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04/06/2024 | FRANCE | N°23/03751

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 04 juin 2024, 23/03751


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 04 JUIN 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03751 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFVW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 21/04309





APPELANT



Monsieur [V] [F] né le 8 avril 1967 à [Localité 7

] (Maroc),



[Adresse 5]

MAROC



représenté par Me GUIBAL substituant Me Matthieu ODIN de la SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : R105





INTIME
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 04 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03751 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFVW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 21/04309

APPELANT

Monsieur [V] [F] né le 8 avril 1967 à [Localité 7] (Maroc),

[Adresse 5]

MAROC

représenté par Me GUIBAL substituant Me Matthieu ODIN de la SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : R105

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Madame Martine TRAPERO, avocat général,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 avril 2024, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 18 janvier 2023 du tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté M. [V] [F] de sa demande tendant à voir dire qu'il est de nationalité française, jugé que M. [V] [F], né le 8 avril 1967 à [Localité 7] (Maroc), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention de l'article 28 du code civil et l'a condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 17 février 2023 de M. [V] [F] ;

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 janvier 2024 par M. [F] qui demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance en tout son dispositif et en conséquence juger qu'il est de la nationalité française, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil et condamner l'agent judiciaire de l'Etat à payer à M.[V] [F] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 20 février 2024 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 février 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 12 juin 2023 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [V] [F] revendique la nationalité française par filiation paternelle pour être né le 8 avril 1967 à [Localité 7] (Maroc) de M. [B] [F], né le 31 janvier 1928 à [Localité 4] (Algérie), lui-même issu de [K] [C]. [Y], né en 1898 à [Localité 4] (Algérie), de nationalité marocaine. Il fait valoir que son père aurait conservé de plein droit la nationalité française, pour ne pas s'être vu conférer la nationalité algérienne lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

M. [V] [F] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, la délivrance lui en ayant été refusée le 31 octobre 2019 par le consul général de France à [Localité 6] (Maroc), les actes de naissance et de mariage versés ayant été jugés non conformes à la législation algérienne.

Il lui appartient donc de justifier devant la cour d'un état civil certain au sens de l'article 47 du code civil, et de sa filiation à l'égard d'un père de nationalité française.

Pour justifier de son état civil, M. [V] [F] produit notamment deux copies intégrales de son acte de naissance marocain n°1449, respectivement délivrées les 26 juin 2018 et 30 mars 2022 aux termes desquelles il est né le 8 avril 1967 à [Localité 7] de [B] fils de [K], de nationalité marocaine, né à « [Localité 4] » [Localité 4] Algérie, en 1928 et de [T] fille de [R], de nationalité marocaine, née à [Localité 3] Algérie en 1929, l'acte ayant été dressé le 27 novembre 1974 (Pièces 2 et 2 bis).

Contrairement à ce que soutient le ministère public, aucune conséquence ne peut être tirée de la circonstance que la première copie intégrale d'acte de naissance de M. [V] [F] mentionne que son père, [B] [F], était âgé de 46 ans, et non de 36 ans, au jour de la naissance, dès lors que cette incohérence est la conséquence d'une erreur matérielle comme il en est justifié par la production de la deuxième copie de l'acte de naissance, mentionnant un âgé de 36 ans, et de la copie intégrale de l'acte de naissance algérien de son père revendiqué, M. [B] [F], indiquant une naissance en 1928 (pièce 3).

En revanche, le ministère public relève à juste titre le caractère tardif de la déclaration de la naissance de l'intéressé, intervenue en 1974, soit sept ans après sa naissance, en violation de l'article 4 du Dahir marocain du 12 novembre 1963, lequel renvoie à l'article 21 du Dahir marocain de 1915 qui prévoit que « les déclarations de naissance seront faites dans le mois de l'accouchement à l'officier de l'état civil du lieu de la circonscription ». Les deux articles susvisés prévoient que la naissance non déclarée dans le délai légal ne peut être enregistrée qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal. Or, aucun jugement n'est mentionné sur l'acte de naissance, ni versé aux débats, sans que l'intéressé ne s'en explique devant la cour.

Il s'ensuit que M. [V] [F] ne justifie pas d'un état civil certain au sens de l'article 47 du code civil, et qu'il ne peut, à ce premier titre, revendiquer la nationalité française.

Au surplus, s'agissant de la nationalité française revendiquée par l'appelant, et comme l'a rappelé justement le tribunal, les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements français d'Algérie sont régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de ces textes que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française, alors que les Français de statut de droit local originaires d'Algérie qui se sont vus conférer la nationalité de cet État ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils justifient avoir souscrit la déclaration récognitive prévue aux articles 2 de l'ordonnance précitée et 1er de la loi du 20 décembre 1966.

Toutefois, les Français de statut particulier à qui la nationalité algérienne n'a pas été conférée par voie de disposition générale restent français, de sorte que les personnes nées en Algérie d'un parent d'origine marocaine et ayant acquis la nationalité française à leur majorité, antérieurement à l'indépendance, ont pu conserver de plein droit la nationalité française.

En l'espèce, M. [V] [F] n'allègue pas devant la cour, comme le relève le ministère public, que son père, né en Algérie d'un père lui-même né en Algérie avant l'indépendance, a souscrit une déclaration recognitive de nationalité française à l'indépendance de l'Algérie pour pouvoir conserver la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 et de l'article 1er de la loi du 20 décembre 1966.

S'il affirme que son père, [B] [F], né le 31 janvier 1928 à [Localité 4] (Algérie), et son grand-père, [K] [C] [Y], né en 1898 à [Localité 4] (Algérie), n'étaient pas de nationalité algérienne, ni ne se sont vu conférer la nationalité algérienne par voie de disposition générale, il n'en justifie toutefois pas.

En effet, en premier lieu, et comme rappelé par le ministère public, il résulte de la loi n° 63-96 du 27 mars 1963 portant code de la nationalité algérienne qu'est de nationalité algérienne par filiation l'enfant né d'un père algérien, et de son article 34 que le mot algérien « en matière de nationalité d'origine s'entend de toute personne dont au moins deux ascendants en ligne paternelle sont nés en Algérie et y jouissaient du statut musulman » (pièce 1 du ministère public). Contrairement à ce que soutient l'appelant, la circonstance qu'[B] [F] et [K] [C] [Y] n'auraient pas disposé d'une possession d'état d'algériens est, indifférente, celle-ci n'étant pas, au regard de la loi susvisée, une condition de l'attribution de la nationalité algérienne d'origine. En outre, si M. [V] [F] affirme que son père a été licencié de son poste au sein du ministère des travaux publics et de la construction pour ne pas avoir possédé la nationalité algérienne, le document versé en pièce 12 est un préavis de licenciement en date du 14 août 1967 mentionnant une date d'effet du licenciement au 30 août 2017, sans référence à aucun motif, et qui ne fait pas non plus référence au courrier en date du 15 juin 1967 précédemment adressé à l'intéressé lui demandant de transmettre son certificat de nationalité algérienne, de sorte qu'aucun lien de cause à effet ne peut en être déduit.

En second lieu, M. [V] [F] ne verse pas, comme le relève le ministère public, l'acte de naissance de son arrière-grand-père revendiqué, père de [K] [C] [Y], seul à même d'établir l'origine marocaine de son grand-père, étant précisé que, comme l'a déjà justement retenu le tribunal, le passeport marocain et la carte d'identité marocaine de [K] [C] [Y] ne peuvent constituer cette preuve, pas plus que, s'agissant des documents versés en cause d'appel, la transcription des actes de naissance algériens d'[B] [F] et [K] [C] [Y] à l'état civil marocain et les attestations de nationalité marocaines de ces derniers, délivrées le 13 février 2023 (pièces 13 à 16b de l'appelant).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. [V] [F], qui ne justifie ni d'un état civil certain, ni de l'origine marocaine de son père revendiqué, ne peut prétendre à la nationalité française.

Le jugement est confirmé.

Succombant à l'instance, M. [V] [F] est débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré et que la procédure est régulière,

Confirme le jugement,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Déboute M. [V] [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] [F] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/03751
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.03751 ?
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