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12/06/2024 | FRANCE | N°24/00276

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 12 juin 2024, 24/00276


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 12 JUIN 2024



(n° 2024/ 136 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00276 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVZ6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2021017257 - Requête en déféré sur ordonnance sur incident rendue le 12 décembre 2023 (RG 22/19907)

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APPELANTE

DEMANDERESSE A LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ



S.A.S. KAVIARI

[Adresse 1]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 315 73 4 1 94
...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

(n° 2024/ 136 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00276 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVZ6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2021017257 - Requête en déféré sur ordonnance sur incident rendue le 12 décembre 2023 (RG 22/19907)

APPELANTE

DEMANDERESSE A LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ

S.A.S. KAVIARI

[Adresse 1]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 315 73 4 1 94

représentée par Me Grégoire HALPERN de la SELAS Cabinet G.Halpern & Associé, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, toque : E0593, plaidant par Me Franck BEAUDOIN, FB JURIS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉES

DÉFENDERESSE À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 3]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro : 722 05 7 4 60

représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, toque : L34, plaidant par Me Pauline ARROYO, HFW, avocat au barreau de PARIS, toque J040

INTIMÉE

DÉFENDERESSE À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ

HOWDEN ASSURANCES venant aux droits de S.A.S. THÉORÈME, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 352 72 0 7 91

représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, toque : L0044, plaidant par Me Agnès GODMIC, SELAS BURGUBURU BLAMOUTIER CHARVET GARDEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 076

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, et de Mme FAIVRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme FAIVRE, Présidente de Chambre

M. ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame POUPET

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société KAVIARI, qui exerce l'activité d'importation et de commercialisation de produits alimentaires, a souscrit une assurance multirisques industrielle à effet du 1er avril 2009 auprès de la société AXA France IARD, assureur, par l'intermédiaire du courtier la société THÉORÈME aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société HOWDEN ASSURANCES ( ci-après encore dénommée la société THEOREME) ; ce contrat couvre notamment les pertes d'exploitation ; à la suite des mesures prises notamment à l'égard des commerces par le gouvernement pour lutter contre la propagation du virus de la Covid-19, la société KAVIARI a effectué une déclaration de sinistre le 1 septembre 2020, aux fins de mobiliser la garantie de la société AXA qui l'a refusée.

PROCÉDURE

La société KAVIARI a, par acte du 25 mars 2021, assigné les sociétés AXA FRANCE IARD et THEOREME devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit la SAS KAVIARI mal fondée en ses demandes et l'en a débouté ;

Condamné la SAS KAVIARI à payer à LA SA AXA FRANCE IARD,

3 000 euros et à THEOREME 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- Condamné la SAS KAVIARI aux dépens de l'instance.

Par déclaration électronique du 25 novembre 2022, la société KAVIARI représentée par son avocat Me [T], inscrit au barreau des Hauts-de-Seine, de la société d'avocats FB JURIS inscrite au barreau des Hauts de Seine a interjeté appel de cette décision à l'encontre des sociétés AXA et THEOREME en mentionnant que l'objet/la portée de l'appel est une demande d'annulation totale du jugement.

Par acte du 23 décembre 2022, la société AXA France IARD a fait signifier à la société KAVIARI le jugement du tribunal de commerce.

Par conclusions d'incident notifiées le 25 mai 2023, AXA FRANCE IARD demande au conseiller de la mise en état de voir notamment :

déclarer nulles les conclusions d'appelant notifiées le 25 février 2023 par la société KAVIARI, pour défaut de capacité de son représentant en justice ;

constater en conséquence, la caducité de la DÉCLARATION D'APPEL de la société KAVIARI faute de signification régularisées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile ;

débouter la société KAVIARI de l'ensemble de ses demandes ;

La société Théorème a soutenu les mêmes demandes.

En réplique, la société KAVIARI a demandé de:

- in limine litis déclarer irrecevables les conclusions d'incident et les conclusions au fond notifiées le 25 mai 2023 par AXA,

- déclarer valable la déclaration d'appel notifiée le 25 novembre 2022 et ses conclusions au fond notifiées le 25 février 2023 ;

Par ordonnance rendue sur incident du 12 décembre 2023, le conseiller en charge de la mise en état a :

- Débouté la société KAVIARI de sa demande tendant à déclarer irrecevables les conclusions d'incident n° 1 et 2, notifiées respectivement les 25 mai 2023 et 17 novembre 2023, ainsi que les conclusions au fond notifiées le 25 mai 2023, par la société AXA France IARD ;

- Déclaré nulles les conclusions d'appelant notifiées par la société KAVIARI le 25 février 2023 au soutien de son appel, pour défaut de capacité de son représentant en justice ;

- Constaté la caducité de la déclaration d'appel de la société KAVIARI ;

- Dit N'Y AVOIR LIEU À INCIDENT dans le cadre de la présente instance sur les demandes de la société KAVIARI tendant à ce qu'il soit jugé que la signification du jugement à la requête de la société AXA France IARD est nulle et que la déclaration d'appel de la société KAVIARI est interruptive de prescription bien que caduque ;

- Condamné la société KAVIARI à payer à la société AXA France IARD et à la société THEOREME la somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société KAVIARI aux entiers dépens de l'incident ;

- Débouté la société KAVIARI de ses demandes de fixation de calendrier de procédure, au titre des dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS KAVIARI a notifié une requête en déféré de cette ordonnance par voie électronique le 22 décembre 2022, enregistrée au greffe le 5 janvier 2024.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, la SAS KAVIARI demande à la cour :

« Vu les dispositions citées, notamment les articles 15, 16, 19, 121, 680, 696, 700, 853, 908, 912 alinéa 2, 954, 960 et 961 du code de procédure civile,

les articles 5 et 5-1 de la loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, l'article L. 261-1 1° du code de l'organisation judiciaire, l'article L. 721-1 alinéa 2 du code de commerce,

les articles 5 et 2241 du code civil, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Vu la jurisprudence et la doctrine citées,

Vu les pièces produites,

déclarer les demandes rappelées ci-dessous recevables et bien fondées, et en conséquence faire droit à ces demandes.

PREMIÈRE DEMANDE ' Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société KAVIARI de sa demande tendant à déclarer irrecevables les conclusions d'incident n° 1 et 2, notifiées respectivement les 25 mai 2023 et 17 novembre 2023, ainsi que les conclusions au fond notifiées le 25 mai 2023 par la société AXA France IARD. Statuant à nouveau, déclarer irrecevables les conclusions sur incident n° 2 notifiées par la société AXA France IARD le 17 novembre 2023 (sur le fondement des articles 15, 16, 954, 960 et 961 du code de procédure civile), les conclusions sur incident n° 1 et les conclusions au fond n° 1 notifiées par la société AXA France IARD le 25 mai 2023, ainsi que les conclusions au fond n° 2 notifiées par la société AXA France IARD le 20 novembre 2023 (sur le fondement des articles 954, 960 et 961 du code de procédure civile). En conséquence, déclarer l'incident clos, un acte de procédure irrecevable étant dépourvu d'effet juridique.

DEUXIÈME DEMANDE ' Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré nulles les conclusions d'appelant notifiées par la société KAVIARI le 25 février 2023 au soutien de son appel, pour défaut de capacité de son représentant en justice. S'il n'était pas fait droit à la première demande tendant à déclarer l'incident clos, à titre subsidiaire, statuant à nouveau, déclarer valables la déclaration d'appel de la société KAVIARI régularisée le 25 novembre 2022 et ses conclusions au fond notifiées le 25 février 2023, en vertu des articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et des articles 19 et 908 du code de procédure civile, l'avocat de la société KAVIARI ayant la capacité pour la représenter devant la Cour et les conclusions au fond ayant été valablement notifiées dans les délais.

TROISIÈME DEMANDE ' En tout état de cause, infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a violé l'article 121 du code de procédure civile. Statuant à nouveau, juger qu'en vertu de l'article 121 du code de procédure civile, une nullité ne peut être prononcée dès lors que sa cause a disparu au moment où le juge statue, ce qui est indiscutablement le cas en l'espèce, du fait de la constitution, le 26 mai 2023, du Cabinet G. HALPERN & Associés SELAS agissant par le ministère de Me Grégoire HALPERN, avocat au barreau de Paris, en lieu et place de FB JURIS agissant par le ministère de Me [K] [T].

QUATRIÈME DEMANDE ' Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a « constaté » la caducité de la déclaration d'appel de la société KAVIARI.

CINQUIÈME DEMANDE ' Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société KAVIARI de sa demande de fixation d'un calendrier de procédure Statuant à nouveau, fixer un calendrier de procédure permettant à KAVIARI de communiquer des conclusions en réponse au fond, conformément à l'article 912 alinéa 2 du code de procédure civile.

SIXIÈME DEMANDE ' Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société KAVIARI au titre des dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société KAVIARI à payer à la société AXA France IARD et à la société THEOREME la somme de 1.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société KAVIARI aux entiers dépens de l'incident. Statuant à nouveau, condamner solidairement les sociétés AXA France IARD et THEOREME aux entiers dépens de l'incident et à payer à la société KAVIARI la somme de 6.000 euros

(six mille euros) au titre des frais exposés pour sa défense dans l'incident et non compris dans les dépens, en application des articles 696 et 700 du code de procédure civile.

SEPTIÈME DEMANDE ' Débouter les sociétés AXA France IARD et THEOREME de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires. »

Par conclusions notifiées le 15 mars 2024, AXA FRANCE IARD demande à la cour de :

confirmer l' ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société KAVIARI de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'incident n° 1 et 2, notifiées respectivement les 25 mai 2023 et 17 novembre 2023, ainsi que les conclusions au fond notifiées le 25 mai 2023 par AXA FRANCE IARD ;

confirmer l' ordonnance en ce qu'elle a déclaré nulles les conclusions d'appelant notifiées par la société KAVIARI le 25 février 2023 au soutien de son appel, pour défaut de capacité de son représentant en justice ;

confirmer l' ordonnance en ce qu'elle a constaté en conséquence la caducité de la déclaration d'appel de la société KAVIARI faute de signification de conclusions régulières dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile ;

confirmer l' ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à incident dans le cadre de la présente instance sur les demandes de la société KAVIARI tendant à ce qu'il soit jugé que la déclaration d'appel de la société KAVIARI est interruptive de prescription bien que caduque ;

débouter en conséquence la société KAVIARI de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

condamner la société KAVIARI à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société KAVIARI aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 20 mars 2024, la société HOWDEN ASSURANCES qui vient aux droits de la société THEOREME demande à la cour de :

confirmer l' ordonnance rendue le 12 décembre 2023 en ce qu'elle a déclaré nulles les conclusions d'appelant notifiées par la société KAVIARI le 25 février 2023 au soutien de son appel, pour défaut de capacité de son représentant en justice ;

confirmer l' ordonnance rendue le 12 décembre 2023 en ce qu'elle a constaté en conséquence la caducité de la déclaration d'appel de la société KAVIARI faute de signification de conclusions régulières dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile ;

Juger la déclaration d'appel de la société KAVIARI caduque en application de l'article 908 du code de procédure civile ;

débouter la société KAVIARI de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société HOWDEN ASSURANCES venant aux droits de la société THEOREME ;

condamner la société KAVIARI au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il convient de se reporter aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la recevabilité des conclusions sur incident n° 1 et 2 et des conclusions au fond n° 1 et 2 d'AXA

A l'appui de son déféré, la société KAVIARI fait valoir que les conclusions d'incident n° 2 d'AXA ont été notifiées tardivement.

Elle ajoute que ces conclusions ainsi que les conclusions sur incident n° 1 et les conclusion au fond n° 2 ne respectent pas les exigences de forme des articles 954, 960 et 961 du code de procédure civile en ce qu'elles contiennent des moyens nouveaux, qu'elles indiquent uniquement qu'AXA est une SA sans davantage préciser sa forme sociale et que la formule « prise en la personne de ses représentants légaux » est aussi imprécise.

En réplique, AXA FRANCE IARD rappelle que la société KAVIARI a pu répliquer aux conclusions n° 2 d' AXA .

Concernant le respect des exigences des articles 954, 960 et 961 susvisés, AXA FRANCE IARD fait valoir qu'aucune des modifications des conclusions d'incident n° 2 ne constitue un moyen nouveau. S'agissant de l'identification de AXA FRANCE IARD, celle-ci fait valoir qu'elle a régularisé dans ses conclusions d'incident n°2, les conclusions n° 1 en précisant les éléments d'identification de AXA FRANCE IARD, que AXA FRANCE IARD est ainsi parfaitement identifiable. Elle ajoute que la société KAVIARI ne justifie pas d'un grief.

La société THEOREME s'associe aux moyens invoqués par AXA FRANCE IARD en réplique.

Sur ce,

Sur l'irrecevabilité des conclusions d'incident n°2 de AXA FRANCE IARD, le conseiller de la mise en état fait valoir à juste titre par des motifs pertinents que la cour approuve, que le principe de la contradiction a été respecté de part et d'autre, dès lors que la société KAVIARI a pu prendre connaissance des conclusions querellées mais a aussi pu y répliquer au moyen de conclusions notifiées avant le début de l'audience.

Concernant le formalisme des conclusions n°2 de AXA FRANCE IARD, il convient aussi d'approuver le conseiller de la mise en état qui a constaté qu'elle ne contenait pas de moyen nouveau par-rapport aux précédentes, ne nécessitant donc pas une présentation distincte.

Sur la mention de la forme sociale de AXA FRANCE IARD, l'indication de la forme de la société, son numéro d'enregistrement au registre du commerce et l'adresse de son siège social sont des éléments suffisants pour permettre à eux seuls de déterminer l'organe habilité à la représenter.

L' ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société KAVIARI de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'incident n° 1 et 2, notifiées respectivement les 25 mai 2023 et 17 novembre 2023, ainsi que les conclusions au fond notifiées le 25 mai 2023, par la société AXA France IARD.

II Sur validité des conclusions notifiées par la société KAVIARI le 25 février 2023

A l'appui du déféré, la société KAVIARI conclut que les conclusions au fond notifiées le 25 février 2023 sont valables. A cet égard, il fait valoir sept moyens:

- les limitations territoriales à l'exercice du ministère d'avocat doivent s'interpréter strictement, le principe étant l'absence de limitation territoriale et il ajoute que l'article 19 du code de procédure civile pose le principe du libre choix de l'avocat ;

- il suffit que l'avocat soit, dans l'absolu, habilité à postuler devant le tribunal judiciaire de Paris pour qu'il soit habilité à postuler devant la cour d'appel de Paris ;

- le tribunal de commerce est un tribunal de l'ordre judiciaire, donc un tribunal judiciaire et le principe de la postulation devant le tribunal de commerce a été posé par l' ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 lorsque celle-ci a instauré le principe de la représentation obligatoire par avocat devant le tribunal de commerce ;

- il explique que la postulation ne définit pas une règle de territorialité mais au contraire la représentation obligatoire par avocat ;

- il en résulte, selon la société KAVIARI, que l'article 5-1 de la loi n° 71-1130 permet à l'avocat qui a postulé en première instance devant l'une des juridictions judiciaires, dont le tribunal de commerce, de postuler devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle cette juridiction judiciaire est située. D'après la société KAVIARI cette règle est en outre conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 19 du code de procédure civile ;

- il fait également valoir que l'article 5-1 de la loi susvisée n'exige pas que la postulation en première instance et en appel intervienne dans la même affaire ;

enfin, il estime que le réseau RPVA permettant à un avocat d'effectuer une déclaration d'appel auprès d'une cour d'appel auprès de laquelle il est habilité à postuler, confirme qu'il était habilité à le faire dans cette affaire ;

il fait valoir qu'en tout état de cause la constitution le 26 mai 2023 d'un avocat inscrit au barreau de Paris au lieu et place de l'avocat initial, a fait disparaître l'irrégularité au moment où le juge a statué et cette régularisation est rétroactive, il n'y a pas lieu d'annuler les conclusions.

En réplique, AXA FRANCE IARD rappelle que la société KAVIARI a notifié ses conclusions d'appelant le 25 février 2023 sous la constitution de Me [T] , avocat inscrit au barreau des Hauts de Seine, que n'ayant pas son domicile professionnel dans le ressort de la cour d'appel de Paris il ne pouvait valablement la représenter devant la cour d'appel de Paris, que les conclusions sont donc entâchées d'une nullité de fond. Elle fait valoir qu'il est erroné d'affirmer que le principe devant le tribunal de commerce serait aujourd'hui celui de la postulation. Elle ajoute que l'exception à la territorialité de la postulation posée par l'article 5-1 de la loi susvisée ne s'applique que si la procédure de première instance s'est déroulée devant le tribunal judiciaire de Paris avec postulation obligatoire. Selon AXA FRANCE IARD, c'est dénaturer la loi que d'affirmer que l'article 5-1 s'appliquerait dès lors que l'avocat concerné aurait déjà postulé une fois dans une autre affaire devant le tribunal judiciaire de Paris. AXA FRANCE IARD estime enfin que la constitution d'un avocat inscrit au barreau de Paris aux lieu et place de Me [T] le 26 mai 2023 ne peut régulariser la nullité irrémédiable des conclusions de l'appelante déposées par le ministère d'un avocat non autorisé à la représenter devant le cour.

Aux moyens développés par AXA FRANCE IARD, la société THEOREME ajoute que l'article 5-1 de la loi susvisée, n'envisage que la postulation devant le tribunal judiciaire et ne permet donc pas à un avocat du barreau des Hauts de Seine , appelant d'une décision du tribunal de commerce, de bénéficier de la multipostulation en appel et que la constitution aux lieu et place de Me [T], d'un avocat inscrit au barreau de Paris, ne peut avoir pour conséquence de régulariser la cause de nullité des conclusions.

Sur ce,

Vu les articles 117 alinéa 2, 121 et 908 du code de procédure civile,

Vu l'article L.721-1 alinéa 2 du code de commerce,

Vu les articles 4, 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;

En application de l'article 5 alinéas 1 et 2, les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l'article 4.

Ils peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel.

Il résulte de cette disposition et de l'article 4 que la loi de 1971 a distingué la fonction de plaidoirie de celle de postulation.

La postulation est usuellement définie par les dictionnaires juridiques comme l'acte de procédure qu'un avocat accomplit pour le compte de son client dans le cadre d'un procès.

La loi de 1971 ne fixe pas de limitation territoriale à la plaidoirie mais en revanche pose des limitations terrtorizles à la postulation.

La limitation territoriale que la loi attache à la postulation qui ne concerne que les actes de procédure, ne remet pas en cause le principe de liberté pour un client de choisir son avocat qui est autorisé légalement à plaider devant toutes les juridictions.

Au principe de la lmitation géographqieu de la postualtion, la loi de 1971 a prévu une exception en son article 5-1, en autorisant la multipostulation pour les avocats ayant leur résidence professionnelle auprès des barreaux des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre qui sont autorisés à postuler devant chacune de ces juridictions et à postuler devant la cour d'appel de Paris ou de Versailles lorsqu'ils ont postulé devant l'un des tribunal judiciaire de Paris, Bobigny, Créteil ou Nanterre.

La double limitation de la postulation et de son ère géographique aux juridictions de droit commun que sont le tribunal judiciaire et la cour d'appel du ressort dans lequel l'avocat a sa résidence professionnel est une exception au principe de libre plaidoirie de l'avocat sans limitation territoriale devant toutes les juridictions.

Cette exception s'interprète strictement. Il en résulte que la postulation ne s'applique pas à une juridiction d'attribution, telle que le tribunal de commerce et que l'avocat dont la résidence professionnelle est située dans un ressort de cour d'appel autre que celui dans lequel est située la juridiction d'attribution, ne peut postuler devant la cour d'appel dont dépend cette juridiction d'attribution.

Par ailleurs, l'article 5-1 de la loi susvisée limite la multipostulation auprès de la cour d'appel à l'affaire pour laquelle il a postulé devant le tribunal judiciaire du ressort de cette cour d'appel.

Enfin, le tribunal de commerce est soumis à la règle de la représentation obligatoire mais non à celle de la postulation.

En l'espèce, Me [T] avocat inscrit au barreau des Hauts de Seine situé dans le ressort de la cour d'appel de Versailles, a représenté la société KAVIARI devant le tribunal de commerce de Paris, juridiction d'attribution située dans le ressort de la cour d'appel de Paris.

En l'absence de postulation devant le tribunal de commerce de Paris, Me [T] n'était pas autorisé à postuler pour la société KAVIARI devant la cour d'appel de Paris.

Il en résulte qu'en application de l'article 117 alinéa 2 du code de procédure civile, les conclusions notifiées le 25 février 2023 par Me [T] assurant la représentation de la société KAVIARI mais dépourvu du pouvoir de postuler pour celle-ci devant la cour d'appel de PARIS sont entâchées d'une irrégularité de fond qui en affecte sa validité.

Dès lors que la constitution d'un avocat inscrit au barreau de Paris aux lieu et place de Me [T] n'est intervenue que postérieurement à l'expiration du délai de validation des conclusions prévu par l'article 908 du code de procédure civile, il ne peut être considéré que la cause de nullité des conclusions avait disparu au moment où le conseiller de la mise en état et aujourd'hui la cour ont statué.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l' ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré nulles les conclusions d'appelant notifiées par la société KAVIARI le 25 février 2023 au soutien de son appel, pour défaut de capacité de son représentant en justice.

III Sur la validité de la déclaration d'appel notifiée par la société KAVIARI le 25 novembre 2022

A l'appui du déféré, la société KAVIARI fait valoir que si les conclusions au fond sont nulles, il en est de même de la déclaration d'appel, pour les mêmes raisons. Il estime que la déclaration d'appel ne peut être considérée comme caduque dès lors que la caducité fait disparaître pour l'avenir un acte initialement valable. Il demande donc qu'il ne soit pas prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

En réplique, AXA FRANCE IARD et la société THEOREME font valoir que la société KAVIARI n'ayant pas valablement conclu dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, il ne pouvait être que constaté la caducité de la déclaration d'appel.

Sur ce,

En l'espèce, la déclaration d'appel à l'égard du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris a été notifiée le 25 novembre 2022 par Me [T] représentant la société KAVIARI.

Ainsi cette déclaration d'appel est entâchée de la même irrégularité de fond que les conclusions notifiées le 25 février 2023 et cette irrégularité de fond n'a pas été régularisée par la constitution de l'avocat au barreau de Paris venant aux lieu et place de Me [T], celle-ci étant intervenue dans

l' instance litigieuse, au delà de l'expiration du délai d'appel.

Il y a donc lieu de constater que cette déclaration d'appel n'était pas valable dès son origine.

En conséquence, il ne peut être prononcé sa caducité.

L' ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel de la société KAVIARI.

IV Sur les autres demandes

1) Sur la fixation du calendrier du procédure

Au vu de l'issue de litige la demande de fixation d'un calendrier de procédure n'est pas justifiée et sera rejetée.

L' ordonnance déférée est confirmée sur ce point.

2) Sur les demandes relatives au caractère interruptif de la prescription de la déclaration d'appel du 25 novembre 2022

Il convient de confirmer l' ordonnance qui a dit n'y avoir lieu à incident dans le cadre de la présente instance sur les demandes de la société KAVIARI tendant à ce qu'il soit jugé que la déclaration d'appel de la société KAVIARI est interruptive de prescription bien que caduque, dans la mesure où la question d'une nouvelle déclaration d'appel est hypothétique dans l'instance ayant donné lieu à incident et ne pouvait être tranchée par le conseiller de la mise en état.

A cet égard, il est relevé que la société KAVIARI ne soulève pas de demande à ce titre dans le cadre du déféré, seule AXA FRANCE IARD demande la confirmation de cette disposition.

IV Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu de confirmer l' ordonnance déféré qui a condamné la société KAVIARI aux dépens de l'incident et au paiement d'une indemnité de procédure à AXA FRANCE IARD et à la société THEOREME en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le cadre du déféré, la société KAVIARI sera condamnée aux dépens de cette instance et à payer à AXA FRANCE IARD et à la société HOWDEN ASSURANCES venant aux droits de la société THEOREME une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile que l'équité commande de fixer à 2 000 euros à chacune.

La société KAVIARI sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel de la société KAVIARI ;

statuant à nouveau,

Déclare nulle la déclaration d'appel notifiée par la société KAVIARI le 25 novembre 2022 dans l'instance n° 22/19907 ;

Y ajoutant,

Condamne la société KAVIARI aux dépens de l'instance en déféré ;

Condamne la société KAVIARI à payer à AXA FRANCE IARD et à la société HOWDEN ASSURANCES venant aux droits de la société THEOREME une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile de 2 000 euros à chacune ;

Déboute la société KAVIARI de sa demande à ce titre.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 24/00276
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;24.00276 ?
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