalué à 10.800 euros ;

La surface pondérée du local étant en réalité de 189,16 m², et le prix du m² à 160 euros étant pertinente, la valeur locative peut donc être fixée à 30.265,60 euros et le différentiel de loyer à 19.465,60 euros ;

Eu égard aux caractéristiques du local, son excellent emplacement et le potentiel de développement qu'il offre, il convient d'affubler ce différentiel d'un coefficient de 9, soit une indemnité d'éviction principale de 175.190,40 euros, arrondie à 175.191 euros ;

S'agissant des indemnités accessoires, Mme Laâtra X..., âgée de 69 ans à la date d'expiration du bail renouvelé, veut justifier de son intention de se réinstaller en versant

aux débats un acte sous seing privé d'achat d'un droit au bail "tous commerces" daté du 15 novembre 2006, d'un montant de 320.000 euros, sous condition suspensive d'une durée d'un an de l'obtention d'un financement à hauteur de 180.000 euros et de l'obtention d'une indemnité d'éviction ;

Cependant, cet acte, qui ne comporte aucune précision de la durée et du taux du ou des prêts, laisse incertain l'engagement réel de Mme Laâtra X... qui pourrait aisément faire échec à la condition suspensive sans encourir de risques juridiques ;

Compte tenu de l'âge de Mme Laâtra X..., du montant du financement de l'opération, de la non production d'un exemplaire du bail en cause, et de la précarité de la condition suspensive, et en l'absence de tout autre élément étayant la crédibilité du projet d'achat, Mme Laâtra X... ne démontre pas à suffisance la réalité de sa volonté de se réinstaller dans un commerce ;

En conséquence, il n'y a pas lieu à indemniser un préjudice dont la réalité n'est pas démontré ;

Le jugement entrepris sera infirmé sur le montant de l'indemnité d'éviction et la société BISCA condamnée à payer à Mme Laâtra X... la somme de 175.191 euros ;

L'article L 145-28 du Code de commerce dispose qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous les éléments d'appréciation ;

Cette indemnité qui est distincte du loyer auquel elle se substitue de plein droit dès l'exercice par le bailleur de son option, doit correspondre, à défaut de convention contraire, à la valeur locative ;

En l'espèce, la société BISCA sollicite à compter du 1er juin 2007, une indemnité mensuelle d'occupation de 1.000 euros, soit une indemnité annuelle de 24.000 euros, inférieure à la valeur locative telle que déterminée ci-avant ;

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de la société BISCA, étant évidemment précisé que cette indemnité ne se cumule pas avec les fractions mensuelles représentatives du loyer qui a dû être réglé d'avance au 30 septembre 2006 ;

SUR LE PACTE DE PRÉFÉRENCE

Par le même acte notarié en date du 08 juin 1988, les parties sont convenues des conditions et charges du bail consenti par M. C... à Mme Laâtra X... et d'un pacte de préférence en cas de vente de l'immeuble ainsi stipulé : "entre le bailleur et le preneur qui acceptent, chacun en ce qui le concerne, il est convenu ce qui suit : en cas de vente amiable des locaux présentement donnés à bail, pendant la durée de la location, par le bailleur aux présentes, celui-ci devra choisir le preneur aux présentes comme acquéreur, de préférence à tous autres amateurs, à conditions égales" ;

Les termes du litige ne concernent pas la question de la transmission du droit de préférence à l'acquéreur du fonds de commerce, mais celle de savoir si le locataire qui n'a pas exercé son droit de préférence peut, au cours du bail, opposer à l'acquéreur du bien loué l'obligation de préférence contractée par le précédent bailleur en cas de revente du dit bien ;

Le bail et le pacte de préférence sont des conventions essentiellement distinctes par leur nature et, en l'espèce, il ne résulte d'aucune clause de l'acte notarié que les parties auraient entendu donner un caractère indivisible aux deux conventions ;

En outre, en l'espèce, l'engagement du bailleur revêt un caractère personnel clairement réaffirmé dans l'acte ;

Par ailleurs, la validité du pacte était expressément limitée à la durée du bail, soit jusqu'au 31 mai 1997, sans qu'aucune clause ne stipule le maintien de ses effets en cas de tacite reconduction ou de renouvellement du bail ;

