REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 05 JUIN 2024
(n° 2024/ , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/04014 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI743
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 15 Décembre 2021 - Cour d'Appel de PARIS - Pôle 3 Chambre 1 - RG n° 19/08623
DEMANDEUR A LA REQUETE
Monsieur [E] [L]
né le [Date naissance 9] 1950 à [Localité 13] (IRAN)
[Adresse 17] (ETATS-UNIS)
représenté par Me Emmanuel RAVANAS, SELURL ERAVANAS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1318
ayant pour avocat plaidant Me Robinson LADREIT DE LACHARRIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1318
DEFENDEURS A LA REQUETE
Monsieur [K] [L]
né le [Date naissance 7] 1954 à [Localité 13] (IRAN)
[Adresse 3] (ETATS-UNIS)
représenté par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
ayant pour avocat plaidant Me Audrey KANDALA, avocat au barreau de PARIS, toque : B204, substituant Me Kenneth WEISSBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : P46
Monsieur [A] [L]
né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 19] (IRAN)
[Adresse 18] (IRAN)
Madame [N] [L]
née le [Date naissance 8] 1983 à [Localité 19] (IRAN)
[Adresse 5] (ETATS-UNIS)
Madame [G] [L]
née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 19] (IRAN)
[Adresse 18] (IRAN)
représentés par Me Mohsen ASSADOLLAHI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1745
ayant pour avocat plaidant Me Faraneh DADKHAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1926
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
M. Bertrand GELOT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle PAULMIER- CAYOL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[Y] [O] [S], dont le dernier domicile était fixé à [Localité 16], est décédée le [Date décès 10] 2014, laissant pour lui succéder, selon l'acte de notoriété établi le 17 juillet 2014 par Me [Z] [I], notaire à [Localité 15] :
- ses fils, MM. [E] et [K] [L],
- [G], [N] et [A] [L] ses trois petits enfants venant en représentation de leur père [V] [L] pré-décédé le [Date décès 11] 2009 à [Localité 19].
La défunte était la veuve de [F] [M] [R] [B], décédé le [Date décès 6] 2005, dont elle n'avait pas eu d'enfant.
Selon testament authentique du 26 janvier 2006, [Y] [O] [S] a légué la totalité de ses biens situés en France à M. [K] [L] dans les termes suivants : « Je veux que tous mes biens en France reviennent à mon fils [K] [L], demeurant actuellement en [Localité 12] ; c'était ce que mon mari voulait et que je veux aussi. Il pourra recevoir ces biens même si leur valeur dépasse ses droits légaux ».
Cette disposition a été confirmée par un testament olographe en date du 19 décembre 2012 rédigé dans les termes suivants : « Je soussignée, [Y] [O] veuve [R] née à [Localité 13] (Iran) en 1924 lègue à mon fils [K] [L], demeurant [Adresse 3] (Etats-Unis) l'ensemble de mes biens et immeubles situés en France. A ce titre, je lui lègue notamment mon appartement situé à [Adresse 4]. Fait à [Localité 14] le 19 décembre 2012 (signature) ».
Par actes d'huissier des 2 juin et 26 septembre 2017, Mmes [G] et [N] [L] et M. [A] [L] ont assigné MM. [K] et [E] [L] devant le tribunal de grande instance de Paris, dénommé désormais tribunal judiciaire, aux fins d'ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [Y] [O] [S].
Par jugement du 29 janvier 2019, le tribunal judiciaire de Paris après avoir retenu que le décès de [Y] [O] [S] entraîne l'ouverture de plusieurs successions, une succession française, lieu du dernier domicile de la défunte portant sur les immeubles situés en France, en l'espèce un bien immobilier sis [Adresse 4] et sur l'intégralité des meubles quel que soit leur lieu de situation et des successions étrangères selon les pays sur le territoire desquels se situeraient des immeubles, a notamment :
-déclaré recevable les demandes en partage et en réduction des consorts [L] ([G], [N] et [A] [L]) et de [E] [L] portant sur la succession française,
-fixé à 68,99% le taux de réduction du legs consenti à M. [K] [L] ;
-débouté les consorts [L] et M. [E] [L] de leur demande de partage de la succession française,
-débouté les consorts [L] et M. [E] [L] de leur demande en paiement d'une indemnité de réduction dont ils ont chiffré le montant à 67 548,33 € pour chacun des trois consorts [L] et à 202 648 € pour M. [E] [L].
Sur le constat que les demandeurs et M. [E] [L] ne demandaient que le partage des biens situés en France et en Suisse, les premiers juges ont prononcé ce débouté aux motifs qu'il s'agissait d'une demande en partage partiel, qu'en cas de partage partiel, l'accord de toutes les parties sur le périmètre du partage est nécessaire et que M. [K] [L] n'avait pas en l'espèce donné son accord sur ce périmètre.
M. [K] [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 avril 2019.
Mmes [G] et [N] [L] et M. [A] [L] ont constitué avocat le 19 juin 2019, et M. [E] [L] le 19 juillet 2019.
Par arrêt du 15 décembre 2021, la cour d'appel de Paris a notamment statué dans les termes suivants :
-déclare recevable la demande de M. [E] [L] tendant à ce que soit ordonnée l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des biens meubles iraniens dépendant de la succession de [Y] [O] [S],
-infirme le jugement prononcé le 29 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :
*rejeté la demande tendant à voir ordonner l'ouverture des opération de compte, liquidation et partage de la succession de [Y] [O] [S] pour les biens sis en France,
*fixé à 68,99% le taux de réduction du legs consenti à M. [K] [L] par testament authentique du 26 janvier 2006 et confirmé par testament olographe du 19 décembre 2012,
statuant à nouveau,
-ordonne l'ouverture des opérations du liquidation et de partage judiciaire des biens immobiliers sis en France et de tous les biens meubles quel que soit leur lieu de situation, relevant de la succession de [Y] [O] [S], décédée le [Date décès 10] 2014,
-désigne pour procéder aux opérations de liquidation et de partage le notaire désigné d'un commun accord par les parties et à défaut Me [J] [U], notaire à [Localité 14],
-rejette la demande en réduction de MM. [E] et [A] [L] et de Mmes [G] et [N] [L],
-rejette la demande en réduction de M. [K] [L],
-confirme le jugement en tous ses autres chefs de dispositif dévolus à la cour,
-rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par requête aux fins d'interprétation remise le 1er mars 2024, M. [E] [L], demandeur, demande à la cour de :
-interpréter l'énoncé suivant de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 décembre 2021 :
*« Ordonne l'ouverture des opérations de liquidation et de partage judiciaire des biens immobiliers sis en France et de tous les biens meubles quel que soit leur situation, relevant de la succession de [Y] [W] [S], décédée le [Date décès 10] 2014 »,
-préciser que l'ouverture des opérations de liquidation et de partage des biens immobiliers sis en France et de tous les biens meubles quel que soit leur situation, relevant de la succession de [Y] [O] [S] implique nécessairement :
*le respect de la réserve héréditaire des héritiers réservataires et en conséquence la reconnaissance du droit à une indemnité de réduction de M. [E] [L] et de Mmes [G] et [N] [L] et M. [A] [L] venant en représentation de leur père prédécédé [V] [L] au regard du legs à titre universel des biens français de la succession stipulée au bénéfice de M. [K] [L] et,
*la détermination de son montant par la reconstitution de l'actif et du passif de la succession en valeur décès et en valeur partage avec réunion fictive des libéralités,
-juger que la décision interprétative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision interprétée,
-statuer sur les dépens comme il a déjà été statué par la décision à interpréter.
Aux termes de leurs uniques conclusions remises le 17 avril 2024, Mmes [G] et [N] [L] et M. [A] [L], défendeurs, demandent à la cour de :
-interpréter l'arrêt du 15 décembre 2021 (RG 19/08623) concernant :
*la réserve héréditaire des héritiers réservataires, ainsi que la reconnaissance du droit à une indemnité de réduction de M. [A] [L] et Mmes [G] et [N] [L],
*la détermination de son montant,
-ordonner que la décision interprétative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision interprétée,
subsidiairement,
-rectifier l'erreur et omission matérielles que la cour a commises dans sa décision du 15 décembre 2021 : « Dans la mesure où il appartenait à chacune des parties de rapporter la preuve que la valeur des libéralités consenties à M. [K] [L] d'une part et à MM. [E] et [V] [L] d'autre part, excède ce que la loi autorise, il y a lieu de rejeter les actions en réduction respectives des parties. »,
*la réserve héréditaire des héritiers réservataires, ainsi que la reconnaissance du droit à une indemnité de réduction de M. [A] [L] et Mmes [G] et [N] [L],
*la détermination de son montant,
-ordonner que la décision rectifiée sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision interprétée.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 19 avril 2024, M. [K] [L], défendeur, demande à la cour de :
-rejeter toutes les demandes en interprétation et modification de l'arrêt rendu le 15 décembre 2021,
-condamner M. [E] [L] à payer à M. [K] [L] 2 000 euros d'article 700,
-condamner M. [E] [L] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'affaire a été appelée à l'audience du 24 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Le jugement du 29 janvier 2019 avait débouté les héritiers de [Y] [O] [S] à l'exception de M. [K] [L], de leur demande en ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession française de la défunte au motif qu'elle portait sur un partage partiel de sa succession française sur le périmètre duquel il n'y avait pas un accord de tous les co-partageants.
Ce jugement a été infirmé par l'arrêt faisant l'objet de la présente requête en interprétation, au motif que la demande avait été élargie en cause d'appel à l'ensemble de la succession française, et statuant à nouveau, la cour a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession française de la défunte.
Au cours des opérations de partage qui ont commencé à se dérouler en exécution de cet arrêt, une difficulté est apparue entre les co-partageants. M. [K] [L] sous la plume de son conseil s'est opposé à ce qu'il soit procédé à une expertise de l'appartement parisien, faisant valoir que ce bien lui appartient par l'effet du legs consenti par sa mère, lequel legs serait non réductible en application de l'arrêt de la cour d'appel, que les opérations de partage ne porteraient que sur les seuls biens indivis, à savoir les comptes bancaires iraniens et les meubles meublant les biens immobiliers sis en Iran ayant appartenu à la défunte, s'agissant aux dires de l'ensemble des co-partageants, des seuls biens meubles faisant partie de la succession française.
Les conclusions de Mmes [G] et [N] [L] et de M. [A] [L] ayant été déclarées irrecevables par une ordonnance rendue le 14 février 2020 par le magistrat chargé de la mise état, la cour n'était saisie que par M. [E] [L] d'une demande en réduction du legs consenti par [Y] [O] [S] à M. [K] [L].
Ainsi, M. [E] demandait la confirmation du jugement qui avait fixé à 68,99% le taux de réduction de ce legs et, dans le cadre des opérations de comptes liquidation partage, de « dire et juger que le notaire désigné devra procéder au calcul et au versement de l'indemnité de réduction due par M. [K] [L] aux autres héritiers réservataires » ; l'appelant qui poursuivant l'infirmation du chef du jugement ayant déclaré recevables les demandes en réduction de ses co-héritiers, et fixé à 68,99% le taux de réduction du legs qui lui a été consenti, a conclu à l' « irrecevabilité de l'action en partage et réduction du legs intentée par les consorts [G], [N] et [A] [L] » sans conclure subsidiairement au fond.
Etant rappelé que M. [K] [L] demandait pour sa part la réduction des libéralités consenties par [Y] [O] [S] portant sur des biens immobiliers iraniens, la cour n'a statué qu'en l'état des demandes qui lui avaient été présentées, n'ayant pas été saisie d'une demande de la part de M. [K] [L] tendant à voir débouter ses co-héritiers de leur demande d'indemnité de réduction.
Or, après le rejet de l'irrecevabilité soulevée par M. [K] [L], la cour a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage, lesquelles sont destinées notamment à permettre de déterminer s'il y aura lieu ou non à réduction.
Il suit donc que les opérations de comptes liquidation partage de la succession française de [Y] [O] [S] ont pour objet de déterminer le montant de la réserve héréditaire et de la quotité disponible et de vérifier si le legs consenti à M. [K] dépasse la quotité disponible et dans l'affirmative, la fixation du montant de l'indemnité de réduction due par ce dernier à MM. [E] et [A] [L] et Mme [G] et [N] [L].
Il résulte en conséquence de la motivation de l'arrêt que la cour a entendu rejeter les actions en réduction respectives en l'état, comme étant prématurées puisque c'est précisément l'arrêt qui a ouvert les opérations de partage qui seules peuvent permettre de déterminer s'il y aura lieu ou non à réduction.
Partant, l'arrêt sera interprété comme il sera dit au dispositif de la présente décision.
Il sera fait masse des dépens de la présente procédure en interprétation qui seront employés en frais de partage et supportés par chacun des co-partageant à proportion de ses droits dans le partage.
Au vu de cette répartition des dépens, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [K] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt interprétatif contradictoire et dans les limites de l'appel,
Interprète le chef de l'arrêt ainsi libellé :
« ordonne l'ouverture des opérations du liquidation et de partage judiciaire des biens immobiliers sis en France et de tous les biens meubles quel que soit leur lieu de situation, relevant de la succession de [Y] [O] [S], décédée le [Date décès 10] 2014, »
comme impliquant pour le notaire chargé des opérations de comptes liquidation partage de déterminer le montant de la réserve héréditaire et de la quotité disponible et de vérifier si le legs consenti à M. [K] [L] dépasse la quotité disponible et dans l'affirmative, la fixation du montant de l'indemnité de réduction due par ce dernier à MM. [E] et [A] [L] et Mme [G] et [N] [L].
Déboute M. [K] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit qu'il sera fait masse des dépens de la présente procédure en interprétation qui seront employés en frais de partage et supportés par chacun des co-partageant à proportion de ses droits dans le partage.
Le Greffier, Le Président,