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30/05/2024 | FRANCE | N°22/17802

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 22/17802


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17802 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRZX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PALAISEAU - RG n° 11-22-000105





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, sociÃ

©té par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 5]

[Adresse 5...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17802 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRZX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PALAISEAU - RG n° 11-22-000105

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [R] [S]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 6] (97)

[Adresse 1]

[Localité 3]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 8 mars 2017, la société Sogefinancement a consenti à M. [R] [S] un crédit personnel d'un montant en capital de 15 000 euros remboursable en 80 mensualités de 227,24 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,90 %, le TAEG s'élevant à 6,33 %, soit une mensualité avec assurance de 236,99 euros.

Par avenant du 24 avril 2018, les parties ont convenu d'un réaménagement du montant dû à cette date de 13 533,63 euros par réduction du montant des mensualités à la somme de 181,79 euros assurance comprise, sur 99 mois du 5 juin 2018 au 5 août 2026.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 10 février 2022, la société Sogefinancement a fait assigner M. [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Palaiseau en paiement du solde du prêt lequel, par jugement contradictoire du 13 septembre 2022, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et a condamné M. [S] au paiement de la somme de 4 803,77 euros avec intérêts au taux légal non majoré, autorisé M. [S] à s'acquitter de cette somme en 23 mensualités de 150 euros et la 24ème correspondant au solde avec une clause de déchéance du terme, débouté les parties de leurs autres demandes et condamné M. [S] aux dépens et au paiement d'une somme de 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a retenu que la solvabilité de l'emprunteur n'avait pas été suffisamment vérifiée, la banque ne produisant pas de pièces justificatives de ses revenus et charges et n'avait pas respecté les dispositions de l'article L. 311-10 du code de la consommation que ce soit lors de l'octroi du crédit ou lors du réaménagement. Il a relevé qu'il n'était pas justifié d'une consultation du FICP.

Il a déduit les sommes versées soit 10 196,23 euros du capital emprunté et a relevé que pour assurer l'effectivité de la sanction il fallait écarter l'application des dispositions relatives à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points.

Il a enfin octroyé des délais de paiement en considération de la situation de M. [S].

Par déclaration réalisée par voie électronique le 14 octobre 2022, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 16 janvier 2023, la société Sogefinancement demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de déclarer irrecevable le moyen visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts au regard du délai de prescription quinquennale, et subsidiairement de rejeter le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 17 juillet 2020 et,

- en tout état de cause, de condamner M. [S] à lui payer la somme de 10 148,96 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,90 % l'an à compter du 4 novembre 2022 en deniers ou quittance pour les règlements postérieurs au 3 novembre 2022 ; subsidiairement en cas de déchéance du droit aux intérêts, de condamner M. [S] à lui payer la somme de 4 799,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2022 en deniers ou quittance pour les règlements postérieurs au 3 novembre 2022,

- de dire et juger n'y avoir lieu à délais de paiement supplémentaires, subsidiairement, en cas d'échéancier dans la limite du délai légal de 24 mois, de dire et juger qu'en cas de non-respect d'une seule échéance à bonne date, l'intégralité de la créance sera immédiatement exigible,

- en tout état de cause de condamner M. [S] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de Selas Cloix & Mendes Gil.

S'agissant de la prescription, elle fait valoir que celle-ci s'applique à toutes les demandes qu'elles soient formées par voie d'action ou par voie d'exception, que la demande de déchéance du droit aux intérêts est bien une demande puisqu'elle vise à compenser les intérêts avec la créance et que cette prescription s'applique aussi bien aux parties qu'au juge qui ne peut avoir plus de droits que les parties elles-mêmes. Elle se prévaut de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, laquelle a réduit ce délai à 5 ans et soutient que les arguments soulevés au titre d'une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou du formalisme contractuel ne pouvaient donc être invoqués que jusqu'au 8 mars 2022, alors qu'ils l'ont été le 21 juin 2022.

Elle conteste toute déchéance du droit aux intérêts et fait valoir que le crédit a été contracté en agence si bien que seul l'article L. 312-16 du code de la consommation trouve à s'appliquer et qu'elle produit la fiche ressources et charges mais aussi les feuilles de paie de décembre 2016 et janvier 2017, qui avaient été remises par l'emprunteur lors de la souscription du crédit. Elle indique justifier également avoir consulté le fichier des incidents de remboursement des particuliers, qui avait fait ressortir l'absence d'inscription.

