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06/06/2024 | FRANCE | N°21/09850

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 juin 2024, 21/09850


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 06 JUIN 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09850 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXU5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de creteil - RG n° F20/00610





APPELANT



Monsieur [K] [B]

[Adresse 2]

[Loc

alité 4] (ILE DE LA REUNION)



Représenté par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36





INTIMÉE



S.A.S. MAIN SECURITE

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée p...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09850 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXU5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de creteil - RG n° F20/00610

APPELANT

Monsieur [K] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4] (ILE DE LA REUNION)

Représenté par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36

INTIMÉE

S.A.S. MAIN SECURITE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Leslie KOUHANA KALFA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire juridictionnel, rédacteur

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'occasion de la reprise du marché sur lequel il était affecté par la société Sécurité Protection Intervention, le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Monsieur [K] [B] a été transféré à compter du 26 avril 2019 à la société Main Sécurité.

Un avenant de reprise a été signé par les parties, le salarié exerçant sa prestation de travail en qualité de chef d'équipe service sécurité incendie, statut agent de maîtrise, niveau I, échelon 1, coefficient 150 de la convention nationale des entreprises de prévention et de sécurité, avec reprise d'ancienneté au 22 juin 2016.

Par courrier recommandé du 7 mai 2019, la société Main Sécurité a suspendu le contrat de travail de M. [B], lui reprochant de ne pas disposer de carte professionnelle d'agent de sécurité en cours de validité.

Par courrier recommandé du 4 juin 2019, elle l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 19 juin 2019.

Par lettre recommandée du 18 juin 2019, le salarié a contesté l'obligation pour les agents de sécurité incendie (SSIAP) de posséder la carte professionnelle d'agent de surveillance et de gardiennage.

Par courrier recommandé du 27 juin 2019, la société Main Sécurité lui a notifié son licenciement.

Contestant le bien-fondé de la rupture et sollicitant la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, M. [B] a saisi le 10 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 7 octobre 2021, a :

- fixé la moyenne mensuelle de ses salaires à la somme de 1 190,53 euros bruts,

- dit que le licenciement de M. [B] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société de sa demande reconventionnelle,

- mis à la charge de chacune des parties ses propres dépens de l'instance.

Par déclaration du 17 novembre 2021, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 décembre 2023, M. [B] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 7 octobre 2021, en ce qu'il a :

- fixé la moyenne mensuelle de ses salaires à la somme de 1 190,53 euros bruts,

- dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

- mis à la charge de chacune des parties ses propres dépens de l' instance,

statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement de M. [B] est nul,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 43 255,27 euros à titre de rappel de salaires pour la période de nullité,

- 4 325,52 au titre des congés payés afférents,

à tout le moins :

- dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- prononcer la requalification judiciaire de son contrat de travail à temps plein,

en conséquence,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 1 189,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 172,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 317,27 euros au titre des congés payés afférents,

- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

(article R. 4624-31 du code du travail),

- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

(article L.1152-1 du code du travail),

- 34 900 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de nullité,

- 3 490 euros au titre des congés payés afférents,

- 38 073,36 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 2 379,58 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 mai 2019 au 27 juin 2019,

- 238 euros au titre des congés payés afférents,

- 43 255,27 euros à titre de rappel de salaires pour requalification d'un temps partiel à temps complet,

- 4 325,52 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, le conseil de prud'hommes se réservant le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

- rappeler que l'exécution provisoire est de droit selon l'article 514 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter du jour de la saisine,

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 mars 2022, la société Main Sécurité demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 7 octobre 2021,

statuant à nouveau,

- constater l'absence de nullité du licenciement intervenu,

- constater l'absence de renouvellement de la carte professionnelle de Monsieur [B],

- dire et juger le licenciement intervenu durant la période de suspension du contrat de travail du 7 mai 2019 licite, régulier et fondé,

- dire et juger que la société a exécuté loyalement, sans manquement et dans le respect des dispositions contractuelles, la relation de travail auprès de Monsieur [B],

- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 8 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la durée du travail et ses conséquences financières :

M.[B] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet. Il affirme avoir travaillé au-delà des horaires mensuels prévus par son contrat et les divers avenants, de telle manière qu'il devait se tenir constamment à la disposition de son employeur et ne pouvait s'organiser correctement pour trouver un autre contrat de travail, afin de compléter sa rémunération.

Au contraire, la société Main Sécurité soutient que le contrat de travail à temps partiel de M. [B] ne saurait être requalifié en temps complet. Elle affirme avoir respecté la durée du travail prévue par le contrat de M. [B], ce dernier ne pouvant lui reprocher des manquements imputables à son ancien employeur.

Sur ce,

L'article L.3123-6 du code du travail dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit mentionnant la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.

L'article L.3123-9 du même code dispose que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.

L'article L.3123-13 du même code dispose que lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines ou pendant la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L.3121-44 si elle est supérieure, l'horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.

L'horaire modifié est égal à l'horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement accompli.

En l'espèce, en l'état de la reprise du contrat de travail de M. [B] par la société Main Sécurité à compter du 26 avril 2019, de la notification qui lui a été faite le 7 mai 2019 suspendant l'exécution de son contrat de travail pour cause de carte professionnelle non renouvelée et des mentions apposées sur les bulletins de salaire de la période, aucun dépassement de la durée contractualisée de nature à faire encourir à l'employeur une requalification du contrat à temps complet ne peut être constaté.

Par ailleurs, M. [B], dont la demande de rappel de salaire sur 3 années comprend non seulement sa relation de travail avec la société Main Sécurité mais également - et plus largement- celle, antérieure, avec la société Sécurité Protection Intervention, ne formule aucun fondement juridique au soutien de sa demande dirigée à l'encontre de son dernier employeur.

Il convient donc de rejeter la demande.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [B] soutient que son licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse. Il affirme en effet avoir été licencié pour faute simple et non pour faute grave alors que son contrat de travail était suspendu en raison de son arrêt maladie. Il invoque son arrêt de travail initial communiqué à son précédent employeur pour la période du 15 avril au 19 mai 2019, prolongé le 15 mai 2019 pour conclure à une suspension de son contrat de travail toujours en cours au jour de son licenciement alors que d'une durée supérieure à 30 jours, cette suspension n'a pas donné lieu à une visite de reprise.

Par ailleurs, le salarié soutient qu'il n'avait pas l'obligation de détenir une carte professionnelle pour exercer son activité d'agent de sécurité incendie, l'absence de cette carte ne pouvant ainsi motiver un licenciement. Enfin, il prétend que si la société Main Sécurité tenait pour obligatoire la possession d'une carte professionnelle, il lui incombait alors de prendre en charge la formation nécessaire à son obtention, ce qu'elle n'a pas fait.

La société soutient que le licenciement de M. [B] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, que la possession d'une carte professionnelle en cours de validité est obligatoire, eu égard à l'activité et au site d'affectation du salarié. Elle ajoute qu'elle a prévenu le salarié à plusieurs reprises de la nécessité de régulariser sa situation, sans que celui-ci n'entame les démarches nécessaires à l'obtention de sa carte.

Sur ce,

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :

' (...) Votre carte professionnelle initiale est arrivée à expiration depuis le 21 octobre 2018.

Nous vous prévenions d'ailleurs qu'à défaut de produire le renouvellernent d'une autre carte professionnelle, vous ne rempliriez plus les conditions requises pour exercer une activité de surveillance et de sécurité, conformément à l'article L.612-20 du code de la sécurité intérieure.

Nous vous avons notifié par courrier recommandé le 07 mai 2019 la suspension de votre contrat de travail.

Par ce même courrier, nous vous prévenions qu'en l'absence de régularisation dans le temps imparti, nous serions contraints d'envisager à votre égard une éventuelle procédure pouvant aller jusqu'à la rupture de votre contrat de travail.

Nous vous avons laissé suffisamment de temps pour régulariser cette situation. Néanmoins nous sommes restés sans nouvelles de votre part, hormis une correspondance du 21 mai 2019 dans laquelle vous contestez le fait d'être assujetti à la détention d'une carte professionnelle, position que nous ne partageons pas comme indiqué dans notre courrier de réponse du 28 mai 2019. Nous sommes donc contraints d'envisager la rupture de notre relation contractuelle.

En effet, en application de l'article 11.05 de la CCN des entreprises de prévention et de sécurité, qui dispose que tout salarié qui ne pourrait obtenir une habilitation en cours d'activité, ne peut être maintenu sur son poste, entraînant la rupture du contrat de travail, et de l'article L.612-21 du code de la sécurité intérieure, vous ne pouvez plus être employé au sein de notre entreprise et votre contrat de travail est rompu de plein droit.

L'article L.612-20 du code de la sécurité intérieure dispose que :

Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L.611-1 - s'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat (...)

Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.

C'est dans ces conditions et pour veiller au respect des dispositions Législatives, conventionnelles et contractuelles sus visées que nous vous avons mis en demeure de nous tenir informés des suites données par le CNAPS à votre demande de renouvellernent.

En effet, le non respect de ces dispositions est une infraction pénale, l'article L.617-7 du code de la sécurité intérieure prévoit qu'est puni de deux ans d'emprisonnement et de

30 000 euros d'amende le fait d'employer une personne non titulaire d'une carte professionnelle mentionnée à l'article L 612-20, en vue de le faire participer à l'une des activités mentionnées à l'article L. 611-1.

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Malgré ces précautions pour vous faire réagir, vous n'avez pas jugé nécessaire de nous fournir une quelconque explication concernant la non production du document pourtant nécessaire à l'exercice de votre profession, ce qui démontre un laxisme évident pour l'exécution de votre prestation de travail et de la mauvaise foi dans nos relations contractuelles en omettant de nous le faire parvenir. De plus, vous contrevenez à l'article 26 du code de déontologie de notre profession, qui stipule que vous vous engagez à tenir informé votre employeur des suites réservées à votre demande de renouvellement.

Etant donné votre incapacité à accomplir votre prestation de travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs exposés ci-dessus.

Votre préavis, d'une durée de 7 jours calendaires débutera le lendemain de la date d'envoi de la présente lettre. Dans la mesure où vous n'êtes pas en mesure d'effectuer votre préavis, nous vous informons que celui-ci ne vous sera pas rémunéré.

Par ailleurs, nous vous avions notifié la suspension de votre contrat de travail à compter du 7 mai 2019, Cette période durant laquelle vous n'avez pu exercer votre activité professionnelle et accomplir votre prestation de travail, corollaire de votre contrat de travail, ne vous sera pas rémunérée'.

En l'espèce, il est constant que M.[B] ne disposait plus d'une carte professionnelle lors de la reprise de son contrat de travail en avril 2019, la validité de cette carte ayant expiré le 21 octobre 2018.

La circulaire du 12 août 2015 du Ministère de l'Intérieur rappelle que la sécurité privée et la sécurité incendie relèvent de deux réglementations différentes, qu'une société de sécurité privée peut exercer des missions de sécurité incendie à titre connexe de son activité principale à partir du moment où elle respecte les règles qui régissent cette activité et que l'exercice concomitant des deux missions est possible, dans le respect des dispositions textuelles s'appliquant aux types de bâtiments surveillés, sous réserve de justifier des exigences et des conditions posées par chacune des deux réglementations.

L'article 11.1 de la convention collective nationale de la prévention et de la sécurité prévoit que 'pour garantir l'appartenance du salarié à une société de sécurité et faciliter l'exercice de ses fonctions, il lui est attribué une carte d'identité professionnelle dont il doit être porteur pendant toute la durée de son service'.

Si l'obligation de détention de la carte professionnelle ne s'étend qu'aux salariés en charge de la surveillance, du gardiennage ou du transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, force est de constater qu'en l'espèce, selon les stipulations ( article 4- Conditions d'exécution ) de son contrat de travail, M. [B], bien que recruté comme agent de sécurité incendie ( SSIAP), avait d'autres obligations contractuelles :

'Le salarié signataire assurera la sécurité et la sauvegarde des biens meubles ou immeubles ainsi que des personnes qui leur sont rattachées dans les conditions prévues par le Code de la sécurité intérieure, par la Convention Collective Nationale des Entreprises de Prévention et de sécurité, par le Code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité et par le règlement intérieur de l'entreprise dont le salarié signataire reconnait par la signature du présent contrat avoir pris connaissance (ces différents textes sont tenus à votre disposition au secrétariat de l'agence ou affichés en application des dispositions du Code du travail).

Le salarié signataire déclare s'être fait remettre un exemplaire du Code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité lors de la signature du présent contrat et en avoir pris connaissance.

Le salarié signataire appliquera strictement les consignes qui lui sont données dans le cadre de ses missions.

Conformément au décret du 14 août 2015, le salarié signataire, s'il dispose de la qualification 'Incendie', accepte d'assurer des missions de Sécurité consistant notamment à :

Prévenir les risques du site : Le salarié signataire prend connaissance du site, des consignes du site, assure l'accueil et le contrôle d'accès, les rondes de surveillance, gère et exploite les alarmes et incidents,

Donner l'alerte et intervenir en cas d'incendie, d'intrusion ou d'accident Le salarié signataire utilise les moyens d'intervention mis à sa disposition, prévient et oriente les secours suivant les consignes établies, porte assistance,

Rendre compte : Le salarié signataire rédige l'ensemble des registres de service ainsi que les rapports d'incident ou d'anomalie, prévient l'agence de toute information susceptible de garantir ou d'améliorer la qualité des prestations'.

Par ailleurs, au titre de l'article 12 du contrat de travail ' Déclaration sur l'honneur / carte professionnelle', M. [B] s'est engagé ' à être détenteur d'une carte professionnelle délivrée par le C.N.A.P.S et obligatoire pour l'exercice de tous les métiers dans l'activité de prévention et sécurité, y compris pour l'exercice exclusif (ou concomitant) des activités de sécurité incendie' et 'à avertir immédiatement la société de tout changement dans la possession et la validité de la carte professionnelle, ainsi qu'à solliciter le renouvellement de la carte professionnelle dans les conditions fixées par le décret susvisé. Il s'engage à avertir immédiatement la société de tout événement susceptible de remettre en cause au regard de ladite loi la conformité de la relation contractuelle'.

Toutefois, selon l'article L.6321-1 du code du travail, ' l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.'

C'est à l'employeur d'assurer la formation en vue du renouvellement de la carte.

Or, force est de constater que la société Main Sécurité, qui a eu connaissance de la situation de M. [B] - dont la carte était échue depuis 2018 -, ne lui a proposé aucune formation, ni aucun financement en vue du stage nécessaire au renouvellement de la carte litigieuse.

Dans ces conditions, la société Main Sécurité ne pouvait valablement lui imputer ce grief, ni fonder la rupture du contrat de travail sur son impossibilité à assurer des prestations de prévention et de sécurité ( non incendie).

Selon l'article L.1226-9 du code du travail, 'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.'

Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle, conformément aux dispositions de l'article L1226-13 du code du travail.

Les règles protectrices édictées par ces textes s'appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Or, M. [B] verse aux débats un arrêt de travail du 15 avril au 19 mai 2019 pour cause de maladie et ne revendique pas, même partiellement, une origine professionnelle à cette suspension de son contrat de travail.

Au surplus, il ne justifie nullement de la connaissance de cette suspension de son contrat de travail par la société Main Sécurité au jour du transfert de son contrat, et ce d'autant que les bulletins de salaire produits aux débats ne portent mention d'aucune absence pour maladie à la période considérée, seules 48 heures d'absences autorisées non rémunérées figurant sur le bulletin de salaire de mai 2019.

La société Main Sécurité ne conteste pas, en revanche, avoir été destinataire d'un arrêt de travail du 15 mai au 2 juin 2019.

Il convient de constater que cette suspension, sur une durée ne rendant pas nécessaire une visite de reprise, n'est pas invoquée comme ayant pour cause une maladie professionnelle ou un accident du travail.

Au surplus, la procédure de licenciement à l'encontre du salarié a été initiée à l'issue de son arrêt de travail, la convocation à entretien préalable lui ayant été adressée par courrier du 4 juin suivant.

En outre, si la maladie ou l'état de santé ne peut être une cause de licenciement en application de l'article L.1132-1 du code du travail, en l'espèce, alors que le motif du licenciement avancé par la société est précis, consistant en une violation d'une obligation de détention d'une carte professionnelle -qui ne constitue pas un motif discriminatoire-, le salarié ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre à raison de son état de santé.

La demande de nullité du licenciement et les prétentions subséquentes doivent donc être rejetées, par confirmation du jugement entrepris.

En revanche, l'employeur ne pouvant valablement opposer au salarié le non-renouvellement de sa carte professionnelle, seul grief inscrit dans la lettre de licenciement, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

L'article 8.1 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité prévoit, pour les agents relevant de la grille maîtrise ayant plus de deux ans d'ancienneté, un délai congé de deux mois.

M. [B] ayant trois années d'ancienneté à la date de la rupture - eu égard à la reprise d'ancienneté convenue dans l'avenant conclu avec la société Main Sécurité-, il sera fait droit à sa demande d'une indemnité compensatrice égale à 3 172,78 euros, outre 317,27 euros au titre des congés payés afférents.

L'article L.1234-9 du code du travail dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R.1234-2 du même code dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Ainsi, il sera fait droit à la demande de M. [B], dans les limites de sa formulation, d'une somme de 1 189,79 euros à titre d'indemnité de licenciement.

M. [B] sollicite une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalant à 24 mois de salaire.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre trois et quatre mois de salaire.

Au moment de la rupture, M. [B] était âgé de 44 ans; il ne justifie pas de sa situation de demandeur d'emploi.

Au vu de ces éléments, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il convient d'évaluer son préjudice à la somme de 5 000 euros.

Enfin,le grief de non-renouvellement de la carte professionnelle ne pouvant être opposé au salarié, il convient de dire que la société Main Sécurité a suspendu à tort le contrat de travail de M. [B] pour la période du 7 mai au 27 juin 2019. Au regard du salaire de référence et à défaut de validité du motif de la suspension, il doit être fait droit à la demande de l'appelant au titre d'un rappel de salaire, à hauteur du montant réclamé de

2 379,58 euros, outre 237,95 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le non-respect de l'obligation de formation:

M. [B] soutient que la société Main Sécurité n'a pas respecté son obligation de formation, lui reprochant notamment de ne pas avoir pris en charge la formation nécessaire à l'obtention d'une carte professionnelle de sécurité privée.

La société Main Sécurité soutient qu'il incombait à l'ancien employeur de M. [B] de prendre en charge la formation permettant la délivrance de la carte professionnelle. En outre, la société affirme que le salarié ne saurait lui reprocher sa propre inertie, n'ayant jamais entamé les démarches pour bénéficier de la formation en question.

En l'espèce, nonobstant la carence de l'entreprise sortante, il incombait à la société Main Sécurité ayant appris l'absence de validité de la carte professionnelle de M. [B] de veiller à son employabilité, à son adaptation à son poste et de lui proposer une formation permettant de renouveler ce document professionnel nécessaire, conformément aux stipulations contractuelles, à l'exercice de sa profession.

En l'état du préjudice démontré, une somme de 1 000 € doit être fixée au bénéfice de M. [B] au titre du non- respect par l'employeur de son obligation de formation.

Sur le préjudice moral :

Monsieur [B] soutient que les circonstances particulièrement vexatoires de la rupture du contrat de travail lui ont causé un préjudice moral important, s'ajoutant à la difficulté de retrouver un poste en adéquation avec sa formation et son âge.

La société soutient que M. [B] ne justifie d'aucun préjudice.

En l'espèce, la cour relève que le salarié ne produit aucun élément justifiant d'une reprise tardive d'activité dans le cadre d'un nouveau contrat de travail et remarque que les circonstances, tant de la suspension du contrat que du licenciement, ont été réparées par un rappel de salaire et un paiement des indemnités de rupture.

M. [B] doit être débouté de sa demande au titre d'un préjudice moral -qu'il ne démontre pas-.

Sur le remboursement des indemnités de chômage:

Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de M. [B] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement par la société Main Sécurité des indemnités chômage éventuellement perçues par l'intéressé, dans la limite de six mois d'indemnités.

Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de Pôle Emploi, devenu France Travail, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.

Sur les autres demandes :

La société Main Sécurité devra délivrer à M. [B] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de celle-ci, sans qu'une mesure d'astreinte ne soit en l'état justifiée.

La demande d'exécution provisoire, inopérante en cause d'appel, doit être rejetée.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

La société Main Sécurité, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [B] la somme globale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe à une date dont les parties ont été informées,

INFIRME le jugement du 7 octobre 2021, sauf en ses dispositions rejetant les demandes au titre de la requalification à temps complet et du rappel de salaire afférent, de la nullité du licenciement, du préjudice moral, ainsi que la demande reconventionnelle de la société Main Sécurité,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [K] [B] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Main Sécurité à verser à M. [K] [B] les sommes suivantes :

- 1 189,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 172,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 317,27 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 379,58 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 mai 2019 au 27 juin 2019,

- 237,95 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2020,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts, sous réserve des conditions requises,

ORDONNE la remise par la société Main Sécurité d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi ainsi que d'un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa mise à disposition,

ORDONNE le remboursement par la société Main Sécurité aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [B] dans la limite de six mois,

ORDONNE l'envoi par le greffe d'une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de Pôle Emploi, devenu France Travail,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE la société Main Sécurité aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/09850
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.09850 ?
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