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24/07/2024 | FRANCE | N°21/17120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 24 juillet 2024, 21/17120


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 24 JUILLET 2024



(n° 2024/ 186 , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17120 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM3U



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2021 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2018F00323





APPELANTE



S.A. CARDIF ASSURANCE VIE

[Adresse 1]r>
[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : B 7 32 028 154



représentée par Me Pierre-Yves ROSSIGNOL de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PAR...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 24 JUILLET 2024

(n° 2024/ 186 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17120 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM3U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2021 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2018F00323

APPELANTE

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : B 7 32 028 154

représentée par Me Pierre-Yves ROSSIGNOL de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

INTIMÉS

Monsieur [V] [M]

Centre commercial [6]

[Localité 5]

né le [Date naissance 2] 1974 à Tunisie

S.A.R.L. [7]

Centre commercial Belle Epine

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro : 753 815 448

représentés par Me Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E5462

S.A. BNP PARIBAS au capital de 2.499.597.122 €, prise en la personne de son Directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 662 04 2 4 49

représentée par Me Stéphanie ARFEUILLERE de la SELARL CREMER & ARFEUILLERE, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme FAIVRE, Présidente de Chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme FAIVRE, Présidente de chambre

M. SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame POUPET

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 juin 2024, prorogé au 24 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société [7] a acquis, le 21 mars 2013, au moyen d'un emprunt accordé par BNP PARIBAS, un fonds de commerce de café et restaurant.

La BNP PARIBAS a souscrit un contrat collectif d'assurance décès-invalidité-incapacité auprès de CARDIFF ASSURANCE VIE auquel a adhéré la société [7]et dont M. [V] [M] et M. [H] [M], les deux associés cautions du prêt, sont les assurés, en vue de garantir le remboursement du prêt.

Les échéances du prêt ayant cessé d'être remboursées, la banque a clôturé, après mise en demeure, le compte de la société La CABANE de BELLE EPINEet procédé à la résiliation du prêt, en exigeant de manière anticipée les mensualités restantes.

Après assignation de la société [7]en remboursement du prêt par BNP PARIBAS, M.[V] [M] a déclaré à CARDIF ASSURANCE VIE le sinistre, en faisant valoir son état d' incapacité de travail à hauteur de 80% reconnu depuis le 20 février 2018 par la commission des droits et de l'autonomie.

En l'absence d'accord de l'assureur, un litige est né entre les parties.

PROCÉDURE

Par assignation signifiée le 20 mars 2018, BNP PARIBAS a fait citer la société La CABANE de BELLE EPINEdevant le tribunal de commerce de Créteil aux fins de condamnation à paiement de la somme de 51 296,28 euros au titre du solde du prêt impayé augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,76% à compter du 8 mars 2018.

Par assignation du 29 août 2018, la société La CABANE de BELLE EPINEet M. [V] MHAMDIont fait citer CARDIF ASSURANCE VIE devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins de la voir condamner à payer la somme de 36 189,52 euros au titre de la garantie d'assurance.

Les deux instances ont été jointes le 23 octobre 2018.

Par jugement avant-dire-droit du 14 juin 2020, le tribunal de commerce de Créteil a ordonné une expertise médicale de M. [V] [M].

L'expert judiciaire a déposé son rapport en l'état le 23 décembre 2020.

A la suite du dépôt de ce rapport, le tribunal de commerce de Créteil, par jugement du 7 septembre 2021, a :

- Dit mal fondée la société CARDIFF ASSURANCE VIE en sa demande de voir déclarer la société [7] irrecevable en ses demandes et l'en a déboutée';

- Condamné la société [7] à payer à la BNP PARIBAS, en deniers ou quittance valable, la somme de 56 898,25 euros au titre du prêt professionnel n°'01308-604752-08, avec intérêt au taux conventionnel de 3,76 % à compter du 3 février 2021';

