La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°22/06050

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 juin 2024, 22/06050


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 06 JUIN 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06050 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5ND



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 21/01648



APPELANT



Monsieur [R] [X]

Chez Mme [U] [Adresse 1]

[Localité 3]





Représenté par M. [M] [P], défenseur syndical muni d'un pouvoir





INTIMÉE



S.A.S. ALTAIR SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Perrine PINCHAUX, avoca...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06050 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5ND

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 21/01648

APPELANT

Monsieur [R] [X]

Chez Mme [U] [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par M. [M] [P], défenseur syndical muni d'un pouvoir

INTIMÉE

S.A.S. ALTAIR SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Perrine PINCHAUX, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 267

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère présidente de chambre, rédactrice

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [X] a été engagé à compter du 1er janvier 2019 par la société Altair Sécurité, spécialisée dans le domaine de la sécurité des biens et des personnes et qui emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la prévention et de la sécurité (IDCC N° 1351).

Par courrier recommandé du 18 juin 2021, M. [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Estimant que la rupture du contrat de travail était imputable aux torts de la société Altair Sécurité, M. [X] a saisi le conseil des prud'hommes de Bobigny le 28 juin 2021, pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 10 mai 2022, cette juridiction l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à payer à la société Altair Sécurité la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 10 juin 2022, M. [X] a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions communiquées par courrier recommandé le 8 septembre 2022, M. [X], représenté par M. [T], défenseur syndical, demande à la cour:

- de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 10 mai 2022, dans toutes ses dispositions,

- de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur est justifiée,

- de condamner la société Altair Sécurité aux rappels de salaire et indemnités suivantes :

- 5 621,66 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse (Loi Macron 3,5 mois),

- 1 087,51 euros au titre de l'indemnité de licenciement légale,

- 3 212,38 euros au titre d'indemnités de préavis et 321,23 euros des congés payés y afférents,

- 3 780,80 euros au titre de rappel de prime de chien,

- 1 500 euros au titre d'un avertissement non justifié,

- 26,47 euros au titre de rappel de 2 heures supplémentaires (vacation du 17 au 18 février 2021) et 2,67 euros au titre des congés payés y afférents,

- 774,10 euros au titre de la violation du temps de pause et 77,41 euros de congés payés y afférents,

- 4 000 euros au titre d'indemnités pour chômage partiel injustifié,

- 7 000 euros au titre du harcèlement moral et de la mise en danger du salarié,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'annuler la condamnation de l'appelant à 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle n'est pas fondée, ce dernier avait et a toujours un intérêt à agir,

- moyenne des 3 derniers mois de salaire de base : 1 606,19 euros,

- de condamner la société Altair Sécurité aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 24 octobre 2022, la société Altair Sécurité demande à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 10 mai 2022,

ce faisant,

- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [X] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 4 avril 2024 pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur l'exécution du contrat de travail

A- sur la modification unilatérale du contrat de travail,

Le salarié soutient qu'à compter du mois d'octobre 2019, la société a refusé de lui verser les primes afférentes à son chien en lui expliquant qu'elle n'avait plus besoin de maître-chien et qu'il travaillait désormais en qualité d'APS, conformément aux termes de son contrat de travail dont il relève l'ambiguïté et l'absence de toute précision sur les conditions dans lesquelles le changement de fonctions, emportant diminution de ses revenus, pouvait intervenir.

La société Altair Sécurité rappelle au contraire que le salarié était informé de cette double fonction puisqu'il a signé et paraphé le contrat de travail en toute connaissance de cause, observation étant faite que la compensation financière due au titre de l'utilisation du chien n'est pas une prime mais une indemnité forfaitaire, sous- tendant un dédommagement en application de l'article 7 de la convention collective applicable.

L'article 1163 du code civil dispose que l'obligation a pour objet une prestation présente ou future qui doit être possible et déterminée ou déterminable, la prestation étant déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire.

Par ailleurs, en application de l'article L. 1222-1 du code du travail , le contrat de travail qui tient lieu de loi entre les parties est exécuté de bonne foi.

Il ne peut être modifié unilatéralement.

L'article 7 de la convention collective applicable prévoit que 'les agents de sécurité cynophiles bénéficient d'une indemnité forfaitaire correspondant à l'ensemble des dépenses courantes d'amortissement et d'entretien du chien. Cette indemnité est égale à 1,13 euros par heure de travail effectif de l'équipe homme-chien. (...). En outre, compte tenu des contraintes particulières liées conjointement aux horaires de travail et au transport et à l'accompagnement du chien, il est attribué aux agents de sécurité cynophiles une 'indemnité de transport de chien' (...)'. Cette indemnité est versée pour les jours où l'agent s'est effectivement rendu à son travail pour accomplir une vacation avec son chien, elle n'est donc pas due pour tout autre déplacement ne nécessitant pas la présence du chien'.

Aux termes de l'article 3 du contrat de travail, intitulé ' fonction et classification', M.[X] a été engagé dans les conditions suivantes :

' fonction: Agent de sécurité cynophile/APS

catégorie: Agent d'exploitation,

Classification: N.3 et E2 coeff 140

Taux horaire Brut: 10,20 €,

Salaire de base brut pour 151,67 heures: 1 546,99 €.

Le salarié bénéficiera d'une prime de chien d'un montant de 1,13€ par heure travaillée par l'équipe homme-chien'.

Les modalités de rédaction de l'article 3 ci-dessus rappelé et en particulier le fait que l'acronyme 'APS' soit ajouté aux termes 'Agent de sécurité cynophile' ne permettent pas de considérer que M. [X] a consenti à ce que ses fonctions alternent entre celles d'agent de sécurité cynophile et celles d'agent de prévention et de sécurité, au gré des besoins de son employeur, alors que le contrat de travail ne donne par ailleurs aucun détail sur les modalités selon lesquelles cette alternance pourrait survenir ni dans quelles conditions le salarié pourrait en être informé, peu important que l'alternance des fonctions ait été également imposée à d'autres salariés de l'entreprise.

De même n'est-il justifié d'aucun accord de M. [X], sur la modification de la nature de son emploi, survenue à compter de novembre 2019 lorsqu'il n'a plus été affecté sur un chantier en qualité d'agent de sécurité cynophile, alors qu'il avait effectivement exercé jusqu'alors ces fonctions et avait reçu de ce fait depuis le mois de janvier précédent, l'indemnité forfaitaire de l'article 7 précité et l'indemnité de transport de chien.

L'employeur a de nouveau modifié les fonctions de son salarié en l'affectant en juin 2021 sur un poste de renfort des agents sécurité incendie ('SSIAP'), dont il n'est pas davantage démontré, indépendamment de la qualification nécessaire à l'exercice, qu'il correspondait au poste contractuellement prévu.

Ainsi l'employeur a-t-il opéré une modification du contrat de travail à laquelle le salarié n'a pas consenti.

Le fait que les missions confiées à M. [X] à compter de novembre 2019 n'aient pas nécessité la présence de son chien ne lui est pas imputable, l'exception au versement de l'indemnité telle qu'elle résulte de l'article 7 pour les déplacements ne nécessitant pas la présence du chien n'est donc pas applicable.

En conséquence, il reste dû à M. [X] au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 7 de la convention collective applicable, 3 132,35 euros pour la période courant de novembre 2019 à avril 2020 date à laquelle le contrat de travail a été rompu.

En revanche, alors que n'ayant plus exercé de fonctions d'agent de sécurité cynophile à compter de novembre 2019, M. [X] n'a supporté aucune des contraintes particulières liées conjointement aux horaires de travail et au transport et à l'accompagnement du chien, la demande formée au titre de 'l'indemnité kilométrique chien' à laquelle la convention collective n'attribue pas de caractère forfaitaire, doit être rejetée.

B- sur l'avertissement du 23 mars 2021,

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En vertu de l'article 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur le prononcé d'une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de sanction du 23 mars 2021, dont les termes fixent les limites du litige, fait grief au salarié des faits suivants :

'Vous n'avez pas assuré vos vacations du 10, 18 et 19 février 2021 sur le site Eiffage où vous étiez affecté.