Elle relève que le réaménagement n'est pas un nouveau crédit et qu'elle n'avait pas à vérifier de nouveau la solvabilité ni à respecter le formalisme de l'offre préalable de crédit.

Elle s'estime bien fondée à obtenir les sommes qu'elle réclame y compris les intérêts contractuels.

Elle soutient que l'indemnité d'exigibilité anticipée, dont le montant est limité en fonction de la durée de remboursement du crédit, et donc proportionnée au préjudice subi par le prêteur du fait de la défaillance du débiteur, n'est pas manifestement excessive.

A titre subsidiaire, elle précise que M. [S] a réglé la somme de 10 510,22 euros au 3 novembre 2022 hors les frais de dossier de 12 euros mais que les échéances d'assurance échues restent dues car la déchéance du droit aux intérêts ne porte pas sur les cotisations d'assurance et qu'il reste devoir à ce titre 309,65 euros si bien qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts la somme due est de 4 799,43 euros.

Elle indique que seul le juge de l'exécution a le pouvoir de supprimer la majoration de 5 points car cette question relève de l'exécution puisque pour être appliquée, il faut une inexécution pendant 2 mois et que la perte des intérêts est suffisamment significative.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [S] à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 20 décembre 2022 délivré à personne et les conclusions par acte du 6 février 2023 délivré à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 26 mars 2024.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 27 mars 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 30 avril 2024.

Le 26 avril 2024, la banque a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle fait valoir :

- qu'aucun texte ne prévoit que la FIPEN soit signée et que sa seule obligation consiste à remettre cette fiche d'information,

- que jusqu'à l'arrêt du 7 juin 2023 visé dans l'avis, la Cour de cassation admettait que la remise d'un document constituant un fait juridique, il pouvait être prouvé par tous moyens et notamment par une clause de reconnaissance, et qu'il en était déduit, de manière constante, que la clause combinée à la production de la copie du document permettait à l'établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise du document sans qu'il soit nécessaire que ledit document soit signé par l'emprunteur,

- que l'exigence d'un document émanant du débiteur n'est requise qu'en matière de preuve des actes juridiques par l'article 1362 du code civil,

- que l'apposition de la signature de l'emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d'une copie du document,

- que la FIPEN soit ou non signée laisse à l'emprunteur la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n'est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant l'exemplaire qui lui a été remis,

- que l'arrêt du 7 juin 2023 apparaît en contradiction avec une position jusqu'alors clairement établie, qu'il ne peut qu'être analysé qu'en un arrêt d'espèce voire d'égarement isolé et ne saurait être suivi, étant rappelé que la loi a une valeur normative supérieure et que jusqu'alors la présente cour statuait différemment,

- que changer de jurisprudence conduirait à heurter gravement le principe de sécurité juridique et que cette règle ne peut au mieux valoir que pour l'avenir et ne saurait être appliquée rétroactivement car la banque n'était pas en mesure de prévoir cette exigence nouvelle,

- qu'il y a donc lieu de ne pas prononcer de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 8 mars 2017 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

Il précise que lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1.

Constitue un réaménagement et/ou un rééchelonnement au sens de ce texte, le contrat qui a pour seul objet de réaménager les modalités de remboursement d'une somme antérieurement prêtée, pour permettre, par l'allongement de la période de remboursement et l'abaissement du montant de l'échéance mensuelle, d'apurer le passif échu, pour autant qu'il ne se substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n'a pas été prononcée, qu'il n'en modifie pas les caractéristiques principales telles le montant initial du prêt et le taux d'intérêts et qu'il porte sur l'intégralité des sommes restant dues à la date de sa conclusion.

La recevabilité de l'action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce l'historique de compte fait apparaître que les mensualités ont été irrégulièrement remboursées jusqu'au mois d'avril 2018, que la déchéance du terme n'a pas été prononcée par la société Sogefinancement mais qu'un avenant a été signé par les parties le 24 avril 2018, lequel fait expressément référence à l'offre initiale, porte bien sur l'intégralité des sommes dues à la date du réaménagement selon l'historique de compte et le tableau d'amortissement produits et prévoit une baisse du montant des mensualités et par conséquent un allongement de la durée de remboursement, le taux nominal demeurant inchangé de même que toutes les conditions du prêt. Le point de départ de la forclusion est donc le premier impayé non régularisé postérieur à ce réaménagement.

Suite à ce réaménagement, l'historique de compte montre que :

- la première échéance à savoir celle du 5 juin 2018 n'a pas été payée à première présentation mais le 5 juillet 2018,

- les échéances d'août et septembre 2018 n'ont pas été payées même sur nouvelle présentation,

- le 17 septembre 2018, M. [S] a payé 197,05 euros par carte bancaire, régularisant l'échéance du mois d'août 2018 et les pénalités appelées,

- le 1er octobre 2018, M. [S] a payé 197,05 euros par carte bancaire, régularisant l'échéance du mois de septembre 2018 et les pénalités appelées,

- le 5 octobre 2018, l'échéance n'a pas été payée à première présentation, mais a été payée le 5 novembre 2018,

- les échéances des mois de novembre 2018 à février 2019 ont été réglées à bonne date,

- l'échéance du mois du 5 mars 2019 impayée à première présentation a été de nouveau impayée sur 2ème présentation,

- l'échéance du 5 avril 2019 a été réglée à bonne date régularisant l'échéance de mars 2019,

- le prélèvement du 15 avril est revenu impayé,

- le 3 mai un règlement par carte bancaire a régularisé l'échéance d'avril 2019,

- l'échéance du 5 mai 2019 a été impayée sur première et sur seconde présentation,

- l'échéance du 5 juin 2019 a été payée à bonne date et a régularisé celle du mois de mai 2019,

- le 1er juillet 2019, une somme de 214 euros a été réglée régularisant l'échéance de juin 2019 et toutes les pénalités de retard antérieures,

- l'échéance du 5 juillet 2019 a été impayée sur première et seconde présentation,

- l'échéance du 5 août 2019 a été payée à bonne date et a régularisé celle du mois de juillet 2019,

- l'échéance du 5 septembre 2019 a été impayée sur première et seconde présentation,

- le 1er octobre 2019 un paiement de 395,39 euros est venu régulariser les échéances des mois d'août et septembre 2019 et les pénalités de retard antérieures,

- les mensualités d'octobre et novembre 2019 ont été payées à bonne date,

- l'échéance du 5 décembre 2019 a été impayée sur première et seconde présentation,

- l'échéance du 5 janvier 2020 a été impayée sur première présentation,

- le 14 janvier 2020 un paiement de 394,13 euros est venu régulariser les échéances des mois de décembre 2019 et janvier 2020 et les pénalités de retard,

- l'échéance du 5 février 2020 a été impayée sur première et seconde présentation,

- l'échéance du 5 mars 2020 a été impayée sur première présentation,

- le prélèvement de 393,83 du 10 mars 2020 est revenu impayé,

- les échéances d'avril et mai 2020 ont été payées à bonne date régularisant l'échéance de février et une partie de celle de mars 2020 compte tenu de la facturation d'indemnités de retard,

- tous les prélèvements suivants sont revenus impayés.

Le premier impayé non régularisé doit donc être fixé au 5 mars 2020 et dès lors la société Sogefinancement qui a assigné le 10 février 2022 n'est pas forclose en sa demande et doit être déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

La prescription du moyen

La société Sogefinancement soutient que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à la date d'acceptation de l'offre et devant se terminer au 8 mars 2022 ne pouvait être soulevé le 21 juin 2022 par le juge.

La prescription est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Dans le rôle qui lui est conféré tant par l'article L. 141-4 (devenu R. 632-1) du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d'office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d'ordre public de ce code.

En l'espèce, le moyen soulevé d'office par le premier juge et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels n'a pas pour effet de conférer à l'emprunteur un avantage autre qu'une minoration de la créance dont la société Sogefinancement poursuit le paiement.

Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par le jeu d'une compensation qui supposerait une condamnation -qui n'est pas demandée- de l'organisme de crédit à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l'imputation des paiements faits par l'emprunteur.

En conséquence, il convient d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogefinancement.

La vérification de la solvabilité

L'article L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande prêteur et de consulter le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6.

Il résulte de l'article L. 341-2 que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Le contrat ayant été conclu en agence, l'article L. 312-17 du même code (anciennement L. 311-10) qui impose à la banque en cas de crédit de plus de 3 000 euros de corroborer les informations de la fiche par des pièces justificatives à jour au moment de son établissement par tout justificatif du domicile de l'emprunteur, tout justificatif du revenu de l'emprunteur et tout justificatif de l'identité de l'emprunteur ne s'applique donc pas. En imposant à la banque de communiquer ces pièces, le premier juge a donc ajouté au texte.

La société Sogefinancement produit devant la cour une fiche "charges ressources" qui mentionne les revenus de M. [S] à hauteur de 1 906 euros par mois et des crédits pour 120 euros par mois en sus des éléments relatifs à la vie quotidienne.

Elle démontre en outre avoir consulté le FICP le 8 mars 2017 soit avant la remise des fonds et produit le résultat.

Le réaménagement signé le 24 avril 2018 n'est pas un nouveau contrat de crédit et n'imposait pas une nouvelle vérification de solvabilité ni le respect du formalisme contractuel applicable au contrat initial.

Elle justifie ainsi avoir vérifié la solvabilité de M. [S] à partir d'un nombre suffisant d'informations au sens de ce texte et n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif.

La fiche d'informations précontractuelles

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, la production de la FIPEN remplie par le prêteur ne saurait suffire à corroborer cette clause car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective à M. [S] non représenté en appel, de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la société Sogefinancement qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée par M. [S] ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe, sans qu'elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n'est pas exigée par les textes ou que le fait que l'appréciation des éléments de preuves apportés ait pu être différente est de nature à heurter un principe de sécurité juridique.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur la déchéance du terme et les sommes dues

La société Sogefinancement produit en sus de l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'avenant de réaménagement, l'historique de prêt, les tableaux d'amortissement, la mise en demeure avant déchéance du terme du 24 juin 2020 enjoignant à M. [S] de régler l'arriéré de 575,74 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 22 juillet 2020 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que la société Sogefinancement se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 15 000 euros la totalité des sommes payées soit 10 510,22 euros au 3 novembre 2022 plus les frais de dossier de 12 euros soit un total de 10 522,22 euros, toutes les sommes versées devant être déduites. Il n'y a pas lieu de réintégrer des sommes au titre des cotisations d'assurance, la banque ne justifiant pas d'un mandat de recouvrement.

Le jugement déféré doit donc être infirmé sur le quantum.

M. [S] doit donc être condamné au paiement de la somme de 4 477,78 euros en deniers ou quittance pour les règlements postérieurs au 3 novembre 2022.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 312-39 du code de la consommation. La société Sogefinancement doit donc être déboutée sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan). Ceci peut parfaitement être apprécié par le juge du fond et ne relève pas de la compétence exclusive du juge de l'exécution.

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêts annuel fixe de 5,90 %.

Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal significativement inférieurs à ce taux conventionnel ne le seraient plus si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme soit le 22 juillet 2020 sans majoration de retard, le jugement étant confirmé sur ce dernier point et le fait que la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier est écartée étant précisé au dispositif.

Sur les autres demandes

La société Sogefinancement s'oppose à l'octroi de nouveaux délais et ne produit pas de décompte actualisé récent permettant de vérifier le respect ou non des délais octroyés par le premier juge. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qui concerne les délais qu'il a accordés.

Le jugement doit être aussi confirmé en ce qu'il a condamné M. [S] aux dépens de première instance et au paiement d'une somme de 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche rien ne justifie de le condamner aux dépens d'appel, alors qu'il n'avait fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait sur relevé d'office. La société Sogefinancement conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, accordé des délais, dit que le taux légal ne serait pas majoré et condamné M. [R] [S] aux dépens et au paiement d'une somme de 250 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ecarte la fin de non-recevoir ;

Déclare la société Sogefinancement recevable en sa demande ;

Condamne M. [R] [S] à payer à la société Sogefinancement la somme de 4 477,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2020 en deniers ou quittance pour les règlements postérieurs au 3 novembre 2022 ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Sogefinancement ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/17802
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.17802 ?
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