Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 03 JUILLET 2024
(n°2024/ , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08553 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXW6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2022 - Président du Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 22/51246
APPELANTS
Monsieur [W] [E]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 17] (93)
[Adresse 3]
[Localité 15]
Madame [P] [E] épouse [X]
née le [Date naissance 7] 1965 à [Localité 17] (93)
[Adresse 23]
[Localité 13] / SUISSE
représentés et plaidant par Me Sébastien MOUY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0418
INTIMES
Monsieur [V] [E]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 17] (93)
[Adresse 4]
[Localité 14]
représenté par Me François BUTHIAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048
ayant pour avocat plaidant Me Thomas BREDILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048
Maître [F] [H], administrateur judiciaire, prise en sa qualité d'administrateur provisoire de l'indivision [E]-[X] portant sur l'immeuble et le fonds de commerce sis [Adresse 10] à [Localité 22], fonctions auxquelles elle a été désignée suivant jugement rendu le 11 mars 2021 par le délégataire de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS
[Adresse 6]
[Localité 11]
représenté par Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0165
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[O] [E] est décédé le [Date décès 5] 1973, laissant pour lui succéder [A] [E], son conjoint survivant, et leurs sept enfants.
[A] [E] est décédée le [Date décès 12] 1994, laissant pour lui succéder ses sept enfants.
Suivant acte de partage en date du 30 décembre 2002, M. [W] [E], Mme [P] [E] et M. [V] [E] se sont vus attribuer chacun le tiers indivis des biens suivants :
-un bien immobilier situé [Adresse 10] à [Localité 22],
-le fonds de commerce d'un hôtel situé [Adresse 10] à [Localité 22],
-les biens et droits immobiliers situés [Adresse 9] à [Localité 17] (93),
-les biens et droits immobiliers situés [Adresse 4] à [Localité 14] (93).
M. [W] [E] et Mme [P] [E] ont saisi le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre les parties.
M. [W] [E] et Mme [P] [E] ont assigné selon la procédure accélérée au fond M. [V] [E] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir désigner un administrateur provisoire à l'effet de gérer l'hôtel, l'immeuble et le fonds de commerce situés [Adresse 10] à [Localité 22].
Par jugement selon la procédure accélérée au fond du 11 mars 2021, le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris a notamment désigné Me [F] [H], administrateur judiciaire, en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision constituée de M. [W] [E], Mme [P] [E] et M. [V] [E], pour une durée de douze mois.
M. [V] [E] a interjeté appel de cette décision, puis s'est désisté de la procédure d'appel.
Par actes d'huissier des 12 et 14 janvier 2022, M. [W] [E] et Mme [P] [E] ont assigné selon la procédure accélérée au fond M. [V] [E] et Mme [F] [H] ès qualités, aux fins de voir procéder au remplacement de cette dernière et désigner un autre administrateur provisoire en lieu et place de celle-ci.
Par jugement selon la procédure accélérée au fond du 31 mars 2022, le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris a :
-débouté M. [V] [E] des exceptions d'incompétence soulevées et de la fin de non-recevoir,
-déboutés M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] de l'ensemble de leurs prétentions,
-prorogé pour une durée de douze mois à compter du 11 mars 2022, la mission de Me [F] [H], en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision constituée de M. [W] [E], Mme [P] [E] épouse [X] et M. [V] [E] sur l'immeuble et le fonds de commerce indivis, situés [Adresse 10] à [Localité 22] telle que définie par le jugement selon la procédure accélérée au fond du 11 mars 2021,
-autorisé Me [F] [H] ès qualités à vendre de gré à gré l'immeuble sis [Adresse 10] à [Localité 22] cadastré section CE n°[Cadastre 8] moyennant le prix minimal de 2 000 000 euros net vendeur.
M. [W] [E] et Mme [P] [X] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 avril 2022.
Me [F] [H] a constitué avocat le 25 mai 2022.
M. [V] [E] a constitué avocat le 27 mai 2022.
Par avis du 31 mai 2022, l'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.
Les appelants ont notifié leurs premières conclusions par RPVA le 17 juin 2022.
