JL/JL Numéro /02 COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 2 ARRET DU 04/11/2002
Dossier : 98/00787 Nature affaire : Prêt - Demande en remboursement du prêt Affaire : S.C.I. PORT MAGUIDE, Jean Louis X..., Jean Y... C/ C.R.C.A.M DE LA SARTHE, François Z... RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS A R R E T prononcé par Monsieur LACROIX, Président, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame A..., Greffière, à l'audience publique du 4 NOVEMBRE 2002 date à laquelle le délibéré a été prorogé. * * * * * APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 03 Octobre 2002, devant : Monsieur LACROIX, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame A..., greffière présente à l'appel des causes, Monsieur LACROIX, en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur LACROIX, Président Madame RIBOULLEAU, Conseiller Madame LACOSTE, Conseiller qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant : APPELANTS : S.C.I. PORT MAGUIDE Ferme Caille 40500 MONTSOUE Monsieur Jean Louis X... né le 29 Novembre 1948 à TANIET EL HAAD - ALGERIE - Ferme Caille 40500 MONTSOUE Monsieur Jean Y... né le 23 Septembre 1950 à TANIET EL HAAD - ALGERIE - Ferme Caille 40500 MONTSOUE représentés par Maître Michel VERGEZ, avoué à la Cour assistés de la SCP NOURY LABEDE, avocats au barreau de MONT DE MARSAN INTIMES : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL (C.R.C.A.M) DE LA SARTHE représentée par les
Président et Membres de son Conseil d'Administration ainsi que de son Directeur, domiciliés en ces qualités audit siège 40, rue Prémartine 72000 LE MANS représentée par la SCP LONGIN C. ET P., avoués à la Cour assistée de Maître Michel LAMORERE, avocat au barreau de MONT DE MARSAN Monsieur François Z... 20, rue de la Chapelle 02490 VERMAND (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro du 27/04/1998 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU) représenté par la SCP F.PIAULT / M.LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour assisté de Maître Henry DE BRISIS, avocat au barreau de MONT DE MARSAN sur appel de la décision en date du 13 NOVEMBRE 1997 rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN
Vu le jugement prononcé le 13 novembre 1997 par le Tribunal de Grande Instance de MONT DE MARSAN, qui a condamné solidairement la SCI PORT MAGUIDE, Messieurs X..., Z... et Y... à payer à la C.R.C.A.M. de la SARTHE la somme de 315.061,23 F (soit 48.030,77 ä) sans intérêts, débouté pour le surplus, ordonné l'exécution provisoire et condamné sous la même solidarité les défendeurs aux dépens ;
Vu, sur appel de la SCI PORT MAGUIDE, de Monsieur X... et de Monsieur Y..., l'arrêt rendu par cette Cour le 25 mai 2000 auquel il est expressément renvoyé pour exposé de la procédure et des prétentions initiales des parties, qui a renvoyé la cause et les parties à la mise en état du 27 juin 2000 pour conclusions sur la nullité encourue du fait de la violation du texte d'ordre public de l'article L.312-10 du Code de la Consommation et sur ces conséquences, les dépens étant réservés ;
Vu, conformément aux dispositions de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, les dernières conclusions des parties, déposées le 18 décembre 2001 par Monsieur X..., Monsieur Y... et la SCI PORT MAGUIDE, le 16 octobre 2001 par la C.R.C.A. de la SARTHE et le 5 mars 2002 par Monsieur Z...
Vu l'ordonnance de clôture du 23 mai 2002.
Dans le dernier état de leurs écritures, Monsieur X..., Monsieur Y... et la SCI PORT MAGUIDE demandent à la Cour de :
- dire que la C.R.C.A.M de la SARTHE n'a pas respecté les dispositions de l'article 1315 du Code Civil, en ce qu'elle n'établit ni les conditions exactes ni les modalités de l'obligation dont elle sollicite l'exécution,
- dire que la C.R.C.A.M. n'a pas respecté, ni à l'égard de la SCI PORT MAGUIDE, ni à l'égard de Messieurs X... et Y..., les dispositions d'ordre public de l'article L.312.10 alinéa 2 du Code de la Consommation,
En conséquence,
En application des dispositions de l'article L.312.33 du Code de la Consommation,
- dire que la C.R.C.A.M. de la SARTHE est purement et simplement déchue du droit aux intérêts,
- dire que les sommes d'ores et déjà versées en remboursement du prêt de 360.000,00 F consenti à la SCI PORT MAGUIDE le 6 septembre 1990 s'imputeront sur le capital initial de 360.000,00 F (soit 54.881,65 ä),
- dire qu'en ne respectant pas à l'égard de Messieurs X... et Y... les dispositions d'ordre public de l'article L.312-10 alinéa 2 du Code de la Consommation, la C.R.C.A.M. de la SARTHE, qui, en outre, a développé de nombreuses manoeuvres pour forcer le consentement notamment des cautions, a commis un dol au sens des dispositions de l'article 1116 du Code Civil,
En application dudit texte,
- déclarer nuls et de nul effet les engagements de caution souscrits par Messieurs X... et Y... le 5 septembre 1990,
- mettre Messieurs X... et Y... hors de cause,
- condamner la C.R.C.A.M. de la SARTHE à payer à chacun de la SCI PORT MAGUIDE, Monsieur X... et Monsieur Y..., la somme de 20.000,00 F (soit 3.048,98 ä) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamner la C.R.C.A.M. de la SARTHE aux entiers dépens.
Monsieur Z... conclut, lui, aux fins suivantes :
- dire et juger que la C.R.C.A.M. de la SARTHE n'a pas respecté à l'égard de Monsieur Z... les dispositions d'ordre public de l'article L.312-10 du Code de la Consommation,
En conséquence, en application dudit texte,
- déclarer nul et de nul effet l'engagement de caution souscrit par lui le 5 septembre 1990,
En conséquence,
- le mettre hors de cause,
- débouter la C.R.C.A.M. de l'ensemble de ses prétentions,
Subsidiairement :
- dire que le CREDIT AGRICOLE est déchu du droit aux intérêts,
- condamner la C.R.C.A.M. de la SARTHE au paiement de la somme de 20.000,00 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Quant à la C.R.C.A.M. de la SARTHE, elle sollicite de la Cour de :
- faire droit à son appel incident ;
- condamner solidairement la SCI PORT MAGUIDE, Messieurs Jean Louis X..., François Z... et Jean Y... à lui payer la somme de 332.683,33 F (soit 50.717,25 ä), selon arrêté de compte au 30 novembre 1996, et ce outre intérêts au taux contractuel de 10,30 % à compter du 30 novembre 1996, jusqu'à parfait paiement, à tout le moins au taux légal à compter de la première mise en demeure,
- les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 15.000,00 F (soit 2.286,74 ä) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, et de 20.000,00 F (soit 3.048,98 ä), sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens.
SUR QUOI
Attendu tout d'abord qu'il convient de constater que la C.R.C.A.M. de la SARTHE a produit l'acte par lequel elle a consenti un crédit de 360.000,00 F (soit 54.881,65 ä) à la SCI PORT MAGUIDE et qui ne peut donc s'analyser que comme un contrat de prêt ; que d'ailleurs dans chaque acte de cautionnement annexé, il est porté la mention ".......déclare accepter la présente offre préalable de crédit....." ;
Que de même dans le bordereau d'acceptation de la S.C.I, celle-ci déclare accepter l'offre de crédit, ce qui dans le principe rend le contrat parfait, et reconnaît rester en possession d'un exemplaire de cette offre ;
Attendu qu'il n'est plus discuté aujourd'hui, ainsi que souligné par l'arrêt du 25 mai 2000, que le prêt litigieux se trouve soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, étant précisé qu'il n'a pas été conclu dans le cadre d'une activité professionnelle de nature à écarter l'application de cette loi ;
Que par suite s'applique l'article L312.10 du Code de la Consommation et notamment l'alinéa 2 aux termes duquel l'emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçu ;
Or attendu qu'en l'occurrence l'offre ne porte aucune date autre que celle du tampon encreur, manifestement apposée après la réalisation du prêt, le 21 septembre 1990, le bordereau d'acceptation étant, quant à lui, daté du 5 septembre 1990 ;
Attendu certes que le bordereau d'acceptation signé par la S.C.I. est précédé de la mention selon laquelle celle-ci reconnaît être en possession d'un exemplaire de l'offre ; qu'il précise également qu'en cas d'acceptation, le bordereau devra être adressé à la Caisse au plus tôt onze jours après la date de réception de l'offre ;
Attendu toutefois que la juridiction n'est pas pour autant en mesure de déterminer si le délai de dix jours fixé par l'article L.312-10 a été respecté ;
Que s'il est exact que l'acceptation de l'offre est datée et que l'article L.312-33, alinéa 2 du Code de la Consommation sanctionne le prêteur qui reçoit de l'emprunteur ou des cautions déclarées une acceptation non datée, il s'avère que ce texte s'analyse comme tendant à protéger le consommateur en empêchant et en sanctionnant au besoin le non-respect du délai de dix jours ;
Que dès lors que la preuve de l'observation de ce délai n'est pas rapportée, par ignorance soit de la date d'acceptation soit de la date de l'offre, il s'impose d'admettre qu'à vocation à s'appliquer l'article L.312-33 alinéa 2 du Code de la Consommation ;
Qu'au vu des circonstances de l'espèce et des explications des parties, l'absence de date de l'offre ne saurait être sanctionnée par la nullité du prêt dont la date d'acceptation est, elle, connue, seule restant indéterminée la durée séparant l'offre de l'acceptation, ce qui doit conduire à l'application de l'article sus-mentionné ;
Attendu par ailleurs que ni la S.C.I., ni les cautions ne prouvent l'existence d'un quelconque dol ;
Que ces derniers indiquent eux-mêmes que le notaire ayant été chargé d'établir l'acte de vente, conclu en définitive le 10 août 1990, des pourparlers s'étaient engagés avec la C.R.C.A.M en vue de l'ouverture d'un compte et de l'obtention d'un crédit de 360.000,00 F (soit
54.881,65 ä) au bénéfice de la S.C.I ;
Qu'ainsi, alors que le Crédit Agricole avait donné son accord à l'offre de prêt, il a été consenti le 6 septembre 1990 à la S.C.I., à la demande de celle-ci un découvert en compte de 260.000,00 F (soit 39.636,74 ä), 360.000,00 F (soit 54.881,65 ä) étant portés au crédit le 21 septembre 1990 ;
Attendu que rien n'autorise à retenir l'existence de manoeuvres ou d'une réticence de la Banque qui auraient contraint la SCI et les cautions à souscrire un prêt dans des conditions anormales ou désavantageuses ;
Que notamment il n'est pas établi que l'irrégularité constatée, soit l'omission de la date de présentation de l'offre a déterminé leur consentement ou qu'en cas de régularité parfaite de l'offre ils ne se seraient pas engagés ;
Qu'il demeure que la Banque doit répondre de son manquement, même si celui-ci ne s'avère pas intentionnel et qu'au vu des circonstances de la cause la sanction telle que retenue par le premier juge apparaît justifiée ;
Attendu de même que la demande de dommages-intérêts présentée par la C.R.C.A.M. doit être rejetée, comme non justifiée ;
Attendu enfin que chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Qu'au vu des éléments de la cause, les dépens seront supportés à concurrence du 1/3 par la C.R.C.A.M. et des 2/3 par la S.C.I. PORT MAGUIDE et Messieurs X..., Z... et Y... solidairement ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Reçoit les appels tant principal qu'incidents comme réguliers en la
forme,
Au fond, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative aux dépens ;
Le réformant sur ce dernier point et y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL de la SARTHE aux dépens de première instance et d'appel à concurrence du 1/3 et la S.C.I. PORT MAGUIDE, Monsieur X..., Monsieur Z... et Monsieur Y... solidairement à concurrence des 2/3 ;
Autorise conformément aux dispositions de l'article 699, du Nouveau Code de Procédure Civile, les Avoués de la cause à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, étant précisé que Monsieur François Z... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. LA GREFFIÈRE,
LE PRÉSIDENT, P. A...
J. LACROIX