La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2024 | FRANCE | N°20/07656

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 juin 2024, 20/07656


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07656 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUXU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04643





APPELANTE



Madame [Y] [A]

[Adresse 3]

[LocalitÃ

© 4]



(bénéficiaire de l'aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002924 du 02/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07656 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUXU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04643

APPELANTE

Madame [Y] [A]

[Adresse 3]

[Localité 4]

(bénéficiaire de l'aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002924 du 02/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

INTIMÉE

Association LES JOURS HEUREUX

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1308

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, rédactrice

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Après l'exécution de plusieurs contrats de travail à durée déterminée au sein de l'association Les Jours Heureux, Mme [Y] [A] a été engagée par la même association suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 mars 2013 en qualité d'ouvrière qualifiée.

En dernier lieu, elle occupait le poste de lingère, coefficient 415, échelon 5, en référence aux dispositions de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, au sein du foyer [5] à [Localité 4].

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 26 février 2019.

Par lettre datée du 11 mars 2019, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 mars suivant et l'a mise à pied à titre conservatoire, puis par lettre datée du 28 mars 2019, lui a notifié son licenciement, en la dispensant d'exécution du préavis de deux mois qui lui a été rémunéré.

Le 27 mai 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de faire juger que le licenciement est nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer des dommages et intérêts subséquents.

Par jugement mis à disposition le 8 octobre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes des parties, les premiers juges ont débouté Mme [A] de l'ensemble de ses demandes, ont débouté l'association de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ont condamné Mme [A] aux dépens.

Le 10 novembre 2020, Mme [A] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 10 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [A] demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté l'association de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau, de :

- à titre principal, dire que le licenciement est nul et condamner l'association à lui payer la somme de 20 366,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association à lui payer la somme de 11 880,54 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner l'association à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et à lui remettre un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, en se réservant la liquidation de l'astreinte, assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, ordonner la capitalisation des intérêts et condamner l'association à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et aux entiers dépens de la procédure et de son exécution.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 6 mai 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, l'association Les Jours Heureux demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme [A] de toutes ses demandes et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance du 5 décembre 2023, le conseiller de la mise en état, statuant sur l'incident formé par l'association, a débouté celle-ci de ses demandes visant à constater la péremption de l'instance, à déclarer l'instance éteinte et la cour dessaisie, a dit que l'instance n'est pas périmée, a débouté les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a dit que les dépens suivront le sort de ceux du principal.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 février 2024.

MOTIVATION

Sur la nullité du licenciement

La salariée soutient que son licenciement est nul au motif qu'il est intervenu en violation des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail dans la mesure où le contrat de travail était suspendu depuis le 26 février 2019 en raison de la maladie professionnelle dont le bénéfice lui a été reconnu le 28 août 2019, où l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité de maintenir le contrat et où l'octroi d'un préavis exclut toute faute grave.

L'association conclut au débouté de la demande de nullité du licenciement en faisant valoir que la salariée ne peut invoquer le bénéfice de la protection qu'elle revendique dans la mesure où au moment du licenciement, elle était placée en arrêt de travail pour maladie, que la protection ne lui a été reconnue qu'après la fin de des relations contractuelles et qu'elle-même n'en a jamais été informée préalablement.

L'article L. 1226-7 du code du travail dispose :

'Le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie'.

L'article L. 1226-9 du même code dispose :

'Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'.

L'article L. 1226-13 du même code dispose :

'Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle'.

Il ressort des pièces produites aux débats que la salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 26 février 2019 jusqu'au 12 mars 2019, que celui-ci a été prolongé le 12 mars 2019 jusqu'au 12 avril 2019, que le licenciement a été notifié à la salariée par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mars 2019, qu'un arrêt de travail pour maladie professionnelle a été établi le 2 avril 2019 mentionnant : 'tendinite du coude droit en lien avec le port de charges lourdes et de mouvements répétés des mains : échographie du 07/03/2019 confirmant l'épicondylite ; en arrêt de travail depuis le 26/02/2019", que par lettre datée du 4 juin 2019, l'employeur a indiqué notamment à la salariée que la déclaration de maladie professionnelle a été portée à sa connaissance le 2 avril 2019, que par lettre du 26 août 2019, la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a notifié à la salariée sa prise en charge de la maladie professionnelle au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Il n'est établi par aucune pièce qu'à la date de la notification du licenciement, l'employeur avait connaissance du caractère professionnel de la maladie de la salariée.

Il s'ensuit que la salariée n'est pas fondée en son moyen et elle doit être déboutée de sa demande de nullité du licenciement. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La salariée conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en faisant valoir qu'elle a déposé plainte contre son collègue de travail le 25 février 2019 pour les faits objets de la lettre de licenciement, que celui-ci a eu un comportement violent et harcelant à son encontre pendant de nombreux mois et que sa réaction n'a été que la conséquence de cette situation.

L'association conclut à la cause réelle et sérieuse du licenciement en se fondant sur plusieurs témoignages de collègues de la salariée qui selon elle établissent les propos dégradants, insultants et déplacés proférés à l'encontre de plusieurs collègues de travail par la salariée.

La lettre de licenciement notifié à la salariée qui circonscrit le litige est ainsi rédigée :

'A la suite de notre entretien du 22 mars 2019, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre comportement inacceptable envers des collègues de travail.

En effet, vous avez tenu des propos dégradants, qui nuisent aux bonnes conditions de travail, vous avez fait des remarques désobligeantes et insultantes.

Par exemple, le 25 février 2019, en lingerie, vous avez dit à M. [D], agent en lingerie, 'fallait que tu restes où tu étais'. Auparavant, vous l'aviez déjà insulté, 'espèce d'imbécile', 'personne ne veut de toi c'est pourquoi t'es là en train de nettoyer le linge', 'espèce d'imbécile c'est pourquoi ta famille t'a laissé en France', 'même ta mère ne veut pas de toi'.

Mme [M], cheffe de service paramédical, atteste avoir vu M. [D] effondré et en pleurs ainsi que Mme [Z], agent de service intérieur, qu'elle a reçu la plainte de Mme [U], agent de service intérieur, la semaine du 21 janvier 2019, rapportant des propos la dénigrant. Vis-à-vis de Mme [M], vous avez aussi le même comportement agressif, en vous adressant parfois à elle en hurlant.

Ce comportement est corroboré par les témoignages de deux collègues qui ont eu à subir le même comportement.

Cette attitude s'inscrit dans le contexte plus général d'une attitude fautive. Ainsi, vous avez déjà reçu deux avertissements écrits, l'un le 10 septembre 2018 et l'autre le 15 mai 2018.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation (...)'.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

Il ressort des pièces produites aux débats que :

- le 12 avril 2018, la salariée a effectué une déclaration de main courante auprès des services de police de [Localité 4] aux termes de laquelle celle-ci a indiqué rencontrer des difficultés relationnelles avec son collègue de travail, M. [D] [I], se traduisant pas des 'remarques désobligeantes au quotidien' en évoquant une scène le 26 février 2018 dans l'après-midi où celui-ci s'était énervé et avait 'levé la main sur moi pour me frapper mais mes collègues l'ont stoppé' et avait proféré des menaces à son encontre : 'tu sais d'où je viens tu devrais faire attention !';

- le compte-rendu de l'entretien du 13 avril 2018 avec Mme [Z] et Mme [G] réalisé par M. [C], directeur, en présence de Mme [M], faisant suite à la main-courante déposée par Mme [A] la veille, mentionne que cette dernière est allée chercher Mme [Z] et Mme [G] pour la suivre en lingerie le 26 février 2018 à l'heure de la pause vers 10 heures 30, que les deux témoins indiquent qu'à aucun moment, M. [D] n'a tenu de propos déplacés, n'a proféré des menaces à l'encontre de Mme [A], ni n'a eu une posture ou une attitude pouvant laisser penser qu'il allait la frapper, même si les deux protagonistes parlaient fort, que celles-ci ont été présentes dix à quinze minutes avant de repartir et qu'alors, les deux autres ne parlaient plus ; ce compte-rendu est signé par M. [C], Mme [M], Mme [G] et Mme [Z] ; dans une attestation manuscrite datée du 13 avril 2018, Mme [G] a réitéré ses déclarations ;

- un compte-rendu d'entretien signé par M. [C] le 24 avril 2018 mentionne que Mme [A] et M. [D] ont été reçus le 24 avril 2018 par lui-même et Mme [X] suite aux difficultés relationnelles entre ces deux salariés, étant précisé que Mme [X] a été saisie par courriel du 9 mars 2018 par M. [C] afin de mener une médiation, cette mesure ayant été acceptée par les deux intéressés, que Mme [A] et M. [D] ont alors expliqué avoir réussi à trouver un équilibre dans leur relation et n'étaient plus intéressés par l'intervention de la médiatrice ;

- par lettre datée du 17 mai 2018, ayant comme objet 'lettre de cadrage', l'employeur a rappelé à la salariée la prohibition des agissements de harcèlement moral et lui a indiqué qu'en cas de difficulté sur le lieu de travail, seul un membre de l'équipe de direction était habilité à intervenir, en l'espèce Mme [M], et en aucun cas ses collègues de travail comme cela avait le cas le 26 février 2018 à sa demande ;

- par lettre datée du 18 mai 2018, l'employeur a notifié un avertissement à la salariée pour 'accusation mensongère' à la suite de ses déclarations faites le 12 avril 2018 sur les faits du 26 février 2018 ;

- par lettre datée du 10 septembre 2018, l'employeur a notifié à la salariée un avertissement pour 'refus de participation à une formation' le 21 août 2018, sanctionnant le fait de s'être présentée à la formation, d'avoir complété la feuille de présence avant de signifier au formateur ne pas souhaiter participer à cette formation et de quitter les lieux sans motif sérieux ; un écrit signé par M. [H] [T], formateur Geronfor, ainsi qu'un courriel de Mme [M] à M. [C] du 21 août 2018 relatent les faits du 21 août 2018 ;

- le 27 février 2019, Mme [A] a déposé une plainte à l'encontre de M. [D] au commissariat de police de [Localité 4] pour des violences volontaires, en indiquant que le 25 février 2019, elle avait eu une nouvelle altercation avec celui-ci liée à la nouvelle disposition de la salle de lingerie, qu'il y avait eu 'une bousculade entre nous', qu'il avait un comportement 'désagréable' à son égard, qu'elle était allée voir son médecin à la suite de ces faits qu'elle qualifiait de 'violences psychologiques' et se trouvait depuis en arrêt de travail ;

- un compte-rendu d'entretien tenu le 8 mars 2019 mentionne que M. [D] a été reçu par M. [C] et Mme [M] le même jour, que celui-ci indique qu'il n'y a eu aucune bousculade ni échange physique avec Mme [A] le 25 février 2019, que celle-ci lui avait dit: 'fallait que tu restes où tu étais', que celle-ci exerçait de manière générale une pression de type harcèlement au quotidien en lui tenant les propos mentionnés dans la lettre de licenciement et en lui donnant régulièrement son linge à plier, ce qui a été le cas le 25 février 2019, qu'il a refusé de le faire et qu'elle a balancé le linge au sol ; ce compte-rendu est signé par M. [D], M. [C] et Mme [M] ;

- Mme [J] [G] relate dans une attestation datée du 20 mars 2019 que Mme [A] 'de façon régulière dit de ses collègues : 'vous êtes des incapables, des bras cassés et des incompétents', que durant la semaine du 21 janvier, sa collègue, [B] [U] était venue dans le vestiaire en pleurs au moment de partir et lui avait dit que Mme [A] la traitait de menteuse, de voleuse et de bras cassé, qu'elle avait elle-même travaillé avec Mme [A] et que 'c'était très compliqué ce comportement de sautes d'humeur, lunatique et directive. Dans un moment d'agressivité elle humilie les personnes et ses collègues' ;

- Mme [W] [F] épouse [Z] relate dans son attestation : '[Y] est autoritaire, méchante, hautaine. Elle parle de façon méprisante, désagréable et de façon permanente. Elle est directive, se croit supérieure aux autres et les écrase. Elle me dit « tu es une conne ». C'est insupportable de travailler avec elle, je pleure à cause de son comportement et ses mots. [L] [B] est venue plusieurs fois me voir en pleurs disant que [Y] l'écrasait, l'insultait, la méprisait. Elle disait qu'elle est méchante et que [Y] lui dit régulièrement qu'elle est bête, conne. Tous ses anciens collègues de la lingerie sont partis en pleurs et nous ont raconté la méchanceté de [Y]. Beaucoup d'ANPAS ont peur de sonner à la lingerie et d'être avec [Y]'.

La cour relève ici que Mme [A] indique dans ses écritures que M. [D] a eu 'un comportement violent et harcelant' envers elle, qu'elle travaillait 'depuis de nombreux mois dans un climat de travail délétère, victime de menaces et propos insultants de la part de certains collègues et notamment M. [I]' ([D]), que 'dans ces circonstances, on peut comprendre qu'elle ait pu craquer sous la pression exercée sur celle depuis des mois et, à cette occasion, avoir tenu des propos vindicatifs', qu'il 'ne s'agit toutefois que d'un mécanisme de défense qu'on ne peut lui reprocher'.

Au soutien du harcèlement qu'elle impute à M. [D], elle ne produit que ses propres déclarations, au demeurant imprécises et peu circonstanciées, qui ne sont corroborées par aucun élément extérieur, ce qui ne permet pas de retenir qu'elle présente des éléments de faits laissant supposer un harcèlement moral.

Par ailleurs, elle ne conteste pas la teneur des propos du 25 février 2019 qui lui sont prêtés par M. [D], ni ceux qui lui sont prêtés par Mme [G] et par Mme [Z], ni le comportement inapproprié adopté à l'égard de ces deux salariées dans le cadre des relations de travail.

Alors que l'employeur a initié une médiation entre Mme [A] et M. [D] à la suite de leurs difficultés relationnelles, mesure que notamment Mme [A] après avoir donné son accord n'a pas souhaité poursuivre, et que celle-ci a reçu notification d'un avertissement à deux reprises, sans contester ces sanctions, pour des faits en lien avec son comportement professionnel inadapté, la tenue par celle-ci à plusieurs reprises de propos de nature injurieuse et dégradante manifeste un comportement inadéquat envers plusieurs collègues de travail de nature à dégrader leurs conditions de travail et à faire peser un risque sur leur santé et leur sécurité au travail.

Dans ces conditions, le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de débouter Mme [A] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur le préjudice moral

La salariée sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi dans le cours de l'exécution du contrat de travail en indiquant avoir été la cible de propos désobligeants de M. [D], qu'elle s'en est plaint au médecin du travail, que la médiation n'a jamais eu lieu, que 'la chronologie des faits laisse supposer un comportement discriminatoire' de la part de l'employeur à son encontre 'en raison de son état de santé', que la procédure de licenciement a été diligentée alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail en raison non seulement du harcèlement commis par M. [D] mais également de la maladie professionnelle qu'elle a développée.

L'association conclut au débouté de cette demande, en faisant valoir que c'est Mme [A] qui faisait subir à ses collègues son comportement agressif et insultant générant chez eux une souffrance au travail inacceptable.

Il résulte des développements précédents que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans rapport avec l'état de santé de la salariée et qu'il n'est pas établi de harcèlement moral.

Par ailleurs, celle-ci ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.

Enfin, l'employeur n'est pas resté inactif à la suite notamment des doléances de la salariée auprès du médecin du travail, en proposant une médiation qui a été acceptée par les deux salariée puis en faisant intervenir Mme [X], médiatrice, auprès de ceux-ci. Le fait que la médiation n'ait pas abouti ne peut être reproché à l'employeur alors que la salariée elle-même a estimé que cette mesure n'était plus nécessaire.

En l'absence de manquement de l'employeur à l'égard de la salariée, la demande de dommages et intérêts sera rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, Mme [A] qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel.

Pour des raisons tirées de la situation économique des parties, il n'y a pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'association.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [Y] [A] aux dépens d'appel,

DÉBOUTE les parties des autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 20/07656
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;20.07656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award