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30/05/2024 | FRANCE | N°22/17134

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 22/17134


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17134 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQBC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/04329





APPELANT



Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissanc

e 5] 1992 à [Localité 11] (78)

[Adresse 3]

[Localité 8]



représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assisté de Me Anne HELWASER, avocat au barre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17134 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQBC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 septembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/04329

APPELANT

Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissance 5] 1992 à [Localité 11] (78)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assisté de Me Anne HELWASER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2142

INTIMÉE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 28 décembre 2020, la société Cetelem aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance ci-après BNPPPF a consenti à "M. [Y] [T]" une offre préalable d'ouverture de crédit d'un montant maximal de 6 000 euros remboursable par fraction mensuelle.

À la suite d'impayés, la société BNPPPF a fait assigner M. [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris par acte du 19 mai 2022 en paiement des sommes restant dues au titre du contrat.

Suivant jugement réputé contradictoire du 12 septembre 2022 auquel il convient de se reporter, le juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels à compter du 28 décembre 2020, réduit l'indemnité de résiliation à un euro, écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, condamné M. [T] à payer à la banque la somme de 5 993,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, rejeté le surplus des demandes y compris celle de capitalisation des intérêts et condamné M. [T] aux dépens.

Après avoir examiné la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion de l'article R. 312-35 du code de la consommation et constaté la régularité de la déchéance du terme, le juge a déchu la banque de son droit aux intérêts pour n'avoir pas suffisamment vérifié la solvabilité de l'emprunteur en n'exigeant pas de lui ses relevés de compte bancaire.

Il a constaté qu'aucune somme n'avait jamais été réglée par l'emprunteur et a fait droit à la demande en paiement de la banque à hauteur de 5 993,50 euros en ce compris l'indemnité de résiliation réduite à 1 euro compte tenu de son caractère excessif. Il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts.

Afin de rendre effective et dissuasive la sanction prononcée, il a écarté l'application de la majoration du taux légal prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Par une déclaration enregistrée le 5 octobre 2022, M. [T] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions numéro 2 remises le 12 avril 2023, M. [T] demande à la cour :

- de le déclarer recevable et bien-fondé en son appel, et y faisant droit,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamné à verser à la banque la somme de 5 993,50 euros au titre du capital restant dû,

- de débouter la société BNPPPF de ses demandes, fins et conclusions,

- d'ordonner le remboursement des sommes versées au titre de la condamnation et des frais d'huissier y afférents d'un montant de 6 202,71 euros avec intérêt au taux légal à compter de leur paiement,

- de condamner la société BNPPPF à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral,

- de condamner la société BNPPPF à verser à Mme [B] [K] la somme de 3 000 à titre de dommages et intérêts en sa qualité de victime par ricochet au titre de son préjudice moral,

- de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Il conteste formellement être le signataire du contrat.

Il explique avoir enregistré une pré-plainte en ligne pour des faits d'escroquerie puis une plainte au commissariat du [Localité 2] le 5 octobre 2022. Il soutient avoir été victime d'une usurpation d'identité et explique que ses données ont probablement été utilisées à partir des pièces qu'il a communiquées à de nombreuses personnes par internet dans le cadre d'une recherche de logement sur [Localité 12]. Il prétend ne jamais avoir habité au [Adresse 6], adresse mentionnée au contrat et que l'adresse email POLBLET176@GMAIL.COM n'a jamais été la sienne, que ces informations erronées sont également reprises sur la fiche de renseignements Cetelem. Il précise également que le numéro de téléphone portable indiqué sur la fiche de renseignements n'a jamais été le sien, que sur son avis d'imposition établi en 2020, l'usurpateur a pris soin de falsifier le compte à débiter mais a conservé son adresse au [Adresse 7] qui était sa véritable adresse. Il sollicite une comparaison de la signature figurant sur son contrat de travail ou sa carte d'identité, avec celle du contrat qui est selon lui falsifiée par l'usurpateur et totalement inventée et frise même le ridicule pour un adulte tant elle est enfantine. Il déplore qu'aucun conseiller bancaire n'ait pris la peine de vérifier la véracité d'au moins une des informations fournies par l'emprunteur, à savoir fausse adresse postale, fausse adresse mail, faux numéro de téléphone, fausses coordonnées bancaires, fausse signature. Il ajoute que l'organisme prêteur aurait pu constater qu'à la date d'établissement de sa déclaration de revenus le 7 juillet 2020, il habitait au [Adresse 7] alors que sur la fiche de renseignements Cetelem l'usurpateur a déclaré habiter [Adresse 6] depuis le mois de janvier 2020.

