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13/06/2024 | FRANCE | N°22/18005

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 13 juin 2024, 22/18005


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 13 JUIN 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18005 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSSL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de LAGNY SUR MARNE - RG n° 11-21-001778





APPELANTE



La société CREATIS, socié

té anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18005 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSSL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de LAGNY SUR MARNE - RG n° 11-21-001778

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [K] [O]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 8] (97)

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté et assisté de Me Yves MAYNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0059

Madame [T] [W]

Chez Monsieur [N]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Alice Flore COINTET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0583

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Creatis a émis une offre de crédit personnel destinée au regroupement de crédits d'un montant en capital de 40 400 euros remboursable en 144 mensualités de 359,83 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 4,31 %, le TAEG s'élevant à 5,88 %, soit une mensualité avec assurance de 430,53 euros dont elle affirme qu'elle a été signée par M. [K] [O] et Mme [T] [W] le 30 mai 2018.

Mme [W] a bénéficié le 23 juillet 2020 d'un plan de surendettement qui est entré en application le 31 août 2020 et prévoyait le règlement du crédit en 2 mensualités de 160,82 euros les 3ème et 4ème mois du plan, puis par mensualités de 425,52 euros du 5ème au 24ème mois du plan lequel n'était établi que sur cette durée.

Le 25 novembre 2020, M. [O] a porté plainte auprès du Procureur de la république de Meaux pour faux et usage de faux exposant ne pas avoir signé ce crédit ni ceux qu'il était destiné à rembourser dont certains étaient pourtant à son nom et le 11 mars 2021, il a déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Meaux pour faux et usage de faux en reprenant les mêmes éléments. Il a versé la consignation selon reçu du 29 avril 2021.

Par actes des 4 et 8 novembre 2021, la société Creatis a fait assigner M. [O] et Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne en paiement du solde du prêt lequel, par jugement contradictoire du 19 septembre 2022, a :

- débouté M. [O] et Mme [W] de leur demande avant dire droit (de production d'un décompte actualisé),

- débouté M. [O] de sa demande incidente (de rejet des écritures et des pièces de la société Creatis),

- débouté la société Creatis de sa demande à titre principal (en constat de la déchéance du terme et condamnation à paiement du solde) subsidiaire (fondée sur l'authenticité de la signature de M. [S]) et de sa demande à titre infiniment subsidiaire (en prononcé de la résolution du contrat),

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Creatis aux dépens.

Après avoir relevé que la société Creatis produisait un décompte actualisé en date du 17 juin 2020, le juge a relevé que les pièces transmises par cette dernière la veille de l'audience n'étaient constituées que du mandat de représentation et du décompte demandé, qu'il avait pu en être débattu contradictoirement à l'audience et que ces pièces n'avaient pas fait l'objet de contestation.

Il a ensuite contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et a considéré que M. [O] qui avait déposé plainte, n'avait pas maintenu sa demande de sursis à statuer, que la signature qui apparaissait sur sa pièce d'identité était identique à celle du contrat, que Mme [W] n'avait pas été condamnée pour des faits de faux et d'usage de faux et que M. [O] ne démontrait pas la falsification de sa signature.

Il a relevé que si la société Synergie s'était vu confier un mandat pour recouvrer la créance, il n'était pas justifié de l'envoi d'une mise en demeure préalable à la déchéance du terme, laquelle n'avait donc pu être valablement prononcée par la société de crédit.

Il a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat en relevant que Mme [W] bénéficiaire d'une procédure de surendettement avait fait des efforts de paiement et que le montant des échéances en retard apparaissait à zéro à la date du 17 juin 2022. Il a ensuite rappelé que même en l'absence de déchéance du terme, les emprunteurs devaient payer les échéances demeurées impayées puis a considéré qu'il n'y en avait pas dès lors que les règlements opérés étaient supérieurs au montant des échéances impayées au 20 novembre 2020.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 20 octobre 2022, la société Creatis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 9 juin 2023, la société Creatis demande à la cour :

- de déclarer M. [O] et Mme [W] mal fondés en leurs demandes et de les en débouter,

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel soit en ce qu'il l'avait déboutée de ses demandes,

- de condamner M. [O] et Mme [W] solidairement à lui payer la somme 37 836,60 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,31 % l'an à compter de la mise en demeure du 17 novembre 2020,

- subsidiairement si la déchéance du terme ne devait pas être considérée comme acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. [O] et Mme [W] à leur obligation contractuelle de remboursement du prêt, de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 37 836,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- à titre infiniment subsidiaire si le tribunal venait à considérer que M. [O] n'était pas signataire du contrat, de dire qu'il n'en n'est pas moins tenu de la rembourser de la somme de 25 156,92 sur le fondement de la répétition de l'indu

- condamner solidairement M. [K] [O] et Mme [T] [W] à payer à la SA Creatis la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 d code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que la déchéance du terme a été précédée de l'envoi de mises en demeure le 14 octobre 2020 impartissant aux débiteurs un délai pour payer l'arriéré, qu'elles avaient été envoyées en recommandé.

Elle ajoute que la procédure de surendettement suspend l'exécution forcée mais n'interdit pas au créancier de saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire destiné à être mis à exécution en cas d'échec des mesures, qu'elle n'avait donc aucune obligation d'envoyer une mise en demeure préalable à Mme [W]. Elle indique lui avoir envoyé une telle mise en demeure le 24 février 2021 en recommandé ce dont elle n'avait pas justifié devant le premier juge. Elle estime avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme.

A titre subsidiaire, elle rappelle que la clause résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques et soutient que l'importance des impayés doit conduire la cour à considérer que M. [O] et Mme [W] ont commis des manquements graves et réitérés à leurs obligations contractuelles qui justifient le prononcé de la résolution judiciaire du contrat.

Elle relève qu'elle n'a pas à subir la séparation de M. [O] et Mme [W], qu'elle n'est pas expert graphologue et n'a pas à procéder à des vérifications si la signature portée sur le contrat est la même que celle qui figure sur la pièce d'identité. Elle souligne que M. [O] n'a pas sollicité d'expertise ni de vérification d'écritures, qu'aucune poursuite n'a été engagée et que M. [O] n'a pas maintenu sa demande de sursis à statuer. Elle ajoute qu'elle disposait de très nombreuses pièces de M. [O] dans le cadre de la vérification de sa solvabilité. Elle considère n'avoir commis aucun manquement.

A titre infiniment subsidiaire elle prétend au remboursement du capital sur le fondement de la répétition de l'indu. Elle souligne que le crédit a permis de rembourser d'autres prêts personnels que M. [O] n'a donc plus eu à rembourser et qu'il a donc profité de ce crédit.

Elle conteste toute déchéance du droit aux intérêts, soutient que le contrat respecte le corps 8, avec une taille de caractères de 3,1 mm, que seuls les exemplaires emprunteurs doivent comporter un bordereau de rétractation, que les emprunteurs ont reconnu avoir reçu un exemplaire du contrat doté d'un tel bordereau, qu'elle produit aux débats les exemplaires emprunteurs qui sont pourvus d'un tel bordereau et indique qu'il s'agit de la partie d'une liasse de 60 pages. Elle ajoute que lorsque l'assurance est facultative, le montant de l'assurance n'a pas à figurer dans l'encadré.

Elle insiste sur le fait qu'elle a le droit de prétendre à une indemnité de résiliation équivalant à 8 % du capital restant dû.

Elle indique avoir produit un décompte arrêté au 8 juin 2023 faisant apparaître une somme due de 37 836,60 euros.

Elle s'oppose aux délais de paiement sollicités par Mme [W] au motif qu'elle n'apporte pas la preuve de la mise en vente de son bien immobilier et qu'elle n'est pas en capacité de solder sa dette dans le délai de 24 mois.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2023, Mme [W] demande à la cour :

- à titre principal de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé M. [O] signataire de l'offre de crédit souscrite auprès de la société Creatis le 30 mai 2018 référencée 28965000588391 et en ce qu'il a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes,

- de débouter la société Creatis de l'ensemble de ses demandes et y ajoutant, de juger que la déchéance du droit aux intérêts est encourue, en conséquence, d'ordonner à la société Creatis d'établir un nouveau tableau d'amortissement expurgé des intérêts, de condamner la société Creatis à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- à titre subsidiaire, dans le cas où le prêt serait considéré comme résilié ou en cas de résolution judiciaire du contrat de prêt, de débouter la société Creatis de sa demande de paiement des intérêts et de capitalisation des intérêts comme de sa demande de paiement de l'indemnité de résiliation, de juger qu'elle bénéficiera d'un report du paiement de la dette à deux ans pour lui permettre de désintéresser la société Creatis de sa créance dans l'attente de la vente du bien immobilier sis [Adresse 3],

- de débouter la société Creatis de ses plus amples demandes ou contraires et notamment celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter M. [O] de ses demandes plus amples ou contraires.

Elle souligne que M. [O] a abandonné en cours d'instance devant le premier juge sa demande de sursis à statuer et qu'il a porté de graves accusations à son encontre mais qu'elle n'a jamais été ni entendue ni contactée par les services de police. Elle rappelle avoir vécu en concubinage avec M. [O] pendant 10 ans, alors qu'il entretenait en parallèle une autre relation, qu'il l'a manipulée pour qu'ils acquièrent en commun un bien immobilier car il se savait insuffisamment solvable pour l'acquérir seul alors qu'elle-même était fonctionnaire et présentait des garanties, qu'il a commis des violences à son égard, qu'elle a dû quitter le domicile et qu'elle est en attente d'un logement social, qu'elle a réglé seule toutes les factures afférentes au logement : contrats de crédit, assurances, téléphone, internet et notamment le prêt Creatis, qu'elle a donc dû souscrire de nombreux crédits mais que le prêt de Creatis a bien été signé par M. [O].

Elle relève que la signature de M. [O] est la même que celle qui figure sur sa carte d'identité, qu'il fait état de plusieurs prêts frauduleux auprès des société Sofinco, banque Casino et Natixis alors qu'elle a seule souscrit ces prêts qui ne comportent que sa signature à elle et que les arguments de faux et usage de faux sont fallacieux.

Elle conteste la validité de la déchéance du terme en relevant qu'il n'existe aucune preuve d'envoi des lettres préalables qui n'ont pas été adressées en recommandé et que seules les lettres actant de la déchéance du terme l'ont été. Elle conteste en outre la qualité de la société Synergie à envoyer ces lettres.

Elle soutient que la résolution judiciaire ne peut être prononcée dès lors que les mensualités ont été payées comme l'a relevé le premier juge. Elle rappelle avoir été bénéficiaire d'un plan de surendettement le 24 juillet 2020 entré en application le 31 août 2020 et qu'elle l'a respecté si bien qu'il n'y a pas d'impayés.

Elle souligne l'absence de décompte actualisé et considère que pour ce seul motif la société Creatis doit être déboutée de ses demandes et ajoute que celle-ci réclame 37 836,60 euros alors que le décompte versé aux débats arrête la créance à 32 835,34 euros.

Elle invoque une déchéance du droit aux intérêts, faute pour le contrat de respecter le corps 8, d'être assorti d'un bordereau de rétractation et de comporter le montant de l'assurance dans l'encadré.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, M. [O] demande à la cour :

- avant dire droit d'ordonner à la société Creatis de communiquer un décompte actualisé,

- de dire et juger l'appel de la société Creatis mal fondé,

- de la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- de confirmer que la déchéance du terme n'est pas encourue,

- de confirmer que la résiliation judiciaire n'est pas justifiée,

- de condamner la société Creatis à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société Creatis de ses plus amples demandes ou contraires et notamment celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire, il indique que Mme [W] a décidé de quitter le domicile le 1er février 2020, qu'il avait découvert juste avant soit en janvier 2020 ses agissements frauduleux après avoir reçu un courrier de la société Creatis qui mettait le couple en demeure pour non-paiement du crédit mais que Mme [W] interrogée ne lui avait pas donné d'explication et avait brûlé l'ensemble des documents personnels en relation avec cet établissement de crédit, qu'il avait pris contact avec la société Creatis pour comprendre, que cette dernière l'avait alors informé que ce prêt avait été contracté en son nom et avait permis de racheter 8 autres prêts. Il conteste avoir signé ce contrat ainsi que tous les prêts rachetés, soulignant que quatre d'entre eux ont été souscrits par Mme [W] seule, et les autres en utilisant son identité comme emprunteur ou co emprunteur. Il souligne que ce crédit a été obtenu par l'entremise de la société CAFPI sur la base d'un mandat donné par "[T] [W] et Monsieur [T] [W]". Il relève qu'il n'a d'ailleurs pas augmenté les versements mensuels qu'il faisait jusqu'alors à Mme [W] pour rembourser sa part de l'emprunt immobilier commun après la souscription de ce crédit ce qui prouve qu'il n'en n'avait pas connaissance. Il fait état d'une première plainte auprès du Procureur de la république de Meaux puis d'une seconde auprès du doyen des juges d'instruction de Meaux avec cette fois constitution de partie civile pour faux et usage de faux, indique avoir versé la consignation et souligne que la procédure pénale est en cours.

Il conteste que la déchéance du terme ait pu être valablement prononcée faute de justifier du pouvoir de la société Synergie qui n'est pas le prêteur et conteste avoir reçu une lettre préalable ou une lettre de déchéance du terme.

Il affirme que la société Creatis ne produit pas un décompte actualisé propre à justifier du bien-fondé de sa demande alors que Mme [W] a justifié avoir réglé les échéances en retard et avoir repris un paiement régulier.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande avant dire droit de production d'un décompte

La société Creatis produisant un décompte daté du 8 juin 2023 et qu'elle estime constituer un décompte actualisé, il convient de rejeter cette demande étant observé que c'est à la société de crédit qu'il appartient de démontrer l'existence d'une créance exigible.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 30 mai 2018 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Creatis au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sauf à préciser ce point dans le dispositif.

Sur la signature du contrat

M. [O] qui fait état à titre liminaire de ce qu'il n'aurait pas signé le contrat ne sollicite pas le débouté de la société Creatis pour ce motif, la partie discussion de ses conclusions débutant par les moyens développés à l'appui de sa contestation de la validité de la déchéance du terme.

La cour relève qu'il ne demande pas non plus de sursis à statuer, qu'il ne démontre pas ce qu'il est advenu de sa plainte déposée il y a plus de trois ans, que la signature du contrat et celle de sa carte d'identité sont similaires, qu'il n'a pas demandé de vérification d'écritures, ni d'expertise.

Il y a donc lieu de le considérer comme signataire du contrat.

Sur la régularité de la déchéance du terme

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Si le contrat de prêt comprend une clause de déchéance du terme, il se contente d'indiquer de façon générique que "en cas de défaillance de la part de l'emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés" et n'exclut pas de manière expresse et non équivoque l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.

La société Creatis verse aux débats le mandat de recouvrement par elle confié à la société Synergie le 17 avril 2018 qui établit que cette dernière avait pouvoir et qualité pour mettre les débiteurs en demeure de payer les sommes dues et prononcer la déchéance du terme. Elle produit la copie d'un courrier à en-tête de cette société destiné à M. [O] en date du 14 octobre 2020 mais ne justifie pas de son envoi effectif, la copie d'écran qu'elle verse aux débats mentionnant les dates d'envoi et de réception étant insuffisante à cet égard s'agissant d'un logiciel interne à la société de crédit. Cette lettre ne peut donc être considérée comme ayant valablement constitué le préalable nécessaire au prononcé de la déchéance du terme par application d'une clause du contrat.

La lettre du 17 novembre 2020 dont elle justifie l'envoi par la production de l'accusé de réception porte sur la totalité des sommes dues. Elle ne peut donc être considérée non plus comme le préalable à la déchéance du terme et ne l'a donc pas fait jouer. La lettre envoyée le 24 février 2021 à Mme [W] porte également sur la totalité du crédit et n'a pas davantage pu faire jouer la déchéance du terme.

La société Creatis doit donc être déboutée de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1227 du même code permet en toute hypothèse, de demander la résolution en justice et l'article 1228 du même code précise que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En l'espèce, la société Creatis ne produit pas d'historique actualisé mais seulement un décompte qu'elle considère comme actualisé car il est daté du 8 juin 2023. En réalité il correspond à un décompte de créance arrêté au 1er mars 2021. L'historique de compte montre que jusqu'au 28 février 2020, le crédit était payé régulièrement. Les échéances ont ensuite cessé d'être appelées par suite du dépôt de la demande de surendettement. Cette demande n'a pas eu pour effet d'entraîner une déchéance du terme. Elle a produit les effets d'un rééchelonnement. Il n'est pas démontré par la société Creatis que les modalités du plan n'auraient pas été respectées. La société Creatis n'établit donc aucun manquement des emprunteurs et ce d'autant que Mme [W] produit ses relevés de compte qui démontrent des règlements mensuels correspondant au plan bien après l'assignation laquelle ne saurait donc constituer une mise en demeure valable puisqu'à cette date le plan était respecté. Aucune mise en demeure postérieure à l'adoption de ce plan n'a été envoyée. Le décompte prétendument actualisé ne mentionne pas de mensualité impayée.

Dès lors la société Creatis doit être déboutée de sa demande de résolution judiciaire.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

La taille des caractères

Aux termes de l'article R. 312-10 du code de la consommation auquel renvoie l'article L. 312-28, le contrat doit être rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure au corps huit et ce à peine de déchéance totale du droit aux intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation.

La cour rappelle que le corps 8 correspond à 3 mm en points Didot. S'il est exact qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne définit précisément le corps 8 ou n'exclut le point PICA, pour autant, lorsque le législateur français a légiféré le 24 mars 1978 dans le domaine du droit de la consommation, il s'est référé implicitement à la norme typographique française et donc au point Didot. Il ne peut être laissé aux seuls établissements bancaires le soin de déterminer quel point et quelle police permettraient de considérer que l'offre de prêt est suffisamment lisible alors qu'il s'agit d'appliquer des textes d'ordre public ayant trait à la protection des consommateurs. Le corps huit correspond à 3 mm en points Didot. Le point de référence à multiplier par 8 reste le point Didot (soit 0,375), d'où une police de caractères d'au moins trois millimètres (car : 0,375x8 = 3 mm). Par ailleurs, la taille de la police doit être considérée comme la hauteur maximale occupée par le dessin de tous les caractères, donc du bas des lettres descendantes au haut des lettres ascendantes y compris avec signes diacritiques, à laquelle s'ajoutent les talus de tête et de pied. Il suffit, pour s'assurer du respect de cette prescription réglementaire, de diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

En l'espèce, cette vérification conduite sur plusieurs paragraphes du contrat montre que chaque ligne occupe plus de 3 mm.

Aucune déchéance n'est donc encourue de ce chef.

Le bordereau de rétractation

Il résulte de l'article L. 312-21 du code de la consommation qu'afin de faciliter l'exercice par l'emprunteur de son droit de rétractation, "un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit", lequel doit aux termes de l'article R. 312-9 du même code être établi conformément à un modèle type et ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur.

Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 312-21, il est déchu du droit aux intérêts.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires

A hauteur d'appel, la société Creatis produit en sus de l'exemplaire prêteur "à renvoyer" qui fait partie de la liasse contractuelle de 60 pages, comporte le numéro de contrat 28992000600942 et mentionne que les emprunteurs ont reconnu rester en possession d'un exemplaire du contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation, les deux exemplaires prêteurs "à renvoyer" qui font partie de cette même liasse, ont une pagination qui suit celle de l'exemplaire prêteur, comportent le même numéro de contrat et sont chacun pourvus d'un bordereau détachable de rétractation.

Ceci démontre suffisamment le respect de cette obligation et aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue de ce chef.

L'encadré

L'article L. 312-28 du code de la consommation dispose qu'un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

Il résulte de l'article L. 341-1 du code de la consommation que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 312-28, il est déchu du droit aux intérêts.

L'article R. 312-10 précise que l'encadré mentionné à l'article L. 312-28 indique en caractères plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur et à l'exclusion de toute autre information : ['] h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant.

En conséquence, dès lors que l'assurance n'est pas exigée par le prêteur, ces dispositions légales et réglementaires n'imposent pas que le coût mensuel de l'assurance soit indiqué dans cet encadré.

Aucune déchéance du droit aux intérêts n'est donc encourue de ce chef.

Les autres pièces

La cour observe que société Creatis produit en outre la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de solvabilité signée, les justificatifs d'identité, de domicile et de revenus de M. [O] et Mme [W] s'agissant d'un contrat conclu à distance, le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement avant la date de déblocage des fonds, la notice d'assurance, la fiche d'explications et de mise en garde "regroupements de crédits" prévue par les articles R. 314-18 à R. 314-21 du code de la consommation.

Aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est donc encourue. La demande visant à voir ordonner à la société Creatis d'établir un nouveau tableau d'amortissement expurgé des intérêts est donc sans objet.

Sur les autres demandes

Les développements qui précèdent rendent les demandes subsidiaires sans objet.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Creatis aux dépens de première instance et dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile. La société Creatis qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et il apparaît équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles engagés par M. [O] et par Mme [W] à hauteur de la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande avant dire droit présentée par M. [K] [O] ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare la société Creatis recevable en sa demande ;

Déboute la société Creatis de sa demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat comme de sa demande de résolution judiciaire du contrat ;

Dit n'y avoir lieu à la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Condamne la société Creatis à payer à M. [K] [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Creatis à payer à Mme [T] [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Creatis aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/18005
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.18005 ?
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