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24/05/2007 | FRANCE | N°05/01545

France | France, Cour d'appel de Pau, 24 mai 2007, 05/01545


SG / MFSC


No 2248 / 07




COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale






ARRET DU 24 / 05 / 2007






Dossier : 05 / 01545




Nature affaire :


Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution














Affaire :


S. A. PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE


C /


Bertrand X..., François Y... domicilié au Cabinet de Me Z..., Xavier A..., Régis B..., Serge C..., Hen

ri D..., Jean François E..., Christophe F..., Michel G..., José H..., Ramuntcho I...





































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS










A R R E T


prononcé par Monsieur P...

SG / MFSC

No 2248 / 07

COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale

ARRET DU 24 / 05 / 2007

Dossier : 05 / 01545

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

S. A. PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE

C /

Bertrand X..., François Y... domicilié au Cabinet de Me Z..., Xavier A..., Régis B..., Serge C..., Henri D..., Jean François E..., Christophe F..., Michel G..., José H..., Ramuntcho I...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,

assisté de Madame BLANCHE, Greffier,

à l'audience publique du 24 MAI 2007
date à laquelle le délibéré a été prorogé

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 1er Mars 2007 et en continuation à l'audience publique du 08 Mars 2007, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame BLANCHE, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S. A. PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE
ZI des Joncaux
Bât C
64700 HENDAYE

rep / assistée de Me Philippe J..., avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur Bertrand X...

...

64700 HENDAYE

bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 0903 du 23 / 02 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur François Y... domicilié au Cabinet de Me Z...

Rés IZARRA

...

64100 BAYONNE

Monsieur Xavier A...

...

Appt 88
64700 HENDAYE

Monsieur Régis B...

...

64122 URRUGNE

Monsieur Serge C...

...

64700 HENDAYE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 0905 du 23 / 02 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Henri D...

...

64700 HENDAYE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007 / 0906 du 23 / 02 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Jean François E...

...

64700 HENDAYE

Monsieur Christophe F...

...

64700 HENDAYE

Monsieur Michel AA... Avenue des Pyrénées
64500 CIBOURE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 0902 du 23 / 02 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur José H...

...

64700 HENDAYE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 0904 du 23 / 02 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Monsieur Ramuntcho I...

Maison PELENIA
64122 URRUGNE

représentés et assistés de Me Anne Marie Z..., avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision
en date du 18 AVRIL 2005
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BAYONNE

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE, a été constituée et s'est implantée en 1991 à HENDAYE (64).

La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a embauché les intimés dans les conditions suivantes :

M. Bertrand X... le 11 juin 2001 en qualité d'aide conducteur Cameron.
M. Christophe F... le 1er février 2002 en qualité d'ouvrier.
M. Jean-François E... le 03 janvier 1992 en qualité d'ouvrier qualifié.
M. François Y... le 11 septembre 1995 en qualité d'ouvrier.
M. Régis B... le 25 avril 1994 en qualité d'ouvrier.
M. José H... le 17 juin 1997 en qualité d'aide conducteur.
M. Michel G... le 18 mars 2002 en qualité d'employé expédition-réception.
M. Henti D... le 24 mai 1994 en qualité d'ouvrier.
M. Ramuncho I... le 02 mai 2001 en qualité d'aide conducteur Cameron.
M. Serge C... le 12 mars 2001 en qualité de conducteur Cameron.
M. Xavier A... le 06 juillet 1992 en qualité de conducteur BMB.

Société de droit français, la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE fait partie du groupe espagnol IBERPAPEL composé de 13 sociétés implantées dans quatre pays (8 un Espagne, 1 en Argentine, 2 en Uruguay, 2 en France), qui employaient 381 personnes physiques au total lors des licenciements en 2003, dont 23 à la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE.

Cinq de ces sociétés étaient spécialisées dans l'exploitation forestière et l'approvisionnement de bois ; 01 était spécialisée dans la fabrication de pâte à papier ; 05 étaient spécialisées dans la vente et la distribution des produits finis papiers ; 01 était spécialisée dans les activités de promotion ; la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE étant elle-même spécialisée dans la transformation de papier en papier autocopiant.

Le procédé de transformation de papier en papier autocopiant consistait à déposer sur la matière première une couche réactive contenant essentiellement de l'encre, de l'amidon de protection ainsi que de l'eau et impliquait l'utilisation de machines spécifiques de type de BMB.

