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13/06/2024 | FRANCE | N°22/12879

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 13 juin 2024, 22/12879


COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 16

N° RG 22/12879 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGEIP



Nature de l'acte de saisine : Autres saisines de la juridiction à la diligence des parties

Date de l'acte de saisine : 06 Juillet 2022

Date de saisine : 28 Juillet 2022

Nature de l'affaire : Demande en exécution d'un accord de conciliation, d'un accord sur une recommandation de médiateur, d'une sentence arbitrale, ou tendant à sanctionner leur inexécution

Décision attaquée : sentence arbitrale internationale (partielle) CPA,

Affaire n°2020-05, rendue le 1er mars 2022, rectifiée le 9 mars 2022



Dans l'affaire opposant :



REPUBLIQUE SOCI...

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 16

N° RG 22/12879 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGEIP

Nature de l'acte de saisine : Autres saisines de la juridiction à la diligence des parties

Date de l'acte de saisine : 06 Juillet 2022

Date de saisine : 28 Juillet 2022

Nature de l'affaire : Demande en exécution d'un accord de conciliation, d'un accord sur une recommandation de médiateur, d'une sentence arbitrale, ou tendant à sanctionner leur inexécution

Décision attaquée : sentence arbitrale internationale (partielle) CPA, Affaire n°2020-05, rendue le 1er mars 2022, rectifiée le 9 mars 2022

Dans l'affaire opposant :

REPUBLIQUE SOCIALISTE DU VIET NAM agissant par le Ministère de la Justice, agissant par le Directeur du Département International du Ministère de la Justice du Viet Nam (Director General, Department of International Law, Ministry of Justice),

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 - N° du dossier 2269194

Ayant pour avocats plaidants : Me Olivier LOIZON et Me Laure-Anne MONTIGNY, du cabinet CURTIS, MALLET-PREVOST & MOSLE LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : J019

Demanderesse au recours

Demanderesse à l'incident de SAS

à

' Madame [S] [P] ([C]),

' Société U.S. GLOBAL INSTITUTE, INC agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège,

' Société ANGELS COMPANY INC agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant pour avocat postulant : Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 - N° du dossier 41709

Ayant pour avocats plaidants : Me Philippe PINSOLLE, Me Isabelle MICHOU, et Me Hannah DARBES, du cabinet QUINN EMMANUEL URQUHART & SULLIVAN LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : L 055

Défenderesses au recours

Défenderesse à l'incident de SAS

Laure ALDEBERT, magistrat en charge de la mise en état,

Assisté de Najma EL FARISSI, greffière,

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(non numérotée , 5 pages)

I/ Faits et procédure

1. Par une requête en date du 4 septembre 2019, Mme [P] et les sociétés U.S. Global Institute et Angels, estimant être victimes d'une expropriation ont déposé une requête en arbitrage à l'encontre de la République Socialiste du Viet Nam (ci-après le Viet Nam), en vue d'obtenir réparation, sur le fondement du Traité du 13 juillet 2000 entre les Etats-Unis et le Viet Nam relatif à leurs relations commerciales.

2. Par une sentence rendue sur la compétence le 8 décembre 2021, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent.

3. Par sentence partielle du 1er mars 2022, rectifiée le 9 mars 2022, le tribunal arbitral a statué sur les frais de conseils, d'arbitrage et d'audience relatofs à la décision rendue sur la compétence, en ces termes :

  « Conformément aux articles 38 et 40 du Règlement de la CNUDCI de 1976, le Tribunal rend la décision suivante :

(a) le Défendeur doit payer les Frais Juridiques des Demanderesses (Compétence) pour un montant de 1.770.137,17 USD et 289.103,18 EUR ;

(b) les Demanderesses sont en droit de recouvrer les frais de l'audience sur la compétence s'élevant a' 7.202,75 USD ;

(c) le Défendeur doit payer les Frais d'Arbitrage des Demanderesses (Compétence) pour un montant de 233.334 USD ; et

(d) si le Défendeur ne paie pas les frais tels que quantifiés aux paragraphes (a) et (c) ci-dessus dans les 45 jours de la réception de la présente Sentence Partielle, un taux d'intérêt commercial de 0,76% par an s'appliquera a' tout montant impayé. »

4. Par déclaration en date du 7 mars 2022, le Viet Nam a formé un recours en annulation contre la sentence sur la compétence enrôlée sous le N° RG 22/05075.

5. Par déclaration en date du 6 juillet 2022 le Viet Nam a formé un recours en annulation contre la sentence sur les frais-compétence enrôlé sous le N° RG 22/12879.

6. Par un arrêt en date du 12 septembre 2023, la cour d'appel de céans a rejeté le recours en annulation formé par le Viet Nam contre la sentence rendue sur la compétence,

7. L'instance concernant la sentence sur les frais de la procédure s'est poursuivie (N° RG 22/12879).

8. Au cours de la procédure Mme [P] et les sociétés américaines défenderesses au recours, ont soulevé deux fins de non-recevoir par des conclusions régularisées le 2 mai 2023 devant le Conseiller de la mise en état sur le fondement des articles 1466, 1506 et 1520 du code de procédure civile.

9. En accord avec les parties et par mention au dossier, le 22 janvier 2024, l'incident a été renvoyé à l'examen de la formation de jugement de la cour en application de l'article 789 alinéa 2 du code de procédure civile.

10. Par conclusions notifiées le 6 mars 2024 puis le 18 avril 2024 le Viet Nam a soulevé un incident tendant au prononcé du sursis à statuer en raison du pouvoir en cassation déposé le 15 janvier 2024 contre l'arrêt rendu par la cour le 12 septembre 2023 portant le N° RG 22/05075.

11. Les défenderesses au recours se sont opposées à cette demande sollicitant du conseiller de la mise en état qu'ilrétracte sa décision de renvoi au fond d'une des fins de non-recevoir de l'incident et qu'il statue sans attendre sur l'irrecevabilité du recours.

12. L'incident a été fixé à l'audience du 21 mai 2024.

II/ Prétentions des parties

13. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 avril 2024, le Viet Nam demande au Conseiller de la mise en état de bien vouloir :

- ORDONNER un sursis à statuer dans la présente instance jusqu'au prononcé de la décision à intervenir de la Cour de cassation sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la cour de céans le 12 septembre 2023 portant le RG 22/0575 ;

- REJETER la demande de rétractation de la décision de renvoi devant la Cour de l'incident des Demanderesses ;

A titre subsidiaire,

- JUGER recevable le recours en annulation formé à l'encontre de la Sentence sur les Frais rendue le 1er mars 2022 et rectifiée par une sentence du 9 mars 2022 dans l'affaire PCA n°2020-05 par le Tribunal arbitral composé de M. [M] [B], Professeur [W] [H] et Professeur [G] [K] ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER les Demanderesses à payer à la République Socialiste du Viet Nam la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

14. En réponse selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2024, Mme [P] et les sociétés U.S. Global Institute et Angels demandent au visa de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les article 12, 30, 377, 378, 1506 et 1520 du code de procédure civile, l'article 700 du même code, la jurisprudence citée et la sentence arbitrale partielle du 1er mars 2022 rectifiée le 9 mars 2022, de bien vouloir :

- RETRACTER la décision de renvoyer au fond la fin de non-recevoir tendant a' faire déclarer irrecevable le recours en annulation forme' par le Vietnam a' l'encontre de la sentence sur les frais du 1er mars 2022, telle que rectifiée le 9 mars 2022 dans l'affaire CPA n° 2020-05 ;

- SE DECLARER compétent pour connaître de la fin de non-recevoir soulevée par les Concluantes ;

- DECLARER IRRECEVABLE le recours en annulation formé par le Vietnam à l'encontre de la sentence sur les frais du 1er mars 2022, telle que rectifiée le 9 mars 2022 dans l'affaire CPA n°2020-05 ;

- DECLARER sans objet et, à défaut, REJETER le sursis à statuer sollicité par le Vietnam ;

- REJETER toutes les demandes du Vietnam ;

- CONDAMNER la République Socialiste du Vietnam à payer au Dr [S] [P] et aux sociétés US Global institute, Inc. Et Angels Company, Inc. La somme de 100.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

III/ Motifs de la decision

' Sur la demande des défenderesses au recours, en rétractation de la mesure de renvoi de l'incident au fond

15. Mme [P] et les sociétés U.S. Global Institute et Angels demandent de rétracter la décision de renvoyer au fond la fin de non-recevoir tendant a' faire déclarer irrecevable le recours en annulation forme' par le Viet Nam.

16. Elles soutiennent que le renvoi de leur incident au fond a été déloyalement obtenu par le Viet Nam qui n'a révélé qu'après, et de manière tardive le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la cour sur la sentence compétence.

17. Elles prétendent que si elles l'avaient su avant, elles n'auraient pas accepté le renvoi au fond de leurs incidents dont elles sollicitent l'examen en premier lieu.

18. Le Viet Nam s'oppose en faisant valoir que la décision prise par le conseiller de la mise en état est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours.

Sur ce

19. La mesure ordonnée à l'audience du 12 janvier 2024 de renvoyer au fond les incidents opposés par les défenderesses au recours est une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.

20. Il n'y a donc pas lieu de rétracter cette décision ni même de la modifier, étant observé que cette mesure a été prise en application de l'article 789 alinéa 2 du code de procédure civile, en considération de la nature des incidents que le pourvoi formé devant la Cour de cassation contre l'arrêt du 21 septembre 2023 ne remet pas en cause.

' Sur la demande de sursis à statuer

21. Le Viet Nam fait valoir que l'arrêt à intervenir de la Cour de cassation aura une incidence directe sur la solution du litige et qu'il convient d'attendre l'issue du pourvoi pour statuer sur sa demande sans que ce délai porte atteinte au droit fondamental des défenderesses, à un juge.

22. Les demanderesses à l'incident s'y opposent.

23. Elles soutiennent qu'il n'y a pas lieu de différer l'examen du recours en annulation en faisant valoir que la suspension de l'instance et le décalage du prononcé de l'arrêt seraient disproportionnés par rapport au but poursuivi, une bonne administration de la justice, et les priverait de manière injustifiée de leur droit d'obtenir une décision dans des délais raisonnables.

24. Elles reprochent au Viet Nam de faire durer la procédure mettant en avant le fait qu'il ne peut se prévaloir de l'interdépendance des deux procédures alors qu'il n'a manifesté aucune demande de joindre les deux recours, que le pourvoi formé quatre mois après l'arrêt est tardif, non suspensif, et que quand bien même l'arrêt serait cassé, l'annulation de la sentence ne serait pas effective.

25. Elles ajoutent que le sursis à statuer porte atteinte au droit fondamental à un juge et d'obtenir de lui une réponse dans un délai raisonnable, sans but légitime et de manière disproportionnée.

Sur ce,

26. En vertu des articles 377 et suivants du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Elle ne dessaisit pas le juge, l'instance se poursuivant à l'expiration du sursis, à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.

27. Hors le cas où cette mesure est prévue par la loi, le juge apprécie de manière discrétionnaire l'opportunité du sursis à statuer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

28. Il peut notamment, conformément à l'article 110 du code de procédure civile, suspendre l'instance lorsque l'une des parties invoque une décision frappée de pourvoi en cassation.

29. En l'espèce il est constant que l'arrêt rendu par la cour rejetant le recours en annulation de la sentence sur la compétence fait l'objet d'un pourvoir en cassation.

30. Or, la décision à intervenir sur le recours en annulation de la sentence - compétence a une incidence évidente et déterminante sur la présente affaire dans la mesure où, le recours est fondé sur « l'annulation par voie de conséquence » de la sentence sur la compétence.

31. Il existe un lien de dépendance évident entre les deux sentences même si elles ont été rendues séparément.

32. Il n'est en effet pas exclu que l'annulation de la sentence sur la compétence soit susceptible de remettre en cause la seconde rendue sur les frais.

33. La circonstance que le pourvoi en cassation ne soit pas suspensif n'interdit pas de surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, quand l'issue du pourvoi est de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige, ce qui est le cas en l'occurrence.

34. La décision de surseoir à statuer n'est d'ailleurs pas une mesure prise au détriment de Mme [P] et des sociétés U.S. Global Institute et Angels, qui ne sont pas à l'origine du recours en annulation contre la sentence qui lui-même n'est pas suspensif.

35. Dès lors dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué sur le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris relatif à la sentence sur la compétence.

36. Il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes ni de faire droit au demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui suivront le sort de l'instance.

Par ces motifs, le magistrat chargé de la mise en état :

1) Dit n'y avoir lieu à rétractation ;

2) Ordonne le sursis à statuer dans la présente instance jusqu'au prononcé de la décision à intervenir de la Cour de cassation sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la cour de céans le 12 septembre 2023, dans la procédure enregistrée sous le numéro de RG 22/05075 ;

3) Dit n'y avoir lieu de statuer sur les autres demandes ;

4) Dit que les frais et dépens suivront le sort de ceux du recours en annulation.

Ordonnance rendue par Laure ALDEBERT, magistrat en charge de la mise en état assisté de Najma EL FARISSI, greffière présente lors du prononcé de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 13 Juin 2024

La greffière, Le magistrat en charge de la mise en état,

Copie au dossier

Copie aux avocats


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 16
Numéro d'arrêt : 22/12879
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.12879 ?
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