JP/PP
Numéro 5201/06
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 27/11/06
Dossier : 06/01525
Nature affaire :
Demandes relatives à la procédure de saisie immobilière
Affaire :
Jean-Claude Joseph X...,
Marie-France X..., Maryse Christiane Colette X... épouse Z...
C/
Aldo A...,
Anne Marie B... épouse A...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur PARANT, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame PEYRON, Greffier,
à l'audience publique du 27 Novembre 2006
date à laquelle le délibéré a été prorogé.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 02 Octobre 2006, devant :
Monsieur PARANT, Président
Monsieur PETRIAT, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile
Madame RACHOU, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur Jean-Claude Joseph X...
né le 14 Janvier 1952 à MONTGAILLARD (65200)
Maison Noudrest
65200 MONTGAILLARD
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/2439 du 17/05/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Mademoiselle Marie-France X...
née le 21 Novembre 1956 à TARBES (65000)
route de la Gare
65200 MONTGAILLARD
Madame Maryse Christiane Colette X... épouse Z...
née le 16 Novembre 1953 à MONTAGAILLARD
route de la Gare
65200 MONTGAILLARD
représentés par Me VERGEZ, avoué à la Cour
assistés de Me BENOIT, avocat au barreau du MANS
INTIMES :
Monsieur Aldo A...
né le 09 Août 1951 à VALENCE D'AGEN (82400)
...
31330 GRENADE SUR GARONNE
Madame Anne Marie B... épouse A...
née le 30 Mai 1952 à MERVILLE (59660)
...
31330 GRENADE SUR GARONNE
représentés par la SCP LONGIN, avoués à la Cour
assistés de Me MONTAMAT, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 10 MARS 2006
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
FAITS ET PROCEDURE
Par acte de donation-partage du 16 mars 1973 Madame F..., veuve X..., a fait donation à Monsieur Jean-Hilaire X..., son fils, de diverses parcelles à MONTGAILLARD, dont deux, cadastrées AM 163 et 164, sont desservies par une servitude de passage conventionnelle concédée au même acte par Monsieur Jean-Claude X..., Mademoiselle Maryse X... et Mademoiselle Marie-France X..., petits enfants de la donatrice, et enfants de son autre fils, alors décédé, ci-après les consorts X..., sur des parcelles AL 123 et AM 166 leur revenant en indivision.
Puis, par acte notarié du 16 juin 1988 Monsieur Jean-Hilaire X... a fait donation des parcelles AM 163 et 164 aux époux A....
Par jugement du 12 novembre 1997 le Tribunal de Grande Instance de TARBES a :
- condamné les consorts X... :
* à supprimer les obstacles empêchant l'exercice de la servitude sous astreinte de 500 F par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification de la décision,
* à payer aux époux A... :
+ 20.000 F de dommages-intérêts,
+ 10.000 F pour frais irrépétibles,
- débouté Monsieur Jean-Claude X... de sa demande d'annulation de la donation aux époux A...,
- condamné Monsieur Jean-Claude X... à payer à Monsieur Jean-Hilaire X... 10.000 F pour frais irrépétibles,
- condamné les consorts X... aux dépens.
Par arrêt du 29 juin 1999 la Cour de PAU a :
- confirmé le jugement en ce qu'il avait :
* débouté Monsieur Jean-Claude X... de sa demande d'annulation de la donation du 16 juin 1988,
* condamné les consorts X... :
+ à supprimer les obstacles à l'exercice de la servitude sous astreinte de 500 F par jour,
+ à payer aux époux A... une indemnité pour privation de jouissance et 10.000 F pour frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens,
* condamné Monsieur Jean-Claude X... à payer à Monsieur Jean-Hilaire X... 10.000 F pour frais irrépétibles,
- porté l'indemnité pour privation de jouissance des époux A... à 50.000 F,
- condamné les consorts X... à payer :
* à Monsieur Jean-Hilaire X... :
+ 50.000 F de dommages-intérêts,
+ 20.000 F pour frais irrépétibles,
* aux époux A... 12.000 F pour frais irrépétibles,
* les dépens.
Les consorts X... ayant formé un pourvoi, la Cour de Cassation, par arrêt du 28 septembre 2004, a cassé l'arrêt de la Cour de PAU, mais seulement en ce qu'il avait condamné les intéressés à des dommages-intérêts pour procédure abusive au profit de Jean-Hilaire X....
Les chefs de condamnation concernant les consorts X... dans leurs rapports avec les époux A... sont donc passés en force de chose jugée.
La Cour de TOULOUSE, par arrêt du 12 décembre 2005 a confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de Monsieur Jean-Hilaire X..., a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif, et a condamné ses neveux à lui payer 1.700 € pour frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les dépens.
Les époux A... ont fait délivrer commandement :
- le 12 avril 2005 en mairie à Monsieur Jean-Claude X..., et à Madame Maryse X...,
- le 15 avril 2005 par procès-verbal de recherches à Madame Marie-France X...,
- le 24 mai 2005 à la personne de Madame Marie-France X...,
aux fins de saisie immobilière de parcelles leur appartenant en indivision sur la commune de MONTGAILLARD.
Le 21 juin 2005 sommation leur a été délivrée à domicile de prendre communication du cahier des charges.
L'audience éventuelle était fixée au 22 septembre 2005 devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES et l'adjudication au 10 novembre 2005.
Les consorts X... ont d'abord assigné les époux A... le 25 juillet 2005 devant le Juge de l'Exécution de TARBES en nullité de la saisie, subsidiairement en liquidation d'astreinte à un montant de principe, et en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive. Par jugement du 24 octobre 2005 le Juge de l'Exécution s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le juge des criées.
Entre-temps les consorts X... avaient déposé un dire le 16 septembre 2005 par lequel ils exposaient qu'il n'y avait pas eu de liquidation préalable de l'astreinte, que les poursuites étaient abusives car le passage n'était barré que par un fil équipé d'une poignée amovible, pour les nécessités de l'élevage, mais n'interdisait nullement le passage des véhicules, que la signification du commandement était irrégulière et que sur la sommation de prendre connaissance du cahier des charges la réponse de leur mère, qui avait déclaré à l'huissier que l'immeuble était sa résidence principale avait été modifiée en "rien à déclarer", ce qui motivait une plainte.
Et ils demandaient au Tribunal de dire nulle la saisie, subsidiairement de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
Par jugement du 10 mars 2006 le juge des criées du Tribunal de Grande Instance de TARBES a :
- liquidé l'astreinte à 100.000 €,
- fixé la date d'adjudication au 11 mai 2006,
- condamné les consorts X... aux dépens.
Les consorts X... ont interjeté appel le 12 avril 2006.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Les consorts X... exposent que :
- leur appel est recevable car le jugement, en liquidant l'astreinte, tandis qu'étaient débattues des contestations sur l'exigibilité de la créance ou son caractère certain, a nécessairement tranché une question de fond,
- le commandement destiné à Monsieur Jean-Claude X... a été délivré en mairie, alors que leur mère se trouvait au domicile, avec Madame Marie-France X..., qui ne demeure pas à BORDEAUX mais à la ferme de MONTGAILLARD, et personne n'a été contacté ce jour-là par l'huissier,
- l'avis au destinataire doit lui être donné le jour-même ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant par lettre simple ; or le premier jour ouvrable suivant était le 13 avril 2005 et les deux lettres ont été expédiées le 19 avril 2005, ce qui était préjudiciable car le commandement faisait référence à un délai maximal de 48 heures,
- la sommation de prendre communication du cahier des charges, en date du 21 juin 2005 est nulle car Madame Veuve X... avait déclaré que l'habitation était leur habitation principale, ce qui est important car dans ce cas les règles de la procédure sont différentes ; cette déclaration a été notée puis passée au blanco, tout comme la signature de Madame X... et a noté "rien à déclarer" ; aucune observation n'a été recueillie sur leurs ressources, alors qu'elles sont très faibles ;
- en modifiant l'acte, l'huissier a commis un faux ; ils ont porté plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction de TARBES pour faux et usage de faux et il doit être sursis à statuer car si le faux est reconnu, toute la procédure est nulle,
- les époux A... ne peuvent solliciter les intérêts de l'indemnité pour privation de jouissance et pour frais irrépétibles échus dans l'attente de l'issue du pourvoi ; ils n'avaient qu'à exécuter plus tôt,
- ils n'ont pas maintenu l'obstacle que l'astreinte était destinée à faire disparaître, et le premier juge ne pouvait pas la liquider,
- l'astreinte a été liquidée par le Tribunal à un niveau excessif, si l'on considère même que le fil amovible mis en place constitue un obstacle : le passage n'est barré que par un simple fil, amovible et très facilement manoeuvrable pour permettre l'accès habituel aux parcelles, comme on ouvre ou ferme un portail, mais qui permet d'éviter la divagation des troupeaux de Monsieur X..., lorsque celui-ci conduit le bétail sur ses parcelles ; le reste du temps, le passage n'est même pas barré par ce fil,
Et ils demandent à la Cour :
- de dire nul le commandement,
- de dire nulle la sommation du 21 juin 2005,
- subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale,
- subsidiairement, de leur donner acte de ce qu'ils ont consigné sur un compte CARPA 4.760,53 € sur les sommes dues en exécution de l'arrêt du 29 juin 1999,
- de dire n'y avoir lieu au calcul des intérêts sur les sommes allouées par cet arrêt,
- de débouter les époux A... de leurs demandes,
- à tout le moins, de liquider l'astreinte à une somme symbolique,
- de condamner les époux A... à leur payer 5.000 € pour frais irrépétibles.
Les époux A... exposent que :
- les demandes des consorts X... ne portent ni sur l'incapacité des parties, ni sur la propriété, ni sur l'insaisissabilité ou l'inaliénabilité des biens saisis, comme l'exige l'article 731 du Code de Procédure Civile pour autoriser l'appel, si bien que l'appel est irrecevable,
- les consorts X..., lorsqu'ils ont saisi le Juge de l'Exécution, indiquaient bien qu'ils faisaient l'objet d'une saisie,
- s'ils n'ont pas immédiatement exécuté l'arrêt du 29 juin 1999, c'est en raison du pourvoi en cassation formé par les consorts X...,
- l'article 728 du Code de Procédure Civile dispose que les moyens de nullité tirés de l'audience éventuelle et de la procédure ultérieure doivent être présentés au plus tard 5 jours avant l'adjudication, mais aucun dire n'a été déposé dans les 5 jours précédant l'audience éventuelle, si bien qu'aucun moyen tiré de la validité des actes de procédure antérieurs n'est plus recevable,
Et ils demandent à la Cour de dire irrecevable l'appel interjeté et de condamner les consorts X... à leur payer 2.500 € pour frais irrépétibles.
DISCUSSION
Sur la régularité du commandement de payer et de la sommation de prendre communication du cahier des charges
Selon l'article 731 du Code de Procédure Civile, en matière de saisie immobilière l'appel n'est recevable qu'à l'égard des dispositions des jugements statuant sur des moyens touchant le fond du droit.
Dans leur dire, signifié et déposé le 16 septembre 2005, les consorts X... soumettaient au Tribunal les moyens qu'ils reprennent devant la Cour par lesquels ils soutiennent que le commandement et la sommation de prendre communication du cahier des charges étaient nuls pour violation des règles de la procédure par l'huissier.
Même si le Tribunal n'a pas motivé son jugement sur ces moyens, il les a rejetés puisqu'il a validé la saisie.