Confrontée à des difficultés économiques la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a mis en place diverses mesures de chômage partiel du personnel.

Une réunion extraordinaire des délégués du personnel a été organisée le 17 janvier 2003 pour information et consultation : sur la marche de l'entreprise, sa situation économique et les conséquences générales pour l'emploi du projet de cessation de l'activité de production ; sur le projet de licenciement collectif pour raisons économiques résultant de la cessation d'activité envisagée ; sur les critères proposés pour l'ordre des licenciement ; sur les mesures de reclassement envisageables et la mise en place d'une cellule de reclassement ; sur les propositions d'adhésion au PARE anticipé.

Une nouvelle réunion extraordinaire des délégués du personnel a été organisée le 28 janvier 2003 sur le même ordre du jour.

Chacun des intimés a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 07 mars 2003 pour raisons économiques aux motifs, énoncés dans la lettre de licenciement, de difficultés économiques graves qui affectent la marche de l'entreprise se traduisant par des pertes comptables annuelles s'élevant à plus de 1   570   000 € pour l'exercice clos au 31 décembre 2002 et des pertes cumulées atteignant plus de 2   300   000 €, résultant de la dégradation générale du marché ne permettant plus d'envisager le maintien de l'activité de production.

Chacun des intimés a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bayonne le 04 mars 2004 pour que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes :

M. Bertrand X... : 19   500 € ;
M. Christophe F... : 19   000 € ;
M. Jean-François E... : 26 300 € ;
M. François Y... : 17   700 € ;
M. Régis B... : 25   200 € ;
M. José H... : 18   600 € ;
M. Michel G... : 17   500 € ;
M. Henti D... : 22   600 € ;
M. Ramuncho I... : 16   200 € ;
M. Serge C... : 18 600 € ;
M. Xavier A... : 23   100 €.

Par jugements en date du 04 mars 2004, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure, le Conseil de Prud'hommes de Bayonne (section industrie) :

-a dit que la rupture du contrat de travail de chacun de ces salariés s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-a condamné la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE à payer à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse les sommes suivantes :

M. Bertrand X... : 7400 € ;
M. Christophe F... : 8600 € ;
M. Jean-François E... : 25 200 € ;
M. François Y... : 17   700 € ;
M. Régis B... : 22   500 € ;
M. José H... : 17 300 € ;
M. Michel G... : 7   800 € ;
M. Henti D... : 22   000 € ;
M. Ramuncho I... : 11 000 € ;
M. Serge C... : 11 000 € ;
M. Xavier A... : 22 500 €.

-a condamné la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE à payer à chacun de ces salariés la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

-a dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine et à compter du présent jugement pour les dommages-intérêts ;

-a débouté les salariés de leur demande d'exécution provisoire ;

-a débouté la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE de ses demandes reconventionnelles ;

-a condamné la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE aux entiers dépens ainsi qu'aux frais éventuels d'huissier en cas d'exécution forcée de la décision.

Par lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 avril 2005 la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE, représentée par son conseil, a interjeté appel général des 11 décisions qui lui ont été notifiées le 20 avril 2005.

Ces appels ont été enregistrés sous les numéros RG suivants :

C / M. Bertrand X...-RG no 05 / 01545
C / M. Christophe F...-RG no 05 / 01546
C / M. Jean-François E...-RG no 05 / 01547
C / M. François Y...-RG no 05 / 01548
C / M. Régis B...-RG no 05 / 01549
C / M. José H...-RG no 05 / 01550
C / M. Michel G...-RG no 05 / 01551
C / M. Henti D...-RG no 05 / 01552
C / M. Ramuncho I...-RG no 05 / 01553
C / M. Serge C...-RG no 05 / 01554
C / M. Xavier A...-RG no 05 / 01555.

Par ordonnance en date du 13 février 2006 la jonction de ces procédures a été ordonnée sous le numéro unique RG 05 / 01545.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

-dire recevables et bien-fondés ses appels ;

-réformer en tous leurs éléments les jugements du Conseil de Prud'hommes de Bayonne en date du 18 avril 2005 ;

-dire que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle sérieuse ;

-débouter en conséquence chacun des salariés de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamner chacun des salariés au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens ;

À titre infiniment subsidiaire :

-si par impossible la cour d'appel jugeait que le licenciement pour motif économique est dénué de cause réelle et sérieuse, limiter le montant des dommages-intérêts à une réparation de principe en application des dispositions de l'article L. 122-14-5 du Code du Travail, les salariés ne rapportant pas la preuve de leurs préjudices.

