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30/05/2024 | FRANCE | N°22/18308

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 22/18308


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18308 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTN3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 mai 2022 - Juge des contentieux de la protection de MONTREUIL-SOUS-BOIS - RG n° 11-22-000086





APPELANTE



La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVO

YANCE ILE DE FRANCE, société anonyme coopérative de banque à capital fixe agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° S...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18308 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTN3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 mai 2022 - Juge des contentieux de la protection de MONTREUIL-SOUS-BOIS - RG n° 11-22-000086

APPELANTE

La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE, société anonyme coopérative de banque à capital fixe agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 382 900 942 00014

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

INTIMÉ

Monsieur [V] [N]

né le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France a émis une offre de crédit personnel d'un montant en capital de 50 000 euros remboursable en 119 mensualités de 528,67 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 4,34 %, le TAEG s'élevant à 4,34 %, soit une mensualité avec assurance de 547,17 euros, dont elle affirme qu'elle a été acceptée par M. [V] [N] selon signature électronique du 26 mars 2020.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte en date du 4 février 2022, la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France a fait assigner M. [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montreuil-sous-Bois en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 9 mai 2022, l'a déboutée de toutes ses demandes contre M. [N] et l'a condamnée aux dépens.

Le premier juge a considéré que s'agissant d'un contrat signé par voie électronique, la société de crédit devait justifier que la signature électronique permettait de rattacher l'opération au fichier de preuve et qu'en l'espèce elle échouait à rapporter cette preuve rendant le contrat inopposable au débiteur.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 25 octobre 2022, la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 12 décembre 2022, la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement,

- statuant à nouveau,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée,

- subsidiairement de prononcer la résiliation du contrat,

- de condamner M. [N] à lui payer la somme de 55 826,56 euros en remboursement du crédit dont 52 137,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,43 % à compter du 21 juin 2021 et la somme de 3 689,45 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2021 au titre de l'indemnité contractuelle,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- à titre subsidiaire,

- de condamner M. [N] à lui payer la somme de 49 446,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2021, date de la mise en demeure infructueuse au titre de la répétition de l'indu,

- de condamner M. [N] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ces derniers pouvant être recouvrés par Maitre Stéphane Gautier en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante explique, en application des articles 1366 et 1367 du code civil, justifier d'une signature électronique qualifiée de M. [N] puisqu'elle verse un document comportant pour chaque signataire une première page intitulée "propriétés de la signature" ainsi qu'un certificat de signature électronique Certinomis, permettant d'accorder à la signature une présomption de fiabilité.

Elle indique subsidiairement que les documents versés aux débats valent à tout le moins commencement de preuve par écrit de l'existence d'un contrat de prêt lui permettant de rendre opposable le contrat à M. [N].

A titre encore plus subsidiaire, elle soutient que M. [N] doit être condamné sur le fondement de la répétition de l'indu puisqu'il a bénéficié de 50 000 euros et n'a réglé que 553,12 euros.

Elle estime que sa créance est bien fondée à hauteur de 55 826,56 euros, son action n'encourant pas la forclusion et le contrat de crédit la déchéance du droit aux intérêts pour quelque motif que ce soit.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [N] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 16 décembre 2022 remis selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 26 mars 2024.

Par message RPVA adressé au conseil de l'appelante le 27 mars 2024, la cour a constaté que la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) produite n'était ni signée ni paraphée de la part de l'emprunteur intimé qui ne comparaissait pas.

Elle a rappelé que par un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre civile de la cour de cassation a considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance figurant au contrat et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque de sorte que la cour a invité l'appelante à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 30 avril 2024.

Suivant note en délibéré déposée par RPVA le 29 avril 2024, le conseil de l'appelante demande de voir écarter la sanction de la déchéance du droit aux intérêts s'agissant de la preuve de la remise de la FIPEN estimant que la reconnaissance expresse par l'emprunteur d'une telle remise résulte de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit et de la mention notée en dernière page de la FIPEN, "Signé électroniquement le : 26/03/2020 M. [N] [V]".

Elle indique à titre subsidiaire que si la cour devait la déchoir de son droit aux intérêts pour défaut de preuve de remise de la FIPEN, elle devrait condamner M. [N] au paiement d'une somme de 49 446,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2021, date de la mise en demeure infructueuse (50 000 € (capital emprunté) - 553,12 € (règlements reçus).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 26 mars 2020 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la preuve de l'obligation

En application de l'article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il incombe à chaque partie, par application de l'article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en 'uvre une signature électronique qualifiée, et que constitue "une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement dont il s'agit et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l'article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement".

L'article 1359 du même code exige la production d'un écrit pour rapporter la preuve des actes juridiques dont le montant excède 1 500 euros mais aux termes de l'article 1361, si un écrit n'est pas produit, la preuve peut être rapportée par un commencement de preuve par écrit corroboré par d'autres éléments.

L'article 1362 du même code prévoit que constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui émane de la partie qui conteste un acte ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable ce qui est allégué.

En l'espèce, la Caisse d'Epargne d'Ile de France fonde son action en paiement sur une offre de crédit émise au nom de M. [V] [N] le 26 mars 2020 portant sur un prêt personnel de 50 000 euros remboursable en 117 mensualités de 547,17 euros chacune au taux nominal de 4,34 % l'an.

Il n'est pas contesté que la banque n'a pas rencontré le client en agence, la copie de l'offre communiquée aux débats constituée de 5 pages n'est revêtue d'aucune signature manuscrite de l'emprunteur dans l'encadré prévu à cet effet : est indiqué page 4/5 "signé électroniquement le 26/03/2020" sous la mention "signature(s) client (s)".

Or, force est de relever que l'appelante ne produit pas aux débats de fichier de preuve de recueil de signature électronique avec "procédé de signature électronique qualifiée" émanant par exemple d'un prestataire de service de certification électronique, et ce conformément à l'article 1er du décret du 28 septembre 2017 : le seul document fourni intitulé "propriétés de la signature" comporte quatre pages et ne permet de connaître ni les procédés utilisés pour garantir l'identité du signataire (envoi d'un code par SMS ou mail par exemple) ni la méthode d'archivage. Ce document émanant de la banque elle-même ne saurait établir la preuve du recours à un procédé fiable de recueil de signatures électroniques permettant de garantir l'intégrité de l'acte et l'identité du signataire et respectant les dispositions des articles 1366 et 1367 du code civil.

Enfin, si ce seul document fourni par la banque et destiné à prouver la validité de la signature contient les nom et prénom "[N] [V]", il ne comporte en revanche pas de numéro pouvant le relier au crédit conclu.

La signature du contrat et donc la validation des conditions de l'offre, impliquant l'acceptation par l'emprunteur des dispositions contractuelles dont le taux d'intérêts, ne sont donc pas établies et dès lors aucune des dispositions contractuelles ne peut être opposée à M. [N], étant observé enfin qu'aucun document émanant de M. [N] ne démontre qu'il en a accepté les conditions.

La Caisse d'Epargne d'Ile de France doit donc être déboutée de sa demande principale tendant au paiement de sommes en exécution de dispositions contractuelles et de sa demande subsidiaire, aucun élément versé au dossier ne permettant de rendre opposable le contrat à M. [N].

Sur la demande au titre de la répétition de l'indu

A hauteur d'appel et à titre subsidiaire, l'appelante demande le remboursement du capital versé augmenté des intérêts au taux légal sur le fondement de la répétition de l'indu.

Il résulte des articles 1302 et suivants du code civil que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition, et celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'espèce, la banque n'établit pas le versement de la somme de 50 000 euros sur le compte de M. [N], la production d'un unique historique de règlements mettant en évidence un financement au 3 avril 2020 de 0 puis le prélèvement d'échéances revenant payées ou impayées sans que ne soit jamais indiqué le solde restant dû à l'issue des prélèvements étant insuffisante.

Cet historique des règlements fait ainsi apparaitre une somme de 6 325, 26 euros réglée au 7 juin 2021 sans qu'aucune autre indication n'apparaisse.

Aucune autre pièce n'est produite, en particulier aucun relevé du compte n° [XXXXXXXXXX02] de M. [N], sur lequel les fonds sont censés avoir été déposés n'est versé aux débats ; il ne peut ainsi être confirmé le versement de la somme de 50 000 euros au profit de M. [N].

Dès lors, la banque échouant à rapporter la preuve d'un quelconque versement de fonds, sa demande en restitution ne pourra prospérer et elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Le jugement de première instance sera donc confirmé.

Sur les autres demandes

Le jugement qui a condamné la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France aux dépens de première instance doit être également confirmé et la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France conservera la charge de ses dépens d'appel ainsi que de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France de ses demandes ;

Condamne la société Caisse d'Epargne et de prévoyance Ile de France aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/18308
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.18308 ?
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