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01/04/2004 | FRANCE | N°01/03054

France | France, Cour d'appel de Pau, 01 avril 2004, 01/03054


MP/NG Numéro /04 COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1 ARRÊT DU 01/04/2004

Dossier : 01/03054 Nature affaire : Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels Affaire : CLUB DE RION DES LANDES Compagnie d'assurances LA SAUVEGARDE C/ Frédéric CAZES X... CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Monsieur POUYSSEGUR, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Monsieur Y..., Greffier, à l'audience publique du 1er AVRIL 2004 d

ate indiquée à l'issue des débats. * * * * *

APRES DÉBATS à l'audience...

MP/NG Numéro /04 COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1 ARRÊT DU 01/04/2004

Dossier : 01/03054 Nature affaire : Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels Affaire : CLUB DE RION DES LANDES Compagnie d'assurances LA SAUVEGARDE C/ Frédéric CAZES X... CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Monsieur POUYSSEGUR, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Monsieur Y..., Greffier, à l'audience publique du 1er AVRIL 2004 date indiquée à l'issue des débats. * * * * *

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 19 février 2004, devant : Monsieur GRANGER, magistrat chargé du rapport, assisté de Monsieur LARRAYADIEU, greffier présent à l'appel des causes, Monsieur GRANGER, en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur POUYSSEGUR, Conseiller faisant fonction de Président, par suite de l'empêchement légitime de tous les titulaires et des magistrats désignés par ordonnance et se trouvant le magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre de nomination à la Cour, Monsieur GRANGER, Conseiller Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant : APPELANTS : CLUB DE RION DES LANDES

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège Bar des Sports Chez Papik 40370 RION DES LANDES Compagnie d'assurances LA SAUVEGARDE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège 140 Rue Anatole France 92597 LEVALLOIS PERRET CEDEX représentés par Maître MARBOT, avoué à la Cour assistés de la SCP LETU - CAYLA etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS INTIMES :

Monsieur Frédéric CAZES X... 104 Rue des Mûres La Guillaumate 40210 LABOUHEYRE représenté par la SCP LONGIN C. ET P., avoué à la Cour assisté de Maître LEBOIS, avocat au barreau de PARIS CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège 247 Avenue Jacques Cartier 83090 TOULON CEDEX 19 qui a fait parvenir des courriers sur appel de la décision en date du 25 AVRIL 2001 rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de DAX

Monsieur Frédéric CAZES X..., militaire, licencié auprès de la Fédération de Rugby et joueur au J.S. LA BOUHEYRE, a été très grièvement blessé le 02 février 1997 à la suite d'une mêlée effondrée lors d'un match officiel opposant son équipe à celle du CLUB DE RION DES LANDES (J.S. RIONNAISE).

L'intéressé restait atteint, à la suite de cet accident, d'une paraplégie complète du niveau D12, c'est-à-dire, d'une paralysie des membres inférieurs suite au choc violent qu'il a subi avec compression médullaire par hernie discale lombaire.

Par jugement mixte en date du 25 avril 2001, le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de DAX a déclaré l'association sportive "CLUB DE RION DES LANDES" responsable des préjudices subis par Monsieur CAZES X... au cours du match du 02 février 1997 et l'a condamné solidairement avec la Compagnie d'Assurances LA SAUVEGARDE, filiale de la G.M.F. et intervenante volontaire, à verser une provision de 300 000 F (45

734,71 ä).

Une expertise médicale était organisée avec mission habituelle.

LA GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES était mise hors de cause.

LA CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE est restée non comparante.

La décision susvisée a été prononcée sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Elle allouait, sur le fondement de l'article 700 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE, la somme de 6 030 F (919,27 ä).

[* LE CLUB DE RION DES LANDES et la Compagnie d'Assurances LA SAUVEGARDE ont régulièrement fait appel du jugement pour obtenir sa réformation totale et le débouté de toutes les demandes formulées par la victime.

Les parties appelantes considèrent que, ni dans le cadre de l'article 1384 OE 1, ni dans l'état de la jurisprudence, la responsabilité du club ne peut être engagée en l'absence d'agissements fautifs hors des règles du jeu, reprochables à l'un de ses joueurs.

Il est souligné que le mécanisme lésionnel ne résulte pas d'un coup violent administré par un joueur adverse ou d'un acte anti-jeu mais de la simple défaillance physique du blessé, voire de l'effondrement de la mêlée, indépendamment de toute violation des règles prescrites mais uniquement en raison des forces antagonistes qui s'affrontaient. Il est rappelé à ce sujet les règles spécifiques qui gouvernent la responsabilité sportive, notamment au regard de l'acceptation des risques, inhérente à la pratique de certains sports et de la nécessité de rechercher un comportement fautif et non un simple fait causal.

*] Monsieur Frédéric CAZES X... conteste cette approche, dès lors que le pratiquant est exposé à un risque anormal. La partie intimée, qui se borne à solliciter la confirmation du jugement, outre l'octroi

d'une somme de 2 000 ä sur le fondement de l'article 700 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE en cause d'appel, s'évertue à démontrer que les traumatismes subis ne sont pas le résultat d'une action régulière de jeu, mettant en avant le coup violent ressenti par la victime et la déstabilisation de la mêlée qui s'en est suivie.

Il évoque à son avantage diverses jurisprudences et le cadre de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil qui n'exige pas la nécessité d'un fait volontaire mais la démonstration du rôle causal du comportement dommageable d'un joueur, notamment si celui-ci est resté inconnu.

Il est précisé que l'expert médical a remis son rapport le 23 juillet 2001 et que le complément émanant du spécialiste en construction a été réalisé le 17 octobre 2001.

LA CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE, non constituée, a fait connaître l'état provisoire de ses débours (108 551,79 ä) et une projection des frais futurs (184 982,89 ä).

MOTIVATIONS DE LA COUR

La participation a un jeu, réputé partiellement dangereux, n'empêche pas le pratiquant de rechercher la responsabilité de tiers dès lors qu'il a été exposé à un risque anormal, entraînant des conséquences disproportionnées.

Les associations sportives ayant pour objet d'organiser, de diriger, de contrôler l'activité de leurs membres au cours des activités sportives organisées par elles auxquelles les participants sont responsables au sens de l'article 1384 OE 1 du Code Civil des dommages qu'ils causent à cette occasion.

Ce cadre suppose que soit mis en évidence un agissement fautif voir un manquement caractérisé imputable au sociétaire, même demeuré inconnu, en relation avec le dommage subi ;

Dans le cas soumis à la Cour, les renseignements factuels, permettant

d'expliquer l'origine du traumatisme, reposent essentiellement sur les déclarations de la victime, telles qu'analysées par l'expert médical :

"Au cours d'une mêlée, la poussée exercée par l'équipe du blessé, aurait provoqué l'effondrement de la mêlée adverse. Monsieur CAZES X..., dont la poussée ne rencontrait soudainement plus aucune résistance, chutait, ressentant instantanément une douleur lombaire irradiant en ceinture, dont la violence et l'intensité lui arrachait un hurlement".

Il est précisé en page 13 du rapport :

"Blessé occupant la place de pilier droit, victime de l'effondrement de la mêlée et du pilier adverse, douleur en ceinture, intense, avec apparition dans les minutes suivantes de paresthésies des membres inférieures et de l'installation d'une paraplégie totale en quelques heures. Les mécanismes de l'accident évoquent un mouvement violent, soudain et mettant en jeu des forces importantes voire considérables, imposant au rachis la mise en hypercyphose dorsale (courbure exagérée de la colonne vertébrale pliant le tronc ver l'avant)".

