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04/06/2024 | FRANCE | N°23/09588

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 04 juin 2024, 23/09588


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 04 JUIN 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09588 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHWNM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/04389



APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR

GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté à l'audience par Madame Martine TRAPERO, avocat général,





INTIME
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 04 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09588 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHWNM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/04389

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame Martine TRAPERO, avocat général,

INTIME

Monsieur [A] [E] né le 7 mai 2001 à [Localité 5] (Pakistan)

domicilié au cabinet de son conseil :

Me Constance DEWAVRIN

AARPI NOVO AVOCATS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Constance DEWAVRIN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: E1590

Assisté de Me Eléonore PEIFFER DEVONEC de l'AARPI NOVO AVOCATS, avocat plaidant du barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB39

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro C-75056-2023-50166 du 27/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 avril 2024, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 29 mars 2023 du tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, ordonné l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [A] [E] le 29 avril 2019, en vertu de l'article 21-12 du code civil, devant le tribunal d'instance de Sannois, sous le numéro de dossier DnhM n°42/2019, jugé que ce dernier, né le 7 mai 2001 à [Localité 5] (Pakistan), a acquis la nationalité française le 29 avril 2019, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil en marge des actes concernés, rejeté la demande de M. [A] [E] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle ;

Vu la déclaration d'appel du ministère public en date du 24 mai 2023 ;

Vu les conclusions du 10 août 2023, signifiées par acte de commissaire de justice en date du 28 août 2023 par le ministère public qui demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance en tout son dispositif et statuant à nouveau, juger que M. [A] [E] n'est pas de nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [A] [E] aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 28 février 2024 par M. [A] [E] qui demande à la cour de confirmer le jugement de première instance dans tout son dispositif et condamner l'Eétat à payer à Me Constance DEWAVRIN, avocate au barreau de Paris, intervenant au titre de l'aide juridictionnelle, en sa qualité de conseil de M. [A] [E], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ainsi que de condamner l'État aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 mars 2024 ;

MOTIFS

Sur la régularité de la procédure

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 24 mai 2023 par le ministère de la Justice.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

M. [A] [E], se disant né le 7 mai 2001 à [Localité 5] (Pakistan) revendique la nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil pour avoir souscrit le 29 avril 2019 une déclaration en ce sens, dans la mesure où il avait été confié sans discontinuité depuis plus de trois années à cette date au service de l'aide sociale à l'enfance.

Son action a été introduite à la suite du refus d'enregistrement de sa déclaration qui lui a été opposé le 17 octobre 2019 par le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Sannois, aux motifs que la légalisation de son acte de naissance ne respectait pas la coutume internationale imposée sur les actes pakistanais devant être produits en France.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s'il ne dispose d'un état civil certain. Aux termes de l'article 47 du code civil en effet, tout acte de 1'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de1'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégu1ier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

L'acte de naissance du déclarant doit être authentique et conforme à la législation du pays dans lequel il a été dressé et, le cas échéant, porteur de la formalité de la légalisation ou de l'apostille, pour lui permettre de justifier d'un état civil certain et, partant, de sa minorité à la date de la souscription s'agissant, pour les déclarations souscrites sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, d'une déclaration exclusivement réservée aux mineurs.

La France n'ayant conclu aucune convention de dispense de légalisation avec le Pakistan, les copies d'actes de l'état civil émanant de ce pays ne peuvent produire d'effet en France si elles n'ont pas été légalisées. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Pour juger que M. [A] [E] est de nationalité française, le tribunal a notamment retenu que la copie originale de son acte de naissance, délivrée le 31 décembre 2021, avait été correctement légalisée le 31 janvier 2022 par le consul adjoint et chef de la chancellerie de l'Ambassade de France au Pakistan, sans que ne puisse être opposée la circonstance qu'il s'agit d'une légalisation portant sur la signature du directeur adjoint du ministère pakistanais des affaires étrangères.

M. [A] [E] produit de nouveau cet acte, ainsi que sa traduction (pièces 14 et 15). Il verse également l'original d'un autre acte de naissance, présenté sur le bordereau comme « délivré le 23 octobre 2018 », mais en réalité délivré le 25 octobre 2018, et légalisé par l'ambassade du Pakistan en France le 3 mai 2019, ainsi que sa traduction (pièce 3). [Un troisième acte de naissance, délivré le 13 novembre 2019, est également versé en pièce 4, mais, s'agissant d'une simple photocopie, il ne présente pas de garantie d'intégrité et d'authenticité].

Le ministère public soutient à juste titre devant la cour que l'appelant ne fait pas la preuve d'un état civil certain, faute de légalisation régulière des actes de naissances produits.

Ainsi, l'acte de naissance délivré le 29 octobre 2018 comporte un tampon vert avec la seule mention « signature attested » émanant d'[G] [Y] [B], chef de la section consulaire de l'Ambassade du Pakistan à [Localité 6]. Toutefois, ce tampon ne comporte aucune précision quant à l'identité de la personne dont la signature est ainsi vérifiée, alors même que figurent également sur cet acte de naissance, directement sous le tampon du chef de section consulaire, deux autres tampons « attested », sans autre précision, émanant de deux autorités distinctes, [E] [M] [Z], notaire public, et [J], directeur adjoint du ministère des affaires étrangères du Pakistan, ainsi, qu'en bas à gauche de l'acte, un dernier tampon comportant uniquement le nom de [L] [T], secrétaire d'état civil. Il s'ensuit que la légalisation opérée par le chef de la section consulaire ne permet pas, comme le souligne le ministère public, de s'assurer ni de l'identité et de la qualité de la personne ayant délivré la copie de l'acte de naissance, ni de la véracité de sa signature.

Le second acte de naissance, délivré le 31 décembre 2021, comporte en son recto:

- un tampon bleu indiquant « Checked by [E] [P] [F], assistant director » ainsi qu'une signature,

- un cachet à l'encre rouge « Countersigned only » émanant du ministère des affaires étrangères pakistanais,

- un cachet à l'encre violette de [E] [K] [H] [X], Notary Public, en date du 1er janvier 2022 ;

- un autre cachet violet, de « Secretary Union Council 27 [C] 40 M.D.Dm »

Au verso de l'acte, un tampon rouge émanant de [V] [U], consul adjoint, chef de chancellerie atteste de la véracité de la signature de [E] [P] [F], directeur adjoint au ministère pakistanais des affaires étrangères.

S'il est exact que la « sur légalisation » par le consul de France au Pakistan de la signature du directeur adjoint au ministère des affaires étrangères pakistanais est conforme au décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 alors applicable, il n'en demeure pas moins que, pour être régulière, la légalisation opérée par l'autorité étrangère dont la signature a été vérifiée par l'autorité consulaire française, doit porter sur l'identité, la signature, et la qualité de l'autorité ayant délivré l'acte. Or, en l'espèce, le tampon bleu et la signature de [E] [P] [F] se borne à indiquer que l'acte a été « vérifié », sans que l'on ne puisse affirmer, contrairement à ce que soutient l'appelant, que ce tampon, apposé sur la partie centrale de l'acte, se rapporte à la signature de l'agent rédacteur de l'acte, uniquement identifié par le tampon « Secretary Union Council 27 [C] 40 M.D.Dm » figurant en bas à gauche de cet acte, sous le tampon du « Notary public ».

Il s'ensuit que l'acte de naissance délivré le 31 décembre 2024 ne peut produire effet en France.

M. [A] [E] ne justifiant pas d'un état civil certain ne peut donc prétendre à la nationalité française.

Le jugement est infirmé.

M. [A] [E], qui succombe, est débouté de sa demande formée sur le fondement des dispositions des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit que les formalités prévues à l'article 1040 du code de procédure civile ont été accomplies et que la procédure est régulière,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [A] [E], se disant né le 7 mai 2001 à [Localité 5] (Pakistan) n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Déboute M. [A] [E] de sa demande formée sur le fondement des dispositions des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Condamne M. [A] [E] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/09588
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.09588 ?
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