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21/06/2024 | FRANCE | N°23/17265

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 21 juin 2024, 23/17265


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 21 JUIN 2024



(n° / 2024, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17265 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CINKC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 octobre 2023 -Tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 2023006962





APPELANT



Monsieur [D] [U]

Né le [Date naissance 1] 1956 à [

Localité 7] (77)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 7]



Représenté et assisté de Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 038,




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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 21 JUIN 2024

(n° / 2024, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17265 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CINKC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 octobre 2023 -Tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 2023006962

APPELANT

Monsieur [D] [U]

Né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 7] (77)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté et assisté de Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 038,

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. GARNIER-[L], prise en la personne de Maître [E] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise individuelle

M. [D] [U], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 535 080 295, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Meaux en date du 13 octobre 2023,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 478 547 243,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J094,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 avril 2024, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [N] [B] dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François Vaissette, avocat général, qu a fait connaître son avis écrit le 18 décembre 2023 et ses observations orales lors de l'audience.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

M.[D] [U] exploite sous le régime de l'entreprise individuelle un fonds de commerce de bar-restauration à l'enseigne La [8] et un fonds de commerce Le Diplomate sis à [Localité 7].

Sur requête du ministère public et par jugement du 26 septembre 2022, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M.[U]. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 23 janvier 2023, mais par arrêt du 12 juillet 2023, la présente cour a dit n'y avoir lieu à conversion et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Meaux pour la suite des opérations de redressement judiciaire en fixant une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois.

Par jugement du 13 octobre 2023, le tribunal a mis fin à la période d'observation, converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, désigné la SELARL Garnier Philippe et [L] [E] en la personne de Maitre [L] en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 23 octobre 2023, M.[U] a relevé appel de cette décision en intimant la SELARLGarnier-[L], ès qualités, et le ministère public.

Par ordonnance du 21 décembre 2023, le délégataire du premier président a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 mars 2024, M.[U] sollicite le rabat de la clôture intervenue le 12 mars 2024 demande à la cour de le recevoir en son appel, le déclarer bien fondé, infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé sa liquidation judiciaire, juger que la procédure de redressement judiciaire reprendra son cours et statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 avril 2024, la SELARL Garnier-[L] prise en la personne de Maître [L], ès qualités de liquidateur judiciaire, demande également à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture, de débouter M.[U] de ses demandes fins et conclusions, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement en cas d'infirmation de la liquidation judiciaire, mettre à la charge de M.[U] les frais de justice liés à la présente procédure et à la procédure de liquidation judiciaire, dont les frais de greffe et honoraires du liquidateur et statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans son avis notifié le 15 décembre 2023, le ministère public demande à la cour, sauf production pour l'audience d'une comptabilité récente certifiée par un expert-comptable avec une attestation de ce dernier indiquant que M.[U] est à jour de ses déclarations fiscales et sociales et que le contentieux avec la société Enedis a pu être régularisé, de confirmer le jugement ayant converti son redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

SUR CE

- Sur le rabat de l'ordonnance de clôture

Par conclusions du 15 mars 2024, M.[U] a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture du 12 mars 2024 pour production de nouveaux éléments. Le liquidateur judiciaire a reconclu le 17 avril 2024 en produisant de nouvelles pièces et s'est associé au rabat de la clôture. En accord avec les parties, il ya lieu de rabattre l'ordonnance de clôture du 12 mars 2024 et de fixer la clôture au jour de l'audience afin d'accueillir les nouvelles pièces produites de part et d'autre.

- Sur la conversion du redressement en liquidation judiciaire

L'article L.631-15, II du code de commerce dispose que " à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ".

