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14/01/2004 | FRANCE | N°01/03497

France | France, Cour d'appel de Pau, 14 janvier 2004, 01/03497


JLL/HB Numéro /04 COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre ARRÊT DU 14/01/2004

Dossier : 01/03497 Nature affaire : Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale Affaire :

Michel X..., Société HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES SHAM4 C/ CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE MALADIE DES CULTES, Francis Y...

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Madame PONS, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Mireille PEYRON, Greffière, à l'audience publique du 1

4 Janvier 2004 date à laquelle le délibéré a été prorogé. * * * * * APRES DÉBATS à l'aud...

JLL/HB Numéro /04 COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre ARRÊT DU 14/01/2004

Dossier : 01/03497 Nature affaire : Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale Affaire :

Michel X..., Société HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES SHAM4 C/ CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE MALADIE DES CULTES, Francis Y...

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R Ê T prononcé par Madame PONS, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Mireille PEYRON, Greffière, à l'audience publique du 14 Janvier 2004 date à laquelle le délibéré a été prorogé. * * * * * APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 05 Novembre 2003, devant : Monsieur LESAINT, magistrat chargé du rapport, assisté de Mireille PEYRON, greffière présente à l'appel des causes, Monsieur LESAINT, en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur PUJO-SAUSSET, Président Madame PONS, Conseiller Monsieur LESAINT, Conseiller qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS : Monsieur Michel X... Z... de Bayonne 13 Avenue Jacques Loùb 64100 BAYONNE SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES (SHAM) 74 Rue Louis Blanc 69456 LYON CEDEX 06 agissant

poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE, avoués à la Cour assistés de Me DOMERCQ, avocat au barreau de PAU INTIMÉS : CAISSE D'ASSURANCE VIEILLESSE INVALIDITE ET MALADIE DES CULTES (CAVIMAC) venant aux droits de la CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE MALADIE DES CULTES (CAMAC) 119 Rue du Président Wilson 92300 LEVALLOIS PERRET prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège représentée par la SCP F.PIAULT / M.LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour assistée de Me LE BOT, avocat au barreau de PAU Monsieur Francis Y... 36 Rue des Lazaristes Maison de la Mission 40100 DAX (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2002/0004 du 25/01/2002 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU) représenté par Me Michel VERGEZ, avoué à la Cour assisté de la SCP BURGOT-CHAUVET, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision en date du 10 SEPTEMBRE 2001 rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE FAITS ET PROCÉDURE

En 1996, un examen cardiologique, effectué sur la personne de Monsieur Francis Y..., alors âgé de 55 ans, à la suite d'une dyspnée d'effort, a permis de découvrir un souffle carotidien ; un examen écho-doppler puis une artériographie ont permis de découvrir des sténoses carotidiennes, plus importantes à droite qu'à gauche ;

Une première intervention chirurgicale sur la carotide droite, la plus atteinte, a alors été décidée, que le Docteur X... a

pratiquée le 17 juin 1996 ;

Une hémiplégie gauche est survenue après l'opération, qui a laissé Monsieur Y... handicapé ;

A la demande de Monsieur Y..., une expertise médicale a été ordonnée par décision du juge des référés du 16 Septembre 1998 ;

Les experts désignés, les professeurs Jean ESCAT et Louis ARBUS, ont déposé leur rapport le 28 Décembre 1998 ;

Les experts ont indiqué que si l'opportunité de proposer et pratiquer une intervention restait discutée en l'absence de trouble lié à la sténose carotidienne, le consensus s'orientait actuellement vers l'indication chirurgicale et, en tout cas, les deux attitudes, interventionniste et abstentionniste, étaient conformes aux données disponibles de la science en 1996, année de l'intervention ;

Les experts ont encore conclu que le Docteur X..., parfaitement qualifié et suffisamment expérimenté pour pratiquer cette intervention, avait prodigué des soins attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science ;

Ils ont par ailleurs déterminé les éléments du préjudice corporel de Monsieur Y... à la suite de l'hémiplégie survenue ;

Sur demande d'indemnisation de Monsieur Y..., le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, par jugement du 10 Septembre 2001, écartant le reproche de défaut d'information fait au Docteur X..., mais retenant sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de sécurité, a condamné in solidum le chirurgien et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à Monsieur Y... la somme de 2.125.911,36 francs en indemnisation des préjudices et la somme de 12.000 francs pour ses frais irrépétibles ; la Tribunal a en outre ordonné l'exécution provisoire de la décision à concurrence des deux-tiers des condamnations principales ;

Le 6 Décembre 2001, le Docteur Michel X... et la Société

Hospitalière d'Assurances Mutuelles ont relevé appel de cette décision ;

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions, déposées le 5 Août 2003, le Docteur Michel X... et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles, appelants, font valoir que :

[* le consensus est général en faveur d'une intervention chirurgicale pour traiter les lésions carotidiennes asymptomatiques comme celle dont était atteint Monsieur Y... ; renoncer à l'intervention aurait été exposer le patient à un handicap de même gravité que celui qu'il a subi et l'opération ne lui a pas fait courir un risque grave non justifié, comme il le prétend ;

*] aucune faute n'est reprochée au Docteur X... et lui faire supporter les conséquences du risque inhérent à l'acte médical auquel l'état de santé du patient l'exposait particulièrement revient à lui imposer une obligation de résultat à laquelle il n'est pas tenu ;

[* le défaut d'information ne peut être reproché à Monsieur X... : Monsieur Y... a été largement informé des risques opératoires, alors qu'il a été reçu en consultation à plusieurs reprises à plusieurs mois d'intervalles, qu'il a rencontré d'autres praticiens auxquels le chirurgien a adressé des correspondances, qu'il a été longuement reçu la veille de l'opération en présence de témoins qui attestent de l'information donnée ; Monsieur Y... par ailleurs souffre de problèmes psychiatriques et de troubles de la mémoire ;

*] sur l'évaluation des préjudices : le taux d'incapacité a été surévalué et doit être fixé à 55 % ; la Caisse Mutuelle d'Assurance

Maladie des Cultes, organisme social, ne peut obtenir le remboursement de frais qu'elle aurait inévitablement exposés en raison de l'état de santé initial de son assuré ;

Ils concluent à la réformation de la décision déférée et au rejet de l'ensemble des demandes faites à leur encontre ;

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 Septembre 2003, Monsieur Francis Y..., intimé, réplique que :

* le chirurgien n'a pas commis de fautes dans le geste opératoire et il ne conteste pas que l'embolie dont il a été victime est un aléa inhérent au type d'intervention pratiquée ; il est exact que les experts ne retiennent pas de faute sur l'indication opératoire elle-même ; mais la faute du Docteur X... réside dans le fait de lui avoir fait courir un risque disproportionné par rapport à l'avantage que l'on pouvait attendre de l'intervention, même si le risque embolique existait du fait même de sa pathologie ; de fait l'absence d'intervention sur la carotide gauche n'a pas été suivie d'une aggravation de son état ;

* il n'a jamais été informé des risques liés à cette intervention qui n'était pas indispensable même en admettant qu'elle puisse donner de meilleurs résultats que l'abstention ; particulièrement il n'a pas reçu d'information concernant une hémiplégie post-opératoire possible ; cette information était d'autant plus nécessaire que les experts ont souligné que l'on pouvait s'interroger sur l'opportunité d'une telle intervention ; si cette information avait été dispensée, il n'aurait jamais accepté de se faire opérer ou, à tout le moins, aurait consulté un spécialiste plus compétent ayant l'habitude de ce type d'intervention ; la dépression et les troubles de mémoire dont il souffrait impliquaient une information encore plus adaptée à son état ;

* le taux d'incapacité permanente déterminé par les experts doit être

confirmé ;

Il conclut, au visa de l'article 1147 du Code Civil :

- à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'obligation d'information avait été remplie, pour dire, au contraire, que le Docteur X... n'a pas déféré à cette obligation ; - à sa confirmation sur sa responsabilité dans les conséquences de l'hémiplégie gauche survenue à la suite de l'intervention et sur la condamnation à réparation de ses préjudices ;

- au paiement de la somme de 3.048,98 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 Mars 2003, la Caisse d'Assurance Vieillesse Invalidité et Maladie des Cultes (CAVIMAC), venant aux droits de la Caisse Mutuelle d'Assurance Maladie des Cultes (CAMAC), intervenant en cause d'appel, conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation solidaire du Docteur X... et de la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à lui payer la somme de 59.009,99 ä correspondant à sa créance définitive des prestations versées à Monsieur Y... et la somme de 1.500 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 27 Octobre 2003 ; DISCUSSION

L'appel formé par Monsieur Michel X... et la Société Hospitalière

d'Assurances Mutuelles n'est pas critiqué ; au vu des pièces dont dispose la Cour, il est recevable ;

Monsieur Francis Y... fait valoir, en application de l'article 1147 du Code Civil, que le chirurgien aurait commis une faute contractuelle à son égard ayant un lien de causalité avec le préjudice qu'il a subi et subit du fait de la survenance d'une hémiplégie gauche consécutive à l'intervention pratiquée ;

Aux termes des constatations et conclusions expertales et des écritures en cause d'appel de Monsieur Francis Y..., aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur Michel X... dans les gestes opératoires eux-mêmes et les soins prodigués ;

Les parties sont encore d'accord pour convenir que l'embolie et l'hémiplégie post-opératoire est un aléa possible de l'intervention pratiquée, correspondant à l'état physique présenté par Monsieur Y... ;

Contrairement aux motifs du premier juge, il ne peut être considéré que le chirurgien est tenu à une obligation de sécurité impliquant sa responsabilité dans les conséquences d'actes chirurgicaux indépendamment de toute faute ; le Docteur X... ne peut être tenu, alors qu'il n'a commis aucune faute démontrée ni même prétendue, à la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique qu'a constitué l'embolie post-opératoire, correspondant à l'état antérieur de Monsieur Y... ;

Celui-ci, en réalité, situe les fautes qu'il reproche au Docteur X... à deux niveaux :

