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19/06/2024 | FRANCE | N°22/19837

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 19 juin 2024, 22/19837


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° 2024/ , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19837 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGX4C



Décisions déférées à la Cour :

Arrêt du 28 Septembre 2022 - Cour de Cassation - pourvoi n° J21-15.019

Arrêt du 24 Novembre 2020 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 3 Chambre 5 - RG n°19/05677

Jugement du 31 Janvier 2019 - Tribunal

de grande instance de PARIS - RG n° 17/05565





APPELANT



Monsieur [L] [J]

né le 12 Août 1970 à [Localité 5] (SÉNÉGAL)

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° 2024/ , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19837 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGX4C

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt du 28 Septembre 2022 - Cour de Cassation - pourvoi n° J21-15.019

Arrêt du 24 Novembre 2020 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 3 Chambre 5 - RG n°19/05677

Jugement du 31 Janvier 2019 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 17/05565

APPELANT

Monsieur [L] [J]

né le 12 Août 1970 à [Localité 5] (SÉNÉGAL)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Iliane CABRAL de BRITO, substituant Me Christelle MONCONDUIT, avocats au barreau du VAL d'OISE

INTIMÉ

LE MINISTERE PUBLIC représenté par Monsieur le Procureur Général

[Adresse 2]

[Localité 3]

non représenté à l'audience, ayant déposé des conclusions écrites le 20 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

M. Bertrand GELOT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Bertrand GELOT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Le 16 juillet 2002, M. [L] [J], se disant né le 12 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal), et marié depuis le 11 octobre 1997 à Mme [O] [X], a souscrit une déclaration de nationalité française en application de l'article 21-2 du code civil, en vue de l'acquisition de la nationalité française après quatre années de mariage avec un conjoint de nationalité française, devant le juge du tribunal d'instance de Pontoise (Val d'Oise), qui l'a enregistrée le 5 juin 2003 sous le numéro 11656/03, dossier 2002DX01804.

Le 29 janvier 2004, une ordonnance de non-conciliation a été rendue à la suite d'une requête en divorce introduite devant le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Pontoise. Le divorce a été prononcé le 25 mai 2004.

Le 11 juin 2004, M. [L] [J] s'est remarié avec Mme [B] [E] [K], née le 6 septembre 1981 à [Localité 7] (Sénégal), de nationalité sénégalaise.

Par acte d'huissier du 16 mars 2017, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, ayant été informé le 1er mars 2017 de l'existence d'un motif de contestation de la déclaration acquisitive de nationalité, a fait assigner M. [J] aux fins de voir annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française.

Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

-constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

-déclaré le ministère public recevable et fondé en son action en contestation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J],

-annulé l'enregistrement effectué le 5 juin 2003 sous le numéro 11656/03 dossier n°2002DX01804 de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J],

-jugé que M. [L] [J], se disant né le 12 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal) n'est pas français,

-ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

-condamné M. [L] [J] aux dépens.

M. [L] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 mars 2019.

Par arrêt contradictoire rendu le 24 novembre 2020, la cour d'appel de Paris a :

-constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

-confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 31 janvier 2019,

-ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,

-condamné M. [L] [J] aux dépens.

Le 12 avril 2021, M. [L] [J] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 24 novembre 2020 rendu par la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 28 septembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a :

-cassé et annulé, sauf en ce qu'il constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

-remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée,

-laissé les dépens à la charge du Trésor public,

-dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Par déclaration de saisine du 23 novembre 2022, M. [L] [J] a saisi la cour d'appel de Paris pour voir à nouveau juger l'affaire.

M. [L] [J] a remis et notifié ses premières conclusions par RPVA le 20 janvier 2023.

Le ministère public a quant à lui remis et notifié ses premières conclusions par RPVA le 20 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 décembre 2023, M. [L] [J], appelant, demande à la cour de :

à titre liminaire,

-déclarer irrecevables les conclusions signifiées par le ministère public, le 21 mars 2023, soit un jour après l'expiration du délai impératif de l'article 1037-1, alinéas 1er et 4 du code de procédure civile, soit 2 mois à compter des notifications des conclusions de l'appelant le 20 janvier 2023 ;

sur le fond,

-constater, que le recours prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été respecté,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 31 janvier 2019 en ce qu'il :

*déclare le ministère public recevable et fondé en son action en contestation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J],

-annule l'enregistrement effectué le 5 juin 2003 sous le numéro 11656/03 dossier n° 2002DX01804 de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J],

-juge que M. [L] [J], se disant né le 12 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas français,

-ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

-condamne M. [L] [J] aux dépens,

statuant à nouveau

-juger que le ministère public n'apporte pas la preuve de la fraude alléguée au soutien de son action et le déclarer mal fondé en son action,

-débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce compris :

*de son action en contestation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J],

*de sa demande d'annulation de l'enregistrement effectué le 5 juin 2003 sous le numéro 11656/03 dossier n° 2002DX018041 de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J],

*de sa demande à voir juger que M. [L] [J], se disant né le 12 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas français,

*de sa demande au titre des dépens de l'instance,

-juger que M. [L] [J] n'a commis aucune fraude dans le cadre de sa déclaration de nationalité française,

-juger que M. [L] [J] né le 12 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal) est français,

-s'entendre condamner le Trésor public aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Christelle Monconduit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, le Ministère public, intimé, demande à la cour de :

-confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif,

-ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,

-condamner M. [L] [J] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 28 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'irrecevabilité des conclusions signifiées par le ministère public :

M. [J] demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions signifiées par le ministère public, comme étant tardives.

Il affirme que ces conclusions ont été signifiées le 21 mars 2023, soit un jour après l'expiration du délai impératif prévu par l'article 1037-1, alinéas 1er et 4 du code de procédure civile, lequel est de 2 mois à compter des notifications des conclusions de l'appelant, déposées le 20 janvier 2023 ;

Le ministère public n'a pas formulé de réponse sur cette demande d'irrecevabilité de ses conclusions.

Selon les alinéas 1er à 4 de l'article 1037-1 du code de procédure civile, « en cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration ».

En l'espèce, la déclaration de saisine de la cour d'appel de Paris a été effectuée par M. [J] le 23 novembre 2022 et les conclusions de ce dernier ont été déposées dans le délai de deux mois, le 20 janvier 2023.

Les conclusions du ministère public ont été notifiées le 20 mars 2023, puis à nouveau le 21 mars 2023.

En conséquence, c'est à tort que l'appelant indique que les conclusions du ministère public n'ont été notifiées que le 21 mars 2023, puisque la preuve est apportée du dépôt numérique desdites conclusions dès le 20 mars 2023.

Sa demande d'irrecevabilité des conclusions de l'intimé sera donc rejetée.

Sur la demande de constater le respect du recours prévu par l'article 1043 du code de procédure civile :

M. [J] sollicite la cour de constater que « le recours prévu à l'article 1043 du code de procédure civile est respecté », sans autre motif.

Le ministère public ne formule aucune observation sur ce point.

Il résulte de l'article 624 du code de procédure civile que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En outre, en vertu de l'article 625 du même code, c'est sur les points qu'elle atteint que la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

En l'espèce, la première chambre civile de la Cour de cassation a exclu de la cassation et de l'annulation la constatation de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile.

En conséquence, en conséquence des limites de la portée du renvoi après cassation, la cour n'est pas saisie de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile et l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 24 novembre 2020.

Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur la preuve de la fraude invoquée par le ministère public :

Les premiers juges ont considéré que M. [J] ne s'expliquait pas sur les déclarations de sa nouvelle épouse, déclarant avoir rencontré son mari en 2001-2002 et qu'ils s'étaient mariés le 26 septembre 2003, et qu'en conséquence, au moment où il a souscrit sa déclaration de nationalité française, il avait déjà rencontré sa future épouse et toute communauté de vie affective avait cessé entre les époux [J]/[X].

Estimant que M. [J] échouait à rapporter la preuve de l'absence de fraude, considérant que les pièces produites par ce dernier en simples photocopies en noir et blanc n'apportaient aucune garantie d'authenticité et d'intégrité, le tribunal a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française pour fraude - sinon mensonge ' prouvée, a jugé que M. [J] n'est pas français et l'a condamné aux dépens.

Après arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris, la Cour de cassation, au visa des articles 21-2 et 26-4 du code civil et de la décision n° 2012-227 QPC du Conseil constitutionnel du 30 mars 2012, a rappelé que la présomption de fraude visée au 3e alinéa de l'article 26-4 du code civil en cas de cessation de la communauté de vie dans les 12 mois de l'enregistrement de la déclaration de nationalité n'est applicable que dans les instances engagées dans les 2 ans de ladite déclaration et que dans les instances engagées postérieurement, le ministère public doit rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude.

Elle a constaté qu'en l'espèce, l'action en annulation avait été engagée plus de deux années après l'enregistrement de la déclaration de nationalité.

L'appelant demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré qu'au moment de sa déclaration de nationalité française, aucune communauté de vie affective n'existait plus entre les époux [J]/[X].

Il conteste toute fraude en faisant valoir les motifs suivants :

-s'il connaissait Mme [K] de longue date puisqu'ils sont cousins germains, son mariage avec celle-ci n'était pas prévu depuis 2002 et qu'il n'a donc pas rencontré sa future femme au moment où il a souscrit la déclaration de nationalité française ;

-l'appréciation du tribunal, puis celle de la cour d'appel, sont inexactes dès lors qu'elles sont fondées sur les déclarations de Mme [K], laquelle a expliqué, sous l'effet du stress lors de son audition individuelle par l'agent de la Préfecture, avoir rencontré son mari à [Localité 5] par téléphone, en 2001-2002, alors qu'il s'agit manifestement d'une confusion de date par celle-ci, puisque M. [J] produit un certificat de mariage délivré par l'imam de la mosquée [6] le 5 mars 2019 certifiant que le mariage coutumier entre M. [J] et Mlle [K] a été célébré le 25 septembre 2004, et non pas le 25 septembre 2003 comme l'écrit le ministère public, et qu'aux termes d'un certificat de célibat délivré par l'officier de l'état civil de la commune de [Localité 7] le 20 février 2019, aucun avis de mention de mariage concernant Mme [K] n'a été enregistré au 27 mai 2004.

Concernant la cessation de la communauté de vie avec Mme [X], l'appelant déclare qu'il a souscrit sa déclaration de nationalité dès le 16 juillet 2002, soit 18 mois avant sa séparation de Mme [X] avec laquelle il était marié depuis déjà 5 ans. Il ajoute qu'il n'avait aucun intérêt à souscrire une déclaration frauduleuse alors qu'il remplissait pleinement les critères d'une demande de naturalisation puisqu'il demeurait en France depuis une quinzaine d'années en toute régularité, était titulaire de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale depuis le 1er février 2000 au poste d'ingénieur intégration et justifiait d'une intégration exemplaire.

Il conclut que le ministère public, qui ne s'appuie que sur le court délai qui sépare son divorce et son second mariage, n'apporte pas les preuves nécessaires pour caractériser une fraude.

Le ministère public répond en se fondant essentiellement sur le rapport d'enquête relatif à la demande d'acquisition de la nationalité française par déclaration présentée par Mme [K], selon lequel cette dernière se serait mariée au Sénégal avec M. [J] en septembre 2003, soit deux mois seulement après l'enregistrement de la déclaration souscrite par ce dernier et 8 mois avant la dissolution du premier mariage, que le second mariage était prévu dès 2002, qu'aucune communauté de vie n'existait plus entre l'intéressé et sa conjointe française au jour de la souscription de la déclaration de nationalité et que c'est donc par fraude que M. [J] a acquis la nationalité française.

***

Il résulte du premier alinéa de l'article 21-2 du code civil que l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

Par ailleurs, selon l'alinéa 3 de l'article 26-4 du même code, l'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.

En l'espèce, ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation, il est constant que l'action en annulation a été engagée par le ministère public plus de deux années après l'enregistrement de la déclaration de nationalité de M. [J], en l'occurrence près de 15 ans après cette dernière, et qu'en conséquence, il incombe au ministère public de rapporter la preuve de la fraude ou du mensonge qu'aurait commis ce dernier lorsqu'il a effectué sa déclaration.

Le ministère public considère que la fraude est caractérisée du fait que le mariage avec Mme [K] serait intervenu en septembre 2003, deux mois après l'enregistrement de la déclaration de nationalité et 8 mois avant la dissolution du premier mariage.

En réalité, M. [J] produit à la cour des pièces originales, dont rien, en conséquence, ne permet de mettre en cause l'authenticité ni l'intégrité ; il s'agit, d'une part, d'une copie intégrale de l'acte de mariage avec Mme [K], célébré à la mairie de [Localité 4] (95) le 11 juin 2004, et d'autre part, d'un certificat de mariage coutumier, célébré à [Localité 7], le 25 septembre 2004, attestant ainsi que le mariage de M. [J] n'a pas été célébré en 2003 mais l'année suivante.

Par ailleurs, le ministère public prend argument d'une attestation de l'employeur de M. [J] mentionnant des congés pris entre le 2 et le 5 septembre 2003 pour en déduire qu'il s'agissait de la période au cours de laquelle ce dernier est allé se marier au Sénégal.

Cependant, si l'attestation de l'employeur confirme simplement que M. [J] était en congé entre le 2 et le 5 septembre 2003, le ministère public ne rapporte pas la preuve d'un mariage intervenu à ces dates, puisque selon les déclarations de Mme [K], ils se seraient « mariés le 26 septembre 2003, civil et religieux ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le ministère public ne rapporte pas la preuve d'une fraude de M. [J] lors de sa déclaration de nationalité française.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le ministère public fondé en son action de contestation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [J], annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité effectué le 5 juin 2003 et jugé que M. [J] n'est pas français.

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

Le ministère public échouant en ses prétentions, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor public ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par décision contradictoire, dans les limites de l'appel et en dernier ressort,

Rejette la demande de M. [L] [J] d'irrecevabilité des conclusions du ministère public ;

Infirme le jugement rendu le 31 janvier 2019 en ce qu'il a :

-déclaré le ministère public fondé en son action en contestation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J] ;

-annulé l'enregistrement effectué le 5 juin 2003 sous le numéro 11656/03, dossier n° 2002DX018041 de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J] ;

-condamné M. [L] [J] aux dépens ;

Statuant à nouveau :

Déclare le ministère public mal fondé en son action en contestation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [L] [J] ;

Juge que M. [L] [J], se disant né le 12 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal), est français en vertu de sa déclaration de nationalité française en date du 16 juillet 2002 enregistrée le 5 juin 2003 ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public ;

Confirme le jugement pour le surplus.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/19837
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.19837 ?
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