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13/06/2024 | FRANCE | N°22/19615

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 13 juin 2024, 22/19615


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 13 JUIN 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19615 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXIT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de FONTAINEBLEAU - RG n° 22/00794





APPELANTE



La société CREATIS, société ano

nyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



rep...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19615 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXIT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de FONTAINEBLEAU - RG n° 22/00794

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [C] [S]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

Madame [Y] [E]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 18 janvier 2017, la société Creatis a consenti à M. [C] [S] et à Mme [Y] [E] un crédit personnel destiné au regroupement de crédits d'un montant en capital de 44 100 euros remboursable en 144 mensualités de 407,66 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 4,99 %, le TAEG s'élevant à 6,62 %.

M. [S] et Mme [E] ont déposé une demande pour bénéficier d'une procédure de surendettement auprès de la commission de surendettement de Seine-et-Marne laquelle a été déclarée recevable le 19 mars 2020 et le 16 juin 2020, un plan conventionnel de redressement de leur situation de surendettement a été élaboré lequel est entré en application le 31 janvier 2021 et a prévu le règlement de ce crédit en 7 mensualités de 25 euros suivies de 72 mensualités de 574,99 euros.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Creatis a entendu se prévaloir de la caducité du plan et de la déchéance du terme.

Par acte du 9 mai 2022, la société Creatis a fait assigner M. [S] et Mme [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fontainebleau en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 9 septembre 2022, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels depuis l'origine du contrat, écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier et a condamné M. [S] et Mme [E] solidairement au paiement de la somme de 31 892,82 euros arrêtée au 16 mars 2022 avec intérêts au taux légal à compter du jugement, dit que cette somme ne produira pas d'intérêts au taux légal majoré, débouté la société Creatis de sa demande de clause pénale et de capitalisation des intérêts, débouté Mme [E] de sa demande de délais de paiement, débouté la société Creatis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [S] et Mme [E] in solidum aux dépens.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels en application des articles L. 341-2 et L. 341-4 du code de la consommation, le juge a d'abord retenu que le document d'informations et son tableau comparatif annexé produits par la société Creatis ne respectait pas les exigences des articles L. 314-12 al.1 et R. 314-20 du code de la consommation si bien que l'organisme de crédit ne justifiait pas avoir fourni les explications suffisantes exigées par l'article L. 312-14 du même code en ne leur permettant pas de comparer les situations de remboursement résultant des différents crédits en cours et du nouveau crédit afin qu'ils puissent s'engager en toute connaissance de l'adéquation du regroupement avec leurs besoins et leur situation financière.

Il a également retenu que le contrat de crédit ne mentionnait pas les conditions et modalités selon lesquelles les emprunteurs pouvaient résilier le contrat et n'était donc pas conforme aux dispositions des articles L. 312-28 et R. 312-10 du code de la consommation.

Il a déduit les sommes versées soit 12 207,18 euros du capital emprunté et a relevé que pour assurer l'effectivité de la sanction il fallait écarter l'application des dispositions relatives à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points.

Il a enfin rejeté la demande de délais de paiement de Mme [E] au motif que sa proposition de règlement couvrait à peine 22 % de sa dette sauf à régler le solde soit 22 992,82 euros lors de la 24ème mensualité ce qu'elle ne démontrait pas être en capacité de réaliser.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 22 novembre 2022, la société Creatis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 1er février 2023, la société Creatis demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel lesquelles ne portaient pas sur le rejet de la demande de délais de Mme [E] ni la condamnation de M. [S] et Mme [E] aux dépens de première instance,

- de condamner M. [S] et Mme [E] solidairement à lui payer la somme de 41 605,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,99 % l'an à compter du 21 février 2022 date de la mise en demeure,

- subsidiairement si la déchéance du terme ne devait pas être considérée comme acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. [S] et Mme [E] à leur obligation contractuelle de remboursement du prêt et de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 41 605,11 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- à titre infiniment subsidiaire en cas de déchéance du droit aux intérêts, de condamner M. [S] et Mme [E] solidairement à lui payer la somme de 31 892,82 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 février 2022, sans suppression de la majoration de 5 points,

- de condamner M. [S] et Mme [E] solidairement à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que l'article L. 312-14 du code de la consommation qui impose au prêteur un devoir d'explication renvoie notamment à la FIPEN prévue par l'article L. 312-12 du code de la consommation sans autre précision et que ce texte est d'interprétation stricte. Elle soutient avoir produit cette FIPEN et le document d'informations propre au regroupement de créances.

S'agissant de la vérification de la solvabilité, elle indique qu'elle avait produit la fiche de dialogue et les pièces justificatives visées par l'article D. 312-8 du code de la consommation qui sont les seules qu'elle doit conserver démontrant qu'elle a bien respecté ses obligations à cet égard. Elle souligne qu'elle a consulté le FICP.

Elle indique avoir régulièrement provoqué la caducité du plan et la déchéance du terme par l'envoi d'une mise en demeure préalable impartissant un délai pour régulariser.

A titre subsidiaire, elle rappelle que la clause résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques et soutient que l'importance des impayés doit conduire la cour à considérer que M. [S] et Mme [E] ont commis des manquements graves et réitérés à leurs obligations contractuelles qui justifient le prononcé de la résolution judiciaire du contrat.

A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que seul le juge de l'exécution a le pouvoir de supprimer la majoration de 5 points car cette question relève de l'exécution puisque pour être appliquée, il faut une inexécution pendant 2 mois et que la perte des intérêts est suffisamment significative.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [S] et Mme [E] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 2 février 2023 délivré à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 23 avril 2024.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 25 avril 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 24 mai 2024.

Le 24 mai 2024 la société Creatis a fait parvenir une note dans laquelle elle relève qu'il ne résulte pas de cet arrêt que la signature de la FIPEN soit érigée en obligation mais qu'il en résulte qu'en l'absence de signature, elle doit corroborer la mention et la production de la FIPEN par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Elle indique qu'elle verse aux débats une correspondance transmise aux emprunteurs en date du 16 janvier 2017 par laquelle elle leur a transmis la liasse contractuelle complète comportant le contrat ainsi que tous les éléments exigés par le code de la consommation, notamment un bordereau de rétractation, et surtout une FIPEN, que cette liasse contractuelle personnalisée comprend, d'une part, des documents "à conserver" et, d'autre part, des documents "à renvoyer" et que les documents qui sont conservés par l'emprunteur n'ont pas à être signés, que les emprunteurs lui ont renvoyé l'exemplaire prêteur "à renvoyer" signé ainsi que la fiche de dialogue également signée et qu'il en résulte qu'en date du 16 janvier 2017, elle a transmis, et donc remis, aux emprunteurs un document complet, comportant notamment un bordereau de rétractation et une FIPEN remplie et que si elle a reçu en retour l'exemplaire "à renvoyer" signé, cela signifie que les emprunteurs ont bel et bien reçu l'intégralité du document, comprenant la FIPEN. Elle déduit du fait que les emprunteurs lui aient retourné l'exemplaire prêteur montre que ce document n'émane pas uniquement de la banque mais aussi des emprunteurs. Elle conclut donc à l'absence de déchéance du droit aux intérêts contractuels.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 18 janvier 2017 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est caractérisé par :

- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

- ou le premier incident de paiement non régularisé ;

- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;

- ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 733-1 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 733-7.

La recevabilité de l'action de la société Creatis au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, il résulte de l'historique de compte que le premier impayé non régularisé avant la mise en place du plan date du mois de mai 2020 et que suite à la mise en 'uvre du plan de surendettement, les règlements n'ont pas été appelés avant le 31 mars 2021 du fait de la société Creatis. M. [S] et Mme [E] ont réglé 7 mensualités de 25 euros mais n'ont ensuite jamais payé les mensualités de 574,99 euros, tous les règlements ayant été rejetés. Le premier impayé doit donc être fixé mois d'octobre 2021. Dès lors la banque qui a assigné le 9 mai 2022 n'est pas forclose en son action et doit être déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

La société Creatis produit non pas une liasse vierge mais la liasse qu'elle a envoyée à M. [S] et Mme [E] le 16 janvier 2017 qui comprend 56 pages qui se suivent et sont toutes numérotées sur 56, portent toutes la référence du contrat 28908000329000 qui est celui qui a été signé par M. [S] et Mme [E], comporte en première page un document intitulé "votre dossier de financement" et explique en page 2 le "mode d'emploi" du dossier de crédit qui indique ce qui doit être renvoyé, en page 3 un courrier spécialement adressé aux emprunteurs, et comprend notamment :

- en page 5 une attestation à signer par M. [S] et Mme [E] par laquelle ils attestent n'avoir versé aucune commission ni rémunération à un intermédiaire,

- en pages 7 à 9 la fiche de dialogue renseignée,

- en pages 11 à 14 la FIPEN remplie,

- en pages 15 à 17 la fiche d'informations spécifique au regroupement de crédits remplie avec les éléments concernant les emprunteurs,

- en pages 19 à 22 le contrat avec la mention "à renvoyer",

- en pages 23 à 26 le contrat avec la mention "à conserver" qui comprend un bordereau de rétractation,

- en pages 27 à 30 un second exemplaire du contrat avec la mention "à conserver" qui comprend un bordereau de rétractation,

- en pages 31 à 35 un document à signer destiné au tribunal pour une cession des rémunérations,

- en page 37 un mandat de prélèvement rempli avec les éléments fournis par M. [S] et Mme [E] à signer,

- en pages 39 à 40 un avertissement adressé à Mme [E] sur les conséquences d'une absence d'assurance,

- en page 41 un document à signer par Mme [E] par lequel elle reconnaît avoir été informée des conséquences de la non adhésion à une assurance,

- en pages 43 à 44 un avertissement adressé à M. [S] sur les conséquences d'une absence d'assurance,

- en page 45 un document à signer par M. [S] par lequel il reconnaît avoir été informé des conséquences de la non adhésion à une assurance

-en pages 47 à 52 des demandes de résiliation de contrats conclus par M. [S] et Mme [E] du fait du remboursement par le biais de ce nouveau crédit,

- en pages 53 et 54 un questionnaire,

- en pages 55 et 56 un récapitulatif 49 et 50, le recueil de besoins des emprunteurs.

M. [S] et Mme [E] ont notamment signé et renvoyé les documents suivants qui comportent tous le numéro de contrat et figurent dans cette liasse personnalisée sous la numérotation qui vient d'être exposée à savoir : l'attestation, la fiche de dialogue, l'exemplaire du contrat "à renvoyer", les courriers de mise en garde liés à l'absence de souscription d'une assurance, le mandat de prélèvement. Dès lors il doit être admis que la société Creatis a bien remis aux emprunteurs la FIPEN qu'elle produit et comporte le numéro de contrat et la numérotation 11 à 14/56 ainsi que la fiche d'information spécifique au regroupement de crédits remplie avec les éléments concernant les emprunteurs qui comporte le numéro de contrat et la numérotation 15 à 17/56.

La société Creatis verse également aux débats la notice d'assurance, le justificatif de la consultation du FICP avant la date de déblocage des fonds, la copie des pièces d'identité de M. [S] et Mme [E], d'une quittance de loyer, d'une facture d'énergie, de leur avis d'imposition 2016 sur les revenus de 2015, de leur taxe d'habitation 2016, du contrat de travail de M. [S], de ses bulletins de salaires de septembre à novembre 2016, du contrat de travail de Mme [E], d'une attestation d'un de ses employeurs, de ses bulletins de salaire de décembre 2015 et de septembre à novembre 2016.

Le contrat mentionne que l'emprunteur peut rembourser par anticipation à tout moment en partie ou en totalité, les modalités de rétractation, les cas de résiliation par le prêteur et ne souffre donc pas la critique énoncée par le premier juge, étant observé que le contrat de crédit en cause n'est ni un contrat renouvelable pour lequel il est possible à l'emprunteur de résilier à tout moment, ni un contrat affecté dont la résiliation serait liée à celle du contrat principal qu'il finance.

Enfin s'agissant du devoir d'explication, l'article L. 312-14 du code de la consommation dispose que le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 312-12. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur.

Il résulte de l'article L. 341-2 du même code que lorsque le prêteur n'a pas respecté cette obligation il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Aucune forme n'est toutefois prescrite en ce qui concerne ces explications qui s'appuient sur la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) prévue par l'article L. 312-12 du code de la consommation dont l'absence est sanctionnée par une déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-48 al.1).

La cour constate que la FIPEN est produite comme le document propre au regroupement de crédits prévu par les articles R. 314-18 à R. 314-21 du code de la consommation qui imposent à l'organisme de crédit de remettre à l'emprunteur après dialogue un document afin de garantir sa bonne information, en application de l'article L. 313-15 et de répondre à toute demande d'explication de l'emprunteur concernant ce document.

L'article R. 313-13 impose que ce document d'informations soit établi sur un support durable et comporte, présentées de manière claire et lisible en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit et mentionne les informations qui doivent y figurer.

Au nombre de ces informations figure "5° Les éléments permettant à l'emprunteur de procéder à l'évaluation du bilan économique du regroupement envisagé. Ces éléments sont présentés conformément au tableau figurant en annexe au présent article. Si le regroupement se traduit par un allongement de la durée de remboursement ou par une augmentation du coût total du crédit, le prêteur ou l'intermédiaire l'indique à l'emprunteur".

Cette annexe issue du décret 20-12609 du 30 avril 2012 mentionne bien l'obligation d'énumérer les crédits et de préciser pour chaque crédit le capital restant dû, le taux débiteur et montant des échéances.

Or la cour constate que sur ce document qui reprend les crédits qui devaient être regroupés ne mentionne pas pour chaque crédit le taux auquel il avait été souscrit, certains des crédits mentionnant que le taux n'est pas connu.

Le non-respect des dispositions susvisées en leur version applicable au litige n'est toutefois nullement sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts contractuels. En outre, dès lors que le prêteur n'est pas celui qui avait consenti les crédits destinés à être regroupés, il ne peut obtenir que les éléments qui sont versés par les débiteurs eux-mêmes.

Ce faisant, la société Creatis établit suffisamment avoir respecté son devoir d'explication et aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue de ce chef.

Aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est donc encourue et le jugement doit donc être infirmé.

Sur le montant des sommes dues

En application de l'article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

La société Creatis produit en sus de l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'historique de prêt, le tableau d'amortissement, les mises en demeure du 28 janvier 2022 enjoignant à M. [S] et Mme [E] de régler l'arriéré de 1 183,64 euros sous 15 jours à peine de caducité du plan et de déchéance du terme et celles notifiant la caducité et la déchéance du terme du 21 février 2022 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que la société Creatis se prévaut de manière légitime de la caducité du plan et de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues et qu'elle est fondée à obtenir paiement des sommes dues à la date de déchéance du terme soit :

- 1 643,97 euros au titre des échéances impayées

- 36 868,30 euros au titre du capital restant dû

- 18,45 euros au titre des intérêts échus

soit un total de 38 530,72 euros majorée des intérêts au taux de 4,99 % à compter du 21 février 2022 sur la seule somme de 38 512,27 euros.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 3 074,39 euros, apparaît excessive au regard du préjudice subi et de la situation de surendettement et doit être réduite à la somme de 1 euro et produire intérêts au taux légal à compter du 21 février 2022.

La cour condamne donc M. [S] et Mme [E] solidairement à payer ces sommes à la société Creatis.

Bien que la société Creatis ait sollicité l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande de capitalisation des intérêts, elle ne formule aucune demande de capitalisation. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il avait rejeté cette demande.

Le rejet de la demande de délais présentée par Mme [E] n'est pas critiqué à hauteur d'appel et le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [S] et Mme [E] aux dépens de première instance et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure. En revanche rien ne justifie de les condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représentés ni en première instance, ni en appel, ils n'ont jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Creatis conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, rejeté la demande de délais de paiement de Mme [Y] [E] et a condamné M. [C] [S] et Mme [Y] [E] aux dépens et a rejeté la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Creatis recevable en sa demande ;

Condamne M. [C] [S] et Mme [Y] [E] solidairement à payer à la société Creatis les sommes de 38 530,72 euros majorée des intérêts au taux de 4,99 % à compter du 21 février 2022 sur la seule somme de 38 512,27 euros au titre du solde du prêt et de 1 euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2022 au titre de l'indemnité légale de résiliation ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Creatis ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/19615
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.19615 ?
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