Il note que le juge a très justement fait grief à la banque de ne pas avoir produit le relevé bancaire de l'emprunteur lequel aurait permis de vérifier la véracité des informations bancaires.

Il indique que son revenu net mensuel est de 2 295,89 euros, qu'ainsi sa condamnation équivaut approximativement à un trimestre de revenus, que cela a eu des conséquences sur son quotidien, que lui et sa compagne ont dû se restreindre sur leurs courses d'alimentation, qu'il a dû suspendre son abonnement à la salle de sport, qu'aucune sortie n'est envisageable alors qu'ils sont tous les deux férus de théâtre et d'opéra. Il ajoute qu'ils avaient prévu de déménager à [Localité 10] début 2023, que le fichage Banque de France ainsi que les frais engagés dans le cadre de ce contentieux ont totalement remis en question leur projet immobilier et les empêchent d'envisager l'achat d'un bien immobilier ensemble, alors que les sommes payées au titre de la condamnation, des frais d'huissier et d'avocats ont mis un coup d'arrêt à de nombreux projets personnels.

Il précise que malgré les justifications qu'il a communiquées à la Banque de France, il est toujours sous le coup d'un fichage aux fichiers nationaux de la Banque de France, puisque la levée du fichage ne peut être effective avant la fin de la procédure judiciaire ce qui a pour conséquence son interdiction d'émettre des chèques et/ou de payer par carte bancaire et des difficultés d'accès aux banques et organismes de crédit. Il indique que cet incident a eu d'importantes répercussions sur son couple, qu'ils ont dû renoncer à un projet de voyage prévu pour ses 30 ans, que sa compagne est depuis lors extrêmement anxieuse et a ressenti le besoin d'être suivie par une psychologue.

Il estime être en droit d'obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la condamnation prononcée et des frais d'huissier pour un total de 6 202,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du versement de ces sommes outre l'indemnisation d'un préjudice d'agrément à hauteur de 4 000 euros et de 4 000 euros pour son préjudice moral.

Il estime qu'il convient en outre d'allouer à Mme [K] en qualité de victime par ricochet, la somme de 3 000 euros équivalent à son préjudice psychologique et aux sommes déboursées pour son suivi par une psychologue.

Il fait valoir que la banque est mal venue de solliciter la condamnation assortie des intérêts le cas échéant majorés. Il rappelle que le prêteur fautif a omis de réclamer au candidat souscripteur ses relevés bancaires laissant ainsi à l'usurpateur-emprunteur toute latitude pour se faire verser des fonds sur un compte bancaire imaginaire, que la société Cetelem a fait preuve d'un laxisme avéré, qu'aucune information n'a été communiquée par le prêteur sur l'identité du détenteur du compte bancaire sur lequel les fonds ont été versés, qu'aucun contrôle n'a été effectué sur la véracité des pièces communiquées, alors que les documents sont des faux patents, tant l'adresse postale, que le téléphone, que l'adresse email sont inventées et la signature utilisée à plusieurs reprises est ridiculement apocryphe.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 15 février 2023, la société BNPPPF demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, en ce qu'il a réduit l'indemnité sollicitée au titre de la clause pénale à 1 euro, en ce qu'il a écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, en ce qu'il a limité la condamnation à la somme de 5 993,50 euros au titre du capital restant dû et de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision sans application de la majoration légale de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes, en ce compris sa demande de condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 6 840,19 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,67 % l'an à compter du 28 mars 2022, sa demande de capitalisation des intérêts, sa demande de condamnation au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [T], à tout le moins, les rejeter comme infondées,

- statuant à nouveau sur les chefs critiqués,

- de débouter M. [T] de sa contestation afférent à une usurpation d'identité,

- de rejeter le moyen soulevé par le juge des contentieux de la protection tiré d'une déchéance du droit aux intérêts contractuels et de dire et juger n'y avoir lieu au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée et subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit avec effet au 28 mars 2022,

- en tout état de cause, de condamner M. [T] à lui payer la somme de 6 840,19euros majorée des intérêts au taux contractuel de 9,67 % l'an à compter du 28 mars 2022 sur la somme de 6 360,59 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du crédit,

- subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de le condamner à la somme de 5 993,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2022,

- en tout état de cause, d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article L. 312-74 du code de la consommation et de l'article 1343-2 du code civil à compter du 19 mai 2022, date de l'assignation,

- de déclarer irrecevable la demande de M. [T] en condamnation de la société BNPPPF à payer la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts à Mme [B] [K], à tout le moins, la rejeter la demande comme infondée,

- de rejeter les demandes de condamnation à payer la somme de 4 000 euros à titre de réparation d'un préjudice d'agrément et de 4 000 euros à titre de réparation d'un préjudice moral,

- de rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions,

- de condamner M. [T] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selarl Cloix & Mendes-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société BNPPPF soutient que l'usurpation d'identité n'est pas prouvée, qu'à l'appui de ses allégations, M. [T] se contente de produire des copies écran de ses réponses à des offres de location mais ne justifie pas d'un envoi effectif de pièces en réponse aux demandes de location, ni des pièces qu'il aurait adressées et que lesdites pièces seraient celles qui ont été produites lors de la souscription du contrat de crédit. Elle observe que les pièces qu'il produit à la procédure ne sont pas strictement identiques à celles qui ont été communiquées dans le cadre de la souscription du contrat de crédit, que certaines pièces communiquées à la banque ne figurent pas parmi celles que M. [T] dit avoir adressées dans ses réponses aux annonces, ce qui tend à contredire l'argumentaire.

Elle estime sa créance fondée en son principe et en son quantum. Elle estime que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, elle justifie avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteur au vu de la fiche de dialogue produite aux débats, corroborée par les justificatifs de revenus produits, consistant dans les fiches de paie d'octobre et novembre 2020, ainsi que l'avis d'imposition 2020. Elle rappelle qu'il ressort de l'application même des textes du code de la consommation que l'exigence de pièces justificatives dont la liste est fixée par décret n'est requise qu'en cas de crédit conclu à distance ou crédit conclu sur le lieu de vente, et que s'agissant d'un prêt conclu en agence, c'est l'article L. 312-16 du code de la consommation qui s'applique et que le premier juge ne pouvait donc lui faire grief de ne pas produire le relevé bancaire de l'emprunteur, pièce qui n'est nullement requise par la réglementation.

Elle conteste toute privation de son droit à intérêts et demande la capitalisation desdits intérêts.

Elle indique qu'à supposer que l'usurpation d'identité soit avérée, M. [T] n'établit pas de faute de la banque, alors que celle-ci a recueilli l'ensemble des pièces requises par la réglementation et remarque que c'est M. [T] qui est à l'origine exclusive de son préjudice de par son comportement relevant de la légèreté blâmable puisqu'il reconnaît avoir communiqué des documents afférent à sa situation personnelle et financière sur un site réputé pour les risques de fraude, le site "Le Bon Coin", sans même procéder à aucune vérification d'usage concernant l'identité du destinataire des documents. Elle ajoute qu'il ne justifie pas du préjudice d'agrément et du préjudice moral allégués.

Elle indique que Mme [K] n'est pas partie à l'instance et que M. [T] n'a donc pas qualité pour former une demande de dommages et intérêts en lieu et place de celle-ci de sorte que la demande doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir sur le fondement des articles 32 et 122 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au regard de la date de conclusion du contrat, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version postérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

La recevabilité de l'action du prêteur admise par le premier juge ne fait pas l'objet de contestation de sorte qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point sauf à la préciser au dispositif du présent arrêt.

Si dans le dispositif de ses écritures, la société BNPPPF demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [T], à tout le moins, de les rejeter comme infondées, elle ne soutient aucun moyen d'irrecevabilité mis à part celui tiré de l'irrecevabilité des demandes formées au nom de Mme [K] de sorte qu'il ne sera pas statué spécifiquement sur ce point.

Sur la dénégation de signature

M. [T] soutient que la signature apposée sur le contrat dont se prévaut la société BNPPPF n'est pas la sienne et a été falsifiée et il réclame une vérification d'écriture.

Il doit être constaté que M. [T] n'était ni comparant ni représenté en première instance, qu'il avait fait l'objet d'une assignation devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris à une adresse au [Adresse 6], dont il n'est pas contesté qu'elle n'a jamais été la sienne et qu'il a eu connaissance du jugement par le biais d'une signification effectuée à son domicile actuel dans le [Localité 4]. Il justifie avoir d'abord enregistré une pré-plainte en ligne le 22 septembre 2022 contestant être le signataire du contrat de crédit puis avoir déposé plainte le 5 octobre 2022 auprès des services du commissariat du [Localité 2] pour usurpation d'identité, faisant état de ce que l'adresse figurant au contrat n'avait jamais été la sienne et expliquant qu'il avait communiqué de nombreuses données personnelles en ligne lors d'une recherche d'appartement.

Il produit à titre de spécimen d'écriture, une copie de sa carte nationale d'identité délivrée le 5 mars 2009 et valable 10 ans et la copie d'un contrat de travail à durée indéterminée établi le 3 septembre 2020.

En application de l'article 1373 du code civil, la partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Dans ce cas, il y a lieu à vérification d'écriture.

En application des articles 287 et suivants, le juge vérifie l'acte contesté et procède à la vérification au vu des éléments dont il dispose.

En l'espèce, la société BNPPPF se prévaut d'une offre de crédit acceptée le 28 décembre 2020 par M. [Y] [T], domicilié "[Adresse 6]". La signature de l'emprunteur est apposée sur l'offre préalable, sur la fiche de renseignements, sur la fiche explicative et sur la fiche d'informations précontractuelles (FIPEN).

La vérification opérée sur les pièces produites démontre une différence flagrante entre la signature apposée sur le contrat de crédit et ses annexes et celle de M. [T] apposée sur sa pièce d'identité ou sur son contrat de travail ou encore celle apposée par lui le 5 octobre 2002 sur la plainte. En effet, sur le contrat et ses annexes il peut être distingué très nettement les lettre "b,l,e,t" alors que sur les trois autres exemplaires de signature ce sont les lettre "p,o,l" qui se distinguent très nettement. Il est manifeste au regard de ces éléments que ce n'est pas la signature habituelle de M. [T] qui a été apposée sur le contrat de crédit.

L'adresse email "[Courriel 13]" et le numéro de téléphone portable figurant sur la fiche de renseignements ne sont manifestement pas ceux de M. [T], en tous cas ne correspondent pas aux coordonnées qu'il a communiquées lors de sa recherche de logement via le site Internet "Le Boncoin" comme en attestent les captures d'écran qu'il communique pour la période du 9 au 11 novembre 2020.

Il doit être constaté que parmi les pièces communiquées par la banque comme ayant été remises par le candidat à l'emprunt, figurent une facture EDF du 1er décembre 2020 au nom de M. [T] ayant pour adresse le "[Adresse 6]", deux bulletins de salaire à son nom des mois d'octobre et novembre 2020 également à cette adresse et son avis d'imposition sur les revenus de 2019 établi en 2020 mentionnant une adresse au "[Adresse 7]".

Il n'est pas contesté que M. [T] demeurait à l'époque du contrat au [Adresse 7], que c'est bien cette adresse qui figure à son contrat de travail à effet au 1er septembre 2020 de sorte qu'il existe une incohérence entre les pièces justificatives remises à la banque en vue de l'obtention du crédit, élément qui aurait dû alerter l'établissement de crédit et le pousser à des vérifications complémentaires, d'autant qu'il n'est pas démontré que la banque ait exigé du candidat à l'emprunt la production d'une pièce d'identité ou de tout autre document qui lui aurait permis d'effectuer une vérification même sommaire de la signature ou des coordonnées de l'impétrant et alors qu'aucun élément n'est produit quant aux références bancaires ayant permis de débloquer les fonds et de faire fonctionner le compte.

L'ensemble de ces éléments permet de dire que M. [T] n'est pas le signataire du contrat et accrédite l'existence d'une usurpation d'identité sans qu'il soit possible de dire comme l'indique M. [T], qu'elle a pu être réalisée au gré de la communication de ses données personnelles effectuées par Internet dans le cadre de sa recherche de logement.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer le jugement ayant condamné M. [T] au titre du contrat de crédit et de débouter la société BNPPPF de l'intégralité de ses demandes en paiement au titre du contrat de crédit n° 4185 832 679 1100 validé le 28 décembre 2020.

Il convient de rappeler que l'intimée reste redevable de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé.

La cour rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur ce point.

Sur les demandes d'indemnisation des préjudices

M. [T] sollicite l'indemnisation de ses préjudices d'agrément et moral.

Il invoque les nombreux frais et sommes à payer au titre de la condamnation ayant mis un coup d'arrêt à de nombreux projets (voyages, cadeaux d'anniversaire, déménagement sur [Localité 10], abonnement salle de sport notamment) alors que son salaire est modeste outre l'ensemble des désagréments liés à cette mésaventure, outre son fichage à la Banque de France dont il a été l'objet.

Il résulte de ce qui précède que la société BNPPPF sous l'enseigne Cetelem n'a pas fait preuve de suffisamment de diligences afin de vérifier l'identité de son co-contractant et la véracité des pièces communiquées alors que des incohérences étaient manifestes. Elle doit donc indemniser M. [T] sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Le préjudice d'agrément en tant que tel n'est pas démontré. En revanche, M. [T] a subi de nombreux désagréments depuis deux ans liés à la poursuite initiée par la banque, il a dû exposer de nombreux frais dans le but de pouvoir se défendre, et surtout a fait l'objet d'un fichage à la Banque de France pendant plusieurs mois avec interdiction d'émettre des chèques et de payer par carte bancaire et restriction d'accès au système bancaire et au crédit. Son préjudice sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 2 500 euros.

La demande d'indemnisation formée pour le compte de sa compagne Mme [K] doit être déclarée irrecevable, M. [T] n'ayant pas qualité pour former cette demande, Mme [K] n'étant pas partie à la présente instance.

Sur les autres demandes

Le jugement qui a condamné M. [T] aux dépens de première instance doit être infirmé et la société BNPPPF doit être condamnée aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.

Le jugement est en revanche confirmé en ce qu'il a débouté la société BNPPPF de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

La société BNPPPF est condamnée à payer à M. [T] une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf quant à la recevabilité de l'action et au rejet de la demande au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société BNP Paribas personal finance de l'intégralité de ses demandes relatives à un contrat de crédit n° 4185 832 679 1100 validé le 28 décembre 2020 ;

Rappelle que la société BNP Paribas personal finance est redevable de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;

Déclare irrecevable la demande d'indemnisation formée pour le compte de Mme [B] [K] ;

Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à M. [Y] [T] une somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral ;

Rejette le surplus des demandes indemnitaires ;

Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à M. [Y] [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/17134
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.17134 ?
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