Il est important de remarquer que le traumatisme n'a pas été occasionné par un coup direct d'un tiers ou consécutif à un entassement des joueurs mais est lié au mécanisme physique des poussées antagonistes dans une configuration délicate et extrême ;

Au résultat de ces constatations, il est certain que la victime, pilier droit, a subi un traumatisme net, au cours d'un effort majeur de poussée dominante, à la suite d'une flexion subite et violente due à la rupture soudaine du point d'opposition adverse, exposant sa colonne à une contrainte anormale et radicale.

Cette manifestation ne peut s'expliquer par un enfoncement progressif de la mêlée adverse, corrélatif de la poussée supérieure exercée par les coéquipiers de Monsieur Frédéric CAZES X... mais par un

écroulement permettant d'interrompre la progression du pack dominant. L'expert souligne en effet l'effondrement du pilier adverse dont le rôle a été déterminant.

La mêlée fermée, tout comme la mêlée ouverte, est l'une des phases les plus critiques du jeu et sans doute la plus réglementée.

L'effondrement aussi brusque d'une mêlée est la conséquence d'un mauvais positionnement d'un joueur adverse exerçant une poussée anormale soit latérale soit plus probablement vers le bas. Cette poussée irrégulière résulte d'une violation de règles contre le jeu à ce titre sanctionnable. Même en l'absence d'une décision particulière de l'arbitre à ce sujet, il est certain que la rupture soudaine de poussée, provoquée irrégulièrement par l'équipe adverse, du fait de sa mauvaise position, a mis Monsieur CAZES X... dans une position délicate et intenable, en porte à faux, au moment même où il exerçait un effort particulièrement majeur et tendu, expliquant le mécanisme physique à l'origine de la paralysie.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir la responsabilité des sociétaires du CLUB DE RION DES LANDES qui devra assurer, conjointement avec la Compagnie d'Assurances LA SAUVEGARDE, en vertu des principes sus-énoncés, les conséquences civiles de cet accident. La présomption relevée n'est écartée par aucun autre élément exonératoire.

Il n'apparaît pas que les dispositions prises pour vérifier l'état de la victime et pour allouer à celle-ci une provision en rapport avec les préjudices subis doivent être remises en cause, compte tenu de l'ancienneté de l'affaire et de l'évaluation prévisible des différentes postes, notamment au titre du préjudice personnel.

Il convient uniquement d'ajouter en cause d'appel le remboursement des frais irrépétibles qu'il convient d'évaluer à la somme de 1 200 ä.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou non fondées et par motifs conformes à ceux des premiers juges,

Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée,

Y ajoutant,

Condamne solidairement le CLUB DE RION DES LANDES et la Compagnie d'Assurances LA SAUVEGARDE à la somme de 1 200 ä sur le fondement de l'article 700 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

Condamne LE CLUB DE RION DES LANDES et la Compagnie d'Assurances LA SAUVEGARDE aux dépens,

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE, la SCP LONGIN, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

Pascal Y...,

Marc POUYSSEGUR.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 01/03054
Date de la décision : 01/04/2004

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE

Les participants aux activités des associations sportives sont responsables au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil des dommages qu'ils causent à cette occasion. Au cours d'une mêlée, la poussée exercée par l'équipe du blessé aurait provoqué l'effondrement de la mêlée adverse. La victime de l'effondrement de la mêlée et du pilier adverse occupant la place du pilier droit, blessée, chuta. D'où l'apparition de paresthésies des membres inférieurs et d'une paraplégie totale en quelques heures. Traumatisme net pour la victime. L'effondrement aussi brusque d'une mêlée est la conséquence d'un mauvais positionnement d'un joueur adverse exerçant une poussée anormale laquelle résulte d'une violation de règles contre le jeu à ce titre sanctionnable. Responsabilité des sociétaires conjointement avec la compagnie d'assurances pour assurer les conséquences civiles de cet accident. La présomption relevée n'est écartée par aucun élément exonératoire. La victime se voit allouée une provision en rapport avec les préjudices subis


Références :

Code civil, article 1384, alinéa 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2004-04-01;01.03054 ?
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