- Ordonné la capitalisation des intérêts dus à la BNP PARIBAS par la société [7] à compter de la signification du jugement, pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière';

Dit la société [7] mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et l'en a débouté';

Condamné la société CARDIFF ASSURANCE VIE à payer à la BNP PARIBAS au titre de sa garantie la somme de 22 476,12 euros, avec intérêts au taux de 3,7 % à compter du 19 juin 2018,

- Débouté la société [7] et M. [V] [M] du surplus de leur demande et débouté la société CARDIFF ASSURANCE VIE de ses demandes formées à ce titre';

- Dit que cette somme viendra en déduction de la créance de la BNP PARIBAS à l'encontre de la société [7]';

- Dit M. [V] [M] et la société [7] mal fondés en leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l'encontre de la société CARDIFF ASSURANCE VIE et les en a débouté';

Condamné la société [7] à payer à la BNP PARIBAS la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la BNP PARIBAS du surplus de sa demande et débouté la société [7], M. [V] [M] et la société CARDIFF ASSURANCE VIE de leurs demandes formées de ce chef';

- Condamné solidairement la société [7] et M. [V] [M] aux dépens, lesquels comprendront les frais d'expertises.

Par déclaration électronique du 29 septembre 2021, enregistrée au greffe le 30 septembre 2021, la SA CARDIFF ASSURANCE VIE a interjeté appel des dispositions de ce jugement lui faisant grief.

Par conclusions d'appelant notifiées par voie électronique le 3 mars 2022, la SA CARDIFF ASSURANCE VIE demande à la cour :

«' Vu les articles 1134, 1202, 1315 et 1322 du code civil,

Vu les articles 31, 56 et 367 du code de procédure civile,

Vu les pièces produites aux débats,

DIRE ET JUGER que la société [7] est dénuée d'intérêt à agir dans le cadre de la présente affaire et la DECLARER irrecevable en toute demande ;

' INFIRMER la décision en ce qu'elle a dit que :

«'Dès la déclaration du sinistre, CARDIFF ASSURANCE VIE pouvait demander à Monsieur [V] [M] de se prêter à l'examen de son médecin conseil ;

En ce que le tribunal a retenu que l'incapacité totale de travail de Monsieur [V] [M] ne pouvait être contestée ;

En ce que le tribunal a retenu qu'on pouvait retenir comme date de départ du sinistre, la date de sa déclaration, à savoir le 19 juin 2018 ;

En ce qu'il a condamné la société CARDIFF ASSURANCE VIE à payer à la société BNP PARIBAS, au titre de sa garantie, la somme de 22 476,12 € avec intérêts au taux identique à celui du prêt de la BNP, soit 3,7% à compter du 19 juin 2018 ;'»

DIRE ET JUGER que les conditions générales d'assurance sont opposables aux demandeurs ;

DIRE ET JUGER que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de la réunion des conditions de garantie, faute d'établir les dates des arrêts de travail, de produire les certificats et documents médicaux, cette carence ayant conduit l'expert désigné à déposer un rapport actant l'impossibilité d'exécuter sa mission ;

Les DEBOUTER de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté la SARL [7] et Monsieur [V] [M] du surplus de leurs demandes, et en ce que le tribunal a constaté que Monsieur [V] [M] et la SARL [7] ne justifiaient d'aucun préjudice au titre d'une prétendue "résistance abusive" et en ce qu'il a condamné la SARL [7] et Monsieur [V] [M] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Subsidiairement

DIRE ET JUGER qu'en cas de condamnation, le montant ne pourra excéder 50% des mensualités dues à compter du 19 juin 2018 et jusqu'au 21 mai 2020, date de fin du prêt, soit la somme de 21.539,61 € (soit 23 mensualités de 1873,01 € x 50%) ;

FAIRE APPLICATION du délai de franchise de 90 jours, et DIRE ET JUGER qu'en cas de condamnation, la prise en charge ne pourra excéder 50% des échéances réglées par Monsieur [M] du 22 mars 2017 au 21 mai 2020 (expiration du prêt) soit un montant de 35 587,19 € (1873,01 € x 50% x 38 mois) ;

DEBOUTER les intimés de toute demande de condamnation solidaire, la solidarité n'étant pas établie ;

CONDAMNER la SARL [7] et Monsieur [V] [M] les demandeurs à verser in solidum à CARDIFF ASSURANCE VIE la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER les demandeurs aux entiers dépens d'appel.'»

Par conclusions d'intimé notifiées par voie électronique le 25 mars 2022, la SA BNP PARIBAS demande à la cour :

«'Vu les articles 1103 et suivants du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence,

RECEVOIR la SA BNP PARIBAS en ses demandes, fins, conclusions et les déclarer bien fondées ,

Vu l'appel incident de la société [7] et Monsieur [V] [M],

REJETER le moyen tiré d'un manquement de la BNP PARIBAS à son devoir d'information à l'égard de Monsieur [V] [M] lors de l'adhésion au contrat d'assurance groupe;

DECLARER la société [7] et Monsieur [V] [M] mal fondés à rechercher la responsabilité de la SA BNP PARIBAS,

DEBOUTER en conséquence la société [7] et Monsieur [V] [M] de l'ensemble de leurs prétentions plus amples et contraires dirigées à l'encontre de la SA BNP PARIBAS,

EN CONSEQUENCE :

Statuant à nouveau,

CONFIRMER le jugement rendu le 7 septembre 2021 par le tribunal de commerce de CRETEIL en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a condamné la société [7] au paiement de la somme de 56 898,25 euros au titre du solde impayé du prêt professionnel n°01308-604752-08 avec intérêts au taux conventionnel de 3,76'% à compter du 3 février 2021, ordonné la capitalisation des intérêts et condamné la société à verser à la banque la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER tout succombant à verser à la société BNP PARIBAS la somme de 3 500,00'€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER tout succombant aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Stéphanie ARFEUILLERE par application de l'article 699 du code de procédure civile. »

Par conclusions en réponse et récapitulatives n° 1 notifiées par voie électronique le 7 mars 2022, la SARL [7] et M. [V] [M] demandent à la cour':

«' CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a déclaré la demande recevable et a condamné la société CARDIFF ASSURANCE VIE à payer à la BNP PARIBAS au titre de sa garantie la somme de 22 476,12 euros, avec intérêts au taux de 3,7 % à compter du 19 juin 2018,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société [7] et M.'[V] [M] du surplus de leur demande et notamment formée à l'encontre de la société BNP PARIBAS,

ET STATUANT A NOUVEAU

' CONDAMNER LA BNP PARIBAS à payer à la société [7] la somme de 25 468,14 €, outre les intérêts et tous les frais et ordonner la compensation avec toutes les sommes que [7] pourrait devoir à la BNP PARIBAS.

' CONDAMNER CARDIFF ASSURANCE VIE et BNP PARIBAS solidairement entre elles à payer à Monsieur [V] [M] la somme de 4 000 € pour résistance abusive et encore 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

' LES CONDAMNER aux entiers dépens.'»

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mars 2024.

Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la demande'en paiement de l'indemnité d'assurance

a) Sur la recevabilité

A l'appui de son appel, CARDIF ASSURANCE VIE fait valoir que l'assuré est M. [V] [M] et que les prestations d'assurance, si elles sont dues, lui seront versées. Il en résulte que la société [7] n'est pas bénéficiaire des garanties et qu'elle n'a donc pas d'intérêt à agir.

En réplique, la société [7] et M. [V] [M] font valoir que la société est débitrice de la prime et qu'elle bénéficiera de la garantie car si le contrat d'assurance est exécutée, la dette de prêt qui incombe à la société [7] en sera diminuée d'autant. Elle a donc bien un intérêt direct à voir la garantie mobilisée.

BNP PARIBAS fait valoir qu'elle s'en rapporte sur cette question.

Sur ce,

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Au préalable il est observé que CARDIF ASSURANCE VIE conteste la recevabilité de l'action intentée par la société [7]mais non celle de l'action intentée par M. [M].

Il est constant qu'en matière d'assurance de chose, peuvent agir'en demande en paiement de l'indemnité d'assurance :

- L'assuré qui est souscripteur ;

Le souscripteur, s'il n'est pas l'assuré à condition de ne pas réclamer à son profit l'indemnité d'assurance ;

En l'espèce, à la lecture du contrat de vente de fonds de commerce incluant le prêt professionnel accordé par BNP PARIBAS au cessionnaire, $*, de la demande d'adhésion et de la notice des conventions d'assurance collective n° 2409/592, il ressort que BNP PARIBAS est le souscripteur de la convention d'assurance collective litigieuse, la société [7]en qualité d'emprunteur du souscripteur, en est l'adhérent et M. [V] [M]et M. [H] [M] qui sont les cautions du prêt, en sont les assurés.

Il est ainsi établi que la société La CABANE de BELLE EPINEest partie contractante à cette convention d'assurance.

Il ressort aussi de cette convention d'assurance, qu'elle a pour objet de garantir contre les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie, incapacité totale de travail et perte d'emploi survenant avant le terme des engagements de l'assuré au titre des prêts immobiliers et des prêts professionnels consentis par l'organisme prêteur, qu'en qualité d'adhérent, la société La CABANE de BELLE EPINEa pour obligation de payer les cotisations d'assurance et que l'assuré est la personne physique sur laquelle reposent les garanties souscrites.

Il ressort des statuts de la société [7] que M. [V] [M] et M. [H] [M] sont ses deux associés.

L'ensemble de ces éléments met ainsi en évidence que le contrat d'assurance a pour objet de garantir en cas de survenance d'un risque contractuel, le prêt professionnel consenti par le prêteur, souscripteur du contrat d'assurance.

Le prêt professionnel ayant été consenti par BNP PARIBAS à la société [7], il résulte du contrat d'assurance, en cas de risque survenu à l'un des assurés qui entraîne un non-respect des engagements de l'emprunteur, la réalisation de l'objet contractuel de ce contrat d'assurance et la mise en oeuvre de la garantie sous réserve du respect de ses conditions.

Dès lors, la société [7] a un intérêt légitime au succès de la prétention tendant à voir condamner CARDIF ASSURANCE VIE à exécuter sa prestation de garantie.

Son action à l'égard de CARDIF ASSURANCE VIE est, par conséquent, recevable.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a dit mal fondée la société CARDIFF ASSURANCE VIE en sa demande de voir déclarer la société [7] irrecevable en ses demandes et l'en a déboutée.

b. Sur le bien-fondé

Sur les conditions de garantie

A l'appui de son appel, CARDIF ASSURANCE VIE rappelle que les conditions générales sont opposables aux demandeurs et en cas de survenance d'un sinistre, l'assuré doit déclarer ce sinistre à l'assureur dans les meilleures délais et fournir les éléments justifiant la mise en oeuvre de la garantie. CARDIF ASSURANCE VIE reproche à M. [V] [M] de ne pas avoir justifié de l'activité professionnelle qu'il a dû interrompre et de la période d'arrêt de travail. Concernant la déclaration de sinistre, CARDIF ASSURANCE VIE observe que celle-ci est datée du 19 juin 2018, qu'elle est donc intervenue plus d'un an et demi après la date alléguée de survenance de la pathologie de M. [V] [M]. CARDIF ASSURANCE VIE estime qu'à supposer réunies les pièces relatives aux conditions de garantie, il doit être considéré qu'en application du contrat, le sinistre est survenu à la date de sa déclaration le 19 juin 2018. Elle ajoute que la prise en charge ne peut intervenir au-delà du 21 mai 2020, terme du prêt.

