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03/06/2024 | FRANCE | N°23/05649

France | France, Cour d'appel de Paris, Chambre 1-5dp, 03 juin 2024, 23/05649


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Chambre 1-5DP



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 03 Juin 2024



(n° , 4 pages)



N°de répertoire général : N° RG 23/05649 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLGD



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des

débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 24 Mars 2023 par M. [F] [S]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Loca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 03 Juin 2024

(n° , 4 pages)

N°de répertoire général : N° RG 23/05649 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLGD

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 24 Mars 2023 par M. [F] [S]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 4] (SERBIE), domicilié au cabinet de son avocat Me Kheira FLISSI-GHERABLI [Adresse 1] ;

Non comparant

Représenté par Me Kheira FLISSI-GHERABLI, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Julie CERMAN, avocat au barreau de PARIS, accompagnée par Madame [J] [L], élève avocat ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 22 Avril 2024 ;

Entendue Madame [J] [L], élève avocat, accompagnée par Me Julie CERMAN, avocat au barreau de PARIS, représentant M. [F] [S] ;

Entendue Me Anne-Laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [F] [S], né le [Date naissance 2] 1985, de nationalité serbe, a été mis en examen des chefs de complicité de vol en bande organisée et d'association de malfaiteurs, puis placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 3] le 19 décembre 2019 et ce, jusqu'au 20 avril 2020, date à laquelle il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris.

Le 20 avril 2020, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance de mise en accusation de M. [S] devant la cour d'assises de Paris.

Par arrêt du 18 novembre 2022, la cour d'assises de Paris a acquitté M. [S] qui a produit un certificat de non appel. Cette décision est don définitive à son égard.

Le 24 mars 2023, M. [S] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci, :

- que sa requête soit déclarée recevable,

- le paiement des sommes suivantes :

* 50 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en réponse déposées le 12 avril 2024 et soutenues oralement lors de l'audience du 24 avril 2024, M. [S] demande au premier président de lui allouer les sommes suivantes :

- 50 000 euros en réparation de son préjudice moral

- 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures, déposées le 04 juillet 2023 et développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de réduire à de plus justes proportions, qui ne sauraient excéder la somme de 10 000 euros, la demande formulée par M. [S] au titre de son préjudice moral et de réduire à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de ses conclusions déposées le 07 mars 2024, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention de cent-vingt-trois jours et à la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées.

Le requérant a eu la parole en dernier.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.

Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1,149-2 et 149-3 du code précité.

M. [S] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation le 24 mars 2023, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision d'acquittement est devenue définitive, et justifie du caractère définitif de cette décision par la production du certificat de non appel de l'arrêt de la cour d'assises de Paris du 18 novembre 2022.

Sa requête est donc recevable pour une durée de détention indemnisable de 123 jours.

Sur l'indemnisation

- Sur le préjudice moral

M. [S] considère qu'il a subi un choc carcéral plein et entier car il n'a jamais été incarcéré auparavant et il a subi des conditions de détention difficiles au sein de la maison d'arrêt de [Localité 3]. La surpopulation carcérale de cet établissement est attestée par un rapport d'activité de 2020 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui fait état de la très forte surpopulation qui ne permet pas d'organiser deux promenades par jour et la possibilité d'avoir trois douches par semaine. L'observatoire international des prisons relève un taux d'occupation de la maison d'arrêt de 175,20% au 1er janvier 2024. Il évoque également la durée longue et traumatisante de sa détention pendant 123 jours, alors qu'il n'avait pas accès aux activités sportives et de loisirs, ni aux dispositifs de formation et de travail proposés par la maison d'arrêt, en raison de la pandémie de Covid-19 et de confinement. Il expose enfin avoir été séparé de sa compagne et de son fils mineur et de ne pas avoir pu rencontrer ses proches à l'occasion des fêtes de fin d'année.

L'agent judiciaire de l'Etat considère que pour apprécier l'importance du choc carcéral, il convient de tenir compte de l'absence de passé carcéral du requérant, car, même si son casier judiciaire porte trace de deux condamnations, il n'a jamais été incarcéré avant son placement en détention provisoire. S'agissant des conditions de détention, il n'est produit aucun élément qui justifie de l'existence de conditions de détentions indignes qui soient propres au requérant et le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté fait référence à une visite de l'établissement pénitentiaire du 3 au 14 avril 12017, soit trois ans avant la détention objet de la présente instance. C'est ainsi que les conditions de détention ne peuvent pas être retenues comme étant un facteur de majoration du préjudice moral du requérant . Concernant la durée de cette détention, elle n'est pas constitutive d'un facteur d'aggravation du choc carcéral mais un élément d'appréciation de ce dernier pour déterminer le montant de l'indemnisation. Il est donc proposé de lui allouer la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice.

Le procureur général considère que le préjudice lié au choc carcéral de M. [S] est plein et entier ce dernier n'avait jamais été incarcéré, malgré les deux condamnations figurant à son casier judiciaire. Il n'était pas marié mais était père d'un enfant qui n'était pas à sa charge. S'agissant de ses conditions de détention à la maison d'arrêt de [Localité 3], il y a lieu de retenir une surpopulation carcérale attestée par des chiffres du ministère de la justice contemporain à sa période de détention . Le requérant ne démontre pas pour le surplus de conditions particulières de détention qui lui soient propres mais évoque seulement un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui est antérieur de 3 ans à la période de détention de M. [S].

Il ressort des pièces produites aux débats que M. [S] était âgé de 34 ans au moment de son incarcération, vivait en concubinage et était père d'un enfant mineur qui n'était pas à sa charge. Le bulletin numéro 1de son casier judiciaire porte trace de 3 condamnations entre juin 2019 et juillet 2022 dont aucune à une peine d'emprisonnement ferme réellement effectuée, car la peine de trois d'emprisonnement prononcée le 14 juin 2019 a été convertie en un sursis TIG d'une durée de 105 heures. C'est ainsi que le choc carcéral initial a été important.

La durée de la détention provisoire, 123 jours en l'espèce, n'est pas non plus un facteur aggravant du préjudice moral mais un élément d'appréciation de celui-ci.

S'agissant de ses conditions de détention, la surpopulation de la maison d'arrêt de [Localité 3] est évoquée par les chiffres publiés par le ministère de la justice qui fait éta d'une surpopulation de la maison d'arrêtd e [Localité 3] de 174,10% au 1er janvier 2020 qui correspond à la période de d&étention du requérant. Par contre, le rapport de visite du 3 au 13 avril de l la maison d'arrêtd e [Localité 3] établi par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est antérieur de trois ans à la date de détention de M. [S]. De même, le rapport de l'observatoire international des prisons date du 1er janvier 2024 et ne peut donc être retenu.

Le fait d'avoir été détenu pendant la période de confinement et de pandémie mondiale de Covid-19 a entraîné la suppression des parloirs et des visites au sein de l'établissement pénitentiaire. Les activités ont également été supprimées. Ces éléments constituent des facteurs d'aggravation du choc carcéral.

C'est ainsi qu'au vu de ces différents éléments, il sera alloué à M. [S] une somme de 13 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [S] ses frais irrépétibles et une somme de 1 500 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la requête de M. [F] [S] recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

- 13 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons M. [F] [S] du surplus de ses demandes.

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 03 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Chambre 1-5dp
Numéro d'arrêt : 23/05649
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;23.05649 ?
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