M.[U] soutient qu'il est capacité de mettre en oeuvre un plan de redressement, que les locaux sont assurés, que l'établissement Le Diplomate à [Localité 7] n'a pu être réouvert que le 3 octobre 2023 avant d'être aussitôt refermé par le jugement dont appel, que la proposition de plan de continuation actualisée au 15 mars 2024 s'inscrit dans le prévisionnel de développement de l'entreprise, que la dette locative invoquée par les consorts [I] est contestée depuis l'origine, qu'il ne peut s'agir que d'indemnités d'occupation et non pas de loyers, dont la valeur est affectée d'un coefficient d'abattement de l'ordre de 30%, qu'un accord est recherché avec les bailleurs pour ces locaux, que s'agissant du fonds La [8], un accord a été pris avec la SCI Gorkem, bailleresse et est exécuté, que le bilan de l'exercice 2022 fait état d'un passif de 130.069 euros incluant la dette à l'égard de la SCI Gorkem.

Il ajoute, que contrairement à ce que soutient le liquidateur il était bien en règle avec l'Urssaf, MM.[F] et [W] qu'il a embauchés ayant fait l'objet après sa réinscription de déclarations préalables à l'embauche, que s'il a disposé en caisse d'une somme de 44.588,93 euros qui n'apparaissait pas sur son compte bancaire, c'est parce qu'il était en attente d'un terminal de carte bancaire et que compte tenu de l'urgence à reprendre l'exploitation, il a dû débuter en fonctionnant avec des espèces pour payer ses fournisseurs, que toutes les factures seront intégrées à la comptabilité, que la fraude à l'électricité dont se prévaut Enedis pour un montant de 10.648,96 euros ne le concerne aucunement, que les branchements sauvages concernent un appartement au 1er étage qu'il n'occupe plus depuis plusieurs années, ce logement ayant été restitué au bailleur et qu'il est possiblement squatté, les compteurs étant accessibles de l'extérieur. S'agissant de la procédure pénale en cours, il fait valoir que la cour d'appel a supprimé du contrôle judiciaire l'interdiction de gérer, qu'en tout état de cause l'administrateur judiciaire peut se voir confier une mission de pleins pouvoirs.

Le liquidateur judiciaire conteste la capacité de M.[U] à redresser sa situation financière, arguant que les comptes produits ne sont ni exhaustifs, ni fiables, que M.[U] ne s'est pas réinscrit à l'Urssaf depuis sa première liquidation alors qu'il a employé des salariés à compter de mai 2023, qu'il dispose d'une somme en caisse de 44.588,93 euros qu'il n'a pas remis en banque, que ses explications sur l'attente d'un terminal de carte bancaire ne justifient pas l'absence de dépôt des espèces sur le compte bancaire, qu'il s'agit là d'un mode anormal de gestion, que la société Enedis fait état d'une fraude sur le compteur du restaurant la Marquise (10.648,96 euros) dans le but d'éviter que l'énergie utilisée soit enregistrée sur le compteur, qu'il a été condamné le 3 avril 2024 à une interdiction de gérer de 3 ans avec exécution provisoire, que de nouvelles dettes ont été créées à hauteur de 46.549,51 euros (consorts [I] Enedis/ Urssaf/ SCI Gorkem), que la trésorerie disponible de 6.018,54 euros ne permet pas de poursuivre l'activité, enfin, que le bail consenti par les consorts [I] a été résilié le 6 mars 2024.

Dans le précédent arrêt du 12 juillet 2023 ayant maintenu M.[U] en redressement judiciaire, la présente cour avait pris en compte:

- le fait que l'activité du bar-restaurant la [8] avait pu être reprise en avril 2023 et que la réouverture de l'établissement Le Diplomate était envisagée pour mi-mai 2023,

- la situation locative suivante: 1) concernant les locaux de l'établissement La [8], un échéancier avait été conclu avec la SCI Gorkem, bailleresse, pour apurer un arriéré de 14.260 euros, M.[U] étant présenté comme à jour des loyers au

21 février 2023, 2) s'agissant des locaux de l'établissement Le Diplomate repris par M.[U], les consorts [I], bailleurs avaient obtenu par ordonnance de référé du

19 octobre 2022, la condamnation de M.[U] au paiement d'une provision de 27.258 euros au titre de l'arriéré d'indemnité d'occupation au 1er juin 2022 (compte tenu des incertitudes existant alors sur le titulaire de la reprise du fonds de commerce), outre une indemnité d'occupation de 1.600 euros à compter du 1er juillet 2022, un appel ayant été interjeté à l'encontre de cette décision.

Il ressort désormais des pièces produites par le liquidateur, s'agissant de l'établissement Le Diplomate, que le bailleur s'est plaint en décembre 2023 que depuis

3 ans la situation ne trouvait pas de solution concrète, M.[U] proposant des solutions de sortie de crise 'qu'il ne respecte jamais', que les consorts [I] ont en conséquence saisi le juge-commissaire d'une requête en constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs à laquelle par ordonnance du 6 mars 2024 le juge-commissaire a fait droit relevant l'existence d'un arriéré locatif de près de 27.000 euros depuis septembre 2022. M.[U] a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance, l'instance étant pendante devant le tribunal de commerce. Quant à la SCI Gorkem, ayant donné à bail les locaux de l'établissement La [8], elle a fait délivrer le 9 avril 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 7.921,82 euros correspondant aux loyers de décembre 2023 à avril 2024 et à la taxe foncière 2023, ce qui laisse penser, indépendamment du respect ou non de l'échéancier antérieur, que M.[U] n'est pas à jour des loyers courants depuis plusieurs mois. Il s'ensuit que la situation locative est particulièrement critique et que c'est à juste titre que le liquidateur fait état de l'apparition d'un nouveau passif, notamment locatif. La circonstance que M.[U] n'a été en capacité de ré-ouvrir l'établissement Le Diplomate que le 3octobre 2023, puis que le commerce est fermé depuis le jugement dont appel, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ayant été rejetée, soit avec un décalage de plusieurs mois par rapport à ses prévisions, n'affecte pas ce constat.

Par ailleurs, il existe désormais un empêchement personnel de M.[U] à gérer une activité commerciale au regard des poursuites pénales dont il fait l'objet.

S'il avait précédemment obtenu la suspension de la mesure du contrôle judiciaire lui faisant interdiction de gérer, le liquidateur justifie que depuis, il a été condamné, le

3 avril 2024, par le tribunal correctionnel de Meaux pour travail dissimulé à l'égard d'une salariée (relaxé des poursuites concernant deux autres salariés) et pour banqueroute (tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière et détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif) à des jours-amendes et surtout à une interdiction de gérer de 3 ans assortie de l'exécution provisoire.

Ainsi, quand bien même il y aurait appel de cette condamnation, M.[U] n'est pas en capacité d'exercer son activité commerciale et ce pour une durée indéterminée. Confier une mission de gestion complète à l'administrateur judiciaire, comme le suggère M.[U], n'est pas envisageable, en ce que non seulement la nécessité de pourvoir au remplacement de M.[U] le serait pour une durée qui n'est pas déterminable et surtout générerait des honoraires de l'administrateur judiciaire s'ajoutant aux charges habituelles, dont il n'est pas établi que l'entreprise, qui ne fait déjà pas face à toutes ses charges locatives, et qui ne dispose que d'une trésorerie de l'ordre de 6.000 euros, est en mesure de supporter.

Plus de 20 mois se sont écoulés depuis l'ouverture du redressement judiciaire.Les éléments intervenus au cours de ce délai ne permettent pas de considérer que M.[U], qui est en l'état privé du droit de gérer, qui n'a aucune assurance de conserver la jouissance des locaux dans lesquels il exploite les deux établissements, et dont les comptes manquent de fiabilité, est en mesure de se redresser pour apurer un passif qui n'est pas inférieur à 146.000 euros Il s'ensuit que la conversion du redressement en liquidation judiciaire sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

Révoque l'ordonnance de clôture du 12 mars 2024 et fixe la date de la clôture au jour des débats devant la cour le 23 avril 2024,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 23/17265
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;23.17265 ?
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