Il s'agit de moyens ne touchant pas le fond du droit, et leur rejet par le Tribunal n'est pas susceptible d'appel.
L'appel est donc irrecevable de ces chefs.
Sur le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale
Dans leur dire, les consorts X... sollicitaient déjà qu'il soit sursis à la vente dans l'attente de l'issue de la plainte déposée pour l'altération imputée à l'huissier de ses mentions à la sommation de prendre communication du cahier des charges.
Le Tribunal n'a pas motivé sa décision sur ce chef mais a rejeté cette prétention, fixant l'audience d'adjudication au 11 mai 2006.
La demande tendant à ce qu'il soit sursis à la vente en raison d'une autre procédure ne touche pas le fond du droit ; de plus elle a trait en l'espèce à la régularité d'un acte de la procédure de saisie, ce qui ne concerne pas le fond du droit, et l'appel est irrecevable.
Sur la liquidation de l'astreinte
Les consorts X... soutenaient déjà devant le Tribunal que depuis le premier jugement, aucun obstacle ne subsistait plus et que l'astreinte, dont le paiement est poursuivi par les époux A... au moyen de la saisie immobilière, ne se justifiait plus.
Le Tribunal a liquidé l'astreinte au motif qu'ils ne contestaient pas qu'il subsistait une clôture électrique barrant le chemin litigieux, mais a réduit les prétentions des époux A... en considérant que cette clôture était amovible.
La contestation de la liquidation de l'astreinte au motif que l'exécution recherchée à été obtenue porte sur le fond du droit, et l'appel est recevable de ce chef.
Les époux A... se bornent à conclure à l'irrecevabilité de l'appel. Il y a lieu de rouvrir les débats et de leur enjoindre de conclure sur le fond de ce chef, ainsi que de produire la signification de l'arrêt du 29 juin 1999.
Sur les intérêts
Dans leurs écritures devant le Tribunal, les époux A... faisaient valoir, outre les créances d'indemnité pour privation de jouissance et pour frais irrépétibles, soit 7.622,45 € (50.000 F) + 1.829,39 € (12.000 F) + 1.524,49 € (10.000 F) = 10.976,33 €, les intérêts de ces sommes arrêtés au 31 janvier 2006, soit 5.792,79 €, portant la dette à 16.769,12 €.
Les consorts X... sollicitaient, par écritures signifiées le 08 février 2006, une réduction de la dette d'intérêts revendiqués par les époux A..., en faisant grief à ceux-ci d'avoir attendu l'issue du pourvoi en cassation pour engager des mesures d'exécution.
Le Tribunal a rejeté ce chef de demande en relevant que le pourvoi n'étant pas suspensif, les consorts X... n'avaient pas pour autant offert de payer quoi que ce soit.
Cette demande sous-entendait que les époux A... étaient en faute pour avoir laissé s'accumuler les intérêts, et que la réparation du préjudice causé aux saisis devait se compenser avec la dette d'intérêts, ou qu'en tout cas cette faute devait être sanctionnée par une déchéance du droit aux intérêts.
Il ne s'agissait ainsi pas d'une simple contestation du montant de la dette mais d'une action en responsabilité, touchant par conséquent le fond du droit, et la décision de ce chef est susceptible d'appel.
Les époux A... n'ayant pas conclu au fond, il convient de leur enjoindre de le faire de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Reçoit l'appel en la forme sur la liquidation d'astreinte et les intérêts ;
Le déclare irrecevable pour le surplus ;
Au fond, ordonne la réouverture des débats des chefs de la liquidation d'astreinte et des intérêts ;
Enjoint aux époux A... de conclure sur le fond du droit, et de produire la signification de l'arrêt du 29 juin 1999 ;
Dit qu'ils devront avoir déposé leurs conclusions et communiqué leurs pièces pour le 18 décembre 2006 ;
Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoiries du 18 décembre 2006 ;
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Mireille PEYRON André PARANT