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06/06/2024 | FRANCE | N°22/20360

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 06 juin 2024, 22/20360


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 06 JUIN 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20360 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZMX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 août 2022 - Tribunal de proximité du RAINCY - RG n° 11-22-000685





APPELANT



Monsieur [H] [D]

né le [Date naissance 1] 1964 à

[Localité 6] (SÉNÉGAL)

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté par Me Mohamed BOUACHA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1493





INTIMÉE



CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC), ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20360 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZMX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 août 2022 - Tribunal de proximité du RAINCY - RG n° 11-22-000685

APPELANT

Monsieur [H] [D]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6] (SÉNÉGAL)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Mohamed BOUACHA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1493

INTIMÉE

CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC), société anonyme agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 016 381 01328

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

assisté de Me Mari-Carmen GALLARDO ARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1981

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte en date du 18 avril 2019, la SA Crédit Industriel et commercial, ci-après dénommée le CIC, a consenti à M. [H] [D] une ouverture de compte de dépôt n°000 2103780 dans ses livres.

Selon offre préalable acceptée le 30 décembre 2019, le CIC a consenti à M. [D] une autorisation de découvert d'un montant maximum de 5 000 euros sur le compte courant avec intérêts au taux débiteur de 4 % pour une durée de trois mois.

Selon offre préalable acceptée le 3 janvier 2020, le CIC a consenti à M. [D] une autorisation de découvert d'un montant maximum de 3 000 euros sur le compte courant avec intérêts au taux débiteur de 5 % pour une durée de 12 mois.

Selon offre préalable acceptée le 20 juillet 2020, le CIC a consenti à M. [D] une autorisation de découvert d'un montant maximum de 10 000 euros sur le compte courant avec intérêts au taux débiteur de 4 % pour une durée de 12 mois.

Selon offre préalable acceptée le 5 juillet 2019, le CIC a consenti à M. [D] un crédit renouvelable d'un montant maximum en capital de 10 000 euros avec intérêts au taux débiteur variable, variant en fonction de la nature de l'utilisation, de son option et de sa durée.

En raison d'impayés non régularisés, par acte en date du 5 mai 2022, le CIC a fait assigner M. [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du Raincy en paiement du solde restant dû au titre de la convention d'ouverture de compte et au titre du crédit renouvelable.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 18 août 2022 auquel il convient de se reporter pour un exposé plus ample du litige, le juge a :

- déclaré le CIC recevable en ses demandes,

- condamné M. [D] au paiement au CIC de la somme de 8 132,45 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022 (au titre du solde du compte bancaire) et la somme de 7 760,18 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 janvier 2022, (au titre du solde du crédit renouvelable),

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts,

- condamné M. [D] au paiement au CIC de la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouté le CIC de ses autres demandes.

S'agissant du compte de dépôt, le juge a, après avoir vérifié la recevabilité de la demande, estimé que le compte avait fait l'objet d'un dépassement pendant plus de trois mois sans que la banque n'offre de contrat de crédit au client, ne respectant ainsi pas les dispositions du code de la consommation et lui faisant encourir la déchéance du droit aux intérêts.

S'agissant du crédit renouvelable, le juge a, après avoir vérifié la recevabilité de la demande, relevé que le crédit avait l'objet de deux utilisations selon des conditions distinctes de remboursement, qui consistaient en réalité en deux emprunts distincts.

Il a considéré que la banque aurait dû proposer à M. [D] une seconde offre de crédit et qu'à défaut elle encourait la déchéance du droit aux intérêts.

Pour fixer le montant de la créance, il a déduit du montant des financements de 12 500 euros, le montant des versements effectués pour 4 739,82 euros.

Afin de rendre effective et dissuasive la sanction prononcée, il a exclu l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Par une déclaration enregistrée le 5 décembre 2022, M. [D] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 5 mars 2023 par RPVA, M. [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement, l'a condamné à payer au CIC la somme de 8 132,45 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022 et la somme de 7 760,18 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 janvier 2022, a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, en ce qu'il l'a condamné à payer au CIC la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

- statuant à nouveau,

- in limine litis,

- déclarer l'action irrecevable,

- si par extraordinaire, la cour ne faisait pas droit à cette demande,

- constater que le CIC n'apporte pas la preuve de la créance,

- débouter le CIC de ses demandes,

- en tout état de cause,

- rejeter la demande de capitalisation des intérêts,

- condamner le CIC à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que le CIC n'a pas engagé d'action dans le délai de deux ans du premier incident de paiement non régularisé pour le solde débiteur de compte comme pour le contrat de crédit, rendant dès lors irrecevable son action.

Sur le fond, il soutient que le CIC ne justifie pas du montant de sa créance pour le solde débiteur de compte et que, s'agissant du contrat de crédit, le montant de la créance n'est pas justifié puisqu'il verse un décompte de la banque faisant apparaître un capital restant dû de 6 086,70 euros.

Enfin, il considère que le CIC a failli à son obligation d'information et n'a pas accompli de diligence afin d'apprécier sa solvabilité.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 26 mai 2023 par RPVA, la banque demande à la cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- de débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- et y ajoutant,

- de condamner M. [D] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarlu Belgin Pelit-Jumel Avocat prise en la personne de Maitre Belgin Pelit-Jumel avocat au barreau de Paris conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient en premier lieu que la cour d'appel n'est pas compétente pour statuer sur une demande d'irrecevabilité et subsidiairement estime qu'elle est recevable dans les conditions qu'a rappelé le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du Raincy.

Au fond, elle expose que la somme réclamée au titre du solde débiteur de compte est justifiée au 18 janvier 2022 à hauteur de 8 276,81 euros.

Elle précise pour le crédit en réserve que M. [D] l'a utilisé à raison de deux déblocages pour une somme totale de 12 500 euros : le premier, n° 0021037804, au titre duquel reste due la somme de 2 547,80 euros et le second, n° 0021037803, au titre duquel reste due la somme de 7 347,07 euros.

Elle ajoute que M. [D] produit un décompte concernant uniquement le déblocage n° 0021037803 pour lequel il restait dû au 5 octobre 2021 la somme de 6 086,70 euros alors qu'elle sollicite le solde restant dû pour les deux déblocages confondus, à la date du 18 janvier 2022.

Enfin, elle conteste la demande de déchéance du droit aux intérêts réclamée par M. [D] alors que le premier juge a déjà prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

C'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Sur la recevabilité de l'action concernant la convention de compte

En matière de solde débiteur d'un compte courant, cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai de 3 mois prévu à l'article L. 312-93.

Le "dépassement" est le "découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue". Il est toutefois admis que le retour du compte à une position créditrice avant l'expiration du délai biennal interrompt ce délai.

En l'espèce, la société BNP Paribas produit les relevés de compte depuis l'ouverture du compte. Il en résulte que le compte a été débiteur à plusieurs reprises mais que le compte est redevenu créditeur à chaque fois dans un délai inférieur à 2 ans.

Dans le détail, la cour observe que :

- le compte était créditeur tout au long de l'année 2019 et est devenu débiteur pour la première fois le 14 janvier 2020,

- il a été débiteur à compter du 14 janvier 2020 jusqu'au 27 février 2020 pour une somme inférieure à 5 000 euros, soit dans la période couverte par l'autorisation de découvert de 5 000 euros, soit entre le 30 décembre 2019 et le 31 mars 2020,

- le découvert a dépassé le montant autorisé du 27 février 2020 au 9 mars 2020,

- il a diminué à une somme inférieure à 3 000 euros entre le 9 et le 11 mars 2020, correspondant ainsi au montant de découvert autorisé depuis le 9 mars 2020 de 3 000 euros,

- il a à nouveau dépassé le montant du découvert autorisé entre le 11 mars et le 27 avril 2020,

- il est redevenu créditeur entre le 28 avril et le 5 mai 2020,

- il est redevenu débiteur à compter du 5 mai 2020 jusqu'au 7 août 2020, mais sans dépasser le montant du découvert autorisé de 3 000 euros puis de 10 000 euros accordé le 20 juillet 2020,

- redevenu créditeur à compter du 7 août 2020, le compte s'est trouvé en position de débit à compter du 17 août 2020 puis a alterné crédit et débit, sans pour autant dépasser le montant du découvert autorisé le 20 juillet 2020 pour une durée d'une année, de la somme de 10 000 euros,

- le compte n'a jamais dépassé le montant autorisé de 10 000 euros mais a été en découvert à l'issue du délai d'un an prévue dans le cadre de cette dernière autorisation de découvert.

En résumé, le compte de M. [D] n'est constamment débiteur que depuis le 5 août 2021.

Dès lors, l'action de la société CIC, introduite par acte du 5 mai 2022, ne peut être forclose et la demande doit être déclarée recevable.

Sur les sommes dues au titre de la convention de compte

Il résulte de l'article L. 312-4-5° du code de la consommation que les opérations de crédit comportant un délai de remboursement dépassant trois mois sont soumises aux dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre III du code de la consommation, relatif au crédit à la consommation.

L'article L. 312-93 du code de la consommation impose au prêteur, lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, de proposer sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit et ce à peine de déchéance du droit aux intérêts et des frais de toute nature applicables au titre du dépassement (article L. 341-9).

En l'espèce, il ressort des relevés bancaires produits qu'à compter du 5 août 2021, le compte a présenté un solde débiteur sans qu'aucune autorisation de découvert ne soit active à cette date.

En effet, la "facilité de gestion/ offre de contrat de découvert" signé le 20 juillet 2020 a été contracté pour une durée de 12 mois à compter de la date de l'offre. Il est spécifié dans l'encadré du contrat que "A compter du 24 juillet 2021, le contrat devra présenter un solde créditeur ou, si la présente autorisation vient en complément d'un découvert accordé précédemment, fonctionner dans les limites du découvert précédent". Le découvert précédent en date du 3 janvier 2020 était également expressément conclu pour une durée de 12 mois. Quant à l'autorisation de découvert du 30 décembre 2019, elle a été convenue pour une durée de trois mois.

Ainsi, le découvert a duré plus de 3 mois entre le 5 août 2021 et la date de clôture du compte, le 18 janvier 2022. Les dispositions légales précédemment visées doivent donc trouver à s'appliquer et il n'est pas justifié de ce qu'elles ont été respectées. Dès lors la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée et le prêteur ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts en ce qui concerne le compte bancaire.

Les intérêts et frais de toute nature se sont élevés à 341,36 euros depuis cette période et dès lors la société CIC ne peut prétendre qu'au paiement de la somme de 8 276,81 euros (solde dû au 18 janvier 2022) - 341,36 euros (frais entre le 5 août 2021 et le 18 janvier 2022) = 7 935, 45 euros.

Il y a donc lieu de condamner M. [D] à payer cette somme à la société CIC.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, compte tenu du taux des agios et du taux contractuel, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal apparaissent significativement inférieurs à celui résultant du taux contractuel sauf en cas de majoration de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de n'écarter que l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital doit donc porter intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 24 janvier 2022 sans majoration de retard.

Sur la recevabilité de l'action concernant le crédit renouvelable

Aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation en sa version applicable au litige, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable.

Le crédit utilisable était de 10 000 euros à compter du 8 juillet 2019.

Les historiques des utilisations communiqués attestent de ce qu'un premier déblocage de 10 000 euros est intervenu le 26 août 2019 et un second déblocage de 2 500 euros le 10 mars 2021.

A la date du second déblocage, restait due au titre de la première utilisation la somme de 7 197,37 euros qui a atteint le 6 décembre 2021 la somme de 6 751,17 euros ; à la même date, la somme due au titre du second déblocage s'élevait à la somme de 2 348,72 euros.

Force est donc de constater que le plafond de la réserve n'a jamais été dépassé.

Enfin, le premier incident de paiement non régularisé remonté au mois d'août 2021 pour les deux utilisations, soit dans un délai inférieur à deux ans au regard de la date de l'assignation devant le juge de première instance le 5 mai 2022.

C'est donc à bon droit que le premier juge a fixé le point de départ du délai de forclusion à cette date et a dit que l'action intentée le 5 mai 2022 était recevable. Le jugement doit donc être confirmé.

Sur les sommes dues au titre du contrat renouvelable

Selon l'article L. 312-64 du code de la consommation, en sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, lors de l'ouverture d'un crédit renouvelable, l'établissement d'un contrat de crédit, sur support papier ou tout autre support durable, est obligatoire pour la conclusion du crédit initial et, dans les mêmes conditions, pour toute augmentation de ce crédit consentie ultérieurement.

1) Sur la validité de l'offre

En application de l'article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'une opération de crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires.

La société CIC produit :

- l'offre de contrat de crédit renouvelable utilisable par fractions qui comporte une clause de déchéance du terme,

- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,

- les courriers de reconduction des 30 mars 2020 et 31 mars 2021,

- les documents pour chaque utilisation de confirmation de déblocage des utilisations,

- la notice d'information sur l'assurance des emprunteurs,

- la fiche de renseignements sur les ressources et charges,

- la fiche "expression des besoins du client",

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement du 3 juillet 2019,

- les historiques des deux déblocages de fonds,

- les tableaux d'amortissement pour chaque utilisation,

- le relevé des échéances en retard pour chaque utilisation,

- la mise en demeure préalable à la déchéance du terme du 25 octobre 2021 et les mises en demeure du 30 décembre 2021 et 24 janvier 2022 portant sur le solde du crédit,

- les décomptes de créance pour chaque utilisation.

Le premier juge a considéré que ce contrat renouvelable n'était pas conforme aux règles d'ordre public du code de la consommation puisque les taux d'intérêts variaient en fonction de la nature de l'utilisation (véhicule auto/moto, travaux, autres projets), que ces catégories ressortaient pour certaines d'entre elles du crédit affecté ou du prêt personnel, que le contrat ne prévoyait qu'une acceptation donnée par l'emprunteur alors que les deux utilisations constituaient en réalité autant d'opérations distinctes remboursables avec des conditions particulières de remboursement indépendantes les unes des autres. Il en a conclu que chacune des utilisations constituait en réalité un emprunt.

Or, le crédit en réserve est un crédit renouvelable qui permet à l'emprunteur de puiser dans son enveloppe de crédit comme pour tout crédit renouvelable. Sa seule particularité est de fixer des taux qui sont déterminés à l'avance et qui sont fonction de la nature de l'utilisation et de son montant, ce qui ne contrevient pas aux articles L. 312-57 du code de la consommation et suivants, l'article L. 312-62 du même code évoquant la possibilité de proposer un crédit renouvelable pour financer l'achat de biens ou de prestations de service particuliers et ne rend pas ce type de crédit assimilable à un crédit affecté.

Par ailleurs, chaque utilisation fonctionne ensuite comme un crédit autonome avec un taux qui lui est affecté, mais c'est l'enveloppe globale qui se reconstitue au fur et à mesure de la part des remboursements représentant le capital, sans qu'il soit nécessaire de préciser la limitation de durée d'un an. Ce type de crédit renouvelable n'est donc pas prohibé et son fonctionnement explique que soient produits des historiques et des décomptes distincts.

Le crédit renouvelable conclu le 8 juillet 2019 est donc parfaitement valable.

La déchéance du droit aux intérêts n'est donc pas encourue de ce chef.

2) Sur la vérification de la solvabilité

L'article L. 311-9 (devenu L. 312-16) du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et de consulter le fichier prévu à l'article L. 333-4 (devenu L. 751-1), dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 (devenu L. 751-6).

Il résulte de l'article L. 311-48 al.2 (devenu L. 341-2) que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9 (devenus L. 312-14 et L. 312-16), il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Le contrat a été conclu en agence. L'article L. 311-10 du même code (devenu L. 312-17) qui impose à la banque en cas de crédit de plus de 3 000 euros de corroborer les informations de la fiche par des pièces justificatives à jour au moment de son établissement par tout justificatif du domicile de l'emprunteur, tout justificatif du revenu de l'emprunteur et tout justificatif de l'identité de l'emprunteur ne s'applique donc pas. Le premier juge, comme M. [D] dans ses conclusions à hauteur d'appel, a donc ajouté au texte en considérant que la banque devait joindre des pièces justificatives à l'appui d'un crédit conclu en agence, sachant qu'elle produit la fiche de dialogue et a consulté le FICP avant le déblocage des fonds du 8 juillet 2019 justifiant ainsi avoir rempli son obligation de vérification de la solvabilité.

Aucune déchéance du droit aux intérêts ne sera donc prononcée de ce chef.

3) Sur le devoir de mise en garde

M. [D] soutient que la banque a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde et invoque en réalité un défaut de vérification de sa capacité d'endettement.

Il convient de rappeler que si le banquier n'a pas de devoir de conseil ou de mise en garde concernant l'opportunité de l'opération principale financée, il est en revanche tenu d'un devoir de mise en garde par rapport au risque d'endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières de l'emprunteur non averti. Il est admis qu'en l'absence de risque d'endettement, le banquier n'est pas tenu à ce devoir de mise en garde.

La société CIC a fait remplir une fiche de dialogue par M. [D] qui mentionne des revenus cumulés de 84 000 euros par an et des crédits pour 2 376 euros en sus du crédit renouvelable dont les mensualités étaient de 254,77 euros, soit un reste à vivre de 4 171,23 euros, impôts sur le revenu déduits.

L'ensemble de ces éléments ne montre pas de risque d'endettement. Ainsi il ne saurait être reproché à la banque de n'avoir pas satisfait une obligation générale de mise en garde à laquelle elle n'était pas tenue dès lors que le crédit ne faisait pas naître un risque d'endettement excessif. Il n'appartenait pas au demeurant à la banque de s'immiscer dans les choix de son client.

M. [D] doit donc être débouté de toute demande de ce chef ; des dommages et intérêts ne sauraient lui être alloués.

4) Sur le montant dû

La société CIC verse notamment aux débats les historiques d'utilisations, la mise en demeure du 25 octobre 2021 ayant enjoint à M. [D] de régler les sommes de 593,88 euros et de 170,73 euros avant le 8 novembre 2021 à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 30 décembre 2021 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance. Il en résulte que la société CIC se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

Il résulte des pièces produites que M. [D] reste devoir à ce titre, hors indemnités de résiliation, les sommes de :

- 1 188,48 euros au titre des mensualités impayées pour l'utilisation n° 300661074100021037803 et 341,64 euros pour l'utilisation n° 300661074100021037804,

- 5 596,68 euros au titre du capital restant dû pour l'utilisation n° 300661074100021037803 et 2 014,74 euros au titre de l'utilisation n° 300661074100021037804.

La banque a cependant sollicité la confirmation du jugement de première instance en toutes ses dispositions, en ce compris sa condamnation au paiement de la somme de 7 760,18 euros au titre du crédit renouvelable.

Elle a en effet limité son appel, tant dans la déclaration d'appel que dans ses conclusions, à la somme retenue par le premier juge après application de la déchéance du droit aux intérêts.

Il convient dès lors de condamner la banque au paiement de la somme de 7 760,18 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 janvier 2022. La décision de première instance sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé quant au sort des dépens et frais irrépétibles. M. [D] qui succombe en appel doit supporter les dépens. En considération de la situation économique respective des parties, et plus particulièrement de la qualité d'établissement bancaire de l'intimée, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [H] [D] au paiement de la somme de 8 132,45 euros au titre du solde débiteur de compte ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [H] [D] à payer à la société Crédit industriel et commercial la somme de 7 935,45 euros au titre du solde débiteur du compte n° 00021037801 avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [H] [D] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/20360
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.20360 ?
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