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11/07/2024 | FRANCE | N°22/12587

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 juillet 2024, 22/12587


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 11 JUILLET 2024



(n° 2024/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12587 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDF7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2022 - Tribunal Judiciaire de MELUN - RG n° 21/00216





APPELANT



Monsieur [W], [Z] [O]

né le [Date naissance 3] 1974

à [Localité 16] (97)

[Adresse 2]

[Localité 10]



représenté et plaidant par Me Dominique TROUVE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 30







INTIMEE



Madame [B] [R]...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 11 JUILLET 2024

(n° 2024/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12587 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDF7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2022 - Tribunal Judiciaire de MELUN - RG n° 21/00216

APPELANT

Monsieur [W], [Z] [O]

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 16] (97)

[Adresse 2]

[Localité 10]

représenté et plaidant par Me Dominique TROUVE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 30

INTIMEE

Madame [B] [R]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 18] (94)

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Thibault FILLER, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

M. Bertrand GELOT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Le 5 janvier 2006, M. [W] [O] et Mme [B] [R] ont conclu un pacte civil de solidarité, lequel a été dissous le 1er décembre 2015.

Par acte authentique reçu les 22 et 28 octobre 2010 par Me [E], notaire à [Localité 15], M. [O] et Mme [R] sont devenus propriétaires indivis par moitié chacun d'un terrain constructible sis [Adresse 12] à [Localité 14] dans l'île de la Guadeloupe (971), cadastré section AN n°[Cadastre 7] et section AN n°[Cadastre 8] sur lequel les acquéreurs ont fait bâtir un bien immobilier à usage d'habitation.

Puis par acte authentique reçu le 29 juillet 2014 par Me [Y], notaire à [Localité 17] (77), M. [W] [O] et Mme [B] [R] se sont portés acquéreurs à concurrence de 50% chacun d'un bien immobilier sis [Adresse 4] à [Localité 17] (77), cadastré section AN n°[Cadastre 5].

Par exploit d'huissier de justice du 4 janvier 2021, M. [O] a fait assigner Mme [R] devant le tribunal judiciaire de Melun aux fins de partage.

Par jugement contradictoire du 28 avril 2022, le tribunal judiciaire de Melun a notamment :

-déclaré recevable l'assignation en partage judiciaire délivrée par M. [O],

-ordonné les opérations de compte liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [O] et Mme [R],

-commis pour y procéder Me [J] [G], notaire de l'étude Duo Legal, à [Localité 13] (77),

-débouté M. [O] de sa demande d'indemnité d'occupation pour le bien sis [Adresse 4] à [Localité 17] (77),

-dit que M. [O] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 675€ par mois depuis août 2019, au titre du bien sis [Adresse 12] à [Localité 14] et en tant que besoin, le condamne au paiement,

-attribué à titre préférentiel et à charge de soulte éventuelle, à Mme [R] la propriété du bien immobilier sis [Adresse 4] à [Localité 17] (77) section AN n°[Cadastre 5],

-condamné Mme [R] à régler à M. [O] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties, employés en frais privilégiés de partage,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-ordonné l'exécution provisoire.

M. [W] [O] a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris par déclaration du 6 juillet 2022 qui a été enregistrée sous le numéro RG 22/12587.

Il a fait appel de ce jugement une seconde fois par déclaration du 4 août 2022 qui a été enregistrée sous le numéro RG 22/14742.

Par ordonnance du 11 avril 2023, le conseiller de la mise en état de cette cour d'appel a ordonné la jonction des deux affaires et leur poursuite sous le numéro 22/12587.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 avril 2024, M. [W] [O], appelant, demande à la cour de :

-recevoir M. [O] en son appel du jugement du tribunal judiciaire de Melun du 28 avril 2022 (en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'attribution préférentielle, de sa demande d'indemnité d'occupation sur l'autre,

-confirmer pour le surplus,

y faisant droit,

sur l'attribution préférentielle,

-réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande d'attribution préférentielle,

statuant à nouveau,

-ordonner l'attribution préférentielle de droit à M. [O] du bien sis [Adresse 12], à [Localité 14], cadastré AN [Cadastre 7] et AN [Cadastre 8] à charge de soulte dans les comptes de liquidation d'indivision entre lui-même et Mme [B] [R],

