Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07850 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKXB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juillet 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/07527
APPELANTE
S.A.R.L. MP
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
INTIMÉ
Monsieur [T] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre
Madame Sandrine MOISAN, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [T] [X] a été engagé le 1er juillet 2018 par la société Milovi en qualité de commis de cuisine, par contrat à durée indéterminée à temps complet, niveau I, échelon 2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Le 15 décembre 2018, le contrat du salarié a été repris par la société MP, à la suite de la conclusion d'un contrat de location-gérance, en vertu duquel cette société a assuré l'exploitation du restaurant.
Monsieur [X] a été placé en arrêt de travail du 4 au 11 janvier 2019.
Le contrat de location-gérance a été résilié le 15 septembre 2019.
Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, outre divers rappels de salaires, Monsieur [X] a saisi le 12 août 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu en formation de départage le 29 juillet 2022, a :
- donné acte au requérant de l'abandon de sa demande visant à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes financières subséquentes,
- condamné la société MP à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes :
- 13 046,16 euros bruts à titre de rappel de salaires du 13 janvier au 15 septembre 2019,
- 1 304,61 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 214,30 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation,
- ordonné à la société MP de remettre à Monsieur [X] un bulletin de salaire récapitulatif portant sur la période du 13 janvier au 15 septembre 2019 conforme aux décisions du jugement,
- condamné la société MP aux dépens,
- débouté la société MP de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile.
Par déclaration du 25 août 2022, la société MP a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 novembre 2022, la société appelante demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 29 juillet 2022 en ce qu'il a condamné la société MP à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes :
- 13 046,16 euros bruts à titre de rappel de salaires du 13 janvier au 15 septembre 2019,
- 214,30 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- dire et juger la demande de Monsieur [X] irrecevable pour défaut de qualité du défendeur,
à titre subsidiaire :
- débouter Monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes,
en tout état de cause :
- condamner Monsieur [X] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 janvier 2023, Monsieur [X] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,
en cause d'appel :
- condamner la société MP à verser à Monsieur [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2024 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 14 mai 2024.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le rappel de salaire :
La société MP soulève son défaut de qualité à agir, en l'état de la résiliation du contrat de location-gérance du fonds de commerce et du transfert du contrat de travail de Monsieur [X], ce dernier ayant dirigé ses demandes à l'égard d'une entité qui n'est plus son employeur.
À titre subsidiaire, elle conclut à l'absence de faute de sa part, souligne qu'elle a envoyé à l'intéressé plusieurs lettres l'invitant à reprendre son poste et rappelle que ce dernier - qui ne rapporte pas la preuve qu'on lui aurait interdit l'accès à son lieu de travail - avait trouvé un emploi ailleurs, mieux rémunéré, dans une épicerie proche de son domicile.
Monsieur [X] rappelle avoir été privé de toute forme de rémunération et de travail du 13 janvier au 15 septembre 2019, sans que son employeur justifie du moindre motif légitimant une telle situation, ni ne réponde à ses différents courriers recommandés, pourtant retirés. Il conteste avoir reçu un seul des courriers produits par son adversaire, qu'il considère comme rédigés a posteriori pour les besoins de la cause, à l'exception du courrier reçu le 7 septembre 2019, annexé à son bulletin de salaire d'août 2019.
Sur l'intérêt à agir :
Selon l'article 31 du code de procédure civile, 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.'
La recevabilité d'une action suppose un intérêt légitime - qui peut être patrimonial ou moral-, né et actuel, direct et personnel.
En l'espèce, la demande de rappel de salaire émanant du salarié correspond à une période (du 13 janvier au 15 septembre 2019) au cours de laquelle la société MP était non seulement son employeur mais encore en charge du fonds de commerce dans le cadre du contrat de location-gérance - qui n'a été résilié qu'à cette dernière date-.
Au surplus, en l'état de la condamnation prononcée par le jugement de première instance dont elle a fait appel, la société MP ne saurait valablement invoquer son absence de droit à agir.
Sur le fond :
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire, ou à défaut d'établir que le salarié était en absence injustifiée, en cas de contestation.
Il est établi en l'espèce que le contrat de travail de Monsieur [X] a été transféré à la société MP, suspendu pour cause de maladie du 4 au 11 janvier 2019 et que l'intéressé n'a pas repris son poste de commis à l'issue de cette suspension.
Si les versions divergentes des parties ne sont corroborées par aucun témoignage, force est de constater que Monsieur [X] justifie avoir envoyé le 22 janvier, le 27 mai, le 12 juin et le 15 juillet 2019 un courrier recommandé avec accusé de réception à la société MP au sujet de sa situation et de la fourniture de travail qui incombe à l'employeur, l'intéressé disant se tenir à sa disposition pour reprendre son poste, alors que la société MP ne produit que des courriers simples que l'intimé conteste avoir reçus et n'a engagé aucune procédure de licenciement à son encontre, restant dans une position attentiste pendant cette longue période.
Il y a lieu de relever également que le seul courrier que Monsieur [X] ne conteste pas avoir reçu de son employeur est daté du 7 septembre 2019, était annexé à son bulletin de salaire d'août 2019, et indiquait 'je vous rappelle que votre poste est disponible', sans autre mention relative à une quelconque mise en demeure de justifier de son absence.
Monsieur [X] s'étant tenu à la disposition de son employeur, il convient d'accueillir - nonobstant l'absence de prestation de travail de sa part - sa demande de rappel de salaire à hauteur du montant retenu par le jugement de première instance, qui doit être confirmé de ce chef, ainsi qu'au sujet des congés payés y afférents, déduction faite des congés payés du 1er au 16 mai 2019.
Sur les congés payés :
La société appelante souligne avoir payé à Monsieur [X] le bénéfice de ses congés en mai 2019 et considère que son adversaire dupe la cour en prétendant n'avoir pas perçu l'intégralité de ce qui lui était dû à ce titre.
Monsieur [X] fait valoir qu'à la date du transfert de son contrat de travail, il bénéficiait d'un solde de 14 jours de congés payés qui a été réduit à 8,85 jours sur le premier bulletin de salaire établi par la société MP, laquelle ne lui a rémunéré que 10 jours à ce titre en mai 2019 et que ce solde n'avait pas été payé par la société Milovi, son précédent employeur. Il sollicite donc la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
La lecture du bulletin de salaire de mai 2019 de Monsieur [X] permet de vérifier des congés payés indemnisés du 1er au 16 mai 2019, soit à hauteur de 10 jours.
Le jugement de première instance qui a condamné la société MP à verser à Monsieur [X] la somme de 214,30 € bruts au titre de 4 jours de congés payés restant dus, doit être confirmé de ce chef.
Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et R.1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal courent sur les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi (rappels de salaire, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement) à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation; le jugement de première instance doit donc être confirmé de ce chef.
Sur la remise d'un document:
La remise d'un bulletin de salaire rectificatif conforme à la teneur du jugement de première instance s'imposait; cette disposition du jugement entrepris doit être confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles:
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 1 500 € à Monsieur [X] , la demande présentée à ce titre par la société appelante devant être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société MP à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE la société MP aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE