PhD/AM Numéro /05
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1 ARRÊT DU 8 décembre 2005
Dossier : 04/02372 Nature affaire : Recours contre les décisions des commissions d'indemnisation de victimes Affaire : Larbi X... C/ FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISMES ET D'AUTRES INFRACTIONS RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Monsieur GRANGER, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Monsieur LASBIATES, Greffier, à l'audience en chambre du conseil du 8 décembre 2005 date indiquée à l'issue des débats. * * * * *
APRES DÉBATS à l'audience en chambre du conseil tenue le 27 Octobre 2005, devant : Monsieur Y..., magistrat chargé du rapport, assisté de Monsieur LASBIATES, greffier présent à l'appel des causes, Monsieur Y..., en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur PETRIAT, Conseiller faisant fonction de Président, par suite de l'empêchement légitime de tous les titulaires et des magistrats désignés par ordonnance et se trouvant le magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre de nomination à la Cour Monsieur GRANGER, Conseiller Monsieur Y..., Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 12 septembre 2005 qui en ont délibéré conformément à la loi. Le Ministère Public a eu connaissance de la procédure le 31 juillet 2004. dans l'affaire opposant :
APPELANT : Monsieur Larbi X... né le 7 Août 1955 à CASABLANCA (Maroc) de nationalité française Cité Ophite Bâtiment G - Escalier 26 - Porte 6
Boulevard d'Espagne 65100 LOURDES (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2004/005566 du 28/01/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU) représenté par la S.C.P. F. PIAULT / M. Z..., avoués à la Cour assisté de Maître FOURNIER, avocat au barreau de TARBES INTIME :
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS 64 Rue Defrance 94682 VINCENNES Cédex représenté par la S.C.P. J.Y RODON, avoués à la Cour assisté de Maître BERNADET, avocat au barreau de PAU sur appel de la décision en date du 11 JUIN 2004 rendue par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions de TARBES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par requête du 18 juin 2003, M. Larbi X... a saisi la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du tribunal de grande instance de TARBES aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice consécutif à l'accident de la circulation dont il a été victime le 31 décembre 2002, à CASABLANCA (Maroc) alors qu'il traversait à pied une route.
Par jugement du 11 juin 2004, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample des faits, de la procédure suivie en première instance, comme des moyens et prétentions initiaux des parties, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions a rejeté la requête de M. Larbi X...
M. Larbi X... a relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 13 juillet 2004 et inscrite au rôle le même jour, dans des conditions de forme
et de délais qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la Cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.
Par conclusions déposées le 19 avril 2005, auxquelles il convient expressément de se référer, M. Larbi X... a demandé à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- dire et juger que l'accident subi par lui présente le caractère d'une infraction au sens de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
- dire et juger qu'il sera indemnisé de l'intégralité de son préjudice ;
- ordonner une expertise médicale ;
- verser la somme de 800 ç à titre de provision ;
- à défaut d'expertise, condamner le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS à lui verser la somme de 1.500 ç ;
- condamner le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME
ET D'AUTRES INFRACTIONS à lui payer la somme de 1.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. Larbi X... fait valoir que les constatations effectuées par les services de police établissent qu'au moment où il traversait la route, un automobiliste qui n'a pas contrôlé sa vitesse, l'a renversé avant de prendre la fuite.
Son droit à indemnisation n'est pas subordonné à des tentatives d'indemnisation auprès d'autres personnes.
Par conclusions déposées le 26 mai 2005, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS a demandé à la Cour de :
- débouter M. Larbi X... de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, constater que les demandes de provision et d'expertise n'ont pas été examinées par le premier juge ;
- en conséquence, dire et juger qu'il y a lieu de renvoyer le jugement de la demande de provision et d'expertise à la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions de TARBES ;
- à titre infiniment subsidiaire, allouer au requérant une indemnité de 1.500 ç en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 706-14 du code de procédure pénale.
Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS fait valoir que la loi du 6 juillet 1990 ne dispense pas la victime de rechercher à être indemnisée par tous redevables potentiels. Il appartient à M. Larbi X... de faire valoir ses droits auprès du Fonds de garantie marocain, voire auprès de son éventuel assureur personnel de responsabilité civile.
Sur le fond, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS objecte que le délit de fuite ne peut justifier une indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale et, d'autre part, qu'en tout état de cause, l'enquête de police ayant retenu une faute d'inattention de M. Larbi X... à l'origine de l'accident, cette faute est de nature à exclure tout droit à indemnisation.
Le Ministère Public a visé la procédure le 31 juillet 2004, et s'en
est rapporté à justice.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 18 octobre 2005. MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LES CONDITIONS D'INDEMNISATION
Attendu que la mise en oeuvre du droit à réparation institué par l'article 706-3 du code de procédure pénale au profit de toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction et qui ont entraîné, notamment, la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, n'impose pas à la victime de tenter d'obtenir l'indemnisation de son
préjudice des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation ;
Attendu en revanche, que lorsque les faits générateurs du préjudice n'ont entraîné qu'une incapacité totale de travail inférieure à 1 mois, l'indemnisation du préjudice est soumise aux conditions de l'article 706-14 du code de procédure pénale qui imposent à la victime de justifier, notamment, de n'avoir pu obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice ;
Attendu qu'en l'espèce, la détermination du régime juridique du droit à indemnisation dépendra d'une part de l'existence de faits présentant le caractère matériel d'une infraction, et d'autre part, si ces faits sont établis, de la nature des atteintes corporelles subies.
SUR LES FAITS DOMMAGEABLES
Attendu que la loi du 6 juillet 1990, instituant un droit à réparation des dommages résultant d'une infraction, est destinée à assurer une indemnisation fondée sur la solidarité nationale, au moyen d'un système de garantie du risque social de la délinquance, confié à une juridiction civile spécialisée, avec une dérogation à la règle d'application de la loi du lieu du délit ;
Qu'elle a, ainsi, le caractère d'une loi d'application nécessaire excluant toute référence à un droit étranger ;
Attendu que l'indemnisation de la victime d'une infraction commise à
l'occasion d'un accident de la circulation survenu à l'étranger entre dans le champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale dès lors que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas rendue applicable par la convention de La Haye du 4 mai 1971 ;
Attendu que tel est le cas en l'espèce, l'accident s'étant produit au Maroc ;
Attendu qu'en vertu de l'article 706-3 du code de procédure pénale, M. Larbi X... doit rapporter la preuve qu'il a été victime de faits volontaires ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction, tandis que le FONDS DE GARANTIE DES
Attendu qu'en vertu de l'article 706-3 du code de procédure pénale, M. Larbi X... doit rapporter la preuve qu'il a été victime de faits volontaires ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction, tandis que le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS doit établir que le requérant aurait commis une faute en relation avec son dommage qui justifie d'exclure ou de limiter son droit à réparation ;
Attendu qu'il ressort du procès-verbal d'enquête dressé le 31 décembre 2002 que les policiers marocains sont intervenus sur les lieux d'un accident de la circulation, dans le cadre d'une procédure de flagrant délit pour blessures graves et délit de fuite ;
Qu'arrivés sur les lieux, ils ont constaté que le piéton, M. Larbi X..., avait été évacué sur l'hôpital ;
Que de nombreuses personnes ont assisté à l'accident mais aucune n'a voulu témoigner ;
Que l'accident s'est produit, en un point indéterminé, alors que M. Larbi X... traversait la route, sur une portion dotée de l'éclairage public ;
Qu'un mandat de recherches a été délivré pour identifier l'auteur de l'accident ;
Que selon les enquêteurs, les motifs présumés de l'accident résultent du non contrôle par le conducteur de la voiture, et de l'inattention du piéton ;
Attendu qu'il ne ressort pas de ces éléments que les blessures
infligées à M. Larbi X... présenteraient un caractère volontaire ; Qu'en outre, le délit de fuite est sans relation avec les blessures de la victime ;
Attendu qu'il résulte des articles 222-19 et R.626-2 du code pénal que constituent des infractions le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement une incapacité totale de travail ;
Attendu qu'en l'espèce, il s'évince des constatations policières que le conducteur du véhicule a manifestement commis, à tout le moins, une imprudence et un défaut de maîtrise de son véhicule à l'origine de l'accident avec le piéton qui s'était engagé sur la route dans des conditions qu'aucun élément ne permet de considérer comme fautives alors qu'il n'existait pas de passage protégé à proximité et que la rue était dotée d'un éclairage public ;
Attendu qu'il ressort des certificats médicaux versés aux débats que M. Larbi X..., blessé à l'épaule gauche,
a subi, à tout le moins, une incapacité totale de travail ;
Attendu que les faits dommageables présentent donc le caractère matériel d'une infraction susceptible de créer au profit de la victime un droit à indemnisation dont le régime juridique (article 706-3 ou 706-14 dépendra de la durée de l'I.T.T. ou de l'existence d'une incapacité permanente partielle) ;
Qu'aucune faute d'inattention n'étant caractérisée à l'encontre de la victime, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS sera débouté de sa demande d'exclusion ou de réduction du droit à réparation de M. Larbi X....
SUR LA DEMANDE D'EXPERTISE ET DE PROVISION
Attendu que par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour est saisie de l'entier litige dès lors que le jugement entrepris a entièrement vidé
sa saisine en statuant sur le droit à réparation de M. Larbi X... ; Attendu que les certificats médicaux versés aux débats justifient d'organiser une mesure d'expertise médicale qui seule permettra de fixer la durée de l'I.T.T., de dire s'il existe une incapacité permanente partielle et d'apprécier toutes les conséquences dommageables de l'accident ;
Attendu qu' en raison de l'indétermination du régime juridique applicable, et de l'existence d'une discussion sur la recevabilité de la demande d'indemnisation en cas d'application de l'article 706-14 du code de procédure pénale, il convient de débouter M. Larbi X... de sa demande d'indemnité provisionnelle. PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en chambre du conseil, par décision contradictoire, en matière d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Et statuant de nouveau,
DIT ET JUGE que M. Larbi X... a été victime de faits involontaires présentant le caractère matériel d'une infraction,
DÉBOUTE le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS de sa demande tendant à voir exclure ou réduire
le droit à indemnisation de M. Larbi X...,
DÉBOUTE le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS de sa demande de renvoi de l'affaire devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions de TARBES,
AVANT DIRE DROIT tant sur la recevabilité de la demande d'indemnisation en cas d'application de l'article 706-14 du code de procédure pénale, qu'en tout état de cause sur la fixation du préjudice subi, ordonne une expertise médicale de la victime qui sera confiée à :
M. le Docteur René A...
30 rue Jules Lasserre
65 000 TARBES avec pour mission :
- de décrire les blessures subies par M. Larbi X... à l'occasion des faits du 31 décembre 2002,
- de fixer la date de consolidation de ces blessures et décrire les séquelles qui subsistent en précisant s'il existait un état
antérieur,
- préciser le cas échéant le taux de l'incapacité permanente qu'elles déterminent et donner éventuellement toutes indications sur l'incidence professionnelle,
- dire si cette incapacité est susceptible d'amélioration ou au contraire d'aggravation,
- dire qu'elle a été la durée de l'incapacité de travail, totale ou partielle,
- qualifier la nature, l'intensité et la durée des souffrances subies compte tenu des traitements appliqués,
- qualifier la nature et l'importance du préjudice esthétique compte tenu notamment de l'âge de la victime, de son sexe et de sa condition sociale et professionnelle,
- dire s'il existe un préjudice d'agrément,
DIT que les frais d'expertise seront avancés par le Trésor Public,
DIT que l'expert devra dresser un rapport écrit de ses travaux comprenant toutes annexes explicatives utiles à déposer au greffe de la Cour dans un délai maximum de deux mois à compter de son
acceptation, sauf prorogation demandée au magistrat de la mise en état,
DIT qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement, d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligente par ordonnance du magistrat de la mise en état,
SURSOIT à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,
DÉBOUTE M. Larbi X... de sa demande d'indemnité provisionnelle,
ORDONNE le renvoi de la procédure à la mise en état,
RÉSERVE les dépens. LE GREFFIER,
LE PRESIDENT, Eric LASBIATES
Jean PETRIAT