La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE expose qu'au sein du groupe IBERPAPEL elle s'est consacrée principalement puis exclusivement aux activités de transformation de papier dans le secteur de l'autocopiant et était l'unique entreprise du groupe à assurer cette spécialité. Elle fait valoir que jusqu'en 2001 elle exerçait de manière secondaire l'activité de transformation de papier A4 sur une machine de production dénommée WILL, mais s'agissant d'une activité qui a toujours généré des pertes importantes, elle a dû se séparer de cette machine pour un montant de 1   100   000 €, cédée en 2001 à la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga, afin d'éviter une cessation prématurée de l'activité et un dépôt de bilan alors que la perte d'exploitation de l'année 2001 s'élevait à 1   494   940 €..
Elle conteste donc avoir appartenu au même secteur d'activité que celui de la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga et fait valoir que ces deux entreprises n'ont jamais fabriqué concomitamment du papier A4.

La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE fait observer que l'aide à la création d'emplois ne concernait pas la production WILL, mais de nouveaux investissements concernant uniquement la fabrication de pâtes à papier.
Elle rappelle que l'employeur est seul maître du choix de la solution qui lui apparaît la meilleure pour assurer la sauvegarde de l'entreprise ou pour enrayer les difficultés.
La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE soutient que le véritable motif du licenciement économique est la cessation d'activité de l'entreprise et non ses difficultés économiques en tant que telles.
Elle fait valoir que la dégradation générale du marché s'est traduite notamment par la disparition récente des unités de production de papier autocopiant de l'entreprise MOUGEOT qui était son principal concurrent.
Elle précise que les pertes subies en 2001 d'un montant de 473   784 € se sont aggravées en 2002 en s'élevant à plus de 1   500   000 €, malgré la plus-value exceptionnelle de cession de 1, 1 million d'euros, la contraignant à envisager la cessation de son activité ; dans un souci de reclassement il a été décidé d'envisager la création d'une activité de stockage magasinage ce qui permettait d'assurer le maintien de trois emplois jusqu'au 31 décembre 2003 ; l'ensemble immobilier d'HENDAYE a été récemment cédé.
La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE soutient que la cessation de son activité n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable qu'elle aurait commise.
La SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE prétend avoir respecté son obligation de reclassement en procédant à une tentative de reclassement de l'ensemble des salariés.

Les intimés, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demandent à la Cour de :

-confirmer le jugement entrepris ;

-en conséquence, dire que les licenciements intervenus sont sans cause réelle et sérieuse ;

-condamner la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE au paiement des sommes suivantes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. Bertrand X... : 7400 € ;
M. Christophe F... : 8600 € ;
M. Jean-François E... : 25 200 € ;
M. François Y... : 17   700 € ;
M. Régis B... : 22   500 € ;
M. José H... : 17 300 € ;
M. Michel G... : 7   800 € ;
M. Henti D... : 22   000 € ;
M. Ramuncho I... : 11 000 € ;
M. Serge C... : 11 000 € ;
M. Xavier A... : 22 500 € ;

-la condamner au paiement de 1300 € pour chacun des anciens salariés au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

Les intimés exposent que la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga (PGZ), dont la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE était filiale, s'apercevant dans les années 1990 des possibilités de développement des productions de papier A 4 a décidé d'implanter une deuxième unité de production à HENDAYE ; lors de son implantation à HENDAYE la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a bénéficié d'aides financières importantes octroyées par la région et l'Etat à hauteur de 100   000 FF par emploi créé, outre une exonération de la taxe professionnelle pendant un an ; dans le cadre de l'accord intervenu en 2001 pour l'application des 35 heures il était expressément prévu une obligation de maintien de l'emploi durant 24 mois, soit jusqu'à la fin février 2003 ; or, dès le délai de deux ans expiré les salariés ont été licenciés pour motif économique.

