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27/06/2024 | FRANCE | N°22/20789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 27 juin 2024, 22/20789


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 27 JUIN 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20789 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CG23W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 novembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/05854





APPELANTE



La société COFIDIS, société à directoire

et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 325 307 106 00097

[Adresse 4]

[Adresse 4...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20789 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CG23W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 novembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/05854

APPELANTE

La société COFIDIS, société à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 325 307 106 00097

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉ

Monsieur [W] [Z] [T]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6] (TUNISIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Alexandre DARJ

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 28 août 2019, la société Cofidis a consenti à M. [W] [Z] [T] un crédit personnel d'un montant en capital de 30 000 euros remboursable en 120 mois soit 119 mensualités de 329,31 euros et une 120ème de 328,17 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,75 %, le TAEG s'élevant à 5,75 %, soit une mensualité avec assurance de 398,31 euros.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Cofidis a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 19 juillet 2022, la société Cofidis a fait assigner M. [Z] [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 8 novembre 2022, a déclaré la société Cofidis recevable en son action mais l'a déchue de son droit aux intérêts contractuels et a condamné M. [Z] [T] au paiement de la somme de 21 666,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2022 et condamné M. [Z] [T] aux dépens, rejetant le surplus des demandes.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a retenu que l'exemplaire du contrat produit par la société Cofidis ne comportait pas de bordereau de rétractation et que le fait que M. [Z] [T] ait signé une clause de reconnaissance était insuffisant.

Il a déduit les sommes versées soit 8 333,04 euros du capital emprunté et a rappelé que la capitalisation des intérêts était interdite par l'article L. 312-38 du code de la consommation.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 9 décembre 2022, la société Cofidis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 20 février 2023, la société Cofidis demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel lesquelles portaient sur la déchéance du droit aux intérêts et la limitation de ses demandes au titre du crédit et le rejet de ses autres demandes,

- de condamner M. [Z] [T] à lui payer la somme de 29 899,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % l'an à compter du 18 avril 2022,

- subsidiairement si la déchéance du terme ne devait pas être considérée comme acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. [Z] [T] à son obligation contractuelle de remboursement du prêt et de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et,

- de le condamner à lui payer la somme de 29 899,86 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- de condamner M. [Z] [T] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

S'agissant de la preuve de l'existence d'un bordereau de rétractation, elle soutient qu'elle résulte de la reconnaissance par l'emprunteur de cette remise dans le contrat qui fait la loi des parties laquelle constitue un indice qu'elle complète par la production de l'exemplaire destiné à être conservé par l'emprunteur, lequel est bien pourvu d'un bordereau de rétractation. Elle ajoute que seul l'exemplaire remis à l'emprunteur doit comporter une telle clause et non celle conservée par le prêteur qui par définition ne pourrait s'en servir.

Elle soutient avoir valablement mis en 'uvre la déchéance du terme par l'envoi d'une mise en demeure préalable et à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la déchéance du terme n'était pas acquise, elle rappelle que la clause résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques et que M. [Z] [T] a commis des manquements graves à son obligation de remboursement devant conduire au prononcé de la résolution judiciaire du contrat.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [Z] [T] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 22 février 2023 délivré à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 14 mai 2024.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 14 mai 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 06 juin 2024.

Le 5 juin 2024, la société Cofidis a fait parvenir une note dans laquelle elle indique ne pas être en mesure de produire la preuve de la remise de la FIPEN et s'en rapporter sur la déchéance du droit aux intérêts.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 28 août 2019 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Cofidis au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le bordereau de rétractation

Il résulte de l'article L. 312-21 du code de la consommation qu'afin de faciliter l'exer-cice par l'emprunteur de son droit de rétractation, "un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit", lequel doit aux termes de l'article R. 312-9 du même code être établi conformément à un modèle type et ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur.

Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 312-21, il est déchu du droit aux intérêts.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires

En l'espèce, il ressort de l'exemplaire de contrat en possession de la société Cofidis, que par une mention pré-imprimée de l'offre préalable acceptée par M. [Z] [T], ce dernier a reconnu rester en possession d'un exemplaire du contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation. L'exemplaire "prêteur" produit est dépourvu de bordereau de rétractation.

A hauteur d'appel, la société Cofidis produit en sa pièce n° 1, l'exemplaire "contrat à conserver" du prêteur lequel est bien pourvu d'un bordereau détachable de rétractation.

Ceci démontre suffisamment que l'exemplaire de contrat soumis à validation de M. [Z] [T] était pourvu d'un bordereau détachable de rétractation.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments le respect par le prêteur de ses obligations dans le cadre du présent litige et que c'est à tort que le premier juge a retenu une déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement.

La fiche d'informations précontractuelles

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, la production de la FIPEN remplie par le prêteur ne saurait suffire à corroborer cette clause à la différence du bordereau de rétractation qui doit être remis vierge, car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective à M. [Z] [T] non représenté en appel, de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la société Cofidis qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée par M. [Z] [T] ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur la déchéance du terme et les sommes dues

La société Cofidis produit en sus de l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'historique de prêt, le tableau d'amortissement, la mise en demeure avant déchéance du terme du 7 avril 2022 enjoignant à M. [Z] [T] de régler l'arriéré de 3 409,50 euros sous 8 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 18 avril 2022 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que la société Cofidis se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 30 000 euros la totalité des sommes payées soit 8 333,04 euros.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. [Z] [T] à payer la somme de 21 666,96 euros.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 312-39 du code de la consommation. La société Cofidis doit donc être déboutée sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 5,75 %.

Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal significativement inférieurs à ce taux conventionnel ne le seraient plus si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme soit le 18 avril 2022 sans majoration de retard, le jugement étant complété sur ce point.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [Z] [T] aux dépens de première instance et a rejeté la demande de la société Cofidis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société Cofidis qui succombe conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Ecarte la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Cofidis ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/20789
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.20789 ?
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