JF/BLL
Numéro 3979/07
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 25 octobre 2007
Dossier : 05/03401
Nature affaire :
Autres demandes en matière de vente de fonds de commerce
Affaire :
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS GUILBAUD,
S.A.R.L. GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL (GCP)
Me Sophie DUMOUSSEAU
C/
S.A.R.L. DABOUT,
Me GUERIN ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. DABOUT,
Me Jean Marc LIVOLSI ès qualités d'administrateur de la S.A.R.L. DABOUT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 octobre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de Procédure Civile
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 4 septembre 2007, devant :
Monsieur BERTRAND, Président
Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller
Monsieur FOUASSE, Conseiller chargé du rapport
assistés de Madame HAUGUEL, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTES :
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS GUILBAUD
135 allées des Caroubiers
40000 MONT DE MARSAN
représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
S.A.R.L. GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL (GCP)
47 allée des Caroubiers
40000 MONT DE MARSAN
représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentées par la SCP LONGIN C. ET P., avoués à la Cour
assistées de Me MESPLEDE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANT VOLONTAIRE
Maître Sophie DUMOUSSEAU
ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société GCP GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL
38, Rue Victor Hugo
40000 MONT-DE-MARSAN
INTIMES :
S.A.R.L. DABOUT
14/16 rue Saint Vincent de Paul
40000 MONT DE MARSAN
représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de Me SERIZIER, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
INTERVENANT VOLONTAIRE
Maître GUERIN
2 Rue du 49ème RI
BP 8278
64182 BAYONNE CEDEX
ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. DABOUT dont le siège social est 14/16 rue Saint Vincent de Paul 40000 MONT DE MARSAN
représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de Me SERIZIER, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
Maître Jean Marc LIVOLSI
134 avenue du Colonel Rozannoff
40000 MONT DE MARSAN
ès qualités d'administrateur de la S.A.R.L. DABOUT
sur appel de la décision
en date du 08 JUILLET 2005
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONT DE MARSAN
FAITS et PROCEDURE :
Par acte authentique en date du 07 décembre 2000, la S.A.R.L. DABOUT a acheté à la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS GUILBAUD la branche du fonds de commerce de distribution de produits multimédia, vente d'appareils radio Hi fi, téléviseurs et vidéo, petits et gros électroménagers, téléphonie, micro-informatique et vente de services liés à l'activité du commerce en direction du grand public exploité 14-16 rue Saint Vincent de Paul à Mont de Marsan.
Cet acte de vente prévoit expressément une clause d'interdiction de se rétablir dans le Département des Landes pendant une durée de cinq années, interdiction considérée comme une condition essentielle et déterminante de la vente.
La S.A.R.L. ETS GUILBAUD ne devait garder en effet que la branche du fonds de commerce d'activité de vente aux collectivités et marchés publics, et d'activité de service réparation et SAV, et d'antenniste.
Il était prévu en cas d'infraction par le cédant que ce dernier serait de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de 2.000 francs par jour de contravention et que le cessionnaire se réservait le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction.
La société des ÉTABLISSEMENTS GUILBAUD va par la suite créer deux filiales, la société GUILBAUD SERVICE TECHNIQUE ET GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL (GCP).
La S.A.R.L. DABOUT a été déclarée en redressement judiciaire par jugement de ce Tribunal en date du 23 août 2002, et Me GUERIN a été désigné en qualité de représentant des créanciers, et Me LIVOLSI en qualité d'administrateur judiciaire.
La liquidation judiciaire de la S.A.R.L. DABOUT a été prononcée par jugement en date du 27 juin 2003, et Me GUÉRIN désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Me GUÉRIN ès qualités, qui reprend l'instance initialement introduite par la S.A.R.L. DABOUT, le représentant des créanciers et l'administrateur judiciaire, soutient qu'en violation de la clause de non rétablissement contenue dans l'acte de cession, la S.A.R.L. ETS GUILBAUD et la S.A.R.L. GCP exercent une activité concurrentielle de ventes aux particuliers.
Le Tribunal de commerce de MONT de MARSAN a, par décision du 10 juillet 2005 :
- prononcé la résolution de la vente intervenue entre la S.A.R.L. ETS GUILBAUD et la S.A.R.L. DABOUT le 07 décembre 2000,
- condamné les ETS GUILBAUD à payer à Me GUÉRIN en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. DABOUT le montant du prix de vente soit la somme de 304.898,00 € outre intérêts de droit à compter du 15 mai 2003 date de l'assignation,
- condamné solidairement la S.A.R.L. ETS GUILBAUD et la Société GCP à payer à Me GUÉRIN ès qualitsé une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts et à titre de sanction de l'interdiction de rétablissement,
- condamné solidairement les ETS GUlLBAUD et la Société GCP à payer à Me GUERIN ès qualités une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les ETABLISSEMENTS GUILBAUD et la société GCP ont relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Les sociétés appelantes exposent que la société d'exploitation des ÉTABLISSEMENTS GUILBAUD a cédé sa branche d'activité de négoce «grand public» et s'est réservée la branche de négoce «collectivités publiques et professionnels», ainsi que la branche de prestations de services SAV et antenniste. Comme le lui permettent les articles L. 236-22 et L. 236-24 du Code de Commerce, l'apport partiel d'actif a permis à la société d'exploitation des Établissements GUILBAUD de «filialiser» ses deux branches d'activité et de leur donner une existence juridique autonome.
Les appelantes font d'abord valoir des fins de non recevoir estimant que la Cour est saisie d'une action en nullité de l'acte du 7 décembre 2000 pour dol et non d'une action en résolution de la vente, non formulée dans l'assignation ni devant le premier juge.
Au fond, elles indiquent que la Société d'exploitation des ÉTABLISSEMENTS GUILBAUD a déclaré dans l'acte qu'elle conservait deux activités :
- la branche du fonds d'activité de vente aux collectivités et marchés publics ;
- l'activité de service de réparation de toutes marques (SAV) et d'antenniste.
Or la société d'exploitation des ETABLISSEMENTS GUILBAUD ne s'est livrée à aucune concurrence ni directement ni indirectement, la vente visée par l'ordonnance de référés du 19 juillet 2001 concernant le stock n'étant intervenue qu'en raison du non respect par la S.A.R.L. DABOUT de sa parole donnée puisque cette dernière avait, verbalement, donné son accord pour cette vente.
Concernant les différentes pièces produites, elles réfutent ces éléments, estimant que les ventes alléguées à des particuliers concernent en fait, soit des réparations, soit des services après vente (SAV), soit des fournitures à des collectivités, toutes activités qu'elle avait, ainsi que ses filiales, la possibilité de poursuivre.
La société d'Exploitation des Établissements GUlLBAUD S.A.R.L. et la société GCP-GUILBAUD Collectivités et Professionnels S.A.R.L. demandent à la Cour de :
Réformant le jugement du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN du 8 juillet 2005,
- Dire et juger irrecevables toutes demandes en nullité de l'acte authentique du 7 décembre 2000 et toutes demandes nouvelles,
- Mettre la société GCP S.A.R.L. hors de cause,
- Débouter purement et simplement Me GUÉRIN ès qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Me GUÉRIN aux entiers dépens et à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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La S.A.R.L. DABOUT représentée par son liquidateur Me GUÉRIN et Me GUÉRIN ès qualité de liquidateur de la S.A.R.L. DABOUT s'opposent à ces demandes et rappellent qu'en violation de la clause de non rétablissement, la Société des ETS GUILBAUD, par l'intermédiaire de deux filiales crées par elle, en l'occurrence les Société GUILBAUD SERVICE TECHNIQUE ET GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL va exercer une activité concurrentielle au mépris total de la clause en cause.
Ils font valoir que la Société GUILBAUD a fait paraître dans le journal d'annonces "LE 4O" à destination du grand public, une publicité concernant des soldes qui seraient réalisées "à des prix fantastiques" : cette attitude sera d'ailleurs condamnée en référés.
Cependant, la société des ETABLISSEMENTS GUILBAUD va poursuivre son activité concurrente déloyale, comme le démontrent les nombreuses attestations produites aux débats et en conservant son numéro de téléphone et de fax.
La S.A.R.L. DABOUT représentée par son liquidateur Me GUÉRIN et Me GUÉRIN ès qualité de liquidateur de la S.A.R.L. DABOUT demandent à la Cour :
- Dire irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par la Société des ETABLISSEMENTS GUILBAUD et la S.A.R.L. GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL.
- Les en débouter purement et simplement ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
- Prononcer la nullité ou à tout le moins la résolution du contrat de vente conclu entre les parties le 07 décembre 2000.
- Condamner la Société des ETABLISSEMENTS GUILBAUD à payer à Me GUÉRIN ès qualités une somme de 304.898,00 € en restitution du prix d'acquisition du fonds.
Du fait de l'activité concurrentielle,
- Condamner solidairement la Société des ETABLISSEMENTS GUILBAUD et la Société GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL à payer à Me GUÉRIN ès qualités et la S.A.R.L. DABOUT, en réparation du préjudice subi, à titre de dommages et intérêts ou à tout le moins en application de la clause pénale prévue à l'acte de vente, une somme de 304.898,00 €.
- Condamner solidairement la S.A.R.L. des ETS GUILBAUD et la S.A.R.L. GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL (GCP) à payer à Me Dominique GUÉRIN la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel, et autoriser la S.C.P de GINESTET - DUALE - LIGNEY à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 mars 2007 et l'affaire fixée à l'audience du 4 septembre 2007 pour y être plaidée ;
Vu les conclusions déposées à la clôture.
MOTIFS de la DECISION :
La clause d'interdiction de se rétablir constitue une condition essentielle et déterminante sans laquelle le cessionnaire n'aurait pas contracté : or dès avant la vente, la société des ETABLISSEMENTS GUILBAUD avait constitué deux S.A.R.L. pour exercer la partie d'activité non cédée en l'occurrence la branche du fonds de commerce relative aux "ventes aux collectivités et marchés publics" et "activités de service réparation toutes marques (SAV) et d'antenniste".
En fait ces sociétés et spécialement la société GCP vont poursuivre l'activité envers le grand public, ce qui est parfaitement établi par les nombreuses publicités effectuées dans des journaux et notamment le journal "LE 40" dont la lecture est pour l'essentiel réservée aux particuliers. L'utilisation du nom GUILBAUD a été faite de manière abusive afin de tromper la clientèle et de continuer à pouvoir vendre dans le cadre de la poursuite de l'activité cédée, notamment en conservant les coordonnées téléphoniques et ce alors que ces éléments étaient cédés.
D'ailleurs, il est établi que la société continue à être dénommée "ETABLISSEMENTS GUILBAUD" au registre du Greffe du Tribunal de Commerce et que le nom "ETABLISSEMENTS GUILBAUD" est encore utilisé dans le cadre d'opérations commerciales courant de l'année 2002, puisqu'un certain nombre de documents du mois de juillet 2002 établissent l'utilisation persistante du nom en cause.
De plus, plusieurs attestations régulièrement versées aux débats démontrent que des ventes de matériels à des particuliers sont intervenues après la cession (pièces 1, 3, 8 et 9).
La Société d'Exploitation des ETABLISSEMENTS GUILBAUD est bien co-contractante et donc responsable de l'exécution du contrat, qu'elle le fasse directement ou par l'intermédiaire de ses filiales : ce comportement concurrentiel est de nature dolosive, compte tenu des actes établis avant et concomitamment à la vente : créations des filiales, préparation des ventes à prix sacrifiés, publicité envers le grand public et justifie le prononcé de l'annulation de la vente.
La S.A.R.L. ETABLISSEMENTS GUILBAUD doit dès lors être condamnée à payer à l'acquéreur le montant du prix de vente, soit la somme de 304.89,00 €, outre intérêts de droit à compter du 13 mai 2003, date de l'assignation.
Par contre la demande en dommages et intérêts ne sera pas retenue, cette demande fondée sur le non respect du contrat ne pouvant prospérer dans le cas de l'annulation dudit contrat.
La société GCP sera mise hors de cause n'étant pas partie au contrat du 7 décembre 2000.
Sur les autres demandes :
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles engagés pour la présente instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire, et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable et partiellement fondé,
Infirme le jugement entrepris,
- Met la société S.A.R.L. GUILBAUD COLLECTIVITES PROFESSIONNEL GCP hors de cause,
- Prononce l'annulation du contrat de vente conclu entre les parties le 7 décembre 2000,
- Condamne la S.A.R.L. des ETABLISSMENTS GUILBAUD à payer à Me GUÉRIN ès qualités la somme de 304.898, 00 € en restitution du prix d'acquisition du fonds avec intérêts de droit à compter du 13 mai 2003, date de l'assignation.
- Condamne la S.A.R.L. des ETABLISSEMENTS GUILBAUD à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la S.C.P de GINESTET - DUALE - LIGNEY à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par Monsieur BERTRAND, Président et par Madame HAUGUEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT