Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07866 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLAT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS
APPELANT
Monsieur [P] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Ugo SABADO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Camille FAVIER de la SELARL RMBF, avocat au barreau de PARIS, toque : R03
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, rédactrice
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère présidente de chambre
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [W] a été engagé par l'établissement public industriel et commercial RATP à compter du 27 juin 2005 en qualité de machiniste receveur.
Les relations de travail étaient soumises aux dispositions du statut du personnel de la RATP, complété par des instructions et des accords d'entreprise.
Le 6 juillet 2017, M. [W] a été victime d'une agression ayant donné lieu à une déclaration d'accident du travail.
Le 18 juin 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude provisoire.
Par lettre datée du 19 juin 2018, la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales (CCAS) de la RATP a informé le salarié de ce que son état de santé permettait la mise en place d'activité en temps partiel à but thérapeutique à compter du 19 juin 2018 et jusqu'au 18 septembre 2018.
Les 28 août et 29 octobre 2018, le médecin du travail a rendu des avis de prolongation d'inaptitude provisoire.
Le 22 novembre 2018, M. [W] a été victime d'un accident du travail et a été consécutivement placé en arrêt de travail jusqu'au 11 mars 2019.
Le 14 mai 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude définitive à son emploi statutaire, en indiquant : 'Peut-être reclassé aux postes de maintenance proposés (cf. mail de M. [M], RRH du 25/04/2019) :
- Caténairiste (GDI)
- Mainteneur signalisation et modes de conduite (GDI)
- Mainteneur en électromécanique (ME2)
- Mécanicien d'entretien (MRF, MRB)
Inaptitude suite à l'AT du 06/07/2017".
M. [W] a suivi une formation qualifiante pour le poste d'électromécanicien de maintenance industrielle entre le 9 septembre 2019 et le 29 février 2020.
Le 2 mars 2020, le responsable de la maintenance a émis un avis négatif au reclassement de l'intéressé sur le poste de mécanicien de maintenance.
Le 11 juin 2020, la RATP a informé M. [W] de sa recherche de postes de reclassement.
Par lettre datée du 22 juin 2020, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de réforme pour impossibilité de reclassement fixé au 29 juin suivant, puis par lettre datée du 17 juillet 2020, lui a notifié sa 'réforme pour impossibilité de reclassement en application de l'article 99 du statut et de l'article L. 1226-12 du code du travail'.
Le 31 mai 2021, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de faire juger à titre principal que sa réforme est nulle et d'obtenir sa réintégration, ainsi que d'obtenir la condamnation de la RATP à lui payer diverses indemnités notamment au titre d'une discrimination.
Par jugement mis à disposition le 5 juillet 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes des parties, les premiers juges ont :
- dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement,
- condamné la RATP à payer à M. [W] les sommes suivantes :
* 22 894,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* l 250 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné qu'il soit fait application des dispositions des articles 1231 à 1231-7 du code civil relatives aux intérêts légaux,
- ordonné à la RATP de remettre à M. [W] une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte, un bulletin de paye récapitulatif, conformes au jugement,
- ordonné le remboursement par la RATP à Pôle Emploi des indemnités versées par ledit organisme à M. [W] dans la limite de 500 euros,
- ordonné l'exécution provisoire de droit au regard des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,
- débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
- débouté la RATP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la RATP aux entiers dépens.
