JF / AM
Numéro 3672 / 07
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1
ARRET DU 8 octobre 2007
Dossier : 05 / 04346
Nature affaire :
Autres demandes en matière de location-gérance du fonds de commerce
Affaire :
Albert X...Y...Marie Z...épouse X...Y...
C /
Gilles A...ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL BASCOUTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 octobre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 18 Juin 2007, devant :
Monsieur LARQUE, Président
Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller
Monsieur FOUASSE, Conseiller chargé du rapport
assistés de Madame HAUGUEL, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur Albert X...Y...
né le 28 Novembre 1939 à JURANCON (64)
de nationalité Française
...
64400 OLORON SAINTE MARIE
Madame Marie Z...épouse X...Y...
née le 11 Mars 1946 à OLORON SAINTE MARIE (64)
de nationalité française
...
64400 OLORON SAINTE MARIE
représentés par la S. C. P. LONGIN C. ET P., avoués à la Cour
assistés de Maître CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Maître Gilles A...
...
64000 PAU
ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. BASCOUTE
représenté par la S. C. P. DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assisté de Maître DABADIE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 16 NOVEMBRE 2005
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
FAITS et PROCEDURE :
Par acte sous-seing privé en date du 4 octobre 2002, Monsieur et Madame X...Y...ont donné en location-gérance à la SARL BASCOUTE un fonds de commerce de pâtisserie, confiserie, glacier, salon de thé situé à OLORON SAINTE MARIE, ..., pour lequel le bailleur est immatriculé au Registre du commerce et des sociétés d'OLORON, sous le numéro A 046 870 242. Ce bail était consenti pour une durée de 28 mois entiers et consécutifs à compter rétroactivement du 1er octobre 2001, pour se terminer le 31 janvier 2004. Le loyer mensuel hors taxes s'élevait à la somme de 12 400 Frs.
En outre un dépôt de garantie intégralement payé, était versé entre les mains du bailleur en deux échéances de 125 000 Frs chacune.
Par décision du 21 juillet 2003 du Tribunal de commerce d'OLORON SAINTE MARIE, la SARL BASCOUTE a été mise en redressement judiciaire.
Le 31 janvier 2004, Monsieur et Madame X...Y..., à l'issue du terme du bail, ont récupéré la jouissance du fonds de commerce, mais n'ont pas restitué le dépôt de garantie, faisant valoir diverses dégradations et le non-respect par la SARL BASCOUTE de certaines de ses obligations.
Par jugement du 16 février 2004, la SARL BASCOUTE a été placée en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce d'OLORON SAINTE MARIE. Maître A..., désigné par ledit jugement en qualité de mandataire liquidateur s'est estimé bien fondé à solliciter la condamnation solidaire de Monsieur et Madame X...Y...à lui payer la somme de 38 112, 25 € au titre du remboursement du dépôt de garantie, avec intérêt au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation.
Par jugement du 16 novembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de PAU condamnait M. et Mme X...à verser à Me A..., ès qualités, la somme de 22 510. 45 euros au titre du solde du dépôt de garantie après déduction du montant des travaux de remise en état des lieux.
M. et Mme X...ont relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M et Mme X...font valoir qu'en l'absence d'état des lieux contraire, les locaux loués sont présumés avoir été remis au locataire lors de son entrée dans les lieux, en bon état d'entretien ; or les photographies versées aux débats établissent selon eux l'état déplorable dans lequel le local a été délaissé par la SARL BASCOUTE à l'issue de la location-gérance ; cet état désastreux a nécessité la réalisation de travaux de remise aux normes pour un montant total justifié par factures de 15 601, 80 euros.
Ils indiquent par ailleurs que de nombreux éléments d'équipements indispensables au fonctionnement du salon de thé chocolaterie avaient disparu au 16 février 2004 : le Tribunal a estimé que la preuve de la présence de ces biens meubles lors de l'entrée en jouissance de la SARL ne serait pas apportée : or il s'agit d'éléments nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce de pâtisserie, confiserie, glacier, salon de thé, donné en location-gérance ; ils s'y trouvaient donc nécessairement.
M. et Mme X...Y...soulignent que la perte de valeur du fonds de commerce doit être prise en compte : cette perte de valeur est la conséquence nécessaire et inéluctable de la dégradation des locaux qui est établie.
Enfin, les appelants font valoir que la SARL BASCOUTE ne justifie pas avoir exécuté ses obligations de locataire au titre du paiement des redevances auxquelles elle était tenue : au contraire, il résulte du carnet de redevances de la SARL BASCOUTE déposé en original au greffe de la Cour, qu'au 5 / 1 / 2004 demeurait un impayé de 20 648. 32 euros, par ailleurs, la SARL BASCOUTE n'a pas davantage réglé les loyers afférents au bail commercial de telle sorte que les époux X...Y..., bien que non tenus, ont été contraints de verser lesdites sommes au propriétaire du local commercial : sont en effet demeurés impayés la totalité des loyers de location-gérance de mai 2003 à février 2004, soit la somme de 22 909, 20 €.
Les époux X...Y...ont été également contraints, en dehors des sommes conséquentes versées pour procéder aux travaux de réfection du local, de payer les créanciers de la SARL BASCOUTE.
Les époux X...Y...demandent à la Cour de :
- Débouter Me A..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL BASCOUTE, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- Le condamner au paiement de la somme de 40. 000 euros au titre du préjudice subi par les époux X...Y...résultant de la diminution de la valeur du fonds à raison des agissements fautifs de la SARL BASCOUTE. ;
- Le condamner au paiement de la somme de l 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens et autoriser la SCP C. ET P. LONGIN à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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Me A..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL BASCOUTE, s'oppose à ces demandes et indique qu'en ce qui concerne les factures antérieures à la réouverture, la Cour constatera qu'elles ne reposent sur aucun constat ou justificatif d'une détérioration incombant à la SARL BASCOUTE.
Par ailleurs, il soutient qu'il résulte d'un constat établi à la demande de Mademoiselle SAINT JEAN, employée, dans une procédure prud'homale, que dès le 03 / 04 / 2004 " le magasin est ouvert à la clientèle, avec présence de marchandises dans les étals et présence de deux clients ".
Par conséquent, toutes les factures postérieures à cette date ne peuvent en aucun cas correspondre à des travaux de remise en état du fonds de commerce soi-disant inexploitable : le premier juge aurait dû écarter la réclamation de Monsieur et Madame X...Y...a minima pour la somme de 9 136, 75 €.
Concernant les matériels manquants, Me A...indique que les appelants ne démontrent pas que ces matériels existaient lors de la remise initiale du fonds au locataire gérant.
Sur la valeur du fonds de commerce, Me A...observe que la perte de valeur du fonds n'est étayée par aucune pièce et que l'activité a été reprise quelques jours après la remise des clés.
Me A...demande à la Cour de réformer partiellement le jugement entrepris, et de :
- Condamner solidairement M. et Mme X...Y...à lui payer, ès qualités, la somme de 38 112, 25 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal, à compter de la délivrance de la présente,
- Débouter M. et Mme X...Y...de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles,
- Condamner solidairement M. et Mme X...Y...à payer à Me Gilles A..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL BASCOUTE, la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Condamner solidairement M. et Mme X...Y...aux entiers dépens et autoriser la SCP DE GINESTET-DUALE-LIGNEY à recouvrer directement contre eux les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en vertu de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 février 2007 et l'affaire fixée à l'audience du 18 juin 2007 pour y être plaidée.
Vu les conclusions déposées à la clôture.
MOTIFS de la DECISION :
Le contrat de bail prévoit (page 8) que le dépôt de garantie " servira d'acompte à restituer en fin de location-gérance au locataire gérant après qu'il aura justifié avoir rempli toutes les obligations lui incombant en vertu des présentes et avoir payé l ‘ intégralité des impôts dus par lui du fait de la gérance " ;
Aucun état des lieux n'a été établi à l'entrée, si bien que les locaux jouissent d'une présomption de bon état d'entretien, le contrat de bail contient un inventaire décrivant le matériel propre à l'exploitation du fonds de commerce, à savoir :
- balance
-machine Cream Master
-comptoir STOCHOLM
-bastocuiseur
-balance électronique
-batteur
-radiateur
-store
-vitrine
-turbine glace
-placard
-conserveur
-grille
-miroir
-bandeau aluminium
-lave mains
-bureau classeur
-machine à calculer
Mais les éléments signalés comme manquants par les époux X...Y...ne se retrouvent pas dans cet inventaire et le constat d'huissier du 1er mars 2004 versé aux débats souligne bien qu'il ne s'agit que des déclarations de la SARL Y...:
" Il m'est à nouveau déclaré par la requérante qu'il manque deux plans de travail, quatre téléphones, un présentoir à gâteaux, deux grosses malles, une vitrine d'exposition, une hotte aspirante, un micro-onde FIRSTLINE, un petit congélateur, un lave-vaisselle, un dinastar, trois facturiers, une machine à fabriquer le chocolat ".
A défaut d'inventaire exhaustif à l'entrée dans les lieux, ces affirmations ne peuvent suffire à établir les mobiliers manquants.
Par contre, l'examen des factures produites par M. et Mme X...Y...(électricité, nettoyage, divers meubles, vitrage, dépannages machines,...), factures non véritablement contestées, pour un montant global de 15 601, 80 euros, montre que les locaux n'ont pas été entretenus comme le preneur en avait l'obligation et cette somme globale des travaux de remise en état doit venir en diminution du montant du dépôt de garantie dont les bailleurs doivent restitution.
Les bailleurs présentent d'autres éléments qui selon eux devraient également venir en déduction du dépôt de garantie.
Sur les créances fiscales et sociales et les loyers commerciaux payés par eux en lieu et place du preneur : ces créances éventuelles ne sont justifiées par aucune pièce précise, en dehors des propres écritures des époux X..., et ne peuvent être prises en compte en dehors d'une déclaration à la liquidation judiciaire.
Enfin, concernant la promesse de vente garantie par le dépôt en cause, il est convenu en fin du contrat de location-gérance au paragraphe " Indemnité d'immobilisation-clause pénale " que :
" En conséquence de la promesse (de vente du fonds de commerce) et à titre d'indemnité forfaitaire pour l'immobilisation du fonds de commerce en résultant au préjudice du cédant, au cas où le cessionnaire n'en demanderait pas la réalisation dans les délais et conditions convenues, et pour garantir le paiement de cette indemnité au cas où elle serait due, les parties conviennent, une fois les comptes de fin de location-gérance terminés, de retenir une somme de 250 000 Francs, pour le dépôt de garantie versé ainsi qu'il est dit ci-dessus, sauf cas de force majeure ".
Du fait de la décision du 21 juillet 2003 du Tribunal de commerce d'OLORON SAINTE MARIE de mise en redressement judiciaire de la SARL BASCOUTE, cette dernière se trouvait bien dans un " cas de force majeure " pour ne pas lever l'option d'achat : la demande de M. et Mme X...Y...sur ce point sera donc écartée.
Ainsi il y a lieu de compenser les créances réciproques retenues-soit les frais de nettoyage et de remise en état-et de confirmer le jugement entrepris spécialement en ce qu'il a condamné les époux X...Y...à payer à Me A..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL BASCOUTE, la somme de 22 510, 45 euros en remboursement du dépôt de garantie après déduction de la somme de 15 601, 80 euros.
Sur les autres demandes :
- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :
M. et Mme X...Y...fondent leur demande en dommages et intérêts d'une somme de 40 000 euros, sur la perte de valeur du fonds de commerce, conséquence selon eux de la dégradation des locaux. Comme indiqué précédemment, ils n'ont pas repris un fonds en ruine comme ils le soutiennent puisque moyennant quelques travaux, ils ont pu effectuer la reprise rapide de l'activité : en effet la remise des clés est intervenue le 25 février 2004 et dès le 3 avril soit un mois après la remise des clés, les propriétaires exploitaient de nouveau le fonds et accueillaient la clientèle.
Enfin les éléments comptables présentés présentent certaines incohérences comme celle de comparer le solde de TVA entre les exercices 2000 / 2001 et 2003 / 2004 en comparant des francs (13 257 francs) avec des euros (5 711 euros).
Mais surtout la prise en compte de la valeur du fonds, vendu le 2 février 2005 par M. et Mme X...Y...ne peut être retenue puisqu'ils ont repris l'exploitation du fonds en mars 2004 : ils avaient donc depuis cette date la maîtrise de l ‘ exploitation et ne peuvent, près de dix mois après cette reprise, faire porter à l ‘ ancien preneur, les éventuelles variations de la valeur du fonds.
- Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Compte tenu des éléments de la cause, il serait inéquitable de laisser à la charge de Me A..., ès qualités, les frais irrépétibles engagés pour la présente instance, les dépens d'appel étant mis à la charge des appelants.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare M. et Mme X...Y...recevables mais mal fondés en leur appel,
Et en conséquence,
- Rejette l'ensemble des demandes de M. et Mme X...Y...,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- Déboute Me A...pour le surplus de ses demandes,
- Condamne solidairement M. et Mme X...Y...à payer à Me A..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL BASCOUTE, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne solidairement M. et Mme X...Y...aux dépens d'appel et autorise la S. C. P. DE GINESTET-DUALE-LIGNEY, avoués, à recouvrer directement contre eux les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en vertu de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Signé par Monsieur Jean-Michel LARQUE, Président, et par Madame Sylvie HAUGUEL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT