Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 24 JUILLET 2024
(n° 2024/ 185, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17073 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMX5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 20/04627
APPELANT
Monsieur [L] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Né le 03 août 1976 à [Localité 5] (13)
De nationalité française
représenté par Me Emily HUBER, avocat au barreau de PARIS, toque P0151, avocat postulant, et par Me Florence DESFORGES, avocat plaidant, avocat au barreau de la DRÔME,
INTIMÉE
[7] venant aux droits de [8], Institution de Prévoyance inscrite au répertoire SIRENE sous le
n° 775 691 181, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Emmanuelle GINTRAC, avocat au barreau de PARIS, toque : A 0326
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme FAIVRE, Présidente de Chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme FAIVRE, Présidente de chambre
M. SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 juin 2024, prorogé au 24 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme FAIVRE, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] [R] a conclu un contrat à durée indéterminée avec la société [6] le 6 novembre 2000.
Il a adhéré au contrat collectif de prévoyance souscrit le 15 juin 2012 par son employeur auprès de l'institution Humanis Prévoyance, aux droits duquel vient [7], le garantissant contre les risques de décès, d'incapacité et d'invalidité.
Reconnu par la Sécurité sociale en état d'incapacité permanente à hauteur de 48 % depuis le 17 avril 2018, il a sollicité auprès de [7] le versement de la rente incapacité que celle-ci lui a versé à partir de juin 2019. Mais M. [R] en conteste le montant.
PROCÉDURE
C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier du 3 juin 2020, M. [R] a fait assigner en paiement l'institution [7] devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- Débouté M. [L] [R] de l'ensemble de ses demandes';
- Condamné M. [L] [R] aux dépens';
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration électronique du 28 septembre 2021, enregistrée au greffe le 29 septembre 2021, M. [L] [R] a interjeté appel de l'entier jugement.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 3 février 2023, M. [L] [R] demande à la cour :
«'Vu le contrat de garantie
Vu l'article 1104 du code civil
Vu les pièces
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 2 mars 2021
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de revalorisation de rente,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de son rappel de rente depuis le 17 avril 2018,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de 10 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de garantie,
Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
ET STATUANT A NOUVEAU,
FIXER le salaire de référence de Monsieur [R] à la somme de 60 778,74 euros pour le calcul de la rente.
FIXER le calcul de la rente sans déduction des prestations versées par la sécurité sociale,
PAR CONSEQUENT
CONDAMNER l'institution de prévoyance [7] à verser à Monsieur [R] une rente annuelle revalorisée chaque année sur la base de 21 272,56 euros.
CONDAMNER l'institution de prévoyance [7] à un rappel de rente de 12 908,26 euros par an depuis le début du versement, soit depuis le 17 avril 2018.
CONDAMNER l'institution de prévoyance [7] à verser à Monsieur [R] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de garantie.
CONDAMNER l'institution de prévoyance [7] à verser à Monsieur [R] 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER l'institution de prévoyance [7] aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'exécution.'»
Par conclusions d'intimé n° 2 notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, l'institution [7], venant aux droits de [8], demande à la cour :
«'DECLARER recevable et bien fondée [7], venant aux droits de [8], en ses demandes, fins et conclusions,
Y FAISANT DROIT,
CONFIRMER le jugement prononcé le 8 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions,
DEBOUTER Monsieur [R] de l'intégralité de ses demandes,
Y AJOUTANT,
CONDAMNER Monsieur [R] à régler à [7], venant aux droits de [8], la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'»
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 février 2024.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la demande en paiement de la rente
A l'appui de son appel, M. [R] fait valoir que dans le salaire de référence retenu par [7], ne sont pas prises en compte les heures supplémentaires qui lui ont été reconnues par la cour d'appel de Grenoble le 24 mars 2021. Il sollicite que soit rajouté ce nombre d'heures sur la période de douze mois précédant l'arrêt de travail à l'origine de la maladie professionnelle, que ce montant s'élève à 13 959 euros pour 531 heures, soit 8 833,44 euros pour 336 heures pour la période de juin 2015 à juillet 2016. Il demande donc que le salaire de référence soit fixé à 51 945,30 + 8 833,44 = 60 778,74 euros. Il explique qu'en 2017 il ne travaillait plus, que [7] a d'ailleurs indemnisé son arrêt de travail entre septembre 2016 et août 2017.
S'agissant du calcul de la rente, il fait valoir qu'il y a lieu d'appliquer l'article 27-5 de la convention de prévoyance qui prévoit que le calcul de l'indemnité est de 35 % du salaire de référence et que celle-ci devrait donc s'élever à 18 180,86 euros et non à 8 416,80 euros. Il estime que cette disposition contractuelle qui figure dans le chapitre III intitulé Garantie contractuelle ne stipule pas que la prestation est calculée après déduction de la rente de la sécurité sociale, que cette disposition est la seule applicable, qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte le tableau résumant les garanties qui ne figure pas dans ce chapitre et qu'en tout état de cause, s'il y a une contradiction entre deux clauses, il convient de faire application de l'article 1190 du code civil.
En réplique, [7] rappelle qu'elle s'est conformée à l'avis du médiateur de la protection sociale rendu le 27 février 2020 et a modifié le montant du salaire de référence pour calculer la rente complémentaire due à M. [R]. Elle rappelle que la date du sinistre est celle du 22 février 2017 et que la période de référence est donc celle qui court pour les éléments de salaire mensuel fixe des mois de novembre 2016 à janvier 2017 et s'agissant des autres éléments de salaire pour la période de 12 mois précédant la réalisation du sinistre soit de février 2016 à janvier 2017. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble d'autant que la juridiction n'a pas individualisé les heures supplémentaires par mois et par année et qu'un règlement global a été effectué par l'employeur en mai 2021.
Sur le calcul du montant de la rente complémentaire d'invalidité, elle fait valoir qu'il convient pour se faire, de se référer à l'intégralité de la teneur des documents contractuels qui composent le contrat de prévoyance CP 01 0016 et qui sont repris dans la notice d'information établie par [7] et remise par l'employeur, la société [6], à M. [R]. Elle précise que les dispositions contractuelles ne se limitent donc pas au seul contenu du chapitre III. Il en résulte que les rentes d'invalidité s'établissent prestations de Sécurité sociale incluses et que M. [R] ne peut cumuler au delà de 35 % de son salaire de référence, le montant de la rente complémentaire versée par l'institution de prévoyance avec la pension servie par la Sécurité sociale.
Sur ce,
Vu les articles 1134 alinéa 3 et 1161 du code civil applicables en l'espèce,
Il n'est pas contesté que la société [6] a conclu avec [7], le 15 juin 2012, un contrat de prévoyance collective à adhésion obligatoire au profit de l'ensemble de ses salariés, à effet du 1er janvier 2012, que M. [R] salarié de la société [6] depuis le 6 novembre 2000, a adhéré obligatoirement à ce contrat de prévoyance et s'est vu remettre par son employeur la notice d'information intitulée «'Lafarge Notice d'information prévoyance'».
Cette notice précise en page de couverture qu'elle a pour objet de «'porter à votre connaissance les dispositions essentielles du régime de prévoyance souscrit par votre entreprise [6].'»
Son sommaire énonce trois parties:
«' I La présentation du régime de prévoyance
II Conseils pratiques
III Dispositions contractuelles'»
Il ressort de la lecture de chacune de ces trois parties que chacune d'elle énonce les règles de fonctionnement du régime de prévoyance applicable aux salariés de [6] : les deux premières parties les énoncent en termes synthétiques et, le cas échéant, sous une forme schématique, s'agissant notamment du résumé du contrat de prévoyance ; elles les énoncent aussi de manière didactique s'agissant notamment des conseils pratiques sur la procédure à suivre pour bénéficier de la prévoyance et ses limites. La troisième partie est énoncée sous forme d'articles qui détaillent les droits et obligations de l'institution de prévoyance, de l'adhérent (l'entreprise [6] et ses filiales) et du participant (le salarié ou l'ex-salarié qui bénéficie du contrat de prévoyance).
La lecture de ces trois parties met en évidence qu'elles forment un ensemble interdépendant qui ne peut se comprendre indépendamment de chacune des parties.
1) Sur le calcul du salaire de référence
A la suite de la saisine par M. [R] du médiateur de la prévoyance qui a donné son avis le 27 février 2020 sur la détermination du salaire de référence, les parties sont d'accord pour le fixer à 51 945,30 euros.
M. [R] demande à la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble en mars 2021 sur les heures supplémentaires et sur la rupture de son contrat de travail que le salaire de référence soit augmenté des heures supplémentaires.
Mais M. [R] ne justifie pas que la période prise en compte pour la détermination du salaire de référence inclut des heures supplémentaires.
En effet, le salaire de référence est défini selon l'article 5.1 de la notice à partir des éléments fixes mensuels de rémunération soumis à cotisation pendant les trois mois précédant la date du sinistre majoré du montant global des autres éléments de rémunération soumis à cotisation au cours de la période de douze mois qui précède les trois mois civils précités.
Dans la mesure où la date de sinistre a été arrêtée au 22 février 2017, date du diagnostic de sa maladie professionnelle et de la déclaration de ce sinistre à [7], ce que ne conteste pas M. [R], la période de douze mois prise en compte pour le salaire de référence qui est celle précédant les trois mois civils à compter du 22 février 2017, remonte à novembre 2015.
Or, M. [R] reconnaît avoir été en arrêt de travail à compter du 22 juin 2016 et comme le fait observer à juste titre [7], la cour d'appel de Grenoble a évalué globalement le nombre d'heures supplémentaires pour les années 2014, 2015 et 2016 à partir des plannings des années 2013, 2014 et 2015 communiqués par M. [R] et la société [6] a évalué à 531 heures le nombre d'heures supplémentaires sans entrer dans le détail des mois et des années concernées. (pièces 9 et 10 - M. [R])
M. [R] ne justifie pas du nombre d'heures supplémentaires précisément effectuées de novembre 2015 à juin 2016.
Faute d'élément de preuve suffisant, il convient d'approuver le tribunal qui a considéré que le montant du salaire de référence s'élevait à 51 945,30 euros.
Le jugement déféré sera complété sur ce point.
2) Sur le calcul de la rente
M. [R] conteste le jugement qui a considéré que l'institution de prévoyance avait déduit à juste titre le montant de la rente annuelle versée par la caisse primaire d'assurance maladie de la rente complémentaire contractuelle.
Mais M. [R] n'est pas fondé à affirmer d'une part, que les seules dispositions qui l'engagent sont celles prévues dans la partie III de la notice d'information (NI) et d'autre part, que le montant de la garantie invalidité est définie uniquement par l'article 27-5.
En effet, il a été démontré précédemment que la NI était composée de trois parties qui étaient interdépendantes.
Or, en application de l'article 1161 susvisé, «' toutes les clauses d'une convention s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier'».
En l'occurrence, s'agissant de la partie III de la NI, il s'avère que le montant de la prestation est défini non seulement à l'article 27-5 mais aussi à l'article 31 en cas d'option pour la Rente éducation avec échange de couverture qui correspond au choix de M. [R] et qu'il ne conteste pas.
Si l'article 27-5 prévoit que la garantie d'invalidité de 1re catégorie dont M. [R] bénéficie, lui donne droit à la moitié de la rente prévue pour la garantie invalidité 2e et 3e catégorie qui est égale à 80 % du salaire de référence, l'article 31 relatif à l'option Rente Education avec échange de couverture choisie par M. [R] prévoit que la garantie d'invalidité de 1re catégorie lui donne droit à la moitié de la rente prévue pour la garantie invalidité 2e et 3e catégorie qui est égale à 80 % du salaire de référence «'y compris SS'».
Compte tenu de la différence de rédaction entre l'article 27-1 et l'article 31, il convient, pour connaître le sens de celles-ci, de se référer aux autres parties de la NI qui engagent tant l'institution de prévoyance que l'adhérent que le participant et à ce titre, en partie I, le résumé des garanties du contrat de prévoyance énonce qu'en cas d'arrêt de travail du salarié, la rente d'invalidité 1ère catégorie comprend les prestations de Sécurité sociale et dans la partie II Conseils pratiques en cas d'invalidité de travail, il est prévu que «' nous vous versons à la fin de chaque trimestre civil une indemnité complémentaire à la pension de la Sécurité sociale jusqu'à la liquidation de votre pension de retraite de la Sécurité sociale au maximum. Afin de continuer à percevoir ces indemnités et de ne pas avoir de suspension dans nos paiements, transmettez nous rapidement les justificatifs demandés. Détail à partir de l'article 27.'»
Ainsi à la lecture des différentes parties de la NI qui se complètent mutuellement ainsi que le démontre le renvoi de la partie II Conseils pratiques à l'article 27 de la partie III, il s'en déduit un sens commun à toutes les dispositions relatives à la rente d'invalidité 1ère catégorie, à savoir qu'elle comprend les prestations de Sécurité sociale.
D'ailleurs, l'article 27-4 stipule que le participant doit fournir comme pièces justificatives pour obtenir la rente qu'il demande à l'institution de prévoyance, la notification d'attribution de la pension d'invalidité émanant de la Sécurité sociale ainsi que le récépissé de paiement de la rente. Ces pièces seraient sans intérêt si le calcul de la rente complémentaire versée par l'institution de prévoyance n'était pas lié au montant de la rente versée par la Sécurité sociale.
Ainsi il convient d'approuver le tribunal qui a considéré qu'il résultait de la NI que la rente complémentaire est égale à un pourcentage du salaire de référence «'prestations Sécurité sociale comprises'» et que M. [R] n'était pas fondé à solliciter le paiement d'une rente d'un montant annuel de 18 180,855 euros et de solliciter un rappel de rente depuis le 17 avril 2018.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes.
II Sur la demande en responsabilité contractuelle
Eu égard à la solution du litige, il convient aussi d'approuver le tribunal qui a considéré que M. [R] ne rapportait pas la preuve d'une faute contractuelle imputable à l'institution de prévoyance.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande indemnitaire.
III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Au regard de l'issue du litige, les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'absence de condamnation de M. [R] au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles doivent être confirmées.
Partie perdante en appel, M. [R] sera condamné aux dépens d'appel et à payer à [7], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 400 euros.
M. [R] sera débouté de sa demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en l'ensemble de ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Dit que le montant du salaire de référence de M. [R] s'élève à 51 945,30 euros ;
Condamne M. [R] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [R] à payer à [7] la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [R] de sa demande formée de ce chef.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE