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26/06/2024 | FRANCE | N°22/04768

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 26 juin 2024, 22/04768


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 26 JUIN 2024



(n° 2024/ 140 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04768 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFM4Q



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY RG n° 2021F00478





APPELANTE



La compagnie GAN ASSURANCES, société anonyme régie par le Code des assurances au capi

tal de 193.107.400 euros, représentée par ses dirigeants sociaux, dûment habilités à cet effet et domiciliés en cette qualité audit siège ;

[Adresse 3]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

(n° 2024/ 140 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04768 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFM4Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY RG n° 2021F00478

APPELANTE

La compagnie GAN ASSURANCES, société anonyme régie par le Code des assurances au capital de 193.107.400 euros, représentée par ses dirigeants sociaux, dûment habilités à cet effet et domiciliés en cette qualité audit siège ;

[Adresse 3]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 542 06 3 7 97

Représentée par Me Guillaume ANQUETIL de l'AARPI ANQUETIL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0156, plaidant par Me Maxime BERTRAND, Cabinet ANQUETIL, avocat au barreau de PARIS, toque D0156

INTIMÉE

S.A.R.L. HAIR [Localité 5] société à responsabilité limitée, au capital de

7 622,45 euros, agissant poursuite et diligence de ses représentants légaux, demeurant et domicilié en cette qualité au dit siège.

Centre commercial Millénaire,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro : 410 51 0 5 23

Représentée par Me Pascal TRILLAT, association TRILLAT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0524, plaidant par Me Caroline SCOZZARO, Association TRILLAT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0524

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme FAIVRE, Présidente de Chambre

M. SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [E], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame POUPET

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition. .

*****

La société HAIR [Localité 5], appartenant au groupe PROVALLIANCE, spécialisé dans le secteur de la coiffure, exploite un salon de coiffure au sein du centre commercial « LE MILLENAIRE 19 » à [Localité 5] (93), sous l'enseigne « Franck PROVOST ».

Elle est couverte par un contrat d'assurance OMNIPRO auprès de la compagnie GAN ASSURANCES.

À la suite des arrêtés ministériels des 14 et 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, elle a procédé à une déclaration de sinistre et sollicité le bénéfice de l'extension de la garantie Pertes d'exploitation stipulée au dispositions particulières du contrat d'assurance.

La compagnie GAN ASSURANCES a refusé toute indemnisation au motif que les conditions de la garantie n'étaient pas réunies.

Par acte du 19 février 2021, la société HAIR [Localité 5] a assigné l'assureur devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins notamment de voir juger que les conditions de la garantie étaient réunies, condamner l'assureur au paiement d'une somme provisionnelle à ce titre, ordonner une expertise aux fins d'évaluer la perte d'exploitation subie et condamner l'assureur à lui payer des dommages-intérêts pour résistance abusive, outre les frais irrépétibles.

Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- reçu la société HAIR [Localité 5] en ses demandes, les a dits partiellement fondées, y a fait partiellement droit et a :

- condamné le GAN à lui payer les sommes suivantes :

* 23 941 euros au titre de l'indemnisation pour pertes d'exploitation,

* 2 000 euros pour résistance abusive,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 70,91 euros TTC (dont 11,82 de TVA).

Par déclaration électronique du 1er mars 2022, enregistrée au greffe le 17 mars 2022, la SA GAN ASSURANCES a interjeté appel du jugement en intimant la société HAIR [Localité 5] et en mentionnant dans la déclaration que l'appel tend à la réformation du jugement en ses divers chefs expressément critiqués dans ladite déclaration.

Par conclusions d'appelante n° 4 notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, la SA GAN ASSURANCES demande à la cour , au visa des dispositions de la police n° 061272379 souscrite par la société PROVALLIANCE auprès de la société GAN ASSURANCES et de la jurisprudence visée de :

- recevoir la compagnie GAN ASSURANCES en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

A TITRE PRINCIPAL

INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

* dit que la garantie était mobilisable et l'a condamnée à verser la somme de 23.941 euros au titre de l'indemnisation pour pertes d'exploitation ;

* fait droit à la demande de la société HAIR [Localité 5] à l'encontre de la compagnie GAN ASSURANCES en réparation du prétendu dommage causé par la prétendue résistance abusive de l'assureur ;

* rejeté la demande de la compagnie GAN ASSURANCES formé à l'encontre de la société HAIR [Localité 5] de lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau,

- débouter la société HAIR [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société HAIR [Localité 5] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

- condamner la société HAIR [Localité 5] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- condamner la société HAIR [Localité 5] en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, en application des dispositions des articles 695 et 699 du code de procédure civile,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

* statué ultra petita et au mépris du principe du contradictoire prononçant la condamnation de la compagnie GAN ASSURANCES à une indemnisation forfaitaire de 23 941 euros au titre de l'indemnisation pour perte d'exploitation, non demandée par la société HAIR [Localité 5] ;.

* fait droit à une indemnité pour perte d'exploitations de la société HAIR [Localité 5] sans prendre en compte les aides de l'Etat versées, ni les facteurs extérieurs et intérieurs au sens du contrat;

Statuant de nouveau,

- débouter la société HAIR [Localité 5] de sa demande de provision et des frais irrépétibles, et au titre de la prétendue résistance abusive de la compagnie GAN ASSURANCES.

Par conclusions d'intimée n° 2 notifiées par voie électronique le 15 février 2023, la SARL HAIR [Localité 5] demande à la cour, au visa de l'article L. 113-5 du code des assurances, de les articles 1103 et 1190 du code civil, de l'arrêté du 15 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, de la jurisprudence citée, de la police d'assurance n° 061272379-10, des pièces versées aux débats, de :

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

' reçu la société HAIR [Localité 5] en ses demandes, les dit partiellement fondées, y fait partiellement droit et :

' condamné le GAN à lui payer les sommes suivantes :

- 23 941 euros au titre de l'indemnisation pour perte d'exploitation

- 2 000 euros pour résistance abusive

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 70,91 euros TTC (dont 11,82 euros de TVA)

- débouter la compagnie GAN ASSURANCES de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la compagnie GAN ASSURANCES à verser à la société HAIR [Localité 5] la somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive ;

- condamner la compagnie GAN ASSURANCES à verser à la société HAIR [Localité 5] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la compagnie GAN ASSURANCES à payer à la société HAIR [Localité 5] les entiers dépens d'instance et d'appel.

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutient de son appel le GAN sollicite l'infirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :

- la clause litigieuse, qui figure dans les dispositions particulières a été négociée spécialement pour répondre aux besoins des sociétés du groupe PROVALLIANCE et ne figure pas dans un contrat d'adhésion ; la règle issue de l'article 1190 du code civil ne peut s'appliquer en l'espèce, d'autant que cette clause est parfaitement claire ; au contraire, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier qui est en l'espèce PROVALLIANCE ; l'article L. 211-1 du code de la consommation n'est pas applicable puisqu'il concerne « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs » ; en l'espèce, le groupe PROVALLIANCE, souscripteur du contrat pour le compte de 175 salons de coiffure, ne peut pas revendiquer la qualité de « consommateur » ;

- contrairement à d'autres polices (notamment concernant des restaurateurs), l'extension de garantie invoquée ne couvre pas la fermeture administrative du salon de coiffure mais constitue une garantie très spécifique attachée aux conséquences de la situation du centre commercial où se trouve le salon; les conditions de garantie ne sont pas régies par l'article L. 113-1 du code des assurances et c'est à l'assuré qu'incombe la charge de prouver que ces conditions sont réunies ;

- le centre commercial dans lequel est situé le salon de coiffure de l'intimée qui avait le droit d'accueillir du public, est resté ouvert, l'hypermarché, la pharmacie, et le E CLOPE STORE, sont notamment restés ouverts ; le centre commercial abritant ces commerces n'a donc pas fermé ses portes et il ne peut en conséquence être allégué qu'il a fait l'objet d'une fermeture administrative à la suite d'une décision d'une autorité publique ou sanitaire compétente ; la première condition de garantie n'est dès lors pas remplie ;

- dans la mesure où la clause du contrat exige expressément une impossibilité ou des difficultés matérielles, il appartient à l'intimée d'en justifier et de prouver que la galerie commerciale a été matériellement fermée, ce qui a empêché l'accès matériel aux commerces s'y trouvant (dont le salon) ;. en effet, si la galerie commerciale est restée accessible, et qu'il était matériellement possible d'accéder au salon, la condition de garantie n'est pas remplie ;

- en tout état de cause, le salon de coiffure de la société intimée n'était donc ni impossible d'accès, ni difficilement accessible puisque tous les clients se rendant à l'hypermarché et aux autres commerces ouverts de la galerie commerciale pouvaient facilement y accéder;

- le GAN est fondé à résilier le contrat à l'échéance annuelle, conformément aux dispositions de l'article 46 des Conditions Générales et de l'article L. 113-12 du code des assurances ;

- la garantie n'est accordée qu'à condition de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre la perte de chiffre d'affaires et l'impossibilité matérielle d'accès à l'établissement liée à la mesure frappant le centre commercial ; en l'espèce, en l'absence de mesure administrative frappant le Centre Commercial (à la supposer existante) le salon de coiffure n'aurait pu accueillir des clients et réaliser un chiffre d'affaires ; la baisse de chiffre d'affaires invoquée ne résulte donc pas de la prétendue impossibilité matérielle d'accès par suite de la fermeture alléguée du centre commercial; elle résulte d'une situation qui n'est pas l'objet de la couverture, à savoir la fermeture administrative du salon lui-même ;

- le tribunal a effectué une confusion entre fermeture administrative du centre commercial et interdiction d'accueil de la clientèle ; il a dénaturé la clause du contrat ; il n'a pas caractérisé la condition essentielle de l'impossibilité ou des difficultés matérielles d'accès ; il a éludé la question du lien de causalité entre la perte d'exploitation et l'impossibilité ou les difficultés matérielles d'accès aux salons de coiffure ; enfin, il a statué ultra petita en allouant une indemnisation supérieure à la simple demande de provision formulée.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :

- les conditions de mobilisation de la garantie sont réunies en l'espèce ;

- il s'agit d'une extension de la garantie « Pertes d'exploitation», qui s'applique par dérogation aux dispositions générales du contrat souscrit ; dans la mesure où il s'agit d'étendre une garantie, il serait paradoxal d'en restreindre la portée par une lecture conditionnée, donc restrictive ;

- les centres commerciaux ont été frappés par les arrêtés de fermeture des 14 et 15 mars 2020 sur l'ensemble du territoire français ; à l'instar de l'ensemble des centres commerciaux situés sur le territoire français, le centre commercial dont fait partie son salon de coiffure a été frappé par un arrêté de fermeture administrative ; l'exception autorisant les quelques commerces essentiels à ouvrir ne peut rendre caduque l'arrêté de fermeture frappant les centres commerciaux dans sa globalité ;

- l'impossibilité d'accès n'a nul besoin d'être matérielle pour donner lieu à la mobilisation de la garantie : en l'espèce, il existait une impossibilité légale d'accès, inhérente aux arrêtés susvisés ; pour le reste, la fermeture administrative était bien en vigueur, interdisant l'accès de la clientèle aux locaux commerciaux non exonérés ;

- peu importe que le salon de coiffure ait également été visé par un arrêté de fermeture dès lors que la condition posée par la police d'assurance tendant à la fermeture du centre commercial hébergeant le salon de coiffure était bien réunie en l'espèce ; elle démontre bien un lien de causalité entre l'impossibilité d'accès au centre commercial et les pertes enregistrées par son salon de coiffure ;

- le contrat a été rédigé par le GAN et son en-tête est seule présente sur le contrat d'assurance ; en conséquence, la police souscrite par le groupe PROVALLIANCE doit être qualifiée de contrat d'adhésion ; l'extension qui aurait été demandée par « l'entreprise PROVOST » ne porte en aucun cas sur l'étendue, la portée ou le montant des garanties ; le GAN, professionnel de l'assurance et seul rédacteur de cette garantie, a perçu des cotisations supplémentaires pour garantir son assurée d'une garantie supplémentaire et a choisi d'ajouter cette clause et de la rédiger de cette manière précise de manière à s'aligner sur la concurrence et de ne pas perdre ce client ; les sociétés du groupe PROVALLIANCE ne sont que des professionnels de la coiffure ;

- la pluralité des décisions rendues dans des affaires similaires à l'aune de la police d'assurance litigieuse est la preuve, de manière purement objective, du caractère ambigu des termes de l'extension de la garantie litigieuse ; or, si l'une des clauses d'un contrat d'assurance se révèle ambiguë, le juge doit retenir l'interprétation la plus favorable à l'assuré.

Sur ce,

Sur la mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation

Aux termes de l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L'article 1104 de ce même code ajoute que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi . Cette disposition est d'ordre public ».

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Par ailleurs, l'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement qui a produit l'extinction de son obligation.

En matière d'assurance, il appartient à l'assuré, qui sollicite l'application de la garantie, d'établir que le sinistre répond aux conditions de cette garantie et à l'assureur, qui invoque une cause d'exclusion de garantie, d'établir que le sinistre répond aux conditions de l'exclusion.

Il résulte des dispositions particulières du contrat d'assurance (police OMNIPRO) souscrit par le groupe PROVALLIANCE pour le compte de différents exploitants de salon de coiffure, parmi lesquels la société HAIR [Localité 5], qu'une extension de garantie a été souscrite pour les pertes d'exploitation en ces termes :

« Extension pertes d'exploitation suite à impossibilité d'accès à vos locaux :

Par dérogation aux dispositions générales du présent contrat, la garantie pertes d'exploitation est étendue à l'interruption ou à la réduction de votre activité professionnelles lorsqu'elle résulte d'une impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès à votre établissement sans dommage à celui-ci à la suite de :

[...]

- la fermeture administrative du centre commercial hébergeant vos locaux, résultant d'une décision d'une autorité publique ou sanitaire compétente ».

Il résulte clairement de cette clause que la mobilisation de la garantie suppose une interruption ou réduction d'activité résultant d'une impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès aux locaux de l'assuré faisant elles-mêmes suite à une fermeture administrative du centre commercial hébergeant de tels locaux.

Sont en l'occurrence discutées l'impossibilité d'accès aux locaux et la fermeture administrative du centre commercial les hébergeant, de même que l'existence d'un lien de causalité entre ces évènements et l'interruption d'activité invoquée, étant rappelé qu'il incombe à l'assuré d'établir la réunion des conditions d'application de la garantie litigieuse.

Par arrêtés ministériels des 14 et 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre le propagation du virus de la covid 19, les magasins de vente et centres commerciaux (catégorie M) se sont vus interdire la possibilité d'accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020, date ensuite reportée au 11 mai 2020, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes, de même que pour celles figurant en annexe de l'arrêté du 15 mars 2020 , soit notamment celles exercées dans les magasins multi-commerces, les hypermarchés, les commerces de détail de journaux et papeterie en magasin spécialisé, les commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé ou encore les commerces de détail de produits pharmaceutiques en magasin spécialisé.

De telles mesures gouvernementales n'ont pas entraîné la fermeture administrative du centre commercial hébergeant le salon de coiffure de l'intimée mais uniquement l'interdiction d'accueillir du public au sein du salon, interdiction du reste relative au regard du maintien des activités de livraison et de retraits de commandes mais aussi de celles prévues à l'annexe précitée, lesquelles étaient effectives dans le centre commercial hébergeant l'établissement concerné par le présent litige.

Il s'ensuit que la condition tenant à l'existence d'une fermeture administrative du centre commercial hébergeant les locaux assurés fait défaut, ce qui suffit à écarter le jeu de la garantie.

La cour relève au surplus que la clause portant garantie des pertes d'exploitation soumet sa mobilisation au cas « d'impossibilité ou de difficultés matérielles d'accès » à l'établissement exploité. Il ressort de la lecture de cette clause que tant l'impossibilité que les difficultés d'accès doivent être matérielles, l'adjectif se rapportant manifestement aux deux cas de figure, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter le contrat.

Or, l'intimée ne justifie d'aucune entrave matérielle totale ou partielle à l'accès à son salon de coiffure. Il résulte des pièces produites que le centre commercial hébergeant le salon de coiffure comportait un hypermarché et d'autres commerces dont l'activité a été maintenue pendant la première période de confinement en vertu de l'annexe précitée. Une telle poursuite d'activité a permis au public de déambuler dans le centre commercial concerné, sans que soit caractérisée une impossibilité matérielle d'accès au salon de coiffure.

Enfin la résiliation du contrat d'assurance à laquelle l'assureur a procédé après la déclaration de sinistre régularisée ne saurait s'analyser en un aveu de ce dernier du caractère mobilisable de la garantie puisque pour les motifs précités, elle ne l'est pas.

Il résulte de tout ce qui précède que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a admis la garantie de l'assureur et alloué une indemnité à ce titre.

Il est rappelé que la présent arrêt infirmatif constitue un titre permettant d'obtenir la restitution des sommes versés en exécution du jugement, sans qu'il soit nécessaire d'énoncer un chef de dispositif en ce sens.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné le GAN ASSURANCES aux dépens et à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu'en cause d'appel. Les parties seront déboutées de cette demande.

La société HAIR [Localité 5], qui succombe, supportera les dépens de prmière instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société HAIR [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes, y compris relatives aux frais irrépétibles ;

Condamne la société HAIR [Localité 5] en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, en application des dispositions des articles 695 et 699 du code de procédure civile ;

Déboute le GAN ASSURANCES de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Rejette toutes autres demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/04768
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.04768 ?
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