En réplique, la société [7] et M. [V] [M] font valoir que les conditions sont réunies. Les intimées rappellent que M. [V] [M] n'était pas salarié mais gérant associé de la société [7]. Ils estiment que la preuve de la pathologie, sa date de survenance et l'évolution de sa pathologie lui interdisant de reprendre son activité professionnelle, permettent de considérer que les conditions de la garantie sont remplies. CARDIF ASSURANCE VIE doit donc mobiliser sa garantie qui est de 50% du montant du prêt. Les intimées font valoir que le tribunal a fait une exacte application des dispositions contractuelles.

BNP s'en rapporte à justice sur l'appel principal de CARDIF ASSURANCE VIE.

Sur ce,

Au préalable, la cour relève que le moyen invoqué par CARDIF ASSURANCE VIE sur l'opposabilité des conditions générales du contrat d'assurance est surabondant en ce que la société [7] et M. [V] [M] ne remettent pas en cause l'opposabilité des conditions générales du contrat d'assurance.

Sur la date de prise en charge du sinistre

Le contrat d'assurance stipule en son article 12 que «' tout sinistre doit être déclaré à l'organisme prêteur dans un délai de 180 jours après sa survenance. Au-delà il sera considéré comme s'étant produit au jour de la déclaration. Toutefois il ne sera pas fait application du délai de franchise.

Au-delà de 24 mois, les sinistres ne seront pas pris en charge dans les conditions prévus à l'article17 ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que le sinistre a été déclaré le 19 juin 2018 directement à CARDIF ASSURANCE VIE et non à BNP PARIBAS, ce dont l'assureur ne tire pas grief.

Il ressort du questionnaire médical de l'assureur rempli par le médecin traitant de M. [V] [M], le 16 octobre 2018, que les premières manifestations de la pathologie de M. [V] [M] ont été mises en évidence le 30 février 2015, qu'il a commencé un traitement à cette date, que son arrêt de travail a débuté le 1er mars 2016 et que son affection n'est pas en rapport direct ou indirect avec un état pathologique antérieur.

Dans son rapport en l'état, l'expert judiciaire reconnaît avoir reçu plusieurs documents médicaux de M. [V] [M] dont le compte-rendu de consultation du neurologue en date du 9 mai 2016 indiquant qu'il suit M. [V] [M] depuis la fin de l'année 2014 pour un syndrôme parkingsonien qui a été confirmé par un DaTScan du 14 juin 2016, non contesté pas l'expert judiciaire, qu'une demande de prise en charge à 100% de cette maladie neurologique pour affection de longue durée a été établie par le médecin traitant de M. [V] [M] le 9 novembre 2016 et la CPAM du Val de Marne a informé M. [V] [M] le 29 novembre 2016, de la prise en charge à 100% de sa maladie neurologique pour affection de longue durée, que l'expert judiciaire a considéré que le courrier du 20 février 2018 de la Maison départementale des personnes handicapées du Val de Marne informant M. [V] [M] de l'attribution d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80%, établissait une reconnaissance du statut de travailleur handicapé pour la période du 4 janvier 2017 au 3 janvier 2022.

L'expert judiciaire a précisé que cette pathologie est évolutive et insusceptible de consolidation, que le taux d'invalidité professionnelle de M. [V] [M] fin 2019 est de 100%, que sa maladie n'est pas compatible avec la gestion d'un café restaurant et avec une activité quelle qu'elle soit dans ce typé d'établissement et qu'il ne pourra jamais reprendre une telle activité à quelque poste que ce soit et qu'il semble improbable qu'il reprenne une activité professionnelle dans un cadre normal ( sans adaptation du fait de son handicap lourd et qui ne peut que s'aggraver.)

L'ensemble de ces éléments constituent un faisceau grave, précis et concordants d'indices permettant d'établir que M. [V] [M] souffre d'une maladie neurologique établie le 14 juin 2016, que le 20 février 2018 son taux d'incapacité était égal ou supérieur à 80% et s'est aggravé pour atteindre 100% fin 2019, qu'aucune amélioration n'est attendue et qu'une consolidation est impossible, compte tenu de la nature évolutive de cette maladie

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le 20 février 2018, date de reconnaissance d'un taux d'incapacité de travail égal ou supérieur à 80%, correspond au taux d'incapacité de travail au sens du contrat, qu'il est donc permis de la considérer comme la date de la survenance du sinistre ; toutefois, entre cette date et le 19 juin 2018, date de déclaration du sinistre, il s'est écoulé plus de 180 jours mais moins de 24 mois.

Dès lors, il doit être considéré, d'après les stipulations contractuelles, que le sinistre s'est produit au jour de la déclaration, soit le 19 juin 2018.

Au vu des constatations de l'expert judiciaire, il est établi que la pathologie neurologique de M. M. [V] [M] l'a contraint à interrompre son activité professionnelle et que son état de santé lui interdit l'exercice de son activité professionnelle ainsi que toute autre activité ou occupation susceptible de lui procurer salaire, gain ou profit.

Il s'en déduit que M. [V] [M] remplit les conditions contractuelles de la garantie Incapacité totale de travail.

CARDIF ASSURANCE VIE est donc tenue de prendre en charge dans la limité de la quotité assurée, en l'espèce 50%, le capital restant dû à la date de la déclaration de sinistre.

Il y a donc lieu de fixer le quantum de l'indemnité due par CARDIF ASSURANCE VIE à 1 873,01 x 50% x 23 = 21 539,61 euros et non 22 476,12 euros selon le montant évalué par le tribunal.

Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de l'indemnité de garantie due par CARDIF ASSURANCE VIE.

La société [7] et M. [V] [M] ne contestent pas que le tribunal ait condamné CARDIF ASSURANCE VIE à payer cette somme directement à BNP PARIBAS et dit que cette somme viendra en déduction de la créance de BNP PARIBAS à l'encontre de La société [7].

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

II Sur la créance de BNP PARIBAS au titre du solde du prêt professionnel

La cour relève que la société [7] ne conteste pas devoir les sommes réclamées par BNP PARIBAS au titre du solde du prêt professionnel impayé.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [7] à payer à la BNP PARIBAS, en deniers ou quittance valable, la somme de 56 898,25 euros au titre du prêt professionnel n°'01308-604752-08, avec intérêt au taux conventionnel de 3,76 % à compter du 3 février 2021.

III Sur la demande en responsabilité civile pour défaut d'information, de conseil et de mise en garde

A l'appui de leur appel incident, la société [7] et M. [V] [M] font valoir que BNP PARIBAS a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde en laissant les deux assurés souscrire une garantie à hauteur de 50% chacun du capital sans information préalable sur la question de savoir laquelle des deux personnes était importante dans la gestion du sinistre et si son absence pouvait avoir une incidence sur l'exploitation. Pendant l'exécution du contrat, ils reprochent à BNP PARIBAS de ne pas s'être préoccupée de savoir si la défaillance de l'assuré pouvait être prise en charge par l'assureur. Ils estiment que le montant du préjudice est égal à la perte de la garantie pour la moitié du capital, soit 25 468,14 euros.

En réplique, BNP PARIBAS fait valoir que la prétention de la société [7] et de M. [V] [M] n'est pas fondée.

Concernant l'obligation d'information et de conseil préalable, elle rappelle qu'il ressort des statuts que M. [V] [M] et M. [H] [M] sont associés de la société [7] chacun à 50%, et qu'ils se sont tous deux portés cautions solidaires du prêt, que dans la demande d'adhésion, ils ont chacun fait mention de leur fonction respective au sein du fonds de commerce. Selon BNP PARIBAS, M. [V] [M] ne justifie pas que le contrat n'était pas en adéquation avec sa situation personnelle lors de l'adhésion alors qu'il n'a pas informé la banque qu'il était en fait le seul animateur de la société. Sur l'information durant l'exécution du contrat, BNP PARIBAS fait valoir qu'il ne lui appartenait pas de mobiliser la garantie, en revanche, qu'il appartenait à l'assuré de justifier des conditions de mise en oeuvre de la garantie.

Sur ce,

Sur l'obligation d'information préalable, la cour relève que BNP PARIBAS rappelle à juste titre les statuts de la société [7] et la répartition à parts égales des parts entre M. [V] [M] et M. [H] [M], que lors du prêt, ils se sont portés caution à parts égales et dans le bulletin d'adhésion à l'assurance, ils ont, chacun, mentionné la fonction exercée au sein du commerce de [7].

Il est ainsi démontré que M. [V] [M] a adhéré en connaissance de cause à l'assurance proposée par BNP PARIBAS et que cette dernière n'a pas manqué à ses obligations d'information et de mise en garde au regard des engagements bancaires de la société [7] et de ses deux associés à parts égales et du fait que M. [V] [M] n'a pas informé la banque qu'il était, de fait, le seul gestionnaire du commerce.

S'agissant du manquement à l'obligation de conseil, la société [7] et M. [V] [M] ne font valoir aucun moyen.

Ainsi M. [V] [M] ne rapporte pas la preuve d'un manquement de BNP PARIBAS à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde préalablement à la conclusion du contrat d'assurance.

S'agissant de l'obligation d'information et de conseil pendant l'exécution du contrat d'assurance, il n'appartient pas à la banque de vérifier si les conditions de la garantie d'assurance sont remplies par l'assuré. Par ailleurs, il est établi par CARDIF ASSURANCE VIE, que BNP PARIBAS a fourni à l'assureur toutes les caractéristiques du prêt garanti.

Ainsi [7] et M. [V] [M] ne rapportent pas la preuve que pendant l'exécution du contrat d'assurance, BNP PARIBAS a manqué à son obligation d'information.

En définitive, il y a lieu de rejeter la demande en responsabilité de la société [7] et M. [V] [M] à l'égard de BNP PARIBAS.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommage-intérêts à l'égard de BNP PARIBAS.

IV Sur la demande en responsabilité pour procédure abusive

La société [7] et M. [V] [M] demandent des dommage-intérêts à CARDIF ASSURANCE VIE au titre d'une résistance abusive, reprochant à CARDIF ASSURANCE VIE de ne pas avoir instruit leur dossier après trois mois mais ne font valoir aucun moyen précis et circonstancié à l'appui de leur demande.

Il y a donc lieu de les débouter de cette demande.

V Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue du litige, les dispositions du jugement relatives aux dépens, incluant les frais d'expertise, sont infirmées.

Il y a lieu de condamner CARDIF ASSURANCE VIE aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise.

En revanche, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles sont confirmées.

Partie perdante en appel, CARDIF ASSURANCE VIE sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société [7] et M. [V] [M], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 4 000 euros.

Les autres demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a fixé le quantum de l'indemnité due par CARDIF ASSURANCE VIE à 22 476,12 euros et en ce qu'il a condamné la société [7]et M. [V] [M] aux dépens, incluant les frais d'expertise ;

Condamne CARDIF ASSURANCE VIE aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne CARDIF ASSURANCE VIE à payer à BNP PARIBAS la somme de

21 539,61 euros au titre de la garantie Incapacité totale de travail de M. [V] [M];

Y ajoutant,

Déboute la société [7] et M. [V] [M] de leur demande de dommage-intérêts au titre de la résistance abusive de CARDIF ASSURANCE VIE ;

Condamne CARDIF ASSURANCE VIE aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne CARDIF ASSURANCE VIE à payer à la société [7] et M. [V] [M] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/17120
Date de la décision : 24/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-24;21.17120 ?
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