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17/06/2024 | FRANCE | N°23/07229

France | France, Cour d'appel de Paris, Chambre 1-5dp, 17 juin 2024, 23/07229


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Chambre 1-5DP



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 17 Juin 2024



(n° , 4 pages)



N°de répertoire général : N° RG 23/07229 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPNJ



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Florence GREGORI, Greffière, lors de

s débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 20 Avril 2023 par M. [R] [N]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Lo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 17 Juin 2024

(n° , 4 pages)

N°de répertoire général : N° RG 23/07229 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHPNJ

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Florence GREGORI, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 20 Avril 2023 par M. [R] [N]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 4], élisant domicile au cabinet de Me Romain BOULET, [Adresse 2];

Comparant et assisté de Me Romain BOULET, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Constance LUKASIEWICZ ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 13 Mai 2024 ;

Entendu Me Romain BOULET, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Constance LUKASIEWICZ représentant M. [R] [N],

Entendu Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, substitué par Me Divine ZOLA DUDU, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Entendue Mme Martine TRAPERO, Avocate Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [R] [N], né le [Date naissance 1] 1988, de nationalité française, a été mis en examen des chefs de vol facilité par l'état de particulière vulnérabilité de la personne résultant de l'absorption de substances toxiques et dans un local d'habitation, recel de vol et escroquerie le 09 avril 2017, puis placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 3] par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris.

Par arrêt du 02 mai 2017, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a remis en liberté le requérant et l'a placé sous contrôle judiciaire.

Par ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel, le magistrat instructeur a renvoyé M. [N] devant la juridiction répressive du chef de vol aggravé.

Par jugement du 03 novembre 2022, la 14e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a renvoyé M. [N] des fins de la poursuite. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non appel du 24 avril 2024.

Le 20 avril 2023, M. [N] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention.

Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement à l'audience du 06 mai 2024, de :

Déclarer sa requête recevable ;

Lui allouer les sommes suivantes :

5 000 au titre de son préjudice moral ;

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA et déposées le 25 septembre 2023, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de :

A titre principal,

Constater l'irrecevabilité de la requête de M. [N] ;

Rejeter l'ensemble des demandes d'indemnisation de M. [N] au titre du préjudice moral et de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire

Fixer la juste indemnisation du préjudice moral de M. [N] à 1 600 euros ;

Réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le ministère public, dans ses dernières conclusions notifiées le 22 mars 2024 soutenues oralement à l'audience, conclut :

A titre principal,

- A l'irrecevabilité de la requête faute d'accompagner la requête d'une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement et faute de justifier du caractère définitif de celle-ci ;

A titre subsidiaire

- A la recevabilité de la requête pour une durée de 24 jours ;

- A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.

En l'espèce, M. [N] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 20 avril 2023, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive. Il a par ailleurs produit une copie de la décision de relaxe du 03 novembre 2022 de la 14e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, ainsi qu'un certificat de non appel en date du 24 avril 2024. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non appel, est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.

Par conséquent, la requête est recevable pour une détention de 24 jours, soit du 09 avril au 02 mai 2017.

Sur l'indemnisation

Sur le préjudice moral

M. [N] soutient qu'il a été profondément marqué par ses 21 jours en détention provisoire dans un établissement pénitentiaire surpeuplé et dont les conditions de prise en charge apparaissent déshumanisées. Il a été placé en détention provisoire alors qu'il s'agissait de sa première incarcération. Il a été dans l'impossibilité de maintenir des liens familiaux avec sa compagne qui était enceinte de leur premier enfant et leur mariage, prévu en avril 2017, a dû être reporté en raison de sa détention. Il a également été privé de lien avec ses deux parents et ses 5 frères et s'urs. La lourde peine encourue alors qu'il se savait innocent des faits qu'on lui reprochait a entraîné un sentiment d'angoisse et d'injustice qui lui a rendu la détention plus difficile à subir. C'est ainsi qu'il sollicite la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

L'agent judiciaire de l'Etat considère que l'existence d'antécédent judiciaire de M. [N] est de nature à minorer son choc carcéral. Il ne verse aux débats aucun élément justifiant que son mariage avec sa compagne a été reporté et était prévu en avril 2017. Il n'a pas non plus été séparé de son nouveau-né puisqu'il était en liberté au jour de sa naissance. Dans ces conditions, l'impossibilité de maintenir des liens familiaux devra être amoindri. La lourdeur de la peine encourue et la gravité des faits reprochés ne sont pas en lien direct avec la détention provisoire et ne peuvent influer sur le quantum de l'indemnisation. C'est pourquoi l'AJE propose une somme de 1 600 euros en réparation du préjudice moral du requérant.

Le Ministère public considère qu'il convient de prendre en considération la séparation d'avec sa compagne enceinte de ses 'uvres, avec laquelle il avait le projet de se marier. Cependant, en raison d'une précédente incarcération, le choc carcéral du requérant a été amoindri. Il convient d'écarter le report du mariage en raison du placement en détention qui n'est pas démontré. Il n'était pas non plus en détention au jour de l'accouchement de sa compagne. On peut cependant retenir le fait qu'il a été séparé pendant 24 jours de sa compagne qui était alors enceinte de 8 mois. Il convient également d'écarter l'aggravation du choc carcéral en raison de l'importance de la peine délictuelle encourue.

Il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [N] était âgé de 29 ans, vivait en couple, sa compagne était alors enceinte de leur premier enfant et ils avaient prévu de se marier. Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire porte trace de trois condamnations, prononcées entre février 2008 et octobre 2016, dont une à une peine d'emprisonnement ferme. C'est ainsi que le choc carcéral a été atténué.

La séparation pendant 24 jours d'avec sa compagne qui était enceinte de 8 mois est attestée, mais pas le fait qu'il n'a pas pu assister à l'accouchement de cette dernière, puisqu'il avait été libéré avant cette date-là et il n'est pas démontré que leur projet de mariage ait été retardé de 24 jours en raison de son placement en détention provisoire.

La jurisprudence admet également que lorsque sont en cause certaines infractions pour lesquelles les peines encourues sont particulièrement lourdes, la souffrance psychologique engendrée par cette mise en cause a pour conséquence une aggravation du préjudice moral.

Pour autant, M. [N] a été placé en détention provisoire pour des faits de vol aggravé pour lesquels il encourait une peine de nature délictuelle de 7 ans d'emprisonnement. Dans la mesure où il ne s'agissait pas de faits de nature criminelle, le sentiment d'angoisse de sa part n'est pas démontré et ne constitue donc pas un facteur d'aggravation du préjudice moral.

Par conséquent, au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 5 000 euros à M. [N] en réparation de son préjudice moral.

Sur les frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons recevable la requête de M. [R] [N] pour une détention d'une durée de 24 jours ;

Allouons à M. [R] [N] :

La somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

La somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons M. [R] [N] du surplus de ses demandes ;

Laissons les dépens de la présente procédure à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.

Décision rendue le 17 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Chambre 1-5dp
Numéro d'arrêt : 23/07229
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;23.07229 ?
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