Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 18 JUIN 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06811 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOHM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 février 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/10421
APPELANT
Monsieur [X] [H] né le 29 octobre 2004 à [Localité 5] (Sénégal),
[Adresse 7]
[Adresse 7]
SENEGAL
représenté par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754
(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro c75056-2023-511537 du 11/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIME
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté à l'audience par Madame Brigitte AUGIER de MOUSSAC, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mai 2024, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Hélène FILLIOL, présidente de chambre
Madame Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Madame Marie LAMBLING, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 23 février 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté M. [Y] [H] et Mme [O] [I], agissant en qualité de représentants légaux de l'enfant [X] [H] de leurs demandes, jugé que l'enfant [X] [H], dit né le 29 octobre 2004 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil, condamné in solidum M. [Y] [H] et Mme [O] [I], en qualité de représentants légaux de l'enfant [X] [H], aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de M. [X] [H] en date du 11 avril 2023 ;
Vu les conclusions notifiées le 10 juillet 2023 par M. [X] [H] qui demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 février 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, et statuant à nouveau, dire et juger qu'il est de nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et laisser les dépens à la charge de la partie défenderesse ;
Vu les conclusions notifiées le 10 octobre 2023 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif, juger que M. [X] [H], se disant né le 29 octobre 2004 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas de nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [X] [H] aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2024 ;
MOTIFS
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 8 août 2023 par le ministère de la Justice.
Invoquant l'article 18 du code civil, M. [X] [H], se disant né le 29 octobre 2004 à [Localité 5] (Sénégal), revendique la nationalité française pour être le fils de M. [Y] [H], né le 22 août 1970 à [Localité 5] (Sénégal), lui-même français par l'effet collectif de la déclaration de nationalité française souscrite le 27 avril 1981 devant le juge d'instance du Havre, en vertu de l'article 57-1 du code de la nationalité française, par son père, [S] [H], né le 2 mai 1927 à [Localité 3] (Sénégal).
Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.
M. [X] [H] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, la délivrance lui en ayant été refusée le 27 octobre 2017 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité des français nés et établis hors de France, faute de justifier du mariage de [S] [H] au moyen d'un acte d'état civil probant.
Ni la nationalité française de [S] [H] né le 2 mai 1927 à [Localité 3], ni la filiation de l'appelant à l'égard de M. [Y] [H], qui résulte de la reconnaissance de paternité souscrite par ce dernier le 16 décembre 2011 devant l'officier de l'état civil de [Localité 6] (pièce 24 de l'appelant) ne sont contestées devant la cour.
Seuls sont discutés, le caractère certain de l'état civil de l'appelant et la nationalité française du père de ce dernier.
Il appartient donc à M. [X] [H] de justifier de la nationalité française de son père, et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».
Pour débouter M. [X] [H] de sa demande, le tribunal a retenu qu'il ne justifiait pas d'un état civil certain, faute pour son acte de naissance de mentionner, en violation des dispositions sénégalaises, la qualité du déclarant.
Pour justifier de son état civil, M. [X] [H] produit devant la cour, outre les deux copies littérales de son acte de naissance déjà versées devant le tribunal (pièces 1 et 22 de l'appelant), une nouvelle copie de son acte de naissance n°909 délivrée le 14 décembre 2022, aux termes de laquelle il est né le 29 octobre 2004 à 6h40 à [Localité 5], de M. [Y] [H] né le 22 août 1970 à [Localité 5], ouvrier, domicilié à [Localité 5], et de [O] [C] née le 23 octobre 1987 à [Localité 8], ménagère, domiciliée à [Localité 5], l'acte ayant été dressé le 18 novembre 2004 par [S] [T], officier de l'état civil du centre de [Localité 4], sur la déclaration de [B] [P] (pièce 29).
Il produit également de nouveau une attestation datée du 3 octobre 2020 de M. [B] [P] (pièce 23, la pièce 32 présentée dans le bordereau comme étant une nouvelle attestation est en réalité une photocopie de l'acte de naissance du frère de l'appelant), et pour la première fois en cause d'appel, la copie de l'acte de mariage et du livret de famille de ce dernier (pièces 30 et 31 de l'appelant).
A la lecture de ces pièces, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que M. [X] [H] ne justifiait pas d'un état civil probant. En effet, aucune des copies de son acte de naissance ne mentionne, sans que l'appelant ne s'en explique sur ce point, l'heure à laquelle l'acte n°909 a été dressé, alors qu'il s'agit d'une mention substantielle, ainsi que l'âge, la profession et le domicile du déclarant, en violation de l'article 40 alinéa 8 du code de la famille sénégalais qui dispose que « tout acte de l'état civil, quel qu'en soit l'objet, énonce l'année, le mois, le jour et l'heure où il a été reçu['] les prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant ou des témoins ». En outre, l'attestation de M. [B] [P] aux termes de laquelle il affirme être considéré, en sa qualité de cousin des parents de [X] [H], comme un « parent proche de l'enfant » et la copie de son acte de mariage et de son livret de famille ne sauraient, comme le relève justement le ministère public, pallier l'absence de mention relative à la qualité du déclarant sur l'acte de naissance, alors que l'article 51 du code susvisé fixe la liste des personnes habilitées à déclarer la naissance.
Au surplus, il n'est pas justifié de la filiation de M. [Y] [H], père de l'appelant, à l'égard de [S] [H]. M. [X] [H] produit en effet à cette fin un acte de mariage n°216 enregistré sur le registre de l'année 1985 dressé le 28 septembre 1985 sur transcription d'un jugement n°1076 du 16 mars 1984 rendu par le Tribunal départemental de Bakel, indiquant que le mariage de [S] [H] né le 2 mai 1927 à [Localité 5] avec [O] [J] a été célébré le 10 janvier 1955 à [Localité 5] (pièce 12). Comme le relève à juste titre le ministère public, cet acte de mariage est dépourvu de force probante.
En premier lieu, un acte d'état civil dressé en application d'une décision de justice est indissociable de celle-ci, dont l'efficacité, même si elle existe de plein droit, reste subordonnée à sa propre régularité internationale laquelle participe du contrôle de la force probante de l'acte d'état civil étranger dans les limites fixées par l'article 47 du code civil. Or, en l'espèce, M. [X] [H] se contente de verser d'une part, une photocopie d'un extrait des minutes de la justice de paix de Bakel (pièce 11), et d'autre part, l'original d'un extrait des minutes du greffe du tribunal d'instance de Bakel (pièce 11 bis), mais non l'intégralité de la décision- dont on en sait si elle émane du tribunal d'instance ou du juge de paix- de sorte que la cour n'est pas en mesure d'en apprécier la régularité internationale.
En second lieu, le ministère public justifie de la production par l'intéressé, à l'occasion de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française de trois autres copies d'actes de mariage comportant des mentions divergentes : le premier acte portant le n° 215 de l'année 1985, le deuxième le numéro 216 de l'année 85 et le troisième le n° 2 de l'année 2009 (pièces 4, 5 et 6), étant précisé, en outre, que le deuxième acte portant le numéro 216, versé en pièce 5 du ministère public, a été dressé à une date différente de celle mentionnée sur l'acte communiqué à la cour, soit le 22 octobre 1985, et non le 28 septembre 1985. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne saurait être justifié de telles divergences par le courrier du 7 juin 2018 de l'officier de l'état civil faisant seulement état d'une référence erronée à un acte n°215 concernant un autre couple.
Il s'ensuit que l'acte de mariage de [S] [H] est dépourvu de toute force probante, peut important à cet égard qu'il ait fait l'objet d'une transcription sur les registres de l'état civil français, une telle transcription n'ayant pas pour effet de le purger des vices dont il est atteint. Il n'est ainsi pas justifié devant la cour de la filiation de M. [Y] [H] à l'égard de [S] [H], la production du livret de famille de [S] [H] ne pouvant constituer cette preuve.
M. [X] [H] échouant à justifier devant la cour d'un état civil certain et de la nationalité française de son père, le jugement qui a constaté son extranéité est confirmé.
M. [X] [H] succombant à l'instance, est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Dit que la formalité prévue à l'article 1040 du code de procédure civile a été respectée et que la procédure est régulière ;
Confirme le jugement de première instance ;
Ordonne l'inscription de la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Condamne M. [X] [H] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE