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13/06/2024 | FRANCE | N°22/18873

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 13 juin 2024, 22/18873


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 13 JUIN 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18873 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVGB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 octobre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/00844





APPELANTE



Madame [J] [C] née [R]

née le 23 mar

s 1955 à [Localité 9] (60)

[Adresse 5]

[Localité 9]



représentée et assistée de Me Philippe VERDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1680





INTIMÉ



Le CRÉDIT DU NORD, soc...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18873 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVGB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 octobre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/00844

APPELANTE

Madame [J] [C] née [R]

née le 23 mars 1955 à [Localité 9] (60)

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée et assistée de Me Philippe VERDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1680

INTIMÉ

Le CRÉDIT DU NORD, société anonyme

N° SIRET : 456 504 851 08780

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Marie-Christine FOURNIER GILLE du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

substituée à l'audience par Me Marie LEPOIVRE-MARCILLAT, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, société anonyme représentée par ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant en suite de la fusion-absorption intervenue en date du 01/01/2023 aux droits et obligations du CRÉDIT DU NORD, société anonyme dont le siège social est situé [Adresse 1] et le siège central [Adresse 4]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Marie-Christine FOURNIER GILLE du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

substituée à l'audience par Me Marie LEPOIVRE-MARCILLAT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Motif pris de ce que la société Crédit du nord ne l'aurait pas éclairée sur le choix de l'option fiscale qui s'offrait à elle en septembre et novembre 2019 lorsqu'elle a procédé aux rachats partiel et totaux des contrats d'assurance-vie Antarius Avenir Patrimoine n° 3111/8597795 7 et Antarius Avenir n° 3135/8651782 8 qu'elle avait souscrits par l'intermédiaire de cette banque auprès de la compagnie d'assurances Antarius, Mme [J] [C] née [R] a fait assigner la société Crédit du nord devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris lequel, par jugement contradictoire du 27 octobre 2022, a rejeté l'ensemble de ses demandes et mis les dépens à la charge de société Crédit du nord.

Après avoir relevé que la banque ne démontrait pas le bien-fondé de l'incompétence matérielle qu'elle soulevait, le premier juge a retenu que Mme [C] aurait effectivement dû choisir le prélèvement forfaitaire libératoire plutôt que l'imposition forfaitaire qui lui aurait permis de régler la somme de 4 070,62 euros au lieu de 12 000 euros mais il a considéré que Mme [C] ne justifiait pas suffisamment d'un défaut de conseil de la banque car elle ne produisait que des attestations émanant d'elle-même et de son fils.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 7 novembre 2022, Mme [C] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 9 décembre 2022, elle demande à la cour :

- de la dire recevable en son appel et de la déclarer bien fondée et y faisant droit,

- d'infirmer le jugement en ce que ses demandes ont été rejetées tant sur le principal que sur l'article 700 du code de procédure civile et en conséquence,

- de condamner la banque à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 7 929,38 euros au titre du préjudice résultant du défaut de devoir de conseil et de 1 000 euros pour le préjudice moral résultant de l'absence de réponse de la banque,

- de débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la banque à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement pour le surplus.

Elle fait valoir avoir souscrit le 30 mai 2001 dans les livres de la société Crédit du nord en son agence de [Localité 8] (Oise), [Adresse 3], un contrat Antarius Avenir Patrimoine n° 3111/8597795 7 donnant lieu des versements à concurrence de 251 709,20 euros, avoir effectué un rachat partiel de 9 000 euros le 15 août 2012 et avoir demandé le rachat total le 12 novembre 2019, le capital s'élevant alors à 293 465,11 euros si bien que l'assiette imposable au titre des plus-value réalisées lors de cette opération, était de 50 755,91 euros ( 49 642,56 euros correspondent aux plus-values des versements antérieurs au 27 septembre 2017 et 1 113,35 euros correspondant aux produits des versements effectués à compter du 27 septembre 2017).

Elle expose avoir également procédé au rachat du contrat Antarius Avenir n° 3135/8651782 8 en deux étapes, d'une part un rachat partiel de 44 541,45 euros le 10 septembre 2019 et d'autre part un rachat total pour un montant de 236 998,94 euros le 14 novembre 2019 si bien que l'assiette imposable était de 4 934,38 euros (soit 4 632,01 euros liés aux versements antérieurs au 27 septembre 2017 et 302,37 euros liés aux versements à compter du 27 septembre 2017).

Elle expose que l'assiette imposable pour les deux contrats, au titre des versements effectués avant le 27 septembre 2017 de 54 274,57 euros (49.642,56 + 4.632,01) a été renseignée dans sa déclaration d'impôt dans la case "produits des versements effectués avant le 27 septembre 2017 avec abattement soumis au barème" mais qu'aucun conseiller de la banque ne l'a contactée par mail ou de vive voix pour lui demander quelle fiscalité appliquer et lui indiquer que le prélèvement forfaitaire libératoire était la formule la plus intéressante.

Elle ajoute que dès lors que ses autres revenus étaient stables, le surplus d'imposition de 12 000 euros est nécessairement imputable à cette opération et à la réintégration des 54 274,57 euros aux revenus imposables au barème.

Elle souligne que si elle avait choisi le prélèvement libératoire, elle n'aurait payé que 4 070,62 euros soit 7,5 % de la somme imposable et que l'impact financier du manquement de la banque à son devoir de conseil correspond donc à la différence.

Elle relève que la banque se trouve dans l'impossibilité de rapporter la preuve d'avoir respecté son obligation de conseil à l'occasion d'un rendez-vous qui s'est tenu et ne produit aucun courrier et souligne que la preuve incombe à la banque, le premier juge ayant renversé la charge de la preuve.

Elle ajoute que la banque ne pouvait présumer que le choix fait en 2017 était valable pour 2019.

Elle fait état d'un préjudice moral en lien avec le silence opposé par la banque à ses demandes.

Par conclusions signifiées par RPVA le 6 janvier 2023, la Société Générale est intervenue volontairement venant en suite de la fusion-absorption intervenue en date du 1er janvier 2023 aux droits et obligations de la société Crédit du nord et demande à la cour :

- de lui donner acte de ce qu'elle reprend à son compte les moyens développés par son absorbée, la société Crédit du nord et en conséquence,

- de déclarer Mme [C] mal fondée en son appel et de la débouter de toutes ses demandes, moyens, fins et prétentions et de rejeter sa demande de réformation du jugement,

- de recevoir son appel incident et de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Crédit du nord à supporter les dépens de la première instance et statuant à nouveau de condamner Mme [C] aux dépens de première instance,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

- de condamner Mme [C] à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Marie-Christine Fournier-Gille, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle indique verser aux débats le justificatif de la fusion absorption.

Elle fait valoir que Mme [C] omet de préciser la manière dont se sont déroulés ces rachats, tout comme elle omet de produire la documentation qu'elle a signée et/ou reçue de la société Crédit du nord pour chacun des 3 rachats par elle opérés, qui démontrent qu'en réalité, aucun manquement ne peut être reproché à la banque.

Elle souligne que Mme [C] admet avoir procédé en août 2012 à un premier rachat partiel de son contrat Antarius Avenir Patrimoine pour un montant de 9 000 euros, et qu'à cette occasion, l'option fiscale avait d'ores et déjà été discutée avec son conseiller clientèle, discussion à l'issue de laquelle elle avait décidé d'opter pour le prélèvement forfaitaire obligatoire ce qui démontre qu'elle connaissait l'existence d'une telle option et avait été en mesure d'en faire usage par le passé.

Elle affirme que lorsqu'au second semestre 2019, soit quelques mois après qu'elle ait abondé une somme de 230 000 euros sur son contrat Antarius Avenir, elle a de nouveau informé son conseiller clientèle de son souhait de procéder à des rachats sur ses deux contrats d'assurance-vie en raison d'un besoin assez urgent de fonds, qu'elle s'est présentée en août 2019 à l'agence de [Localité 8] et que lors du rendez-vous le conseiller clientèle, comme en août 2012, lui a évidemment exposé le déroulé de ces opérations de rachat, et partant, l'option fiscale qui lui était offerte concernant l'imposition de la plus-value générée par les versements antérieurs au 27 septembre 2017 mais qu'elle a émis le souhait de bénéficier de suite de la totalité de la valeur de rachat de ses contrats et de différer l'imposition correspondante, même si elle devait s'avérer plus élevée.

Elle conteste l'attestation faite par Mme [C] elle-même selon laquelle elle ne serait pas allée à l'agence de [Localité 8] mais à celle de [Localité 9] dont elle relève et souligne que c'est l'agence de [Localité 8] qui gérait les contrats d'assurance vie où elle avait d'ailleurs conclu le contrat Antarius Avenir Patrimoine. Elle ajoute que le conseiller de patrimoine de Mme [C], M. [I], est bien basé à [Localité 8], et que cela résulte de sa signature électronique ou des correspondances que Mme [C] lui a adressées par la voie de son conseil. Elle souligne que seules les attestations des tiers sont admissibles.

Elle conteste la fiabilité et la valeur probante de l'attestation du fils de Mme [C], selon laquelle il aurait eu une conversation téléphonique avec le conseiller bancaire de sa mère, lequel aurait indiqué avoir craint d'avoir fait une erreur en "cochant la mauvaise case" alors que celle-ci aurait exprimé le choix du prélèvement forfaitaire libératoire et considère qu'il exprime nécessairement un avis ou témoignage biaisé au profit de l'appelante.

Elle souligne que le 11 septembre 2019, la banque a envoyé une lettre accompagnant son avenant au contrat Antarius Avenir valant avis d'opération, document qui rappelait toues les modalités décidées par la cliente, en ce compris l'option fiscale "revenus à déclarer". Elle précise que deux mois plus tard, Mme [C] a de nouveau contacté la banque pour procéder au rachat total de ses deux contrats avec des instructions claires et identiques à celles d'août 2019, et que le conseiller clientèle a tout naturellement pré rempli les formulaires de rachat avec la même option fiscale définie de revenus à déclarer, formulaires qu'il a envoyés par pli postal à Mme [C], à charge pour cette dernière, comme la fois précédente, de relire et en cas d'accord de parapher, dater signer les formulaires puis les retourner à la banque, ce qu'elle a fait sans émettre la moindre objection. Elle relève qu'à réception des formulaires de demande de rachat, la banque a écrit à Mme [C] pour lui transmettre les avis d'opération correspondants, lesquels mentionnaient notamment l'option fiscale choisie, savoir "revenus à déclarer" et qu'elle n'a pas contesté preuve que ceci correspondait à ses décisions du moment.

Elle considère donc que l'administration fiscale a suite aux choix opérés par Mme [C] normalement renseigné et pré rempli ce montant de plus-value de 54 274,57 euros dans la case "produits des versements effectués avant le 27 septembre 2017 avec abattement soumis au barème" dans la déclaration d'IR 2019 qu'elle lui a envoyée.

Elle ajoute que ceci a été rappelé dans le relevé récapitulatif des opérations réalisées en 2019 que la compagnie d'assurances Antarius lui a envoyée dans le courant de l'année 2020 pour l'aider à vérifier et compléter sa déclaration d'IR 2019, lettre qui n'a pas plus généré de réaction de sa part.

Elle conteste tout manquement et se prévaut des dispositions de l'article 125-0-A II-1 du code général des impôts qui rappelle que l'impôt au revenu est donc le principe et le prélèvement forfaitaire libératoire l'option.

Elle considère qu'il n'y a pas eu de renversement de la charge de la preuve mais une application de l'article 9 du code civil.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le devoir de conseil de l'assureur - et par extension du banquier agissant en sa qualité d'intermédiaire en assurance -, qui consiste à aviser le candidat à l'assurance sur l'opération d'assurance, porte sur les caractéristiques internes de l'opération, autrement appelées par la Cour de cassation "le cadre de l'opération d'assurance que l'assureur propose" et ne concerne pas les éléments externes de l'opération, tel que le traitement fiscal des plus-values lors d'une opération de rachat partiel ou total de contrat d'assurance vie. Elle se prévaut d'une réponse ministérielle en date du 18 mai 2021 à propos de la loi PACTE mise en place depuis mai 2019 en matière de conseil à l'assuré dont il résulte que les dispositions relatives au devoir de conseil en matière d'assurance vie "ne prévoient pas explicitement la dimension fiscale comme partie intégrante du devoir de conseil, et ['] ne s'appliquent qu'à la phase précontractuelle". Elle soutient que Mme [C] ne démontre pas avoir porté à la connaissance de la banque son souhait d'intégrer la dimension fiscale dans le "cadre du contrat d'assurance" pas plus qu'elle ne démontre avoir exprimé auprès de la banque son choix de l'option au prélèvement forfaitaire libératoire, dérogeant ainsi au régime fiscal de l'impôt sur le revenu applicable par défaut en application du II-1 de l'article 125-0-A du code général des impôts.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour constate que le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il avait retenu sa compétence du juge des contentieux de la protection et que l'intervention volontaire de la Société Générale qui justifie venir aux droits et obligations de la société Crédit du nord suite à la fusion-absorption intervenue en date du 1er janvier 2023 n'est pas contestée.

En application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

L'assureur et la banque souscriptrice sont tenus envers l'assuré d'une obligation générale d'informations, de conseil et de mise en garde. Celle-ci porte sur l'adéquation des garanties proposées aux besoins de l'assuré et à sa situation personnelle.

En l'espèce, les contrats d'assurance vie sont de fait utilisés comme des moyens d'épargne ou de transmission du patrimoine et l'information comme le conseil doivent porter sur l'adéquation des produits vendus aux buts recherchés et en cas de rachat sur l'incidence fiscale de celui-ci.

Contrairement à ce que soutient la banque, c'est bien à elle de démontrer qu'elle a respecté ces obligations. Si elle peut parfaitement les remplir oralement, il reste qu'elle doit être en mesure d'en apporter la preuve.

Il résulte de l'article 125-0-A du code général des impôts que "les personnes physiques qui bénéficient de produits mentionnés au I attachés à des primes versées jusqu'au 26 septembre 2017 peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu lorsque la personne qui assure le paiement de ces revenus est établie en France, qu'il s'agisse ou non du débiteur, ce dernier étant établi dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre état partie à l'accord sur l'espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. L'option, qui est irrévocable, est exercée au plus tard lors de l'encaissement des revenus".

Si la banque a incontestablement fait signer à Mme [C] un document pour chaque rachat mentionnant le régime choisi au moyen d'une case à cocher avant de débloquer les fonds, et si en toute logique l'administration fiscale en a tiré toutes conséquences en pré remplissant la case correspondante ce dont personne ne peut tirer argument puisqu'alors le choix qui avait été opéré était devenu irrévocable, elle ne démontre pas avoir expliqué concrètement à Mme [C] ce que cette option signifiait à savoir une imposition au taux marginal des revenus (c'est à dire sur la tranche la plus haute de l'imposition sur les revenus voire sur une tranche supérieure) versus une imposition forfaitaire à 7,5 %.

Elle ne justifie pas non plus de la remise d'une documentation qu'elle ne produit pas.

Le seul fait que le choix fiscal existe pour les versements antérieurs au 27 septembre 2017 devait conduire la banque à informer et à conseiller Mme [C] sur l'existence mais également sur les conséquences du choix et il importe peu que le code général des impôts ait prévu que le prélèvement libératoire ne constitue qu'une option.

Si Mme [C] pouvait effectivement faire le choix de n'être imposée que plus tard et donc de percevoir l'intégralité des fonds, la banque ne démontre pas que ce choix a été fait de manière éclairée sur la foi d'une information loyale et simple qu'elle pouvait facilement dispenser et que Mme [C] a donc choisi l'imposition la plus élevée en toute connaissance de cause dans le but de percevoir immédiatement les 4 070,62 euros que la banque aurait dans le cas contraire prélevés lors du déblocage des fonds et de supporter ensuite quelques mois plus tard une imposition plus lourde, ni qu'elle a en pleine connaissance de cause passé outre le conseil de la banque laquelle sans s'immiscer dans ses affaires et les motifs d'un tel choix, se devait de lui en faire connaître les conséquences d'autant qu'il était moins avantageux et était irrévocable.

Le fait que Mme [C] ait déjà exercé son droit d'option par le passé pour un rachat d'une somme bien moindre n'était pas de nature à dispenser la banque de ces obligations en matière d'information et de conseil pour de nouveaux rachats étant observé qu'il ne s'agit pas là d'opérations très courantes, et qu'au surplus il s'agissait de rachats de montants bien supérieurs dont l'incidence fiscale était plus importante.

Enfin le fait que Mme [C] confrontée à une imposition sur le revenu qui avait augmenté de 12 000 euros se soit renseignée et ait compris a posteriori les conséquences du choix opéré ne saurait démontrer qu'elle était parfaitement informée et conseillée lorsqu'elle l'a fait.

La banque a donc commis une faute qui a généré un préjudice à Mme [C] lequel équivaut au surplus d'imposition par elle supporté soit une somme de 7 929,38 euros qu'il convient de condamner la banque à lui payer. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de toutes ses demandes.

Mme [C] qui ne justifie d'aucun préjudice moral doit être déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement qui a mis les dépens de première instance à la charge de la banque doit être confirmé sur ce point.

La banque qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et il apparaît équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles engagés par Mme [C] à hauteur de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a mis les dépens à la charge de société Crédit du nord ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Donne acte à la Société Générale de son intervention volontaire aux droits de la société Crédit du nord par suite de la fusion-absorption intervenue en date du 1er janvier 2023 et la déclare recevable ;

Condamne la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord à payer à Mme [J] [C] née [R] la somme de 7 929,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Condamne la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord à payer à Mme [J] [C] née [R] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/18873
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.18873 ?
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