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11/07/2024 | FRANCE | N°21/17984

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 juillet 2024, 21/17984


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 11 JUILLET 2024



(n° 2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17984 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPN6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2021 - Tribunal judiciaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 19/02024





APPELANT



Monsieur [P] [T]

né le [Date naissanc

e 6] 1951 à [Localité 13] (94)

[Adresse 3]

[Localité 12]



représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065





INTIMES



Madame [S] [T]

née l...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 11 JUILLET 2024

(n° 2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17984 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPN6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2021 - Tribunal judiciaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 19/02024

APPELANT

Monsieur [P] [T]

né le [Date naissance 6] 1951 à [Localité 13] (94)

[Adresse 3]

[Localité 12]

représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

INTIMES

Madame [S] [T]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 16]

[Adresse 9]

[Localité 7]

et

Monsieur [M] [T]

né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 15] (91)

[Adresse 8]

[Localité 12]

représentés et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane BRIZON de l'AARPI AARPI BRIZON MOUSAEI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2066

S.C.P. [18], Notaires associés

[Adresse 4]

[Localité 11]

représentée par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque: P0090

ayant pour avocat plaidant Me François de MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand GELOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

M. Bertrand GELOT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[Z] [R] est décédée le [Date décès 10] 2017 à [Localité 15] (91).

Elle laisse pour lui succéder :

-son fils M. [P] [T],

-ses petits-enfants Mme [S] [T] et M. [M] [T] venant en représentation de leur père [U] [T], prédécédé à [Localité 19] (94) le [Date décès 5] 2013.

Le règlement de la succession de [Z] [R] a été confié à Me [O] [N], notaire à [Localité 15].

Par exploit d'huissier du 26 février 2019, Mme [S] [T] et M. [M] [T] ont fait assigner M. [P] [T] ainsi que la SCP [18] devant le tribunal de grande instance d'Évry, devenu tribunal judiciaire d'Évry, aux fins de rapport de sommes à la succession.

Par jugement contradictoire du 20 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Évry-Coucouronnes a :

-ordonné à M. [P] [T] de rapporter à la succession de [Z] [R] la somme de 90 000 euros correspondant à la prime versée à la souscription auprès de la [14] d'un contrat d'assurance-vie à son profit le 23 septembre 2015, somme augmentée de ses fruits produits depuis l'ouverture de la succession,

-ordonné à M. [P] [T] de rapporter à la succession de [Z] [R] la somme de 10 000 euros au titre du versement du 11 septembre 2015 à son profit,

-constaté que la présente décision est opposable à la SCP [18],

-condamné Mme [S] [T] et M. [M] [T] aux dépens de l'instance engagée envers la SCP [18] ainsi qu'à payer à celle-ci une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que pour le surplus des dépens de l'instance, Mme [S] [T] et MM. [M] et [P] [T] garderont la charge définitive des dépens qu'ils ont exposés,

-rejeté le surplus des demandes de Mme [S] [T] et de M. [M] [T] ainsi que de la SCP [18],

-rejeté les demandes de M. [P] [T],

-autorisé la SCP Ellul-Greff-Ellul à procéder au recouvrement direct des dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

M. [P] [T] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 octobre 2021.

La SCP [17] a constitué avocat le 15 octobre 2021.

Mme [S] [T] et M. [M] [T] ont quant à eux constitué avocat le 20 octobre 2021.

L'appelant a notifié ses premières conclusions par RPVA le 16 décembre 2021.

La SCP [17] a notifié ses premières conclusions par RPVA le 17 février 2022.

Mme [S] [T] et M. [M] [T] ont notifié leurs premières conclusions le 15 mars 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2024, M. [P] [T], appelant, demande à la cour de :

-infirmer le jugement en date du 20 septembre 2021 en ce qu'il a condamné M. [P] [T] à :

*rapporter à la succession de sa défunte mère, la somme de 90 000 euros correspondant à la prime versée à la souscription auprès de la [14] d'un contrat d'assurance-vie à son profit le 23 septembre 2015, somme augmentée de ses fruits produits depuis l'ouverture,