Nous tenons à vous rappeler les termes de l'article 7-02 de la convention collective:

'Est en absence régulière le salarié qui aura prévenu son employeur de l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'assurer son service et obtenu son accord.

Le salarié doit prévenir par téléphone son employeur dès qu'il connaît la cause de l'empêchement et au plus tard une vacation ou une journée avant sa prise de service afin qu'il puisse être procédé à son remplacement.

Cette absence sera confirmée et justifiée par écrit dans un délai de 48 heures à compter du premier jour de l'absence, le cachet de la poste faisant foi'.

Or, à ce jour, ces absences restent injustifiées.

Votre comportement peut mettre le contrat qui nous lie à notre client en péril.

En conséquence, nous vous adressons un avertissement qui sera versé à votre dossier et nous comptons sur votre professionnalisme afin que cela ne se reproduise plus'.

M. [X] conteste ne pas avoir respecté l'obligation d'information de son employeur s'agissant des absences reprochées, faisant référence à l'envoi de mails préventif et/ou contemporain de l'absence en citant une boîte mail et des numéros de téléphones portables destinataires des informations qu'il soutient avoir adressées.

L'employeur auquel il appartient d'apporter la preuve de la faute ne produit pas le relevé de la boîte mail citée par le salarié ni d'éléments relativement aux détenteurs des lignes téléphoniques précisément citées.

Il ne met ainsi pas la cour en mesure de vérifier que les messages d'alerte et les justificatifs adressés ne lui sont parvenus.

Faute d'élément prouvant la faute commise, l'avertissement doit être annulé, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point.

Au regard du préjudice résultant du prononcé injustifié d'une sanction, il convient d'allouer de ce chef la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

C- sur les heures supplémentaires,

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.

M. [X] expose qu'il a dû lors de la vacation des 17 et 18 février 2021, attendre l'arrivée de son remplaçant jusqu'à 9 heures alors que sa mission se terminait à 7 heures, ce dont il a alerté par SMS.

Face à ces éléments très précis s'agissant du jour et des horaires concernés, l'employeur n'apporte aucun élément utile, les plannings versés aux débats étant inopérants sur ce point en ce qu'ils ne démontrent pas le temps effectivement travaillé mais ne constituent qu'une simple organisation projective.

De même, l'arrêt de travail du 18 février 2021 ne permet pas de réfuter l'affirmation du salarié selon laquelle il était présent sur son lieu de travail ce même jour jusqu'à 9 heures, l'heure de délivrance ne figurant pas sur le document versé en pièce N° 26 par l'employeur, rien ne permettant de considérer que la consultation par le praticien soit intervenue avant 9 heures.

Enfin, de ce qui précède résulte que la sanction prononcée à raison notamment d'une absence du 18 février 2019 a été annulée.

Le jugement doit en conséquence, être infirmé et il est alloué à M. [X] les sommes de 26,47 euros à titre de rappel de salaire et 2,64 euros au titre des congés payés afférents.

D- sur les temps de pause,

Selon l'article L. 3121-33 alinéa 1er du code du travail devenu L. 3121-16 et L. 3121-17 en application de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, 'dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives'.

' Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche peut fixer un temps de pause supérieur'.

Aux termes de l'article 4 de la convention collective applicable tel qu'issu de l'accord du 15 juillet 2014, 'le temps de pause visé à l'article L. 3121-33 du code du travail est porté à trente minutes continues (départ/ retour poste).

Ce temps est rémunéré et assimilé à du temps de travail effectif.

Hormis un accord collectif plus avantageux, la pause du salarié doit être rémunérée s'il reste à la disposition de l'employeur pendant ce temps.

Cette situation de 'veille' doit nécessairement revêtir un caractère exceptionnel, éventuel et répondre à des conditions de nécessité et de sécurité'.

Il est admis que la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.

Rappelant qu'il était seul à son poste de travail, M. [X] affirme qu'il n'a pu prendre aucune des pauses conventionnellement prévues.

L'employeur n'apporte pas la preuve que le salarié a été effectivement mis en mesure de prendre sa pause en invoquant, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, le versement de l'indemnité de panier.

Si le temps de pause a été rémunéré comme du temps de travail effectif, ce qu'en l'espèce ne conteste pas M. [X] , mais ce qui exclut l'octroi d'un rappel de salaire, (cf 10 octobre 2018 N° 16-17794) le fait de ne pas y avoir accès donne droit à l'allocation de dommages-intérêts comme le salarié le rappelle (P. 11 in fine de ses conclusions), en application des dispositions de l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les articles 1 et 4 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 dont il est admis qu'elles constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur à titre de prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire.

En revanche, il y a lieu d'allouer au salarié des dommages-intérêts à raison du préjudice résultant de la mise en danger née du non-respect des temps de pause, qu'il convient d'évaluer en l'espèce à la somme de 850 euros.

E- sur le chômage partiel,

Par décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, afin de prévenir la propagation du virus covid-19, des mesures de confinement sont intervenues à compter du 17 mars 2020 jusqu'au 31 mars suivant.

Par la suite, cette période de confinement a été prolongée jusqu'au 10 mai 2020, puis renouvelée du 30 octobre au 14 décembre inclus, et enfin, du 3 avril au 2 mai 2021 inclus.

Par ailleurs, par décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020, relatif à l'activité partielle et au dispositif d'activité partielle spécifique en cas de réduction d'activité, les articles R.5122-2 et suivants du code du travail ont été modifiés, les employeurs étant en toute hypothèse soumis à des autorisations d'activité partielle.

Les parties affirment conjointement que M. [X] a été placé en activité partielle en avril, juin, et novembre 2020, puis de nouveau en janvier, avril et mai 2021.

Sans autre justification, la société soutient que ces périodes correspondent aux confinements liés à la pandémie de Covid 19, ce qui ne résulte pas des textes précités s'agissant des mois de juin 2020 et janvier 2021.

La référence à un nombre important de salariés placés en activité partielle en même temps que M. [X] est insuffisante à justifier la régularité des mesures prises à l'égard de ce dernier et l'absence d'abus du recours à l'activité partielle.

L'affirmation non autrement étayée de ce qu'il a perdu 'pendant cette période' plusieurs centaines d'euros sur le salaire, et la référence aux bulletins de salaire d'avril, juin, novembre 2020 et janvier, avril et mai 2021 non autrement analysés, conduisent la cour en l'absence de tout autre élément, à limiter l'indemnisation du préjudice afférent à la somme de 500 euros.

Le jugement ayant rejeté la demande d'indemnisation formée de ce chef doit donc être infirmé.

F- sur la violation de l'avenant du 28 janvier 2011 relatif à la reprise du personnel,

En application de l'article 2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, les salariés des entreprises de sécurité bénéficient, dans certaines conditions, d'une mesure de reprise de leurs contrats de travail par la nouvelle entreprise qui a obtenu le marché perdu par leur employeur.

Parmi les conditions fixées par le texte, il est exigé qu'à la date du transfert, le salarié ait effectivement accompli 900 heures de vacation sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents. Cette condition s'appréciant au prorata pour les salariés à temps partiel ou effectuant plus de 50% de leur temps de travail sur le périmètre sortant.

M. [X] ne conteste pas qu'il lui manquait effectivement quelques heures de vacations puisqu'il ne totalisait pas sur la période utile les 900 heures requises.

Mais il soutient que cela ne tient qu'à l'abus de son employeur au recours à l'activité partielle, invoquant sur ce point une discrimination par rapport aux autres salariés auxquels n'a pas été imposée une telle réduction de leurs vacations.

La société employeur considère qu'elle a eu recours de manière licite à l'activité partielle, et qu'en tout état de cause, c'est plus à son absentéisme que le salarié doit la non- atteinte du seuil des 900 heures, ce qui en tout état de cause ne lui a causé aucun préjudice puisque son contrat de travail a été maintenu sans être transféré.

Cependant, de ce qui précède, il résulte que la société Altair Sécurité n'a pas justifié du bien-fondé du recours à l'activité partielle sur la période de référence, faisant ainsi perdre au salarié une chance de voir son contrat de travail transféré à l'entreprise nouvellement bénéficiaire du marché.

Il doit ainsi être constaté que l'employeur n'a pas exécuté les obligations qui lui revenaient, le jugement devant être infirmé également sur ce point.

G- sur le harcèlement moral,

Selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, ' la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.'

Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [X] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de la société employeur à lui verser 7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, sans présenter les faits dont il estime que, pris dans leur ensemble, ils laissent supposer un harcèlement moral et sans formuler de moyen ni réserver de développement dans ses conclusions à ce titre.

Le jugement qui a rejeté la demande formée de ce chef doit donc être confirmé.

II- sur la rupture du contrat de travail

A- sur l'imputabilité de la rupture,

Dans le cadre de l'exception d'inexécution, il est admis que les manquements de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Il appartient aux juridictions de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture en fonction des griefs présentés par le salarié à l'appui de sa décision, le courrier en informant l'employeur ne fixant pas les termes du litige.

Les motifs présentés par M. [X] dans la lettre du 18 juin 2021, à l'appui de sa décision tiennent:

- à la modification unilatérale de son contrat de travail et à la perte de rémunération qui en est résultée, tenant à son affectation sur des postes d'agent de sécurité et non d'agent de sécurité cynophile,

- à la violation de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relative à la reprise du personnel,

- à sa perte de salaire liée à l'usage du chômage partiel,

- à un harcèlement moral.

Dans ses conclusions, l'intéressé ne fait plus référence à un harcèlement moral mais fonde sa décision de rupture, sur la modification unilatérale du contrat de travail et aux conséquences du recours abusif au chômage partiel sur la reprise de son contrat de travail.

De ce qui précède il résulte que les éléments sur lesquels le salarié se fonde ont été retenus par la cour qui a ainsi constaté la violation par l'employeur des obligations mises à sa charge, en particulier celles tenant à la qualification contractuellement déterminée et à la rémunération.

Ces faits, qui concernent des éléments essentiels du contrat de travail, ont eu des conséquences suffisamment graves, au regard des sommes à caractère alimentaire dont il a été privé et de sa perte de chance de bénéficier de la reprise de son contrat de travail pour justifier la décision prise par le salarié et imputer la responsabilité de la rupture au seul employeur.

Le jugement entrepris doit donc également être infirmé de ce chef, la prise d'acte devant avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

B- sur les effets de la rupture,

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'indemnité due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à M. [X] , engagé du 1er janvier 2019 au 18 juin 2021 et qui bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, doit être fixée à la somme de 5 620 euros, sur la base d'un salaire brut mensuel de 1 606,19 euros.

Au titre de l'indemnité de préavis et en application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, il est dû la somme de 3 212,38 euros et 321,23 euros au titre des indemnités de congés payés afférentes.

Enfin, au titre de l'indemnité de licenciement et en application des articles L. 1234-9 et

R. 1234-2 du code du travail, la société Altair Sécurité doit être condamnée à lui verser la somme de 1 087,51 euros.

III- sur le remboursement des allocations de chômage,

Les conditions d'application de l'article L. 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M. [X], une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à la condamnation de la société Altair Sécurité à verser à M. [X] :

- 774,10 euros à titre de rappel de salaire pour violation du temps de pause et 77,41 euros de congés payés afférents,

- 7 000 euros tendant à l'indemnisation d'un harcèlement moral,

INFIRME le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés,

DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Altair Sécurité à verser à M. [X] les sommes de

- 5 620 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 087,51 euros au titre de l'indemnité de licenciement légale,

- 3 212,38 euros au titre d'indemnités de préavis,

- 321,23 euros des congés payés afférents,

- 3 132,35 euros au titre de rappel de prime de chien,

- 500 euros au titre de l'avertissement non justifié délivré le 23 mars 2021,

- 26,47 euros au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

- 2,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l'utilisation non justifiée du chômage partiel,

- 850 euros à titre de dommages-intérêts pour mise en danger à raison du non-respect du temps de pause,

- 1 500  euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

CONDAMNE la société Altair Sécurité aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/06050
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.06050 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award