Les intimés soutiennent que le motif économique ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse dans la mesure où les difficultés financières n'ont pas été appréciées au regard du groupe dont fait partie la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE et dont la situation financière était parfaitement saine et ne justifiait pas les licenciements intervenus.
Ils prétendent que la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE n'était pas la seule société du groupe à assurer une activité dans le secteur de l'autocopiant et que la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga intervenait également dans ce secteur d'activité.
Ils font valoir que l'activité de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE n'était pas exclusivement consacrée à la transformation de papier en papier autocopiant, puisqu'elle possédait une chaîne de production de papier A4, qui s'est développé au détriment de l'autocopiant, qu'elle possédait une machine prévue pour fonctionner en permanence pour la fabrication et le conditionnement de papier A4 alors qu'elle n'a jamais été utilisée plus d'un à deux jours par semaine.
Ils prétendent que la vente de la chaîne de production à la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga n'avait pas pour objectif un apport de trésorerie mais constituait une phase supplémentaire dans le lent processus mis en place destiné à la cessation d'activité de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE, et en veulent pour preuve que les locaux de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE ont été réaffectés au stockage du produit A4 élaboré par la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga.
Ils font observer que la vente du matériel n'a permis à la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE de maintenir les emplois qu'à peine plus d'un an, soit précisément pendant le délai restant à courir pour respecter les termes de l'accord signé le 1er mars 2001 prévoyant l'obligation de maintien d'emploi jusqu'en février 2003.
Ils considèrent que les licenciements économiques procèdent d'une volonté délibérée de ne pas maintenir les emplois sur le site d'Hendaye en dépit des moyens matériels et humains, volonté indépendante des motifs invoqués dans la lettre de licenciement.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 22 juin 2006 a fait l'objet d'un renvoi contradictoire, à la demande des parties, pour l'audience 1er mars 2007.

Par fax du 27 février 2007 le conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a sollicité un nouveau renvoi de l'affaire en raison de son indisponibilité.

Afin d'éviter tout nouveau retard dans le traitement de cette affaire, et avec l'accord de l'avocat représentant l'avocat de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE et de l'avocat représentant les intimés, celui-ci a été autorisé à plaider et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 08 mars 2007 en continuation pour plaidoirie du conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE.

Par fax du 08 mars 2007 le conseil des intimés a sollicité le rejet de nouvelles pièces reçues dans l'après-midi du 07 mars 2007.

À l'audience 08 mars 2007 le conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a fait observer que plusieurs des pièces dont le rejet est demandé avaient déjà été communiquées en première instance, s'agissant notamment des propositions de reclassement.

À l'issue de la plaidoirie du conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE, l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais requis par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant la demande de rejet de pièces :

Parmi les pièces communiquées au conseil des intimés le 07 mars 2007 figurent notamment les propositions de reclassement à chacun d'entre eux.

Il ressort du bordereau de remise de pièces annexé aux conclusions de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE pour l'audience du 08 novembre 2004 devant le Conseil de Prud'hommes de Bayonne que les propositions de reclassement de chacun des intimés ont été communiquées en première instance.

Par conséquent il n'y a pas lieu de rejeter ces pièces là.

En revanche, il n'est pas établi que la pièce en date du 14 avril 2004 ayant pour objet le « suivi de la cellule de reclassement », et le courrier en espagnol en date du 0 6 mars 2007 adressé au conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE par M. José L..., directeur RRHH du groupe IBERPAPEL, ainsi que la traduction de ce courrier par un traducteur assermenté auprès de la Cour d'Appel de PAU, en date du 06 mars 2007, aient déjà faits l'objet d'une communication.

Par conséquent, en application des dispositions des articles 15, 16 et 445 du NCPC, il y a lieu d'ordonner le rejet de ces deux pièces.

Concernant le motif économique du licenciement :

La cessation complète de l'activité de l'employeur constitue en elle-même une cause économique de licenciement au sens de l'article L. 321-1 du Code du Travail, dont le contrôle, comme motif économique, et de ses conséquences sur les emplois, ne peut porter sur les causes de la cessation mais seulement sur le comportement de l'employeur qui conduit à écarter la cause de la situation économique comme sérieuse lorsqu'elle résulte d'une légèreté blâmable de l'employeur, sans que cette conduite fautive soit confondue avec des erreurs de gestion ou de prévisions inhérentes à l'activité économique et sans qu'il soit prononcé sur la valeur des choix effectués pour cette gestion.

Il ressort de la lettre de licenciement en date du 07 mars 2003 qu'après avoir rappelé les difficultés économiques graves qui affectent la marche de l'entreprise la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a explicitement énoncé que dans ces conditions il avait été décidé de cesser l'activité de production, entraînant la suppression de l'emploi de chacun des salariés destinataires de ladite lettre.

Il ressort des pièces versées au débat, et il n'est pas contesté, que la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE a cessé de manière définitive son activité de production à laquelle participait l'ensemble des salariés de sorte que cette cessation définitive entraînait nécessairement la suppression de tous les emplois.

Les intimés reconnaissent dans leurs conclusions écrites que le secteur d'activité de production du papier autocopiant était en régression (page 10).
Ils considèrent que la décision de l'employeur de maintenir cette activité, en connaissance de la régression de ce secteur, caractérise une volonté délibérée de ne pas maintenir les emplois sur le site alors qu'existait la possibilité de développer l'activité dans le secteur du papier A 4 en pleine expansion.

La production de papier A4 à l'aide de la machine de production WILL consistait en la coupe du papier format A4 à partir de bobines fabriquées à Hernani par la société-mère, la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga.
Cette production s'opérait donc de la manière suivante : transport des bobines de Hernani à HENDAYE ; coupe du papier en format A4 ; constitution de ramettes du papier coupé ; emballage plastifié des ramettes ; les ramettes sont déposées sur des palettes ; les palettes sont transportées à Hernani d'où le papier est distribué aux clients.
Avec ce circuit de production le coût de fabrication de la transformation d'une bobine en papier format A4 revenait à 70, 30 € la tonne.
En transférant la fabrication du papier format A4 de Hendaye à Hernani, où les bobines étaient fabriquées, la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga réduisait les manipulations en évitant la charge, le transport, la décharge, réduisait la gestion des stocks, permettait une meilleure récupération des déchets, un coût énergétique moindre, ramenant ainsi le coût de fabrication à 54, 30 € la tonne.

En outre, il ressort des pièces versées aux débats, que l'activité de production de papier format A4 a généré des pertes dix années sur onze (à l'exception de 1996) pour un total de 3   865   967 € ramené 2   749   498 € en raison de la plus-value exceptionnelle de 1   116   469 € résultant de la vente en 2001 de la machine WILL.

Par conséquent, la gestion du rythme de production du papier format A4, la décision d'arrêter cette production et la décision de vendre la machine Will à la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga ne sont pas susceptibles d'être interprétées comme des décisions caractéristiques d'une légèreté blâmable ni d'un comportement fautif de l'employeur.

Le fait que la cessation de l'activité soit intervenue à l'expiration du délai de deux ans fixé par l'accord du 26 février 2001 contenant notamment obligation pour la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE de maintenir pendant une durée de 24 mois l'effectif de l'entreprise n'est pas en soi suffisant pour caractériser une légèreté blâmable ou un comportement fautif de l'employeur, ni même que cette cessation de l'activité résulterait d'une volonté délibérée déjà arrêtée lors de la signature d'un tel accord.

Les intimés contestent le fait que la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE aurait été la seule entreprise du groupe dans le secteur d'activité de la production de papier autocopiant.

À l'appui de cette allégation les intimés versent aux débats, notamment, des photocopies d'étiquettes apposées sur les bobines de papier qui, selon leurs conclusions écrites, feraient apparaître la mention de la qualité des supports entrant dans le processus de fabrication de ce papier et portant les références de l'unité de production de la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga..

Par courrier en date du 17 avril 2003 la CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DE L'INDUSTRIE DES PAPIERS, CARTONS ET CELLULOSES (COPACEL) précise qu'il y a une différence entre les papiers autocopiants et les autres papiers d'impression et d'écriture qui réside à la fois dans la technique de fabrication du produit mais également dans son usage et rappelle que la nomenclature douanière ajoute un élément supplémentaire de différenciation entre ces deux types de papier en classant les papiers d'impression et d'écriture dits « non couchés » dans la catégorie 4802 et le papier carbone, dit autocopiant, dans la catégorie 4809, à proximité immédiate des papiers dits « couchés ».

Ainsi, si la différenciation s'opère au niveau de la technique de fabrication et de l'usage du papier, le fait que la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga produise du papier à partir duquel va être fabriqué le papier autocopiant ne suffit pas à établir que la société-mère et sa filiale intervenait dans le même secteur d'activité.

A l'appui de leur allégation les intimés font également valoir que la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga a été condamnée, avec neuf autres sociétés, en février 2002 par la commission européenne pour entente illicite de 1992 à 1995 sur le marché européen du papier autocopiant.
Les éléments versés aux débats ne permettent cependant pas de déterminer si postérieurement à l'année 1995 la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga a continué à produire du papier autocopiant, alors même qu'il convient de rappeler que la cessation d'activité de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE est intervenue en 2003, et alors qu'il ressort d'un courrier en date du 16 janvier 2004 du secrétaire général de l'organisation professionnelle du secteur papetier en Espagne (ASPAPEL-association espagnole de fabricants de pâte, papier et carton) que la société Papelera Guipuzcoana de Zicunaga ne fabrique aucun type de papier autocopiant et que celui-ci était fabriqué à 100 % par sa filiale, la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE.

En tout état de cause la question de l'appartenance d'autres sociétés du groupe au même secteur d'activité que celui de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE n'aurait d'intérêt que pour déterminer le périmètre des difficultés économiques si elles étaient invoquées comme motif des licenciements alors qu'en l'espèce les difficultés économiques ne sont invoquées que comme raison de la décision de la cessation de l'activité qui est le seul véritable motif du licenciement soumis à l'appréciation du juge.

Pour la même raison, la situation économique du groupe est indépendante de la décision de cessation de l'activité de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE dans la mesure où il est établi que cette décision ne résulte pas d'une légèreté blâmable ou d'un comportement fautif de l'employeur.

Or, précisément il résulte de l'ensemble des éléments versés aux débats que ne sont pas établis une légèreté blâmable ou un comportement fautif de l'employeur comme cause de la cessation de l'activité de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE..

Par conséquent il y a lieu d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en toutes ses dispositions et de dire fondé le licenciement économique de chacun des salariés intimés.

Sur l'article 696 du NCPC :

Les intimés, succombant, seront condamnés in solidum aux entiers dépens.

Sur l'article 700 du NCPC :

Aucun élément de l'espèce ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;

REÇOIT l'appel formé le 27 avril 2005 par la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE à l'encontre des jugements du Conseil de Prud'hommes de Bayonne (section industrie) en date du 18 avril 2005, notifiés le 20 avril 2005 et les appels incidents formés par M. Bertrand X... ; M. Christophe F... ; M. Jean-François E... ; M. François Y... ; M. Régis B... ; M. José H... ; M. Michel G... ; M. Henti D... ; M. Ramuncho I... ; M. Serge C... ; M. Xavier A... ;

VU l'ordonnance en date du 13 février 2006 ordonnant la jonction des procédures RG no 05 / 01545-RG no 05 / 01546-RG no 05 / 01547-RG no 05 / 01548-RG no 05 / 01549-RG no 05 / 01550-RG no 05 / 01551-RG no 05 / 01552-RG no 05 / 01553-RG no 05 / 01554 et RG no 05 / 01555 sous le numéro unique RG 05 / 01545 ;

VU les articles 15, 16 et 445 du NCPC,

ORDONNE le rejet de la pièce en date du 14 avril 2004 ayant pour objet le « suivi de la cellule de reclassement », et le courrier en espagnol en date du 0 6 mars 2007 adressé au conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE par M. José L..., directeur RRHH du groupe IBERPAPEL, ainsi que la traduction de ce courrier par un traducteur assermenté auprès de la Cour d'Appel de PAU, en date du 06 mars 2007 communiquées par le conseil de la SA PAPETERIE DE L'ATLANTIQUE au conseil des intimés le 07 mars 2007,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bayonne (section industrie) en date du 18 avril 2005,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT les licenciements de M. Bertrand X... ; M. Christophe F... ; M. Jean-François E... ; M. François Y... ; M. Régis B... ; M. José H... ; M. Michel G... ; M. Henti D... ; M. Ramuncho I... ; M. Serge C... ; M. Xavier A... fondés sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence, DÉBOUTE M. Bertrand X... ; M. Christophe F... ; M. Jean-François E... ; M. François Y... ; M. Régis B... ; M. José H... ; M. Michel G... ; M. Henti D... ; M. Ramuncho I... ; M. Serge C... ; M. Xavier A... de leurs demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

CONDAMNE, in solidum, M. Bertrand X... ; M. Christophe F... ; M. Jean-François E... ; M. François Y... ; M. Régis B... ; M. José H... ; M. Michel G... ; M. Henti D... ; M. Ramuncho I... ; M. Serge C... ; M. Xavier A... aux entiers dépens, sous réserve des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Le Greffier, Le Président,

Andrée BLANCHEPhilippe PUJO-SAUSSET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 05/01545
Date de la décision : 24/05/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bayonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-05-24;05.01545 ?
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