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06/06/2024 | FRANCE | N°21/09924

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 juin 2024, 21/09924


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 06 JUIN 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09924 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYD7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES - RG n° 20/00669





APPELANT



Monsieur [P] [M]

[Adresse 1]



[Localité 3]



Représenté par Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238





INTIMÉE



S.A.S. SOMSINO

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09924 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYD7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES - RG n° 20/00669

APPELANT

Monsieur [P] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238

INTIMÉE

S.A.S. SOMSINO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sabrina LA MARRA - SCHWARZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R140

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre,

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [M] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 25 février 2009 en qualité de conditionneur emballeur, par la société Sengchareun, aux droits de laquelle a succédé la société Somsino, spécialisée dans la préparation industrielle de produits alimentaires en vue de leur revente aux restaurants et supermarchés.

Le 16 août 2018, M. [M] ne s'est pas présenté à son poste de travail.

Par courrier recommandé du même jour, la société Somsino l'a mis en demeure de reprendre son poste de travail ou de justifier son absence.

Elle lui a notifié un avertissement par courrier du 22 août suivant.

Elle l'a mis en demeure de nouveau par lettre du 4 septembre suivant.

Par lettre du 5 septembre 2018, elle l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 14 septembre 2018, auquel M. [M] ne s'est pas présenté.

Par courrier recommandé du 18 septembre 2018, la société Somsino lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant son absence injustifiée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [M] a saisi le 14 juin 2019 le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint-Georges qui, par jugement rendu en formation de départage le 5 novembre 2021, l'a débouté de toutes ses demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté les autres demandes plus amples ou contraires et a condamné le demandeur aux dépens.

Par déclaration du 6 décembre 2021, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 février 2022, M. [M] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes,

statuant à nouveau,

à titre principal :

- juger que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Somsino à la somme de 41 724,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire :

- requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple,

en tout état de cause :

- condamner la société Somsino à verser à M. [M] les sommes suivantes :

- 3 477,08 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 347,70 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 491,22 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 500 euros à titre d'indemnité pour absence de visite médicale,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document,

- rejeter tout appel incident de la société Somsino,

- condamner la société Somsino aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 avril 2022, la société Somsino demande à la cour de :

- confirmer le jugement de départage rendu le 5 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint-Georges,

en conséquence,

- dire et juger M. [M] irrecevable et mal fondé en ses demandes,

- débouter M. [M] de toutes ses demandes,

y ajoutant,

- condamner M. [M] à verser à la société Somsino la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2024 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 4 avril 2024.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement adressée à M. [M] le 18 septembre 2018 contient les motifs suivants :

'Depuis le jeudi 23 août 2018, vous êtes en absence injustifiée.

Vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail et n'avez même pas pris la peine de nous informer de votre absence et de sa durée prévisible.

En dépit d'une précédente lettre vous sommant de reprendre votre poste, vous êtes toujours absent.

En outre, nous comptions sur votre présence en cette fin d'été, période pendant laquelle plusieurs salariés sont encore en congés.

Votre absence injustifiée perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise.[...]

Votre absence prolongée est d'autant plus inacceptable qu'elle correspond à une période pour laquelle nous vous avions refusé des congés.

Votre licenciement est immédiat, sans préavis ni indemnité de licenciement.'

M. [M] soutient avoir formulé une demande de congés payés, qui a été validée verbalement quelques mois auparavant, n'avoir pas pris de congés payés en 2015 et 2017, situation connue de son employeur qui semble vouloir exploiter de mauvaise foi un accord non formalisé, passé en l'absence de tout témoin, pour se débarrasser de lui. Il souligne que la société Somsino ne fournit aucun élément probant à l'appui de ses allégations et qu'elle aurait pu, au regard de son ancienneté, lui infliger une sanction moindre, le licenciement étant en tout état de cause disproportionné.

Réclamant la somme de 41'724,96 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [M] invoque l'inapplicabilité du plafond d'indemnisation de l'article

L.1235-3 du code du travail, contraire à la convention 158 de l'OIT et à la Charte sociale européenne, ne permettant pas à la juridiction de tenir compte de l'ensemble des éléments de situation du salarié quant à ses préjudices financier, professionnel et moral.

À titre subsidiaire, il sollicite que son licenciement soit dit reposant sur une faute simple et réclame les indemnités de rupture auxquelles il a droit.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, le grief opposé au salarié dans la lettre de licenciement est lié à son absence à son poste à compter du 23 août 2018, fait qui n'est pas contesté en sa matérialité.

Il n'est pas contesté non plus que les lettres de mise en demeure adressées par l'employeur sont restées sans réponse.

Si M. [M] se prévaut d'une justification à son absence, à savoir l'accord de l'employeur à une prise de congés sur la période litigieuse, force est de constater que lui-même reconnaît le caractère verbal de cette autorisation donnée hors la présence de témoin, et donc son incapacité à démontrer ce fait justificatif.

En revanche, la société Somsino verse aux débats des formulaires de demande de congés utilisés par M. [M] en 2016, 2017 et 2018 montrant la procédure en cours à ce sujet au sein de l'entreprise, le planning des congés accordés pour août et septembre 2018 ainsi que plusieurs attestations (émanant de la secrétaire comptable, d'un employé logistique et maintenance, d'un aide cuisinier et d'un chauffeur livreur) faisant état du refus 'catégorique' opposé par M. [T] , à la tête de l'entreprise, à la demande présentée par l'appelant, tout à fait informé du positionnement de l'employeur mais désireux de partir au Mali tout de même.

La société intimée verse également la liste des heures supplémentaires effectuées en août et en septembre 2018 par une partie du personnel.

En l'état, alors que la matérialité de l'absence injustifiée est manifeste, comme la perturbation qui s'en est suivie dans l'activité de l'entreprise à une période habituellement utilisée pour les congés payés par une partie des effectifs, et que le salarié ne peut se retrancher derrière une autorisation d'absence validée, le licenciement est justifié.

Toutefois, alors que l'employeur reconnaît avoir été sollicité au sujet des congés payés du salarié et savoir par conséquent la durée de cette absence injustifiée, la démonstration du maintien impossible de l'intéressé au sein de l'entreprise n'est pas faite; il convient de dire la rupture fondée sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave.

Il convient donc d'accueillir la demande d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur du montant réclamé, non strictement contesté par l'employeur. Il doit en aller de même des congés payés y afférents.

En ce qui concerne l'indemnité de licenciement, eu égard à l'ancienneté de M. [M] et à la moyenne de ses salaires sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement, il convient d'accueillir la demande à hauteur du montant proposé par l'employeur et conforme aux droits du salarié, à savoir 4 204,59 €.

Sur l'absence de visite médicale :

Invoquant le fait que sa dernière visite médicale remontait à 2017, M. [M] fait état de son préjudice résultant de ce manquement à l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur et réclame la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts.

La société Somsino conclut au rejet de la demande, le salarié ayant bénéficié d'une visite d'information et de prévention le 9 janvier 2017 à l'issue de laquelle une visite périodique était prévue au plus tard le 9 janvier 2022.

La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

A défaut de démontrer un préjudice - dont il ne définit pas la nature - , le salarié doit être débouté de sa demande.

Le jugement de première instance doit être confirmé de ce chef.

Sur la remise de documents :

La remise d'une attestation Pôle Emploi (devenu France Travail), d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif, conformes à la teneur du présent arrêt, s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société Somsino n'étant versé au débat.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande d'infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme globale de 2 000 € à M. [M].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à l'indemnisation pour absence de visite médicale,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement de M. [P] [M] fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,

CONDAMNE la société Somsino à payer à M. [M] les sommes de :

- 3 477,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 347,70 € au titre des congés payés y afférents,

- 4 204,59 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE la remise par société Somsino à M. [M] d'une attestation Pôle Emploi (France Travail), d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire récapitulatif, conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Somsino aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/09924
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.09924 ?
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