Le 1er septembre 2022, M. [W] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 16 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [W] demande à la cour de :
- à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées à titre principal, statuant à nouveau, juger qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'un licenciement, qu'il a été licencié en raison de son état de santé et que la rupture du contrat de travail est entachée de nullité, ordonner en conséquent sa réintégration au sein de la RATP, condamner celle-ci au paiement intégral des salaires pendant la période d'éviction et les congés payés afférents et, le cas échéant, ordonner la reprise de la procédure statutaire en cas d'inaptitude physique d'origine professionnelle avec les conséquences qui s'en évincent en matière de reclassement, ordonner le versement d'une indemnité de 10 000 euros en raison de la discrimination en raison de l'état de santé,
si la RATP démontrait que sa réintégration était impossible, condamner celle-ci au versement d'une indemnité pour licenciement nul à hauteur de 24 mois de salaires, soit 68 684,64 euros,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la réforme devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, réformer les montants des condamnations prononcées et condamner à nouveau la RATP au versement des sommes suivantes :
* 37 204,18 euros à titre d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,
ordonner à la RATP la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un solde de tout compte et d'un bulletin de paie conformes,
- en tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes, condamner la RATP à lui verser les sommes de 10 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail et de 2 400 euros au titre de l'article 700 au titre des frais qu'il a engagés au stade de l'appel, juger que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 28 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la RATP demande à la cour de :
- à titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la réforme pour impossibilité de reclassement n'est pas entachée de nullité, que la procédure a été respectée, que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé et qu'elle a exécuté loyalement le contrat de travail, l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, juger qu'elle a rempli son obligation de reclassement, débouter en conséquence l'intéressé de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- en tout état de cause, condamner M. [W] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 12 mars 2024.
MOTIVATION
Sur la rupture du contrat de travail
M. [W] fait valoir que la RATP n'a pas engagé la réforme conformément aux dispositions du statut auquel elle est soumise et que de facto, la rupture irrégulièrement prononcée repose sur l'état de santé et constitue une discrimination prohibée par le code du travail, la rendant nulle. Il sollicite sa réintégration et des indemnités d'éviction ou, à titre subsidiaire, une indemnité pour licenciement nul, outre des dommages et intérêts réparant la discrimination subie. A titre subsidiaire, il soutient que la consultation du Comité Social et Economique (CSE) a été irrégulière, la RATP ne prouvant pas avoir consulté tous les élus et que celle-ci a manqué à son obligation de reclassement dans la mesure ou elle ne lui a pas proposé de poste disponible, ce qui rend la rupture dénuée de cause réelle et sérieuse.
La RATP réplique qu'elle a rempli toutes ses obligations liées à la procédure de réforme pour impossibilité de reclassement qui ne se confond pas avec la procédure de réforme médicale dont M. [W] ne relevait pas, qu'il n'a jamais demandé à bénéficier de la réforme médicale et n'a pas saisi la commission médicale, qu'il n'a fait l'objet d'aucune discrimination en raison de son état de santé. Elle fait valoir en outre que la procédure de consultation du CSE a été régulière, tous les élus ayant été consultés et seuls deux ayant rendu un avis positif et qu'elle a mené des recherches sérieuses et loyales de reclassement, relevant que l'intéressé a pu bénéficier d'une formation qualifiante. Elle conclut que toutes ses demandes tant au titre de la nullité que de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture doivent être par conséquent rejetées.
Aux termes de l'article L. 1211-1, inséré dans le livre deuxième 'Le contrat de travail' de la première partie 'Les relations individuelles de travail', du code du travail :
'Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés.
Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans des conditions de droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel'.
Aux termes de l'article L. 1226-10 de la même partie et du même chapitre du code du travail :
'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
(...)'.
Aux termes de l'article L. 1226-12 du même code :
'Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III'.
Selon l'article 50, unique article du chapitre 4 intitulé 'réforme', du statut du personnel de la RATP :
'La réforme est prononcée par le Président Directeur Général ou, le cas échéant son représentant dûment habilité, sur proposition de la Commission Médicale visée à l'article 94.
L'agent réformé est soumis aux dispositions en vigueur'.
Selon l'article 94 du chapitre 6 intitulé 'Commission Médicale' du même statut :
'La Commission Médicale est un organisme composé de trois membres :
- un médecin du Conseil de prévoyance, agréé par la RATP, Président ;
- deux médecins-conseil de la CCAS ;
Le représentant du Conseil de prévoyance assiste à ces séances à titre consultatif.
Elle se réunit périodiquement en vue de donner un avis sur les cas particuliers et obligatoirement :
- sur les prolongations de congé à accorder aux agents en congé de maladie depuis trois mois ;
- sur l'attribution des congés de maladie visés à l'article 83 et des congés de longue durée ;
- à la demande des agents en congé de maladie de plus de 3 mois, sur leur inaptitude à tout emploi à la RATP, après avis d'inaptitude définitive à l'emploi statutaire par le médecin du travail, et sur leur réforme ;
- sur la mise en disponibilité.
Les décisions du Président Directeur Général ou son représentant dûment habilité prises au vu de ces avis sont immédiatement exécutoires'.
Les articles 97, 98 et 99 relèvent exclusivement du titre VI du même statut consacré à la 'situation des agents en position de maladie, maternité, accidents du travail, inaptitude à l'emploi statutaire' et plus particulièrement du chapitre 7 intitulé 'situation des agents inaptes à occuper leur emploi'.
Selon l'article 97 :
'L'inaptitude à l'emploi statutaire, provisoire ou définitive, relève de la seule compétence du médecin du travail, qui peut, sur demande de l'agent, recueillir l'avis d'un médecin du Conseil de prévoyance'.
Selon l'article 98 :
'L'inaptitude définitive à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la Commission Médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné'.
Selon l'article 99 :
'L'agent faisant l'objet, après avis du médecin du travail, d'une décision d'inaptitude définitive peut être reclassé dans un autre emploi. Si l'agent n'est pas reclassé, il est réformé.
Le reclassement est subordonné :
1°- à l'établissement par l'agent d'une demande ;
2°- à la vacance d'un poste dans un autre emploi ;
3°- à la possession des aptitudes et capacités requises pour occuper l'emploi considéré (...)'.
Selon l'article 13 du décret n° 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régie Autonome des Transports Parisiens :
'I. - Tout assuré qu'une maladie, une blessure ou une infirmité met dans l'impossibilité d'occuper un emploi à la régie peut demander sa mise en réforme.
La régie peut prononcer la mise en réforme d'un salarié qu'une maladie, une blessure ou une infirmité rend incapable de rester à son service.
II - La décision de mise en réforme est prise par la régie après consultation de la commission médicale prévue par le statut du personnel de la régie, au sein de laquelle siège en outre au moins un médecin-conseil de la caisse de retraites du personne de la régie. Cette décision prend effet sauf opposition motivée du directeur de la caisse formulée auprès de la régie dans un délai de quinze jours ou appel interjeté par l'intéressé dans les conditions prévues à l'article 95 du statut du personnel de la régie dans sa rédaction annexée au présent décret.
Il est procédé à la liquidation d'une pension de retraite immédiate quelle que soit la durée de services accomplis par l'assuré au moment de la cessation de ses fonctions à la régie'.
Il résulte de la combinaison des textes sus-rappelés que la réforme est prononcée par le président directeur général sur proposition de la commission médicale visée à l'article 94, que l'agent réformé est soumis aux dispositions du Règlement des retraites, que l'inaptitude définitive à l'emploi statutaire relève de la seule compétence du médecin du travail, que l'agent faisant l'objet d'un tel avis d'inaptitude peut être reclassé dans un autre emploi, l'agent non reclassé étant réformé et que la réforme d'un agent, en l'absence de reclassement à la suite de l'avis d'inaptitude à son poste statutaire émis par le médecin du travail, ne peut être prononcée que sur proposition de la commission médicale.
Il ressort des pièces versées aux débats que :
- le 14 mai 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude définitive de M. [W] à l'emploi statutaire suite à son accident du travail du 6 juillet 2017 et a formulé des indications sur des postes de reclassement pouvant lui être proposés, à savoir des postes de maintenance ;
- la RATP lui a proposé un poste de 'mécanicien d'entretien MRF' et consécutivement à la mise en place du 'dispositif de passerelle exploitation maintenance' par la RATP, l'intéressé a suivi une formation qualifiante et une immersion en atelier du 9 septembre 2019 au 29 février 2020 ;
- à l'issue de la formation, M. [W] a fait l'objet d'une évaluation en vue du reclassement le 2 mars 2020, rédigée par M. [X] [T] en qualité de responsable de maintenance, concluant au refus de reclassement en ces termes : 'M. [W] n'arrive pas à s'intégrer à l'équipe. Il devra prendre du recul sur son positionnement par rapport à l'organisation. M. [W] ne peut intégrer l'équipe Bogie de [Localité 7] des différentes situations (sic). Au vu du poste et des activités, l'agent a pris en compte que le poste ne lui correspondait pas' ;
- par lettre datée du 11 juin 2020, la RATP a adressé à M. [W] un 'courrier d'information relatif à la recherche de poste de reclassement suite à l'inaptitude définitive à l'emploi statutaire' mentionnant notamment que : 'malgré les recherches menées au sein du groupe RATP, nous sommes dans l'impossibilité de vous proposer un autre poste de reclassement disponible et compatible avec vos capacités et votre état de santé, sauf à exiger une reconversion qui excéderait les limites de l'obligation de reclassement' ;
- à l'issue de l'entretien préalable tenu le 29 juin 2020 ayant donné lieu à des observations écrites de M. [W] aux termes desquelles celui-ci 'réfute les allégations de M. [T]' et fait part de sa volonté d'intégration, de son incompréhension du refus de reclassement et de son souhait de continuer à travailler pour la RATP, cette dernière lui a notifié par lettre du 17 juillet 2020 sa réforme pour impossibilité de reclassement.
Alors que M. [W] n'a pas été reclassé à la suite de l'avis d'inaptitude à son poste statutaire émis par le médecin du travail, force est de constater que la RATP lui a notifié sa réforme pour impossibilité de reclassement, sans aucune proposition de la commission médicale, alors que la réforme d'un agent ne peut être prononcée que sur proposition de la commission médicale. Il en résulte que la rupture du contrat du travail est irrégulièrement intervenue.
Par ailleurs, si la RATP justifie par la production du dossier de consultation envoyé aux élus du CSE daté du 12 juillet 2019 et des avis favorables émis (pièce 8) ainsi que du listing des courriers recommandés adressés aux élus du CSE avec les accusés de réception signés (pièce 34), qu'elle a régulièrement satisfait à son obligation de consultation du CSE, et qu'il est établi qu'elle a proposé un poste de reclassement à M. [W] et l'a fait bénéficier d'une formation au poste de mécanicien de maintenance, puis qu'un avis négatif au reclassement a été rendu le 2 mars 2020 par son évaluateur à l'issue de cette formation, celle-ci ne justifie toutefois par aucun élément de la reprise de recherches de reclassement de l'intéressé sur un emploi prenant en compte ses capacités et compétences postérieurement au 2 mars 2020, de sorte qu'il ne peut dès lors pas être considéré qu'elle a rempli avec loyauté et sérieux sa recherche de reclassement. A défaut de justifier de l'impossibilité de proposer à M. [W] un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, la RATP a méconnu les dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail.
Au soutien du moyen tiré de la discrimination en raison de l'état de santé, M. [W] invoque de manière générale la mise en oeuvre de la procédure statutaire de réforme par la RATP de manière irrégulière, sans présenter d'autre élément.
Dans ces conditions, il doit être considéré que M. [W] ne présente pas d'élément de fait laissant supposer une telle discrimination comme le prévoit l'article L. 1134-1 du code du travail.
En l'absence d'autre moyen formé au soutien de la nullité de la rupture du contrat de travail, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il déboute M. [W] de ses demandes au titre de la discrimination en raison de l'état de santé, de nullité de la rupture du contrat de travail et de réintégration et des demandes subséquentes.
Aux termes de l'article L. 1226-15 du code du travail :
'Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.
(...)'.
Eu égard au refus de réintégration de la RATP, il convient d'allouer à M. [W] en application des dispositions sus-mentionnées une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.
Le salaire de référence de M. [W] sur lequel les parties s'accordent s'élevait à 2 861,86 euros.
A la date de la rupture du contrat de travail, celui-ci présentait une ancienneté de quinze années complètes.
M. [W] indique qu'il n'a pas retrouvé d'emploi et justifie de sa prise en charge par Pôle emploi entre le 27 juillet 2020 et le 19 septembre 2023 (pièce 25).
Eu égard aux éléments soumis à la cour, il sera alloué à M. [W] à la charge de la RATP une indemnité d'un montant de 37 204,18 euros.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il juge que la rupture n'est pas fondée sur une cause réelle et sérieuse mais infirmé en ce qu'il alloue une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 22 894,88 euros.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [W] fait valoir que, placé en inaptitude provisoire entre le 22 novembre 2018 et le 11 mars 2019, il a été affecté à des missions temporaires, y compris pour des tâches contraires aux préconisations du médecin du travail et qu'entre le 2 mars et le 17 juillet 2020, aucune mission ne lui a été confiée, ce qui constitue selon lui une violation de l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail.
La RATP fait valoir que la période d'inaptitude provisoire, qui peut durer douze mois, n'a dans les faits duré que trois mois et demi et que M. [W] n'a pas été délaissé jusqu'à sa réforme, ayant pu bénéficier d'une formation qualifiante puis un confinement strict s'étant appliqué du 17 mars au 11 mai 2020 avant qu'il ne soit placé en activité partielle entre le 12 mai et le 2 juin 2020 dans le contexte de la pandémie de Covid.
En premier lieu, il ne ressort d'aucune pièce produite aux débats que M. [W] a réalisé des tâches contraires aux préconisations du médecin du travail pendant la durée de son inaptitude provisoire, à savoir des missions de vente de billets et de services clientèle à [Localité 6] et à [Localité 5] comme il l'allègue.
En outre, la RATP fait valoir de manière pertinente que dans le contexte de la pandémie de Covid-19, un confinement strict a été imposé entre le 17 mars et le 11 mai 2020 puis que M. [W] a été placé en activité partielle entre le 12 mai et le 2 juin 2020, de sorte que l'allégation selon laquelle il 'a été purement et simplement abandonné par la Régie' pendant cette période n'est pas fondée.
Dans ces conditions, aucune exécution déloyale du contrat de travail ne saurait être retenue à l'encontre de la RATP.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de ce chef.
Sur les intérêts et leur capitalisation
Les créances indemnitaires de M. [W] seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement pour ce qui concerne les sommes allouées, et à compter du présent arrêt pour le surplus alloué en cause d'appel.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur ces points.
Sur la remise de documents
Il convient d'ordonner à la RATP de remettre à M. [W] une attestation destinée à France Travail et un bulletin de paie, conformes aux dispositions du présent arrêt. Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Eu égard à la solution du litige, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.
La RATP qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [W] une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en ce qu'il condamne la RATP à payer à M. [P] [W] une somme de 22 894,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il statue sur la remise de documents, les intérêts et leur capitalisation,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la RATP à payer à M. [P] [W] la somme de 37 204,18 euros à titre d'indemnisation de la rupture infondée du contrat de travail,
DIT que les intérêts au taux légal courront sur les créances indemnitaires à compter de la date du jugement pour les montants retenus par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,
ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
ORDONNE à la RATP la remise à M. [P] [W] d'une attestation destinée à France Travail et d'un bulletin de paie, conformes aux dispositions du présent arrêt,
CONDAMNE la RATP aux dépens d'appel,
CONDAMNE la RATP à payer à M. [P] [W] la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties des autres demandes.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE