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04/06/2024 | FRANCE | N°23/06760

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1- a, 04 juin 2024, 23/06760


COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1- A

N° RG 23/06760 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMRM



Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle

Date de l'acte de saisine : 23 octobre 2023

Date de saisine : 02 novembre 2023



Nature de l'affaire : Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Décision attaquée : n° F21/00713 rendue par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de Longjumeau le 22 septembre 2023



A

ppelant :

Monsieur [Z] [K], représenté par Me Franck Serfati, avocat au barreau de Val-De-Marne, toque : PC149





Intimée :

S.A....

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1- A

N° RG 23/06760 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMRM

Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle

Date de l'acte de saisine : 23 octobre 2023

Date de saisine : 02 novembre 2023

Nature de l'affaire : Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Décision attaquée : n° F21/00713 rendue par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de Longjumeau le 22 septembre 2023

Appelant :

Monsieur [Z] [K], représenté par Me Franck Serfati, avocat au barreau de Val-De-Marne, toque : PC149

Intimée :

S.A.S. Cora, prise en son établissement de Massy et agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Benoit Guerville, avocat au barreau de Lille, toque : 0171

ORDONNANCE DE CADUCITÉ

(n° /2024, 4 pages)

Nous, Didier Le Corre, magistrat en charge de la mise en état,

Assisté de Sila Polat, greffier,

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 22 septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Longjumeau, saisi par M. [K] de différentes demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail formées contre la société Cora, a rendu la décision suivante:

« DIT et JUGE que la prise d'acte de la rupture prend les effets d°une démission ;

DÉBOUTE Monsieur [Z] [K] de l°ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [Z] [K] à verser à la S.A.S. CORA les sommes suivantes :

- 24l9,00 € (deux mille quatre cent dix-neuf euros) au titre de l"indemnité compensatrice de

préavis non effectuée,

-100,00 € (cents euros) au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-100,00 € (cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure Civile ;

MET les dépens à la charge de Monsieur [Z] [K] ;»

Par déclaration remise au greffe par voie électronique le 23 octobre 2023, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.

Le 13 novembre 2023, M. [K] a remis au greffe ses conclusions d'appelant.

La société Cora a constitué avocat le 17 novembre 2023.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 mars 2024, la société Cora a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident portant sur nullité de la déclaration d'appel et la caducité de celle-ci.

Le 13 mars 2024, la société Cora a remis au greffe ses conclusions au fond d'intimée.

Par conclusions en réponse sur incident notifiées par RPVA le 10 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des prétentions et moyens, M. [K] demande le débouté de la société Cora de ses demandes de nullité et de caducité de la déclaration d'appel et que la société Cora soit condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives d'incident notifiées par RPVA le 19 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des prétentions et moyens, la société Cora invoque la nullité et la caducité de la déclaration d'appel et sollicite que M. [K] soit condamné à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater que si, dans les motifs de ses conclusions en réponse sur incident,

M. [K] soulève l'irrecevabilité des conclusions d'incident de la société Cora, cette irrecevabilité n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions en réponse sur incident de M. [K], de sorte que le conseiller de la mise en état n'est pas saisi de cette irrecevabilité.

Sur la nullité de la déclaration d'appel

La société Cora expose que la déclaration d'appel du 23 octobre 2023 est nulle en ce qu'elle ne précise pas les chefs de jugement expressément critiqués.

Selon l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit préciser, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. La nullité ainsi encourue n'est pas une irrégularité de fond mais une irrégularité de forme impliquant, pour celui qui l'invoque, la démonstration d'un grief. En outre, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel à la condition que celle-ci intervienne avant l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure.

En l'espèce, la déclaration d'appel du 23 octobre 2023 est libellée de la façon suivante:

« Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués »

Cette déclaration d'appel encourt donc la nullité.

M. [K] a remis au greffe une nouvelle déclaration d'appel le 10 avril 2024. Celle-ci est par conséquent intervenue après le terme du délai de trois mois imparti à M. [K] pour conclure après sa déclaration d'appel initiale du 23 octobre 2023. La nouvelle déclaration du 10 avril 2024 ne peut donc valoir régularisation de la déclaration initiale.

Contrairement à ce que soutient M. [K], ses conclusions et le message RPVA dans lequel il indique ne pas être opposé à une médiation ne sont pas de nature à « interrompre, en tant que de besoin, toute prescription et caducité » au regard de la nullité de la déclaration d'appel.

La déclaration d'appel du 10 avril 2024 ne régularisant pas la déclaration d'appel du 23 octobre 2023, il convient d'examiner celle-ci au regard de la démonstration par la société Cora d'un grief.

A cet égard, il est relevé que la société Cora, intimée, a été en mesure de conclure puisque les conclusions au fond de l'appelant déterminaient la portée de l'appel et les points critiqués du jugement.

Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité de la déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

Sur l'absence d'effet dévolutif

La société Cora fait valoir l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

L'article 562 du code de procédure civile dispose que:

« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

Toutefois, en application des articles L.311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile (2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 21-10.685, B).

Il en résulte que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

Sur la caducité de la déclaration d'appel

L'article 908 du code de procédure civile dispose que « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe ».

En l'espèce, M. [K] a remis ses conclusions d'appelant au greffe le 13 novembre 2023, de sorte qu'il a rempli l'obligation prévue par ce texte dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

Toutefois, l'article 911 du code de procédure civile dispose que:

« Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe. »

Il ressort de ce texte que l'appelant doit aussi, sous peine de caducité de la déclaration d'appel, notifier ses conclusions à l'avocat constitué pour l'intimé, et ce dans le délai de leur remise au greffe. En revanche, si l'intimé n'a pas constitué avocat, l'appelant doit signifier ses conclusions d'appelant à l'intimé, et ce au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai imparti par les articles 908 et 911. Cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat, l'appelant doit alors notifier ses conclusions à cet avocat.

En l'espèce, M. [K] a remis ses conclusions d'appelant au greffe le 13 novembre 2023 et la société Cora, intimée, a constitué avocat le 17 novembre 2023. Dès lors qu'au 17 novembre 2023 M. [K] n'avait pas encore signifié ses conclusions à la société Cora, il devait donc, après cette date, procéder à la notification de ses conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimée, et ce au plus tard dans le mois suivant le délai de trois mois pour conclure.

Or, ce n'est que le 07 mars 2024 que M. [K] a notifié à la société Cora des conclusions d'appelant qui étaient ses conclusions n°2, les conclusions d'appelant initiales n'ayant pas été notifiées préalablement à l'avocat de l'intimée. Il en résulte que cette notification du 07 mars 2024 est intervenue plus de quatre mois après sa déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

Pour s'opposer à la caducité, l'avocat de M. [K] invoque, de façon assez confuse, le caractère interruptif des délais par les mesures de médiation.

Toutefois, l'article 910-2 du code de procédure civile dispose que « La décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l'article 127-1 ou qui ordonne une médiation en application de l'article 131-1 interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910. L'interruption produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur ».

Il résulte de ce texte que c'est la décision enjoignant les parties de rencontrer un médiateur ou la décision qui ordonne une médiation qui, seules, interrompent les délais impartis pour conclure, cette interruption produisant ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.

Or, en l'espèce, aucune décision enjoignant aux parties de rencontrer un médiateur ou ordonnant une médiation n'a été prise par le conseiller de la mise en état ou la cour, de sorte qu'aucune interruption des délais de procédure n'est intervenue.

L'obligation procédurale en cause ne peut être tenue pour disproportionnée ou contraire au principe du procès équitable posé par l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle poursuit le but légitime d'assurer la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient donc de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de M. [K] du 23 octobre 2023, étant rappelé que la déclaration d'appel du 10 avril 2024 a été faite hors délai et est donc dépourvue d'effet propre ou régularisateur.

Il paraît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles pour la procédure d'incident.

PAR CES MOTIFS

DIT n'y avoir lieu à nullité de la déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

DIT que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur l'absence d'effet dévolutif de cette déclaration d'appel.

DIT que la déclaration d'appel du 10 avril 2024 n'a pas régularisé la déclaration d'appel du 23 octobre 2023.

PRONONCE la caducité de la déclaration d'appel de M. [K] du 23 octobre 2023.

LAISSE à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et les déboute de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [K] aux dépens de l'incident.

Paris, le 04 juin 2024

Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état

Copie au dossier

Copie et notification à Me [P] [I] et Me Benoit Guerville


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1- a
Numéro d'arrêt : 23/06760
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.06760 ?
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