-donner acte à M. [O] de ce qu'il acquiesce à la demande d'attribution préférentielle de Mme [R] sur le bien sis [Localité 17],

subsidiairement,

-ordonner l'attribution préférentielle de droit (sic) à M. [O] du bien sis [Adresse 12] à [Localité 14] cadastré AN [Cadastre 7] et AN [Cadastre 8] à charge de soulte dans les comptes de liquidation d'indivision entre lui-même et Mme [B] [R],

sur l'indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 12], à [Localité 14],

-réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] à payer une indemnité d'occupation pour le bien sis à [Localité 14],

statuant à nouveau,

-débouter Mme [R] de sa demande d'indemnité d'occupation sur le bien sis à [Localité 14],

subsidiairement, en cas de maintien de cette indemnité d'occupation,

-ordonner le retrait de la comptabilité de la gestion du bien des comptes de liquidation,

sur l'indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 4] à [Localité 17] (77),

-réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande d'indemnité d'occupation du bien sis à [Localité 17],

statuant à nouveau,

-condamner Mme [R] à payer à l'indivision issue du PACS passé avec M. [O] une indemnité d'occupation de 1 170 € à compter du 21 avril 2017 qui sera actualisée au plus près de la date de partage,

vu l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [R] à payer 5 000 € à M. [O]

vu l'article 699 du code de procédure civile,

-condamner Mme [R] en tous les dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 5 décembre 2022, Mme [B] [R], intimée, demande à la cour de :

principalement,

-confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

-débouter M. [O] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [O] à payer à Mme [R] une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

subsidiairement,

-si par extraordinaire la cour devait considérer une éventuelle indemnité d'occupation du bien [Localité 17], il conviendra de retenir la quote part de M. [O] dans le bien qui n'est que 33%, soit une indemnité mensuelle de 386 € par mois depuis le départ de M. [O] en mai 2017.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 21 mai 2024.

MOTIF DE LA DECISION :

Les chefs du jugement ayant déclaré l'action en ouverture des opérations de comptes liquidation partage recevable et bien fondée et ayant fixé ou rappelé les modalités subséquentes de ces opérations ne font pas l'objet de l'appel principal ni de l'appel incident; ils sont donc devenus définitifs ; la cour ne statuera donc pas à nouveau sur ces chefs par le présent arrêt.

Sur la demande d'attribution préférentielle du bien sis [Adresse 12] à [Localité 14]

Les motifs du jugement font état d'un accord des parties pour que ce bien immobilier soit attribué à Mme [B] [R], indiquant également que cette dernière y aurait fixé sa résidence.

Selon les faits et les prétentions des parties pourtant rappelés au jugement, depuis la séparation Mme [B] [R] a fixé sa résidence dans le bien indivis sis à [Localité 17] dont elle demandait l'attribution préférentielle ; M. [W] [O], pour sa part, demandait l'attribution préférentielle du bien indivis situé à [Localité 14] ; Mme [B] [R] qui lui reprochait d'en avoir changé les serrures, demandait que soit mise à sa charge une indemnité d'occupation. Or, les motifs du jugement sont en complète contradiction avec les prétentions des parties qui mettent en évidence une absence d'accord des parties sur une attribution préférentielle du bien sis à [Localité 14] à M. [W] [O].

En tout état de cause, le premier juge n'a pas statué au dispositif du jugement sur l'attribution de ce bien à Mme [B] [R], puisqu'aucun chef ne concerne une telle attribution. Par ailleurs, il n'apparaît pas que les erreurs ou omission matérielles figurant à ce jugement ont été rectifiées. Il n'a pas été davantage demandé à la cour de rectifier le jugement.

Si un chef du jugement inexistant ne peut être infirmé, cela n'empêche nullement M. [W] [O] de présenter à nouveau sa demande devant la cour.

M. [O], au soutien de sa demande d'attribution préférentielle, fait valoir que par le renvoi opéré par l'article 515-6 du code civil aux articles 831, 831-2, 831-3 et 831-4, l'attribution préférentielle de droit peut être ordonnée dans le cadre du partage d'une indivision entre partenaires pacsés ; qu'il répond aux conditions légales; que ce bien immobilier a fait l'objet d'une exploitation commerciale sous le nom de : « [Adresse 19] », immatriculée au RCS de Basse Terre sous le numéro [N° SIREN/SIRET 9] ; que cette activité pourrait être réactivée ; que du fait de la crise sanitaire liée au Covid, il a résidé de plus en plus souvent dans ce bien et s'y est installé définitivement.

A titre subsidiaire, pour le cas où sa demande d'attribution préférentielle ne serait pas de droit mais facultative, il soutient que l'attribution à son profit de ce bien, qui fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière initiée par l'organisme prêteur devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre, servirait les intérêts en présence, en le sauvant de cette saisie et en préservant cet actif, étant pour sa part en capacité d'en assumer la charge financière, aidé en cela par sa famille.

Mme [B] [R], au dispositif de ses écritures, demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sans autres précisions ; la partie discussion de ses conclusions comprend des développements sur le bien indivis de [Localité 14] (4), sur l'indemnité d'occupation afférente à ce bien (5), sur l'emprunt immobilier et les impôts et charges générés par ce bien (6) ; ce développement rappelle qu'une action en saisie immobilière est en cours devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre à l'initiative de la [11] et que la prochaine audience est prévue début décembre 2022 ; il s'achève ainsi: « il sera ordonné la vente amiable ou par adjudication du bien situé à [Localité 14] ». Pour autant, le dispositif de ses conclusions ne comportant pas un chef de demande tendant à voir débouter M. [O] de sa demande d'attribution préférentielle du bien sis à [Localité 14], la cour n'est pas saisie d'une telle demande ; il s'évince cependant des prétentions de cette dernière qu'elle n'a pas exprimé son accord à la demande d'attribution préférentielle de M. [W] [O].

L'article 515-6 du code civil dispose que les dispositions des articles 831, 831-2, 832-3 et 832-4 sont applicables entre partenaires d'un pacte de solidarité en cas de dissolution de celui-ci.

Aux termes de l'article 831-2 du code civil, « Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle :

1° De la propriété et du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant, ainsi que du véhicule du défunt, dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante ;

2° De la propriété et du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l'exercice de sa profession;

3° De l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à ce dernier. ».

Cet article confère au conjoint survivant l'attribution préférentielle de droit du local qui lui sert effectivement d'habitation ; cependant, l'article 515-6 vise la dissolution du PACS en des termes généraux et non limitatifs ; ainsi, chacun des partenaires d'un PACS dissout de leur vivant peut demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail qui lui sert effectivement d'habitation.

Par le renvoi opéré par l'article 515-6 du code civil à l'article 832-3, l'attribution préférentielle présentée en cas de dissolution d'un PACS du vivant des deux partenaires s'apprécie en fonction des intérêts en présence ; elle est donc facultative.

Sous sa pièce n°17, M. [W] [O] produit une pièce intitulée sur son bordereau de communication de pièces : « extrait du site du cabinet d'avocat [L] ». Le cabinet [L] est le cabinet d'avocats du barreau de la Guadeloupe, qui poursuit la vente sur saisie immobilière du bien de Deshayes, à la requête de la [11], qui est la banque ayant consenti à M. [O] et Mme [R], un emprunt ayant permis de financer l'acquisition du bien indivis ; figure sur cet extrait de site internet, l'indication d'une vente à la date du 30 juin 2022 sur une mise à prix de 175 000 €, mention étant faite qu'il a été « adjugé à 176 000 € » et d'une « surenchère possible jusqu'au : 10/07/2022 ». Il est par ailleurs produit l'assignation délivrée par la banque [11] à Mme [B] [R] et M. [W] [O] pour comparaître le 8 mars 2022 à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre.

Le fait que M. [W] [O] ait obtenu du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Charenton, par une ordonnance de référé du 29 janvier 2024, la suspension pendant une durée de 24 mois du prêt contracté auprès de la [11], est sans conséquence sur le sort de la saisine immobilière, le juge des référés qui a retenu sa compétence pour statuer sur une demande de suspension du crédit, a d'ailleurs pris le soin de préciser que sa compétence s'exerçait « indépendamment de la procédure de saisie immobilière pendante devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Basse-Terre ».

Pour qu'un bien puisse faire l'objet en application de l'article 831-2 du code civil d'une attribution préférentielle, encore faut-il qu'il fasse toujours partie de l'indivision. En l'espèce, M. [W] [O] produit lui-même des pièces qui tendent à montrer que le bien dont il demande l'attribution préférentielle a fait l'objet d'une adjudication ; l'incertitude quant au sort de ce bien n'est donc aucunement levée ; ainsi, il n'est nullement certain que ce bien indivis fasse toujours partie de l'indivision.

De surcroît, quand bien même il aurait été mis fin à la procédure de saisie immobilière ou celle-ci aurait été suspendue, l'attribution de ce bien à M. [W] [O] ne le libérerait pas ainsi que Mme [B] [R] de leurs dettes vis à vis de la banque prêteuse ; or, M. [W] [O] ne justifie ni de ses revenus ni de l'aide familiale dont il se prévaut. Outre l'incertitude sur le maintien à ce jour de bien dans l'actif de l'indivision, contrairement à ce que soutient l'appelant, cette attribution ferait ainsi courir un grand risque à Mme [B] [R] sans servir les intérêts de l'indivision.

Partant, au vu des intérêts respectifs de Mme [B] [R] et de M. [W] [O] ainsi que de ceux de l'indivision, M. [W] [O] se voit débouté de sa demande d'attribution préférentielle du bien indivis sis à [Localité 14].

Sur la demande de Mme [B] [R] de mettre à la charge de M. [W] [O] une indemnité d'occupation relative au bien indivis de [Localité 14]

Le premier juge a mis à la charge de M. [W] [O] une indemnité d'occupation afférente à ce bien aux motifs que Mme [B] [R] n'y avait pas accès ; que celle-ci avait démontré que M. [W] [O] avait changé les clés, avait refusé à plusieurs reprises de lui en remettre un jeu et de la laisser y séjourner ; le juge a fixé le montant de cette indemnité à la somme de 675 € par mois, soit le montant réclamé par Mme [B] [R], ayant relevé que M. [W] [O] prétendait que la valeur locative de bien s'élevait à la somme de 1 700 € par mois.

M. [W] [O] fait valoir que si l'indemnité d'occupation est maintenue, il doit être déchargé de l'obligation de rapporter les comptes de l'exploitation du bien à la communauté (sic), tout en demandant au dispositif de ses conclusions de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer une indemnité d'occupation.

L'article 815-9 du code civil dispose que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Faisant application de ce texte, la jurisprudence retient qu'une indemnité d'occupation est due par le coïndivisaire qui empêche par son fait l'autre coïndivisaires de jouir du bien.

En l'espèce, M. [W] [O] a fait changer au cours du mois d'août 2019 le barillet de la serrure sans remettre un jeu de clés à Mme [B] [R] ; il lui écrivait en ces termes « vous avez la jouissance de la maison d'[Localité 17] (vous, votre mère et ma fille) et moi la jouissance de la maison de Guadeloupe. ». Il ressort également que seul M. [O] avait la maitrise de la disponibilité de ce bien, ce dernier reconnaissant lui-même l'activité commerciale de locations saisonnières ; ainsi, Mme [R] qui souhaitait passer quelques jours au mois d'août 2020 se voyait répondre : « vous ne serez pas à la villa ce mois d'août ». M. [W] [O] informait le 9 septembre 2022 l'Urssaf (sa pièce 21) que son domicile personnel était celle de ce bien indivis ; une attestation de travail émanant de son employeur (sa pièce 22) indique également l'adresse du bien indivis. L'administration fiscale prenait aussi acte de son changement d'adresse en faveur de celle de ce bien indivis.(pièce 23).

Ces éléments sont suffisants pour retenir que M. [W] [O] a la jouissance exclusive de cette maison depuis le mois d'août 2019. Il est donc en application de l'article 815-9 du code civil redevable à compter de ce mois d'une indemnité d'occupation.

Par ailleurs, Mme [B] [R] poursuit la confirmation du jugement tant sur le principe de l'indemnité d'occupation due par M. [W] [O], que sur son montant et sur la durée de la période pendant laquelle il en est redevable ; devant le premier juge, Mme [B] [R] avait tenu compte de l'état de vétusté de ce bien pour la fixation du montant de l'indemnité d'occupation ; elle poursuit en appel la confirmation du jugement qui a fixé son montant à 675 € ; M. [W] [O] estimait lui-même que la valeur locative serait de 1 700 €, s'agissant toutefois d'une valeur au titre de locations saisonnières dont le montant est majoré par rapport à une occupation permanente.

La cour ne statuant en application de l'article 954 du code de procédure civile que sur les prétentions énoncées au dispositif, elle constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande de reddition des comptes de l'exploitation commerciale de ce bien indivis.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé à la somme mensuelle de 675 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [W] [O] à compter du mois d'août 2019, cette somme étant due jusqu'au partage de ce bien résultant notamment de son adjudication, étant relevé qu'à ce jour, il n'a pas été demandé sa licitation et que l'on ignore s'il fait toujours partie de l'indivision. Les parties se voient déboutées du surplus de leurs demandes relatives à ce bien.

Sur l'attribution préférentielle à Mme [B] [R] du bien indivis sis à [Localité 17] (77)

L'appel principal ne portant pas sur le chef du jugement ayant attribué à titre préférentiel à Mme [B] [R] le bien immobilier indivis sis [Adresse 4] à [Localité 17] (77) et cette dernière n'ayant pas formé d'appel incident, en l'absence de demande d'infirmation de ce chef, la cour n'a même pas à le confirmer.

Sur l'indemnité d'occupation au titre du bien sis [Adresse 4] à [Localité 17] (77)

M. [O] relate avoir quitté le 22 avril 2017 ce bien indivis dans lequel était fixé le domicile familial et ne plus l'avoir occupé par la suite ; qu'il a été occupé depuis par Mme [R] qui y a établi son domicile. Il ajoute, que contrairement à ce qui a été retenu en première instance, Mme [R] jouit exclusivement du bien indivis. Il argue que cette jouissance privative résulte tant d'une impossibilité de droit, à la suite du prononcé d'une injonction pénale pour violences conjugales, et d'une impossibilité de fait. M. [O] soutient que le domicile lui est matériellement inaccessible. Il considère qu'en raison de cette jouissance privative, Mme [R] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation.

Mme [R] conteste le caractère privatif de sa jouissance du bien indivis sis à [Localité 17] (77). Elle soutient qu'elle n'a aucunement empêché M. [O] de jouir du bien. Elle indique que M. [O] est toujours en possession des clef ; que l'enfant commun ainsi que sa mère disposent d'un je de clés. Elle ajoute que ne peut lui être imputé le défaut d'usage normal du bien par M. [O]. Elle rappelle que M. [O] a quitté le domicile conjugal de sa propre volonté. Si par extraordinaire la cour devait considérer qu'elle était redevable d'une indemnité d'occupation, elle prétend que la quote-part de ce dernier serait de 33% de sorte que l'indemnité d'occupation dont elle serait redevable, devrait être de 386 € par mois.

Mme [B] [R] dénie ainsi avoir la jouissance privative de ce bien indivis.

Or, la remise par Mme [B] [R] de son propre chef d'un jeu de clés à l'enfant commun du couple et à sa propre mère, ne démontre pas une jouissance partagée entre elle et M. [W] [O]. Outre que la conservation par M. [W] [O] d'un jeu de clés n'est pas établie, Mme [B] [R] ne justifie pas que ce dernier ait troublé sa propre jouissance du bien indivis, cette simple détention matérielle si elle ne s'accompagne pas d'autres faits, n'étant pas en elle-même constitutive d'un acte de jouissance privative du bien indivis par M. [O] de nature à empêcher ou troubler celle de Mme [R].

De plus, la séparation de fait de Mme [B] [R] et M. [W] [O], dans un contexte de violence qui a été suivie de la dissolution du PACS, apparaissant irréversible, la cohabitation des deux anciens partenaires au sein du même logement est devenue impossible. Cette séparation fait en elle-même obstacle à un partage de jouissance du bien indivis.

Il n'est pas contesté que Mme [B] [R] occupe le bien indivis depuis la séparation du couple tandis que M. [W] [O] ne l'a plus occupé depuis la séparation.

Au vu de ces éléments, il est retenu que Mme [R] a une jouissance privative de ce bien indivis.

Ainsi contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il y a lieu de mettre à la charge de Mme [B] [R] une indemnité d'occupation à compter du 21 avril 2017.

Il résulte de l'attestation de propriété produite par Mme [B] [R] elle-même que ce bien immobilier a été acquis par elle et M. [W] [O] dans les mêmes proportions, étant précisé que chacun a acquis « la pleine-propriété indivise du bien objet de la vente à concurrence de 50% ». Quand bien même Mme [R] aurait assumé une part plus importante des dépenses de conservation, qu'il s'agisse notamment du remboursement de l'emprunt immobilier contracté pour financer son acquisition ou du règlement de la taxe foncière et autres impôts, charges et taxes, cette circonstance, si elle est susceptible d'ouvrir droit à son profit à des créances sur le fondement de l'article 815-13 du code civil, ne modifie pas leurs parts et portions au titre de leur droit propriété sur ce bien. Mme [B] [R] ne saurait donc valablement prétendre à une majoration de sa quote-part sur le bien indivis qui viendrait minorer le montant de l'indemnité d'occupation dont elle est redevable, étant rappelé que cette indemnité d'occupation est considérée comme étant due à l'indivision et que dans le cadre de la liquidation des comptes d'administration de l'indivision, elle sera divisée à proportion des droits respectifs des deux coïndivisaires, soit à hauteur de la moitié et que le montant restant à charge de Mme [R] pourra être éventuellement compensé avec les créances de cette dernière au titre notamment des dépenses qu'elle a engagées pour la conservation du bien indivis.

Au vu de la valeur vénale de bien telle qu'elle ressort des estimations immobilières à hauteur de 440 000 €, il est retenu que sa valeur locative peut être appréciée conformément aux usages à hauteur de 4% de cette valeur vénale, soit à une somme mensuelle de 1 480€.

Eu égard à la situation d'indivision tenant notamment à son caractère précaire, il y lieu de fixer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation à hauteur de 80% du montant de la valeur locative.

Le résultat obtenu arrondi à la dizaine d'euros ressort à la somme de 1 180 € ; le montant de l'indemnité d'occupation sera fixée à la somme mensuelle de 1 180 €.

Partant, infirmant le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] [O] de sa demande d'indemnité d'occupation pour le bien indivis sis [Adresse 4] à [Localité 17], il est retenu que Mme [B] [R] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du mois de mai 2017, premier mois qui a suivi la séparation du couple jusqu'au partage de ce bien ou à sa libération effective par Mme [B] [R] et que le montant mensuel de cette indemnité s'élève à la somme mensuelle € 1 180 €.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a fait droit à la demande de M. [O], et a condamné Mme [R] à régler à M. [O] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le juge a motivé sa décision au regard du principe d'équité.

***

M. [O] estime qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés lors de la procédure. Il sollicite donc la condamnation de Mme [R] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] soutient que l'appel formé par M. [O] est sans fondement, et que celui-ci a fait preuve de manquement dans la gestion de l'indivision. Partant, elle demande de débouter M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner sur le même fondement à lui verser la somme de 5 000 €.

***

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

Au vu de la solution apportée au litige, il y a lieu d'employer les dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de partage, lesquels seront supportés par les parties à proportion de leurs droits dans l'indivision. Cette répartition des dépens amène à débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] [O] de sa demande tendant à mettre à la charge de Mme [B] [R] une indemnité d'occupation au titre de sa jouissance privative du bien indivis sis [Adresse 4] à [Localité 17].

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné Mme [B] [R] à payer à M. [W] [O] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que Mme [B] [R] est redevable envers l'indivision à compter du mois de mai 2017 d'une indemnité d'occupation au titre de sa jouissance privative du bien indivis sis [Adresse 4] à [Localité 17] d'un montant mensuel de 1 180 € jusqu'au partage de ce bien ou sa libération effective ;

Déboute M. [W] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée devant le tribunal judiciaire de Melun ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute M. [W] [O] de sa demande d'attribution préférentielle du bien immobilier sis à [Adresse 12] à [Localité 14] ;

Dit que l'indemnité d'occupation mises à la charge de M. [W] [O] concernant le bien immobilier sis [Adresse 12] à [Localité 14] est due jusqu'au partage de ce bien ou à son adjudication ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Déboute M. [W] [O] et Mme [R] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées devant la cour d'appel ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans l'indivision.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/12587
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.12587 ?
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