RM/AM
Numéro 153/07
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 16 janvier 2007
Dossier : 06/01761
Nature affaire :
Demande en contrefaçon et/ou en nullité de dessins et modèles
Affaire :
S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS
C/
SOCIETE FLORETT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Madame METTAS, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffier,
à l'audience publique du 16 janvier 2007
date indiquée à l'issue des débats.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 21 Novembre 2006, devant :
Madame METTAS, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame ECHEVESTE, Greffier présent à l'appel des causes,
Madame METTAS, en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur BILLAUD et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame METTAS, Président
Monsieur BILLAUD, Conseiller
Monsieur DARRACQ, Vice-Président, désigné par ordonnance du
4 septembre 2006
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
DEMANDERESSE AU CONTREDIT :
S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS
Route Nationale 117
64270 PUYOO
agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié audit siège en cette qualité
représentée par la S.C.P. DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Maître JOSSELIN-ALLIEL, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE AU CONTREDIT :
SOCIETE FLORETT
CHAM D 93413
WEINBERGSTRASSE 15
ALLEMAGNE
représentée par la S.C.P. LONGIN C. ET P., avoués à la Cour
assistée de Maître JAIS, avocat au barreau de BORDEAUX
sur contredit à la décision
en date du 25 AVRIL 2006
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS qui fabrique des articles chaussants a fait déposer des modèles en 1992 à l'INPI et en 1998 auprès de l'OMPI.
Le 3 septembre 2002 la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS a fait procéder par huissier à PARIS au salon du MIDEC à la saisie d'articles contrefaisants sur le stand de la société FLORETT de droit allemand en application de l'article L 521-1 du code de la propriété intellectuelle, puis le 12 septembre 2002 elle a fait constater par huissier à PARIS l'existence d'un site internet rédigé en langue allemande accessible en France.
Elle a fait assigner la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS le 16 septembre 2002 par un acte rédigé en français et traduit en allemand, puis l'huissier a délivré le 26 septembre une nouvelle assignation qui complète et corrige un précédent acte .... en date du 16 septembre 2002 .... en ce qu'il rectifie la date d'audience portée sur sa traduction en langue allemande qui est erronée.
Par jugement du 25 avril 2006 (dont le délibéré avait été prorogé par mentions au dossier) le tribunal de commerce de PAU, au visa de la convention de BERNE du 9 septembre 1986, s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction allemande du ressort du siège de la société FLORETT et a condamné la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS à payer à la société FLORETT la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS a élevé un contredit motivé qu'elle a déposé au tribunal de commerce de PAU le 15 mai 2006 et complété par ses dernières conclusions déposées le 15 novembre 2006 par lesquelles elle demande :
- de déclarer le tribunal de commerce de PAU compétent,
- en tout état de cause de déclarer les juridictions françaises compétentes et, pour le cas où la Cour ne déciderait pas d'évoquer, de renvoyer pour le fond devant le tribunal de commerce de PARIS en application de l'article 86 du nouveau code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si la Cour évoque, notamment :
- de déclarer la loi française applicable par application de la théorie des points de rattachement,
- de dire que la société FLORETT s'est rendue coupable d'actes constitutifs de contrefaçon en fabriquant et commercialisant des copies serviles des modèles dont est titulaire la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS,
- de dire que les modèles objets de la revendication de protection sont nouveaux et en conséquence, s'agissant des actes de contrefaçon, de déclarer la protection acquise en FRANCE et à l'étranger et, s'agissant des actes de concurrence déloyale, de prononcer la réparation du préjudice subi du fait de ces actes sur internet et commis aussi bien en France qu'à l'étranger,
- en tout état de cause de nommer un expert pour fixer son préjudice et de condamner la société FLORETT au paiement de diverses sommes au titre des actes de contrefaçon, des actes de concurrence déloyale et parasitaire et de l'atteinte portée à son image, aux investissements nécessaires et avilissement de ses modèles, avec publication dans cinq journaux de son choix à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- d'ores et déjà d'enjoindre la société FLORETT de produire les chiffres d'affaires et bénéfices réalisés depuis 1997 sur les modèles contrefaisants, d'ordonner la cessation de la fabrication et de la commercialisation sous astreinte avec possibilité de vérification par huissier ; d'ordonner la consignation sous séquestre de la somme de 200 000 €,
- de condamner la société FLORETT aux dépens comprenant les frais d'expertise et de saisie et au paiement de 30 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 novembre 2006 la société FLORETT, société de droit allemand, demande :
- de rejeter des débats les pièces 21 à 29 faute de communication régulière et dans les trois jours précédant l'audience en application des articles 2 et 16 du nouveau code de procédure civile,
- de confirmer au principal le jugement,
- subsidiairement, si la Cour retenait la compétence du tribunal de commerce de PAU et décidait d'évoquer de renvoyer l'affaire à la mise en état en application des articles 89 et 51 du nouveau code de procédure civile,
Sur le fond,
- in limine litis de constater la nullité des opérations de saisie par application des dispositions de l'article L 521-1 du code de la propriété intellectuelle, faute d'assignation dans le délai requis,
Au fond,
- constater que les droits invoqués par la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS et opposables à la société FLORETT sont limités au territoire français,
- constater que la Cour n'est pas compétente pour ordonner la cessation de la fabrication en Allemagne et de la commercialisation dans la communauté européenne,
- le débat ayant été circonscrit au territoire national, par application des articles L 511-3 et suivants constater et prononcer la nullité des modèles déposés par la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS le 18 novembre 1992 et constater l'absence de constitution de la contrefaçon,
- subsidiairement, débouter la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS de sa demande d'expertise en application de l'article 146 du nouveau code de procédure civile et constater l'absence de preuve d'un préjudice qui devrait être limité à 609 €,
- de débouter la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS de toutes ses demandes et de la condamner au paiement de 10 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur l'incident de communication de pièces
Attendu que la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS a déposé un document intitulé "communication de pièces et dépôt au coffre de la Cour" le 16 novembre 2006 au dossier de la Cour ;
Attendu que ce document indique la communication des pièces de première instance no 1 à 20 et des pièces 21 à 32 dont certaines sont des constats d'huissier des 30, 31 octobre 2006 et 10 novembre 2006 destinés à prouver l'existence de commandes à PAU et dont d'autres remontent au 8 septembre 2006 ou en avril 2005 et 2006 ;
Attendu que ces pièces doivent être écartées des débats ;
Qu'en effet la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS ne justifie pas avoir été dans l'incapacité de communiquer plus tôt les pièces les plus anciennes et que la communication faite de celles-ci et des plus récentes n'a pas laissé un temps suffisant à la société FLORETT pour en prendre connaissance et conclure sur elles et leur incidence sur la compétence ou le fond avant l'audience de plaidoirie du 21 novembre reportée à la demande de la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS une première fois du 19 septembre au 9 octobre puis une deuxième fois au 21 novembre pour des raisons qui se sont révélées au moins pour partie injustifiées la deuxième fois, la société FLORETT démontrant que les pièces 38 à 42 prétendument nouvelles en cause d'appel avaient été communiquées en première instance.
Sur le contredit de compétence
Attendu que la convention de BERNE que le tribunal a appliqué détermine non les critères de compétence territoriale des juridictions mais la loi applicable au litige ;
Attendu que selon le règlement CE du conseil no 44/2001 du 22 décembre 2002 qui remplace depuis le 1er mars 2002 la convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 et son article 5.3 le tribunal compétent en matière délictuelle est celui du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ;
Attendu que la notion de lieu où le fait dommageable s'est produit s'entend, en matière de contrefaçon, soit du lieu d'établissement de l'auteur de la contrefaçon soit du lieu où le fait a été commis, c'est-à-dire l'Etat contractant dans lequel l'objet de la contrefaçon se trouve diffusé ;
Mais que cette notion ne vise pas le lieu où la victime prétend avoir subi un préjudice patrimonial consécutif à un dommage et que le choix de la juridiction à saisir appartient à la victime des faits incriminés ;
Attendu qu'en vertu de ces règles, la circonstance que le siège social de la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS est dans le ressort du tribunal de commerce de PAU est indifférente à la détermination du tribunal territorialement compétent ;
Attendu que la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS avait la faculté de saisir la juridiction allemande du lieu d'établissement de la société FLORETT ou une juridiction française ;
Attendu que la détermination de la juridiction compétente pour connaître de l'action exercée ne peut se faire qu'à partir des constatations antérieures à la saisine du tribunal ;
Attendu que la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS a fondé son action devant le tribunal de commerce de PAU sur les constats auxquels elle a fait procéder à PARIS dans le cours du mois de septembre 2002 ;
Qu'il échet de considérer que le tribunal de commerce de PARIS est la juridiction compétente pour statuer tant sur la contrefaçon alléguée des modèles déposés en France et à l'étranger et saisis à PARIS que sur les conséquences de la diffusion par un site accessible par internet en France et particulièrement à PARIS, indépendamment de la question de savoir si le site est passif, ce qui ressort de la question de fond ;
Attendu que les frais du contredit sont à la charge de la partie qui succombe sur la question de la compétence ;
Attendu que chaque partie succombe, la société FLORETT qui conclut devant la Cour à la compétence d'une juridiction allemande après avoir accepté, subsidiairement, en première instance la compétence du tribunal de commerce de PARIS, la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS qui a saisi une juridiction française territorialement incompétente ;
Attendu que chaque partie supportera ses propres dépens mais que la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS devra à la société FLORETT qui a obtenu gain de cause sur l'incompétence du tribunal saisi la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Rejette des débats les pièces communiquées par la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS le 16 novembre 2006,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de PAU incompétent territorialement,
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Déclare le tribunal de commerce de PARIS territorialement compétent,
Renvoie l'affaire au tribunal de commerce de PARIS et ordonne la transmission du dossier et des pièces déposées au coffre de la Cour au greffe du tribunal de commerce de PARIS,
Condamne chaque partie à supporter ses propres dépens de première instance et de contredit,
Condamne la S.A.R.L. SOCIETE PUYOLAISE D'ARTICLES CHAUSSANTS à payer à la société FLORETT la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sylvie HAUGUELRoberte METTAS