D'une part, Monsieur Y... reproche le choix même de l'intervention, alors que l'absence de troubles manifestés liés à la sténose ne la rendait pas indispensable, ce que démontre l'absence d'aggravation de son état sans intervention sur la carotide gauche et alors que les risques post-opératoire étaient réels ;

Ce premier reproche recouvre un manquement allégué au devoir de conseil ;

Mais les experts indiquent que, même si l'opportunité de telles interventions, en l'absence de troubles peut être discutée, le résultat des études pousse vers l'indication chirurgicale qui, globalement, donne de meilleurs résultats ; ils en concluent que la décision de traiter chirurgicalement une sténose carotidienne asymptomatique était, au moment de l'intervention, conforme aux données disponibles, c'est-à-dire acquises, de la science en 1996 ;

Ainsi, sans autre élément apporté aux débats, et même en considérant l'absence d'aggravation de son état sans intervention sur la carotide gauche, Monsieur Y... ne caractérise pas la faute qu'aurait commise Monsieur X... en ne lui déconseillant pas une opération dont le bénéfice espéré était statistiquement plus important que la réalisation de risques post-opératoires ;

D'autre part, Monsieur Y... reproche à Monsieur X... de ne pas l'avoir informé des risques de l'intervention qui, s'il les avait connus, l'auraient incité à y renoncer, ou, en tout cas, à recueillir d'autres avis médicaux ;

Les témoignages produits par Monsieur Y... pour confirmer l'absence alléguée d'information émanent de personnes de son entourage ou de sa famille qui n'ont assisté à aucun entretien avec le chirurgien ou d'autres médecins et ne font qu'attester de la confiance manifestée par Monsieur Y... avant l'intervention, confiance qui n'est pas incompatible avec une évaluation raisonnée des risques encourus ; ils n'établissent donc pas que Monsieur X... n'a pas rempli son devoir d'information ;

Il revient cependant au chirurgien de rapporter la preuve de ce qu'il a correctement délivré toute information sur l'intervention projetée et les risques qui y étaient attachés ;

Il convient de remarquer que l'intervention a eu lieu en 1996, à une époque où l'exigence jurisprudentielle d'établissement de la preuve de l'information dispensée pesant sur le médecin était moins tranchée qu'au jour de l'arrêt, rendant les praticiens moins attentifs à établir et conserver les instruments de cette preuve ;

En dépit de cette difficulté, le Docteur X... produit une attestation d'un autre médecin, le Docteur Joan Pau GOLF A..., ayant assisté à l'entretien qu'a eu le chirurgien avec son patient la veille de l'opération ; ce témoin confirme l'information donnée à Monsieur Y... et particulièrement sur le risque post-opératoire d'une hémiplégie, en précisant l'impression qu'il avait eue que Monsieur Y... avait déjà été informé de son problème ;

Cette impression est confortée par les courriers médicaux, décrivant un état physique préoccupant de Monsieur Y..., rappelés dans le rapport d'expertise ;

Ces courriers montrent que, dans les mois précédents l'intervention, les consultations de différents médecins ont été l'occasion d'envisager et d'informer Monsieur Y... sur l'opportunité puis l'utilité de l'intervention ; la décision d'opération, écartée au début par le chirurgien en raison de l'état psychique de son patient, a été prise de concert avec lui au mois de Mai 1996, après l'artériographie établissant l'importance de la sténose ;

Par ces pièces et particulièrement l'attestation de Monsieur GOLF A..., le Docteur X... établit avoir rempli son obligation contractuelle d'information permettant à Monsieur Y... de consentir librement à l'intervention pratiquée ;

En conséquence, à défaut de l'existence d'une faute contractuelle commise par le Docteur X... soit ayant un lien de causalité avec l'hémiplégie post-opératoire, soit ayant été à l'origine de la perte d'une chance de ne pas avoir subi les préjudices en prenant la

décision de ne pas être opéré, les demandes d'indemnisation de Monsieur Francis Y... doivent être rejetées ;

Le décision attaquée sera réformée et les demandes en paiement tant de Monsieur Y... que de la CAVIMAC rejetées ; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort :

Reçoit l'appel formé par Monsieur Michel X... et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles ;

Le dit fondé ;

Réforme le jugement entrepris ;

Rejette toutes les demandes formées par Monsieur Francis Y... et la Caisse d'Assurance Vieillesse Invalidité et Maladie des Cultes ;

Dit l'ensemble des dépens de première instance et d'appel à la charge de Monsieur Francis Y..., avec autorisation donnée à la S.C.P. DE GINESTET DUALE, avoués, de faire application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

Mireille PEYRON

Philippe PUJO-SAUSSET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 01/03497
Date de la décision : 14/01/2004

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Dommage - Réparation - Conséquences d'un aléa thérapeutique (non) - /

Le chirurgien ne peut être tenu, alors qu'il n'a commis aucune faute dans les gestes opératoires et les soins prodigués, à la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique qu'a constitué une embolie post-opératoire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2004-01-14;01.03497 ?
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