M. [V] [E] a remis ses premières conclusions au greffe le 24 juin 2022.
Me [F] [H] a quant à elle notifié ses premières conclusions par RPVA le 8 juillet 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 22 mai 2023, les appelants demandent à la cour de :
in limine litis,
-écarter des débats la pièce n°31 versée par M. [V] [E],
à titre principal,
-déclarer irrecevable M. [V] [E] à soulever l'incompétence du tribunal judiciaire de Paris,
-confirmer la décision rendue le 31 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a débouté M. [V] [E] de ses demandes d'incompétence et d'irrecevabilité,
en conséquence,
-déclarer compétent le tribunal judiciaire de Paris,
-déclarer recevables les demandes de M. [W] [E] et de Mme [P] [E],
-infirmer la décision rendue le 31 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a débouté M. [W] [E] et Mme [P] [E] de leur demande de remplacement de l'administrateur provisoire de l'indivision, d'expulsion de M. [V] [E], et de sa condamnation à régler une indemnité d'occupation depuis le début de son exploitation de l'hôtel,
-prononcer le remplacement de Me [H], ès qualité d'administrateur provisoire de l'indivision, portant sur l'Hôtel Café Restaurant situé à [Localité 22], situé [Adresse 10], cadastré section CE n°[Cadastre 8] « [Adresse 10] », pour 2 ares 23 centiares avec pour mission de :
*faire établir un état des lieux de l'hôtel,
*gérer, ce qui conduit le pouvoir d'encaisser les revenus du bien dépendant de l'indivision successorale unissant Mme [P] [E], M. [V] [E], et M. [W] [E] et de régler les diverses charges de l'indivision dans les dépenses nécessaires à la conservation des biens indivis,
*se faire remettre les clefs de l'hôtel détenues par M. [V] [E],
*passer tout acte y compris les actes conservatoires et de dispositions à condition qu'une telle mesure soit justifiée par l'urgence et l'intérêt commun de l'indivision,
*percevoir les fonds de l'hôtel et les affecter à sa gestion et sa conservation,
*se faire remettre :
$gt;tous les comptes de l'indivision depuis l'établissement de l'indivision en 2002,
$gt;les carnets de compte de l'hôtel qui doivent être à la disposition des indivisaires,
$gt;la comptabilité de l'exploitation de l'hôtel depuis 2002,
$gt;la liste des employés,
$gt;la liste des contrats de travail,
$gt;les cartons jaunes de capacité d'accueil des chambres,
$gt;la liste des clients,
$gt;les attestations d'assurance de l'hôtel depuis 2002,
*établir les comptes de l'hôtel dépendant de l'indivision et déterminer les bénéfices ou loyers qui auraient dû être reversés à l'indivision,
*réévaluer le cas échéant les indemnités à percevoir pour Mme [P] [E], M. [V] [E], et M. [W] [E] en considérant les sommes déjà perçues par chaque indivisaire,
*fixer la durée de la mission de l'administrateur à 1 an et jusqu'à la cessation de l'indivision,
*autoriser l'administrateur provisoire désigné à embaucher un manager de transition afin de gérer l'hôtel, ou à conclure un contrat de location gérance pour son exploitation,
-ordonner l'expulsion de M. [V] [E], en qualité d'indivisaire mais également exerçant en qualité d'entrepreneur individuel sous l'enseigne [20], de l'immeuble situé au [Adresse 10] à [Localité 21], ainsi que de celle de tout occupant de son chef avec, si besoin est, le concours de la force publique,
-ordonner l'expulsion sous astreinte de 400 euros par jour retard à compter de la décision à intervenir,
- rappeler qu'en cas de maintien dans les lieux occupés, M. [V] [E] sera redevable forfaitairement d'une indemnité d'occupation qu'il convient de fixer à 40 000 euros par an, payable mensuellement,
-condamner M. [V] [E] à verser à l'indivision, représentée par son administrateur, la somme de 760 000 euros par provision, au titre de l'indemnité d'occupation depuis le début de son exploitation de l'hôtel,
à titre subsidiaire,
-infirmer la décision rendue le 31 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a débouté M. [W] [E] et Mme [P] [E] de leur demande de condamnation de M. [V] [E], à régler à l'indivision une indemnité d'occupation,
-condamner M. [V] [E] à verser à l'indivision, entre les mains de l'administrateur judiciaire désigné, la somme de 40 000 euros par an à titre d'indemnité d'occupation, payable mensuellement,
en tout état de cause :
-débouter M. [V] [E] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
-condamner M. [V] [E] à payer aux appelants, Mme [P] [E] et M. [W] [E] la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [V] [E] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 mai 2023, M. [V] [E], intimé, demande à la cour de :
-juger M. [V] [E] recevable et bien fondé en ses demandes,
- y faire droit,
en conséquence,
-confirmer le jugement du président du tribunal judiciaire de Paris du 23 mars 2022 sauf en ce qu'il a :
*débouté M. [V] [E] des exceptions d'incompétence soulevées et de la fin de non-recevoir,
*laissé à la charge de chacune des parties, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la charge de ses propres dépens,
-l'infirmer de ces chefs,
et, statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
à titre principal,
-déclarer territorialement incompétent le président du tribunal judiciaire de Paris pour connaître des demandes formées par Mme [P] [E] et M. [W] [E] de :
*désignation d'un administrateur provisoire avec la mission qu'ils déterminent,
*d'expulsion de M. [V] [E] des biens indivis,
*de condamnation de ce dernier au versement d'une indemnité d'occupation ou de loyers,
-renvoyer en conséquence Mme [P] [E] et M. [W] [E] à mieux se pourvoir devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny,
-déclarer matériellement incompétent le Président du tribunal judiciaire de Paris pour connaître de la demande en expulsion de l'entreprise individuelle créée par M. [V] [E],
-renvoyer en conséquence Mme [P] [E] et M. [W] [E] à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Paris, statuant au fond, ou devant M. le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé mais non en la forme des référés,
à titre subsidiaire,
-déclarer Mme [P] [E] et M. [W] [E] irrecevables en leurs demandes additionnelles en expulsion et en condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation et de loyers,
- les en débouter,
-déclarer Mme [P] [E] et M. [W] [E] irrecevables en leur demande tendant à voir modifier la mission de l'administrateur et à le voir remplacer,
- les en débouter,
-déclarer Mme [P] [E] et M. [W] [E] irrecevables en leurs demandes dirigées contre l'entreprise individuelle créée par M. [V] [E], « [20] », ou à l'encontre de M. [V] [E] ès-qualités de représentant légal de cette entreprise, faute pour ladite entreprise d'avoir été attraite à la cause,
en tout état de cause,
-écarter des débats comme irrecevable la pièce n°45, rapport de la société [16], communiquée par Mme [P] [X] et M. [W] [E],
-débouter Mme [P] [E] et M. [W] [E] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
-condamner solidairement Mme [P] [E] et M. [W] [E] à verser à M. [V] [E] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 mai 2023, Me [F] [H], en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision, demande à la cour de :
-juger que la cour de céans n'est pas saisie des chefs du jugement ayant :
*prorogé pour une durée de douze mois à compter du 11 mars 2022 la mission de Me [F] [H] en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision portant sur l'immeuble et le fonds de commerce sis [Adresse 10] à [Localité 22],
*autorisé Me [H] ès-qualités à vendre l'immeuble sis [Adresse 10] à [Localité 22] moyennant le prix minimal de 2 000 000 euros net vendeur,
-confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
-débouter Mme [P] [E], M. [W] [E] et M. [V] [E] de toutes leurs demandes,
-condamner solidairement Mme [P] [E], M. [W] [E] et M. [V] [E] à payer à Me [F] [H], en sa qualité d'administrateur provisoire de l'indivision portant sur l'immeuble et le fonds de commerce sis [Adresse 10] à [Localité 22], la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner solidairement Mme [P] [E], M. [W] [E] et M. [V] [E] aux dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.
L'affaire, initialement appelée à l'audience du 6 juin 2023, a été renvoyée à l'audience du 23 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Maître [H], administrateur judiciaire a été désignée sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, en tant qu' administrateur de deux biens qui sont en indivision entre M. [W] [E], Mme [P] [E] épouse [X] et M. [V] [E] ; l'un de ces biens indivis est un immeuble d'habitation situé [Adresse 10] à [Localité 22], et l'autre bien indivis qui est le fonds de commerce d'hôtel exploité dans cet immeuble, est un meuble incorporel.
L'objet initial du litige porte sur la demande de M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] en changement de la personne de l'administrateur judiciaire qui a été désignée ; ce litige a été élargi à leur demande d'expulsion de M. [V] [E] des biens indivis et en paiement d'un loyer et à titre subsidiaire d'une indemnité d'occupation.
Sur les exceptions d'incompétence soulevées par M. [V] [E].
Le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris et l'exception d'incompétence matérielle du président de ce tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond soulevées par M. [V] [E] aux motifs que le lieu d'ouverture de la succession était indifférent puisque le présent litige concerne une indivision conventionnelle et non pas une indivision successorale et qu'il entre dans les pouvoirs du président du tribunal de statuer sur les mesures d'expulsion conformément aux dispositions des articles 815-9 du code civil.
M. [V] [E] ayant formé un appel incident des chefs du jugement ayant rejeté ces exceptions d'incompétence, M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] soulèvent au visa de l'article 403 du code de procédure civile l'irrecevabilité de ces exceptions d'incompétence du président au motif qu'en s'étant désisté de son appel du précédent jugement du 11 mars 2021 qui avait désigné Maître [H] en qualité d'administrateur judiciaire des deux biens indivis, M. [V] [E] avait acquiescé à la compétence du tribunal judiciaire de Paris et de son président statuant selon la procédure accélérée au fond.
Aux termes de l'article 403 du code de procédure civile, le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement.
Ce texte circonscrit au jugement dont appel les effets de l'acquiescement résultant du désistement de l'appel ; il ne saurait voir ses effets étendus à un autre jugement fût-il rendu dans la même matière et qu'il portât en partie sur les mêmes faits. Il ne peut donc être déduit de l'acquiescement par M. [V] [E] au jugement du 11 mars 2021 que ce dernier est irrecevable à soulever l'incompétence du juge qui a rendu la décision faisant l'objet du présent appel.
M. [V] [E], au soutien de son appel incident sur la compétence territoriale, prétend que l'acte de partage des successions d'[O] [E] et d'[A] [E] n'a pas mis fin à toute la situation d'indivision de sorte qu'il ne vaut pas partage définitif et donc que le présent litige d'ordre successoral relève de la compétence du tribunal du lieu d'ouverture de la succession qui était celui du dernier domicile du défunt situé en Seine-Saint-Denis.
L'acte de partage amiable reçu le 30 décembre 2002 entre M. [J] [E], M. [N] [E], Mme [P] [E], M. [C] [E], M. [V] [E], Mme [T] [E], et M. [W] [E] qui sont les seuls héritiers d'[O] [E] et [A] [E], successivement décédés les [Date décès 5] 1973 et [Date décès 12] 1994, a mis fin à l'indivision successorale existant entre les héritiers portant sur les biens dépendant de ces deux successions, M. [W] [E], Mme [P] [E] épouse [X] et M. [V] [E] s'étant vus dans les opérations du partage amiable attribuer chacun un tiers indivis de quatre biens dépendant de l'actif de ces successions confondues qui au vu de ce même acte en comportait neuf. Il y a donc eu par cet acte la création d'une nouvelle indivision conventionnelle entre ces trois héritiers qui n'est plus de nature successorale.
M. [V] [E] ne saurait tirer argument de ce que l'assignation aux fins de partage de l'intégralité des biens composant cette indivision conventionnelle a été portée devant le tribunal judiciaire de Bobigny ; en effet, cette indivision portant sur quatre biens immobiliers dont deux sont situés en Seine-Saint-Denis, les demandeurs à l'instance bénéficiaient d'une option de compétence entre les tribunaux dans les ressorts desquels étaient situés les biens immobiliers et pouvaient donc valablement attraire leurs coïndivisaires devant le tribunal judiciaire de Bobigny ; dans la présente espèce, la situation est différente, le litige ne portant que sur deux biens indivis composant cette indivision : l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 22] et le fonds de commerce exploité dans ce bien immobilier. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que l'immeuble indivis étant situé à [Localité 21], le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon procédure accélérée au fond est territorialement compétent pour statuer sur les demandes.
Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par M. [V] [E].
M. [V] [E] se fondant sur le caractère strict de la compétence du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, soutient qu'il n'entre pas dans son champ de compétence d'ordonner l'expulsion des personnes aux fins d'habitation des immeubles bâtis occupés sans droit ni titre, cette compétence relevant du juge des contentieux de la protection en application de l'article L. 213-4-3 du code de l'organisation judiciaire, ajoutant que le tribunal judiciaire a une compétence exclusive en matière de baux commerciaux et professionnels. Il fait également valoir que la demande d'expulsion le vise en tant qu'entreprise individuelle laquelle n'est pas un indivisaire et que lui-même, en tant qu'indivisaire, ne peut être considéré comme un occupant sans droit ni titre.
Certes la compétence du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond qui déroge à la procédure ordinaire, est limitée et d'interprétation stricte ; en application de l'article 839 du code de procédure civile, il faut que la loi ou le règlement le prévoit. Ainsi, en matière d'indivision, l'article 1380 du code de procédure civile cite les articles en vertu desquels le président du tribunal judiciaire dispose d'une compétence pour statuer selon la procédure accélérée au fond ; il s'agit des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du code civil.
Ainsi, aux termes de l'article 815-6 du code civil, « le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge. »
En application de ce texte, la désignation d'un administrateur chargé d'administrer l'indivision figure parmi les mesures urgentes pouvant être ordonnées, la jurisprudence ayant admis que cette mission pouvant être confiée à un administrateur judiciaire et non pas seulement à un indivisaire, en particulier en cas de mésentente entre coïndivisaires. C'est d'ailleurs au visa de ce texte que Maître [H] a été désignée.
Le président du tribunal judiciaire étant compétent pour ordonner selon la procédure accélérée au fond la désignation d'un administrateur provisoire, il est donc également compétent en application du même texte pour ordonner le renouvellement, le remplacement ou le changement de la personne de l'administrateur judiciaire, ensemble de mesures relevant de sa désignation ou en étant l'accessoire ou le complément nécessaire.
L'expulsion ou l'éviction d'un coïndivisaire dont la présence ou les agissements mettraient en péril le bien indivis peuvent également relever des mesures urgentes qui peuvent, en application de l'article 815-6 du code civil, être ordonnées par le président du tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond.
L'existence d'un bail commercial n'ayant jamais été alléguée par quiconque, l'exception d'incompétence au profit du tribunal judiciaire ne saurait davantage prospérer.
M. [V] [E], qui revendique sa qualité d'exploitant d'un fonds de commerce, ne saurait sérieusement soutenir qu'il occupe les lieux aux fins d'habitation des locaux dans lesquels ce fonds est exploité ; il indique d'ailleurs dans la procédure d'appel être domicilié [Adresse 4] à [Localité 14]. Le moyen fondé sur l'article L. 213-4-3 du code de l'organisation judiciaire est pareillement rejeté.
Partant, les chefs du jugement ayant rejeté les exceptions d'incompétence territoriale et matérielle soulevées par M. [V] [E] sont confirmés.
Sur l'irrecevabilité soulevée par M. [V] [E]
Il résulte de l'extrait Kbis en date du 26 juillet 2020 versé aux débats que M. [V] [E] est immatriculé en nom propre au registre du commerce et des sociétés près du tribunal de commerce de Paris comme exploitant d'un fonds de commerce de café restaurant hôtel dans l'immeuble du [Adresse 10]. Etant exploitant en nom propre et ayant été attrait en justice, il ne peut pas valablement prétendre que le fonds de commerce, qui est dépourvu de personnalité morale, est exploité par une personne qui n'a pas été mise en cause.
Sa situation de coïndivisaire de l'immeuble et du fonds de commerce indivis se cumule ainsi avec celle d'exploitant du fonds de commerce, sans que ce cumul constitue une qualité différente au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
La demande d'expulsion de l'immeuble du [Adresse 10] dès lors est valablement dirigée à l'encontre de M. [V] [E] sans qu'il n'y ait lieu à ce stade de prendre en considération les conséquences que pourrait avoir son expulsion de l'immeuble sur l'exploitation du fonds de commerce, s'agissant d'une question qui relève du fond.
La fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de l'entreprise individuelle de M. [V] [E] sera également rejetée.
M. [V] [E] soutient au visa de l'article 70 du code de procédure civile que la demande incidente d'expulsion présentée par M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] devant le président du tribunal par voie de conclusions ne se rattache pas avec un lien suffisant avec leur demande initiale en remplacement de l'administrateur provisoire formée dans leur exploit introductif d'instance.
Cependant, la mesure d'expulsion demandée par les appelants, qui se fonde sur un accaparement des biens indivis par M. [V] [E] et sur leur gestion désastreuse par ce dernier, présente un lien suffisant non seulement avec leur demande originaire en désignation d'un administrateur judiciaire mais aussi avec leur demande initiale de changement de la personne de l'administrateur judiciaire motivée par les défaillances qu'ils imputent à Maître [H] dans l'accomplissement de sa mission.
Partant, la fin de non-recevoir de la demande additionnelle d'expulsion tenant à son absence de lien insuffisant avec la demande initiale sera rejetée.
Concernant la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel, laquelle sanctionne le plaideur qui se contredit au détriment d'autrui dans le cadre de la même procédure, M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X], intimés dans la procédure d'appel du jugement du 9 mars 2011 qui a désigné Maître [H] en qualité d'administrateur judiciaire des deux biens indivis, demandaient la confirmation du jugement l'ayant désignée. Ils ne se contredisent pas au détriment de M. [V] [E] en demandant ultérieurement dans le cadre d'une autre instance d'appel son remplacement.
Cette fin de non-recevoir sera pareillement rejetée.
Sur les demandes tendant à voir écarter des pièces des débats
Les appelants demandent de voir écarter des débats la pièce n° 31 versée aux débats par M. [V] [E]; cette pièce est un procès-verbal de constat dressé le 29 juillet 2021 par Me [M] [Z], commissaire de justice, qui, à la requête de M. [V] [E], a retracé le contenu de caméras de vidéos surveillance placées dans la cour intérieure de l'hôtel. Ce constat après avoir identifié sur les indications de M. [V] [E] la présence de quatre personnes, à savoir M. [W] [E], un cousin de celui-ci, un salarié et un client dans cette cour, retranscrit les propos tenus par M. [W] [E].
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
La retranscription des propos de M. [W] [E] qui ont été captés à son insu porte atteinte à sa vie privée. M. [V] [E] produit cette pièce afin d'établir qu'il n'avait pas une jouissance privative de l'hôtel.
Alors même que M. [V] [E] fait état du caractère subalterne (page 40 de ses conclusions) de la pièce 31, il n'apparaît pas que la présence de M. [W] [E] dans l'immeuble indivis dans le cadre de son exploitation hôtelière ne pouvait pas être démontrée par d'autres moyens que les propos qu'il a tenus dans le cadre d'une conversion privée ; en conséquence, il existe une disproportion entre l'atteinte portée à l'intimité de la vie privée de M. [W] [E] et le droit à la preuve de M. [V] [E].
Partant, la pièce n°31 produite par M. [V] [E] sera écartée des débats.
M. [V] [E] demande de voir déclarer irrecevable la pièce n° 45 produite par les appelants ; cette pièce est un rapport d'enquête privée de la société [16]. Selon les indications figurant sur ce rapport, il a été établi en vue d'apporter des éléments sur l'état de propreté de l'hôtel et des chambres, le flux d'activité de l'hôtel, son personnel, le tarif et les modalités d'encaissement des chambres, la présence de caméras de surveillances, et l'usage du café.
Il ressort de ce rapport que l'accès à l'intérieur de l'hôtel se fait par une porte munie d'un digicode que l'auteur de ce rapport s'est vu ouvrir après avoir usé de la complaisance d'un client ; il s'est prêté à un stratagème, ayant prétendu « venir de la part de la famille », pour pouvoir louer une chambre alors que celui-ci affichait complet.
L'auteur du rapport à aucun moment n'a dévoilé la nature de son intervention, s'étant toujours fait passé pour une relation familiale, ayant même participé à un apéritif en vue d'obtenir des renseignements en particulier d'une personne qui travaille dans l'hôtel.
Il n'apparaît pas que les appelants ne pouvaient pas avoir recours à d'autres moyens de preuve pour établir les conditions d'exploitation de l'hôtel, notamment en demandant la désignation d'un huissier de justice par une ordonnance sur requête.
Dans ces conditions, les procédés déloyaux utilisés n'apparaissent pas justifiés par le droit à la preuve des appelants, étant de surcroît relevé que cette pièce apparaît présenter un très faible intérêt probatoire, n'étant même pas citée par les appelants dans leurs écritures à l'appui de leurs prétentions.
Partant, la pièce 45 produite par les appelants sera écartée des débats.
Sur la demande de remplacement de Maître [H]
Maître [H] ès qualités a produit devant la cour la copie du jugement rendu le 10 mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris qui a prorogé sa mission pour une durée de douze mois à compter du 11 mars 2023. En vertu de ce jugement, sa mission a donc pris fin le 11 mars 2024. Par un courriel du 26 janvier 2024, Maître [H] informait les conseils des parties, qu'elle ne sollicitera pas la prolongation de sa mission.
Sa mission ayant expiré le 11 mars 2024, l'appel du chef du jugement l'ayant prorogée est donc devenu sans objet.
N'ayant pas été demandé à la cour la nomination d'un nouvel administrateur judiciaire en dehors même de la question de la recevabilité d'une telle demande, la cour qui ne peut statuer ultra petita, n'est saisie d'aucune demande sur ce point. La cour ne peut donc ordonner la désignation d'un nouvel administrateur judiciaire.
Sur la demande d'expulsion de M. [V] [E]
Le premier juge a débouté M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] de leur demande d'expulsion dirigée contre M. [V] [E] aux motifs que ce dernier a exploité le fonds de commerce jusqu'en 2018 sans opposition de son frère et de sa s'ur et sans critique sur sa gestion, lequel leur a versé des sommes présentées comme des salaires ou des loyers, que la demande est dirigée à l'encontre de M. [V] [E] en sa qualité d'entrepreneur individuel et non comme d'indivisaire, et que M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] sont inscrits au registre du commerce et des sociétés, de sorte que ne leur est pas interdit de participer à la gestion du fonds de commerce.
Les appelants, au soutien de leur appel du chef du jugement qui les a déboutés de leur demande d'expulsion, font valoir que M. [V] [E] s'est accaparé sans droit ni titre la gestion de l'hôtel indivis ainsi que son exploitation, que ce dernier qui n'est pas salarié perçoit seul les revenus qu'il tire de l'exploitation de l'hôtel, que sa gestion est catastrophique, des chambres ayant été retirées de la location, un incendie s'étant déclaré dans l'une d'elles, que l'état de l'hôtel est intolérable, les travaux réalisés dans l'hôtel ont été effectués par des artisans non déclarés et sans garantie (notamment décennale), que les règles d'hygiène ne sont pas respectées.
Ils ajoutent que M. [V] [E], qui dispose d'une chambre, occupe personnellement l'hôtel ; que l'entreprise individuelle dont se targue ce dernier n'a pas de personnalité juridique ; que l'indivision ne saurait supporter le coût de la rupture des contrats de travail concernant des salariés qu'elle n'a pas embauchés ; que sa gestion est complètement exclusive, conservant par devers lui les fruits de l'exploitation au mépris de l'intérêt de l'indivision, s'abstenant de faire les travaux nécessaires ; que du fait de cette exploitation exclusive, ils ne peuvent pas eux-mêmes exploiter.
L'intimé relate qu'antérieurement à l'acte de partage par lequel lui-même et M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] se sont vu attribuer les deux biens indivis, l'hôtel était exploité par leur frère [J] ; qu'il a effectué des démarches en accord avec ses deux coïndivisaires pour faire immatriculer son entreprise individuelle au greffe du tribunal de commerce ; que son frère et sa s'ur ont donné leur assentiment pour qu'il en soit le gérant ; qu'il s'est, en conséquence, déclaré exploitant auprès de la préfecture de police en qualité de copropriétaire du fonds de commerce ; il indique qu'ont été versés entre de 2005 et 2018, des loyers à Mme [P] [E] épouse [X] et des salaires à M. [W] [E] dont il chiffre le montant total à 500 000 € (page 34 de ses conclusions).
Il précise que l'immeuble est assuré, qu'il a procédé aux formations nécessaires en matière de sécurité incendie, que l'exploitation de l'hôtel est bénéficiaire, qu'a été conclu un contrat avec l'association [18] qui garantit un taux d'exploitation des chambres de près de 100 %, et que son compte bancaire professionnel affiche un solde positif. Il admet avoir cessé tout règlement au profit des appelants courant 2017 (page 34 de ses conclusions), ce qui a permis enfin à l'exploitation de dégager un bénéfice; il annonce un bénéfice annuel de l'ordre de 22 000 € (page 25 de ses conclusions); il qualifie de diffamatoires les propos de ses frère et s'ur selon lesquels il aurait subtilisé l'argent liquide généré par l'exploitation de l'hôtel et déclare avoir fourni tous les éléments à l'administrateur judiciaire lui permettant de s'assurer de l'intégrité de sa gestion.
Il fait valoir qu'il a entrepris de nombreux travaux pour mettre en conformité l'hôtel et a obtenu de la commission de sécurité l'autorisation d'exploiter. Il affirme que « par les travaux considérables qu'il a ainsi engagés lui-même, (il) a purement et simplement sauvé l'exploitation de l'hôtel et valorisé le bien, sans lequel il n'aurait aujourd'hui qu'une valeur quasi nulle, au profit de l'ensemble des indivisaires qui font montre d'une toute particulière ingratitude ».
Pour s'opposer à la mesure d'expulsion réclamée, M. [V] [E], qui indique ne pas habiter l'hôtel, soutient que l'entreprise individuelle n'étant pas dans la cause, l'expulsion de celle-ci ne peut pas être ordonnée, que l'exploitation par cette entreprise ne constitue pas une occupation sans droit ni titre puisque les coïndivisaires ont donné le droit à cette entreprise d'exploiter l'hôtel, que son expulsion ou celle de l'entreprise causerait un préjudice à l'indivision, puisqu'un changement d'exploitant entraînerait de multiples démarches vis à vis de la préfecture et la rupture des différents contrats passés et ferait encourir le risque d'occupation sans droit ni titre par des squatters.
Maître [H] précise que la demande d'expulsion ne paraît pas justifiée en l'état aux motifs que :
-M. [V] [E] assume de facto les fonctions d'exploitant du fonds de commerce indivis et n'occupe pas pour autant de façon privative le bien indivis, ce qui exclut les dispositions de l'article 815-9 du code civil,
-en droit rien n'interdit aux autres indivisaires qui sont régulièrement inscrits au registre du commerce et des sociétés de participer à l'exploitation de l'hôtel,
- si la cessation de l'exploitation apparaît nécessaire pour les besoins de la vente de l'immeuble, la cessation immédiate d'exploitation n'apparaît pas opportune afin d'éviter tout squat du bâtiment.
Sur ce, comme il a été vu, le moyen tenant à l'absence de mise en cause de l'entreprise individuelle de M. [V] [E] a été rejeté, celle-ci n'ayant pas de personnalité juridique. Il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur ce moyen.
Cette entreprise individuelle correspond ainsi au fonds de commerce d'hôtel actuellement de facto exploité par M. [V] [E] dans l'immeuble indivis du [Adresse 10]. Sur les différents récépissés de déclaration d'exploitation délivrés par la préfecture à M. [V] [E], il est précisé que celui-ci est copropriétaire du fonds de commerce ou bien que ce fonds appartient à l'indivision [E] (cf. pièce M. [V] [E] n°6).
M. [V] [E] n'ayant pas caché qu'il n'était pas le seul propriétaire du fonds, il ne saurait lui être reproché un accaparement du fonds de commerce.
La mesure d'expulsion sur le plan civil tend à la libération de tout ou partie d'un immeuble au besoin avec le concours de la force publique d'une personne juridique, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, cette libération concerne également ses meubles meublant et effets personnels ainsi que les occupants de son chef.
Il suit que M. [V] [E] est la personne visée par la mesure d'expulsion sollicitée et le bien immobilier concerné est l'immeuble du [Adresse 10]; certes, le fonds de commerce qui est un bien incorporel ne peut pas faire l'objet en tant que tel d'une mesure d'expulsion; cependant, l'expulsion de M. [V] [E] de l'immeuble dans lequel le fonds de commerce est exploité est de nature à avoir des conséquences sur le fonds de commerce puisqu'il ne pourrait plus être exploité par M. [V] [E] qui seul à ce jour bénéficie d'une autorisation à ce titre délivrée par la Préfecture de Police ; à cela s'ajoute le fait que Mme [P] [E] épouse [X] habite en Suisse et que cet éloignement rend impossible une exploitation par elle-même et que M. [W] [E] en tant que docteur en médecine exerçant cette profession ne peut pas pour des raisons déontologiques être commerçant et exploiter un fonds de commerce. Or un fonds de commerce qui n'est pas exploité dépérit.
Ainsi, bien que M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] soient inscrits au registre du commerce et des sociétés, il existe, contrairement à ce qu'indique Maître [H], une impossibilité factuelle et juridique à ce qu'ils exploitent le fonds de commerce.
Certes, l'occupation par M. [V] [E] de l'immeuble comme seul exploitant de fait du fonds de commerce d'hôtel constitue, comme le relevait Maître [H], un frein à sa vente. Il résulte, en effet, des estimations que Maître [H] a fait réaliser que sa valeur dépend de son usage ; s'il était transformé en logement, sa valorisation pourrait être de 2 500 000 €, déduction faite du coût des travaux estimés à hauteur de 450 000 €; son estimation pour un usage d'hôtel est de 700 000 € ; si on y ajoute la valeur du fonds de commerce à hauteur de 600 000 €, l'ensemble atteint alors 1300 000 €;
Cependant, s'il entrait dans la mission de Maître [H] de vendre l'immeuble de gré à gré au prix minimal de 2 000 000 €, sa mission ayant pris fin, la vente ne peut plus être faite sous ses auspices.
Par ailleurs, aucune des parties n'ayant demandé dans le cadre de la présente action à être autorisée personnellement à vendre l'immeuble en application de l'article 815-6 ou 815-5 du code civil, la cour ne peut pas l'ordonner, sous peine de statuer ultra petita.
Alors que le départ forcé de M. [V] [E] entraînerait le dépérissement du fonds de commerce, il est justifié par les pièces produites par ce dernier que le fonds de commerce est exploité dans un cadre légal; ce dernier est inscrit au registre du commerce et des sociétés comme exploitant du fonds de commerce; il bénéficie à ce titre de l'autorisation préfectorale exigée ; il n'est pas sous le coup d'une interdiction d'exploiter; il résulte d'un constat d'huissier dressé le premier septembre 2021 que l'immeuble a été entièrement rénové; Maître [H] a eu la confirmation que l'immeuble était assuré; les comptes d'exploitation des années 2018 à 2020 ont été remis à Maître [H]; ils sont présentés par un expert-comptable, l'exercice 2020 a permis d'enregistrer un résultat d'exploitation de 7 478 €, la rémunération de l'ordre de 28 000 € annuelle que s'est octroyée M. [V] [E] ayant été déduite. Le contrôleur des finances publiques attestait le 3 mars 2023 que M. [V] [E] était à jour dans le dépôt de la liasse fiscale, le dépôt des déclarations de TVA et le paiement de cette taxe, ainsi que le paiement de la cotisation foncière des entreprises ; le 15 janvier 2023 était signée une convention avec l'association [18] de laquelle il résulte que la période de test qui a duré du 5 janvier 2022 au 15 janvier 2023 a été satisfaisante.
M. [V] [E] fait justement remarquer le risque d'occupation de l'immeuble par des squatters si celui n'était plus exploité et laissé vide dans l'attente de sa vente.
Ainsi, l'expulsion de M. [V] [E] entraînerait le dépérissement du fonds de commerce et ferait courir un risque d'occupation irrégulière de l'immeuble, laquelle s'accompagne souvent de dégradations. Il n'apparaît pas que l'intérêt commun de l'indivision requiert l'expulsion de M. [V] [E] de l'immeuble du [Adresse 10], s'agissant de la condition exigée pour qu'une mesure urgente puisse être ordonnée en application de l'article 815-6 du code civil.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] de leur demande d'expulsion.
Sur la demande au titre du paiement des loyers ou à titre subsidiaire d'une indemnité d'occupation.
Devant la cour, les appelants réclament le paiement à titre de provision de la somme de 760 000 €, somme qui représente selon eux le montant d'un loyer. A titre subsidiaire, ils demandent le paiement d'une indemnité d'occupation de 40 000 € par an.
Ayant saisi le président du tribunal judiciaire d'une demande d'indemnité d'occupation, leur demande en paiement d'un loyer qui vise à obtenir une contrepartie à la jouissance de l'immeuble par M. [V] [E] tend aux mêmes fins que la demande d'indemnité d'occupation. Elle n'encourt en conséquence pas d'irrecevabilité en raison de sa nouveauté en appel.
En premier lieu, il n'apparaît pas qu'il entre dans les pouvoirs du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond et à la cour statuant à sa suite de condamner un coïndivisaire au paiement d'un loyer.
En second lieu, il n'a pas été produit un bail commercial liant l'indivision et M. [V] [E] et il n'est même pas soutenu que les parties seraient liées par un bail commercial verbal.
En troisième lieu, l'existence d'un bail, qui est un contrat, suppose une rencontre de volontés sur la mise à disposition de l'immeuble à M. [V] [E] ; l'existence même d'un bail, fût-il verbal, vient ainsi contredire les prétentions des appelants selon lesquelles ce dernier se serait accaparé sans leur accord l'exploitation du fonds de commerce d'hôtel.
Pour les motifs qui précèdent, M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] se verront déboutés de leur demande en paiement de la somme de 760 000 € à titre de loyers.
L'article 815-9 du code civil dispose que « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité. ».
Le premier juge avait débouté M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] de leur demande d'indemnité d'occupation fondée sur l'article 815-9 du code civil au motif que « M. [V] [E] n'exploite pas à titre personnel mais pour le compte de l'indivision, ce dont les demandeurs ne sauraient disconvenir puisqu'ils ont profité des bénéfices de l'indivision et qu'ils entendent revendiquer un droit sur ceux-ci ».
Si pendant un temps M. [V] [E] a versé à M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] des fonds qui provenaient de l'exploitation du fonds de commerce quelle que soit la qualification à donner à ces versements, M. [V] [E] reconnaît ne plus rien leur avoir versé depuis 2017.
M. [V] [E], comme seul exploitant de fait des locaux commerciaux de l'immeuble du [Adresse 10], est redevable envers l'indivision à ce titre d'une indemnité au titre de sa jouissance exclusive de l'immeuble.
L'agence [19] a estimé la valeur locative des locaux à la somme de 23 739,12€.
Il convient également de tenir compte de la précarité qui affecte l'occupation de M. [V] [E] en tant que coïndivisaire, ne disposant pas de la pérennité d'un bail commercial, ainsi la valeur locative devrait être affectée d'un abattement d'un montant de 20 % qui ramènerait le montant de cette indemnité à la somme de 18 991,29 €.
Il convient en conséquence, en infirmant le jugement, de mettre à sa charge à titre de provision et à valoir sur cette indemnité de jouissance privative à compter du 3 mars 2022, date de l'audience devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond, une somme de 5 000 € par an qu'il devra payer à chacun de ses coïndivisaires.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
Au vu de la solution apportée au litige, il n'y a pas véritablement de partie perdante entre M. [V] [E] d'une part et M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] d'autre part ; elles supporteront donc la charge les dépens d'appel par moitié entre les appelants et M. [V] [E].
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
Au vu de cette répartition des dépens, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement rendu le 31 mars 2022 par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond en ce qu'il a rejeté la demande de M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] en paiement d'une indemnité d'occupation ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne à titre provisoire M. [V] [E] à payer à Mme [P] [E] épouse [X] annuellement la somme de 5 000 € à valoir sur le montant de l'indemnité de jouissance privative de l'immeuble du [Adresse 10] à compter du 3 mars 2022 ; condamne M. [V] [E] à payer la même somme et dans les mêmes conditions à M. [W] [E] ;
Confirme pour le surplus le jugement en ses chefs dévolus à la cour ;
Y ajoutant :
Rejette l'irrecevabilité soulevée par M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] des exceptions d'incompétence excipées par M. [V] [E] ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [E] tirée de l'absence de mise en cause de son entreprise individuelle ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [E] tirée de l'absence de lien insuffisant de la demande additionnelle d'expulsion avec la demande initiale ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [E] tirée du principe de l'estoppel;
Ecarte des débats la pièce 31 versée par M. [V] [E] et la pièce 45 versée par M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] ;
Déboute M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] de leur demande en paiement de la somme de 760 000 € à titre de loyers ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié entre M. [V] [E] d'une part et M. [W] [E] et Mme [P] [E] épouse [X] d'autre part.
Le Greffier, Le Président,