*rapporter à la succession de sa défunte mère, la somme de 10 000 euros au titre du versement du 11 septembre 2015 à son profit,

statuant à nouveau, et par conséquent,

-débouter M. [M] et Mme [S] [T] de la totalité de leurs demandes,

-dire que l'arrêt à venir sera opposable à l'étude notariale [18],

-débouter ladite étude notariale de sa demande de condamnation de M. [P] [T] quant au versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

-rejeter les appels incidents des intimés,

-condamner solidairement M. [M] [T] et Mme [S] [T] à verser à M. [P] [T] la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 avril 2022, la SCP [17], intimée, demande à la cour de :

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [S] [T] et M. [M] [T] à payer 500 euros à la SCP notariale au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-donner acte à la SCP [18] de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour sur les demandes de M. [M] [T] et Mme [S] [T],

-débouter les parties de toutes les autres demandes qu'elles pourraient diriger contre la SCP [18],

-débouter M. [P] [T] de sa demande de rendre opposable à la SCP notariale l'arrêt à venir,

-le condamner à payer à la SCP [18] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Kuhn, avocat aux offres de droit qui y a pourvu, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 14 février 2024, Mme [S] [T] et M. [M] [T], intimés, demandent à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à M. [P] [T] de rapporter à la succession de [Z] [T] la somme de 90 000 euros correspondant à la prime versée à la souscription auprès de la [14] d'un contrat d'assurance-vie à son profit en date du 23 septembre 2015, la somme devant toutefois être augmentée de ses fruits produits depuis non pas l'ouverture de la succession mais depuis la souscription du contrat,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à M. [P] [T] de rapporter à la succession de feue [Z] [T] la somme de 10 000 euros, au titre de versement du 11 septembre 2015,

-ordonner à M. [P] [T] de rapporter à la succession de [Z] [T] la somme de 30 000 euros au titre du versement du 16 septembre 2015, réformant ce faisant la décision entreprise sur ce point,

-condamner en conséquence M. [P] [T] à rapporter auprès de la succession de [Z] [T] ouverte auprès de l'étude de Me [O] [N] la somme de 40 000 euros au titre des versements précités,

-le condamner également à rapporter auprès de la succession précitée la somme de 90 000 euros au titre de la prime versée lors de la souscription du contrat d'assurance vie auprès de la société [14] suivant contrat souscrit le 30 septembre 2015, augmentée des fruits de celui-ci à compter de la souscription du contrat,

-condamner M. [P] [T] à verser à Mme [S] [T] et M. [M] [T] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Stéphane Brizon, avocat aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'appel principal :

Sur le rapport à la succession de la prime d'assurance-vie de 90 000 euros :

Le tribunal a constaté que [Z] [R], alors âgée de 87 ans, avait versé fin septembre 2015, lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie auprès de la [14] dont M. [P] [T] était le bénéficiaire, une somme de 90 000 euros représentant la moitié du prix de la vente du bien immobilier dont elle était propriétaire avec son mari et les deux tiers de son patrimoine, alors que ses revenus ne suffisaient pas à couvrir les frais de la maison de retraite, et que cette souscription ne présentait pas d'utilité pour elle.

Il en a déduit que cette prime présentait un caractère manifestement excessif et a ordonné le rapport à la succession de ladite somme, outre les fruits produits par cette somme depuis le jour de l'ouverture de la succession.

M. [P] [T] demande à la cour l'infirmation de ce chef, aux motifs que [Z] [R] a vendu son domicile en réalité au prix de 305 000 euros, que le montant de 182 500 euros représentait donc sa part, et que ses revenus lui permettaient d'assurer ses charges d'hébergement au sein de la maison de retraite sans avoir besoin de retirer des sommes du contrat d'assurance-vie. Il ajoute que l'utilité de la souscription d'un contrat d'assurance-vie était réelle puisqu'elle lui permettait de transmettre hors succession une partie de son patrimoine à son unique fils vivant en le privilégiant volontairement.

Il considère que la prime de 90 000 euros ne présente donc pas de caractère manifestement excessif et que la somme n'est pas rapportable à la succession.

Les intimés demandent la confirmation du jugement sur ce point. Considérant que conformément à la jurisprudence, il y a lieu d'apprécier le caractère manifestement excessif de la prime versée au regard de l'âge et de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur, ils estiment qu'en l'espèce, la prime versée est manifestement excessive au regard de l'âge avancé de la souscriptrice, de ses charges supérieures à ses revenus de retraite et du montant important de la somme versée par rapport à son patrimoine.

Aux termes de l'article L 132-13 du code des assurances, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

En l'espèce, il est établi par les éléments du dossier que [Z] [R] était âgée de 87 ans lors de la souscription du contrat et que le montant de ses revenus mensuels ne couvrait pas la totalité des seules charges de résidente dans la maison de retraite.

Par ailleurs, alors que la de cujus avait vendu le seul bien immobilier de son patrimoine, le montant de 90 000 euros représentait la moitié de sa part, s'élevant à environ 182 000 euros, sur le prix de vente et donc une partie très importante de son patrimoine.

Enfin, il y a lieu de constater, à l'instar des premiers juges, qu'aucun terme autre que le décès de la souscriptrice n'était fixé par le contrat d'assurance-vie, si bien que l'utilité financière immédiate pour cette dernière n'est pas avérée et l'argument de M. [P] [T] selon lequel ce placement permettrait une transmission hors succession n'est pas pertinent puisque cet avantage, par ailleurs remis en cause, ne bénéficie qu'au bénéficiaire et non au souscripteur.

C'est donc à bon droit que les premiers juges, ayant en outre procédé à une analyse détaillée des relevés de compte de [Z] [R], ont considéré que la prime de 90 000 euros présentait un caractère manifestement excessif et que, par application de l'article L. 132-13 précité, le montant perçu par M. [P] [T], bénéficiaire, est soumis au rapport successoral.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le rapport à la succession de la somme de 10 000 euros versée le 11 septembre 2015 pour la réalisation de travaux :

Les premiers juges ont constaté qu'une somme de 10 000 euros a été versée du compte de [Z] [R] sur le compte joint de M. [P] [T] le 11 septembre 2015 pour la réalisation de travaux.

Ils ont estimé que la somme versée du vivant de la de cujus ne peut être qualifiée que de donation, et que faute pour M. [P] [T] de justifier que celle-ci ne serait pas rapportable, ils en ont ordonné le rapport à la succession de [Z] [R].

M. [P] [T] demande l'infirmation de ce chef du jugement, en affirmant que le virement, en réalité du 16 septembre 2015, a été effectué afin de réaliser des travaux d'aménagement des douches et commodités au rez-de-chaussée de sa maison d'habitation afin de mieux accueillir sa mère avec le confort nécessaire. Il ajoute qu'il s'agit non d'une donation mais d'un legs, lequel présente, en vertu de l'article 843 du code civil, un caractère préciputaire et donc non rapportable, et qu'au cas où ce virement serait qualifié de donation, celle-ci a été effectuée sur la quotité disponible.

Les intimés s'opposent à cette demande et sollicitent la confirmation du jugement. Ils considèrent qu'il ne s'agit en aucun cas d'un legs et qu'au surplus, la somme a uniquement bénéficié à M. [P] [T] puisque [Z] [R] a été placée en EHPAD dès le mois de février 2015 et n'avait dès lors plus vocation à séjourner chez son fils.

Aux termes de l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.

En l'espèce, le virement de 10 000 euros portant la date du 11 septembre 2015 ' et non 16 septembre 2015 comme l'affirme M. [P] [T] (relevé du compte, pièce 14 des intimés) ', dont la matérialité n'est pas contestée, a été réalisé du vivant de Mme [R]. Il s'agit donc bien, non d'un legs, mais d'un don manuel, sans manifestation expresse d'une intention préciputaire de la donatrice, en conséquence rapportable à la succession de cette dernière conformément au premier alinéa de l'article 843 du code civil.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'opposabilité de l'arrêt à l'office notarial [18] :

En première instance, M. [P] [T] avait déjà demandé au tribunal de déclarer le jugement opposable à la société de notaires, ce à quoi ce dernier a simplement constaté que le jugement est nécessairement opposable à ladite société professionnelle, puisqu'elle a été appelée à la cause et est donc partie à l'instance.

En appel, M. [P] [T] renouvelle sa demande à la cour de dire que l'arrêt à venir sera opposable à l'étude notariale [18].

La société civile professionnelle [18], notaires associés, est partie à l'instance d'appel en qualité d'intimée et a conclu. En conséquence, l'arrêt lui est nécessairement opposable et la cour n'a donc pas à statuer sur la demande de M. [P] [T].

Sur l'appel incident :

Sur la demande de rapport des fruits de la prime du contrat d'assurance-vie à compter de la souscription du contrat :

Saisi de la demande de Mme [S] [T] et de M. [M] [T] de rapport par M. [P] [T] de la prime du contrat d'assurance-vie « augmentée des fruits », le tribunal a ordonné le rapport de la somme de 90 000 euros augmentée de ses fruits produits depuis l'ouverture de la succession.

Mme [S] [T] et M. [M] [T] demandent à la cour de réformer sur ce point le jugement en précisant que « la somme doit toutefois être augmentée de ses fruits produits depuis non pas l'ouverture de la succession mais depuis la souscription du contrat », sans fournir de motivation particulière à cette demande.

M. [P] [T] ne formule aucune observation sur cette demande.

Selon l'article 856 du code civil, les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession.

Les intérêts ne sont dus qu'à compter du jour où le montant du rapport est déterminé.

En l'espèce, aucun motif ne justifie de déroger à la règle posée par l'article 856 précité, les fruits n'étant dus qu'à compter de l'ouverture de la succession, M. [P] [T] n'ayant au surplus bénéficié du capital du contrat d'assurance-vie qu'à compter du décès de la de cujus.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur la demande de rapport de la somme de 30 000 euros au titre d'un virement effectué le 16 septembre 2015 :

Le tribunal, considérant qu'une somme de 30 000 euros avait été remise le 16 septembre 2015 par virement par [Z] [R] à son petit-fils [V] [T] à titre de prêt, et qu'il n'est pas établi que cette somme a été remise à M. [P] [T], père de [V] [T], a rejeté la demande de rapport par ce dernier de cette somme à la succession.

En appel, les intimés demandent à la cour de réformer sur ce point le jugement et d'ordonner à M. [P] [T] de rapporter à la succession de [Z] [R] la somme de 30 000 euros au titre du versement du 16 septembre 2015.

Ils considèrent que le document dactylographié et signé de la de cujus, qui explicite la volonté de cette dernière de prêter cette somme à son petit-fils pour l'aider dans ses projets d'acquisition, n'est qu'une photocopie et n'a aucune valeur probante de la volonté de [Z] [R]. Ils ajoutent qu'aucun document n'est fourni sur le bénéficiaire réel de ce virement, et que dans ces conditions M. [P] [T] doit rapporter à la succession la somme de 30 000 euros.

Dans l'hypothèse où la cour qualifierait de prêt ce virement, ils demandent subsidiairement la restitution par M. [P] [T] à la succession de la somme empruntée par M. [V] [T], au motif que l'attestation de [Z] [R] précise que le remboursement du prêt interviendra « sous la responsabilité » de M. [P] [T].

M. [P] [T] s'oppose à cette demande, et produit le document signé le 7 septembre 2015 par [Z] [R] attestant que cette dernière prête cette somme à son petit-fils M. [V] [T].

Il produit en outre une lettre manuscrite de M. [V] [T], datée du 11 décembre 2019, par laquelle ce dernier confirme avoir reçu la somme à titre de prêt et avoir été destinataire du virement de 30 000 euros (pièce 32 de l'appelant).

M. [P] [T] soutient en outre que le prêt de 30 000 euros a été depuis transformé en donation au profit de M. [V] [T], la de cujus ayant souhaité donner la même somme à l'autre fils de M. [P] [T].

Il produit à l'appui de ses dires la lettre susvisée de son fils M. [V] [T], expliquant le souhait de sa grand-mère de réaliser cette répartition de fonds entre ses petits-enfants.

Il est suffisamment établi par les pièces produites, sans que la production d'un document original soit nécessaire, que la de cujus a prêté la somme de 30 000 euros à son petit-fils [V] [T], alors âgé de 34 ans.

En conséquence, M. [P] [T] n'est tenu d'aucun rapport relatif à cette somme, peu important que [Z] [R] ait précisé en fin de son attestation que le remboursement du prêt serait effectué sous la responsabilité de M. [P] [T], ce dernier n'étant pas tenu par les termes d'un acte qu'il n'a pas signé, comme l'ont relevé les premiers juges.

S'agissant de la demande subsidiaire de Mme [S] [T] et M. [M] [T] de restitution à la succession par M. [P] [T] de la somme prêtée, en l'absence de toute preuve écrite d'une intention libérale de la de cujus, et conformément au principe selon lequel « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même », la requalification en donation de la somme initialement prêtée n'est pas établie. Ce prêt ne peut être requalifié en donation déguisée sujette au rapport.

Toutefois, en dépit de la qualification de prêt concernant le virement de 30 000 euros, la demande subsidiaire de Mme [S] [T] et M. [M] [T] de condamner M. [P] [T] à restituer cette somme à la succession doit être écartée puisque ce dernier n'était pas partie à ce prêt, et qu'au surplus M. [V] [T], éventuellement redevable des sommes restant dues envers la succession, n'est pas intervenu dans la présente procédure.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] [T] et M. [M] [T] de leur demande de rapport de la somme de 30 000 euros par M. [P] [T].

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes de « condamnation » au rapport des sommes de 40 000 et de 90 000 euros « auprès de la succession » de [Z] [R] :

Mme [S] [T] et M. [M] [T] demandent en outre à la cour de « condamner en conséquence M. [P] [T] à rapporter auprès de la succession de [Z] [T] ouverte auprès de l'étude de Me [O] [N] la somme de 40 000 euros au titre des versements précités » ainsi que la somme de 90 000 euros au titre de la prime versée lors de la souscription du contrat d'assurance-vie auprès de la société [14] suivant, contrat souscrit le 30 septembre 2015, augmentée des fruits de celui-ci à compter de la souscription du contrat ».

Il convient en premier lieu d'interpréter cette double demande dont l'objet doit être précisé, puisque les demandeurs ont par ailleurs déjà sollicité, et partiellement obtenu, le rapport par M. [P] [T] à la succession de ces mêmes sommes.

Aucune précision n'étant apportée dans la discussion des conclusions, ces demandes, sauf à constituer de simples répétitions de celles déjà formulées, doivent plutôt signifier que Mme [S] [T] et M. [M] [T] sollicitent la cour de condamner M. [P] [T] au versement en la comptabilité du notaire chargé de la succession des sommes dont le rapport successoral est demandé.

Ces demandes étant formulées pour la première fois devant la cour d'appel, il y a lieu ensuite de statuer sur leur recevabilité.

Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, les demandes de reversement des montants soumis à rapport peuvent être considérées comme accessoires et la conséquence, selon les requérants, des demandes de rapport. Elles seront donc déclarées recevables.

Sur le fond, il résulte de l'article 858 du code civil que le rapport se fait en moins prenant, sauf dans le cas du deuxième alinéa de l'article 845.

Il ne peut être exigé en nature, sauf stipulation contraire de l'acte de donation.

En l'espèce, concernant le montant de 30 000 euros, celui-ci ayant fait l'objet d'un prêt à M. [V] [T] est donc exclu de tout rapport.

Concernant les rapports de 90 000 euros et 10 000 euros ci-dessus rappelés, en l'absence de toute stipulation contraire de la de cujus, il ne peut en aucun cas en être exigé le paiement lors de la succession, puisque ces rapports doivent s'effectuer en moins prenant.

En conséquence, Mme [S] [T] et M. [M] [T] seront déboutés de leurs demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

M. [P] [T], étant appelant principal et échouant en ses prétentions, se voit débouté de ses demandes et supportera en conséquence la charge des dépens du présent appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

Eu égard à l'équité, il n'y pas lieu de faire droit, au profit de l'une ou de l'autre des parties, à leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elles se voient en conséquence déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 20 septembre 2021 en tous ses chefs dévolus à la cour ;

Déboute Mme [S] [T] et M. [M] [T] de leur demande de restitution par M. [P] [T] des sommes de 40 000 et de 90 000 euros à la succession de [Z] [R] ;

Condamne M. [P] [T] aux dépens du présent appel ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/17984
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.17984 ?
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