En raison du caractère personnel et autonome de la dette du bailleur, et quel que soit la cause du non exercice du droit de préférence à l'occasion d'un vente du bien loué, Mme Laâtra X... ne peut opposer à l'acquéreur de l'immeuble le pacte de préférence adjoint au bail ;

En l'espèce, il est constant que par acte notarié du 19 juillet 1993, M. C... a vendu l'immeuble comprenant les locaux à la SCI ARDAL, après que Mme Laâtra X... avait renoncé à exercer son droit de préférence ;

La SCI ARDAL était alors libre de choisir un quelconque futur acquéreur ;

Cependant, ultérieurement, et en réponse à la demande de renouvellement du bail signifiée par Mme Laâtra X..., la SCI ARDAL a expressément fait connaître à sa locataire qu'elle acceptait de "renouveler le bail commercial aux mêmes conditions et dans son intégralité";

L'emploi de l'expression "dans son intégralité" traduit la volonté de la bailleresse de souscrire à tous les engagements constatés dans l'acte notarié lui même et donc de consentir personnellement, et dans les mêmes termes que ceux énoncés dans l'acte, un nouveau pacte de préférence au profit de la locataire à compter du 1er juin 1998 ;

Cette volonté de la bailleresse est encore corroborée par l'évocation de ce pacte de préférence à l'occasion de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SCI ARDAL, laquelle n'a jamais contesté l'existence de son engagement ;

Ce pacte présente la même nature et le même caractère personnel que celui consenti par le précédant bailleur ;

Toutefois, il est constant que l'immeuble dans lequel se situent les locaux loués a été vendu à la société SHOM en exécution d'un plan de cession arrêté par le tribunal de commerce ;

Indépendamment des circonstances juridiques de cette vente qui faisaient échec au jeu de la clause de préférence, et alors que le jugement arrêtant le plan de cession n'imposait pas au cessionnaire le maintien du pacte de préférence, et pour les motifs de droit précédemment développés, la locataire ne peut opposer à la société SHOM une quelconque obligation de préférence au moment de la revente de son bien ;

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que la société SHOM n'était pas tenue par un quelconque pacte de préférence lors de la cession au profit de la société BISCA ;

En conséquence, Mme Laâtra X... sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour violation du pacte de préférence ;

Le jugement entrepris sera infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens, lesquels, en ce compris ceux d'appel, seront réunis en une masse et partagés par moitié entre les parties ;

Les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE irrecevable la demande de sursis à statuer formée par Mme Laâtra X...,

CONSTATE qu'il a été définitivement jugé que le bail a été renouvelé à effet au 1er juin 1998 pour se terminer le 31 mai 2007 à 24 heures ,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société BISCA de sa demande de constat du jeu de la clause résolutoire et de prononcé de la résiliation du bail, et en ce qu'il a débouté Mme Laâtra X... de sa demande de dommages-intérêts pour violation d'un pacte de préférence ,

L'INFIRME pour le surplus ,

CONDAMNE Mme Laâtra X... à payer à la société BISCA la somme de 128,56 euros (CENT VINGT HUIT EUROS CINQUANTE SIX CENTIMES),

FIXE l'indemnité d'éviction à la somme de 175.191 euros (CENT SOIXANTE QUINZE MILLE CENT QUATRE VINGT ONZE EUROS),

CONDAMNE la société BISCA au paiement de cette somme ,

ORDONNE la compensation entre ces deux créances réciproques ,

FIXE l'indemnité d'occupation due par Mme Laâtra X... à compter du 1er juin 2007 à la somme mensuelle de 1.000 euros (MILLE EUROS),

CONDAMNE Mme Laâtra X... au paiement de cette indemnité jusqu'à la libération effective des lieux,

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'expulsion de Mme Laâtra X... par anticipation sur un éventuel refus de libérer les lieux malgré la perception par la locataire de l'indemnité d'éviction,

FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié entre les parties,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

AUTORISE les avoués des parties à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt signé par Monsieur LARQUE, Président et par Madame MARI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 4063
Date de la décision : 05/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, 23 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2007-11-05;4063 ?
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